Julia R.
 
 

 

Claudia Joy venait de rentrer. Elle avait été étonnée de trouver chez elle Lily, Katy et Michael discutant tranquillement dans son salon, une tasse de thé à la main. Michael les avaient laissé seules toutes les deux, emmenant Katy avec lui pour leur permettre d’être au calme et montrant ainsi, par la même occasion à la fillette comment s’amuser dans son bureau.

Lily avait raconté ce qu’il s’était passé avec Frank. L’amie de sa mère leur avait permis de rester chez elle quelques temps avant qu’elles n’emménagent et elle avait tenté de téléphoner à Denise pour la prévenir. Mais la jeune femme avait coupé son portable et ne l’avait pas allumé de la soirée. Claudia Joy ne sut si elle avait entendu les messages qu’elle lui avait laissés. Il lui sembla préférable cependant de ne pas l’appeler chez elle, au cas où elle tomberait sur Frank ou au cas où ils auraient enfin cette discussion à propos de Lily. Elle se contenta donc de lui dire que la jeune femme et sa fille se trouvaient chez elle, en sécurité.

Lily fut ravi d’apprendre par Claudia Joy que le lendemain, une famille avec trois enfants déménageaient de la base. Le mari, Sergent artilleur, était muté sur la Côte Ouest. Les enfants avaient grandi et ils en profitaient par la même occasion pour se séparer de quelques meubles. Ainsi, Claudia Joy leur avait parlé de la jeune femme et il était donc convenu qu’elle rencontre la femme du couple pour pouvoir choisir ce qui pourrait lui plaire pour son futur appartement.

Lily la remercia une fois de plus pour tout ce qu’elle faisait pour elle et lui proposa de lui faire le diner. Claudia Joy accepta avec joie et toutes deux se mirent donc au travail. La tension était néanmoins palpable chez Lily, Claudia Joy le remarqua rapidement. Elle était anxieuse et nerveuse. Elle l’avait alors rassurée du mieux qu’elle le pouvait. Denise ne ferait pas marche arrière, elle le savait, elle la connaissait trop bien pour se tromper. Mais Lily restait méfiante.

Pendant que les deux femmes préparaient le dîner, Emmalin rentra du lycée. Elle les salua brièvement et regagna sa chambre d’un pas lourd. Claudia Joy soupira bruyamment et Lily se demanda s’il elle ne pouvait pas l’aider comme elle, le faisait depuis des mois.

-Eh bien, lui répondit Claudia Joy, elle est à un âge où nous avons un peu de mal à lui parler son père et moi. Mais qui mieux que nous peut l’aider? Nous sommes ses parents.

-C’est peut être le problème, elle voudrait peut être parler à d’autres personnes qu’à ses parents. On ne peut pas tout dire à ses parents, alors on préfère parler de nos soucis avec d’autres personnes, des amis, des frères et sœurs.

-Sa sœur n’est plus là et je sais que ça la peine beaucoup, elles étaient proches toutes les deux, même si elles étaient fréquemment en conflit…comme toutes les sœurs, finit-elle dans un murmure.

-Je ne peux qu’imaginer, j’ai été fille unique.

-Mais tu vas sans doute bientôt rencontrer ton frère, lorsqu‘il rentrera lui aussi..

-Oui, j’avoue que ça me fait un peu bizarre de me dire que j’ai un petit frère, dit-elle en souriant, je ne connais rien aux relations frères et sœurs.

-Je suis sûre que tu apprendras vite.

- Oui, s’il m’accepte.

-Il le fera, je le sais. N’aies crainte…dis-moi, tu te fais toujours autant de soucis?

-Oh oui, ce n’est pas peu dire, c’est dans ma nature, je me suis toujours fait beaucoup de soucis.

-Tiens, tu ressemble à une personne que je connais, murmura Claudia Joy en souriant.

-Vraiment?

-Oh oui, crois-moi et je la connais bien, je sais ce que je dis.

Lily lui sourit en retour et se concentra sur la table qu’elle était en train de préparer.

-Si vous le voulez, je pourrais parler avec Emmalin après le dîner, vous vous sentirez peut être rassurés, reprit -elle.

-Tu crois que tu pourras lui faire dire ce qui la tracasse ces derniers jours?

-Je suis un peu plus âgée qu’elle mais pas tant que ça, je pense qu’elle se confiera à moi, nous avons déjà un peu parlé la première fois que je l’ai rencontré et nous avons bien accroché toutes les deux.

-Merci Lily.

-C’est bien normal, vous nous avez beaucoup aidé ma fille et moi, je ne fais que retourner l’appareil.

Elles restèrent une nouvelle fois silencieuses quelques temps avant que Claudia Joy ne reprenne à nouveau la parole.

-Je peux te poser une question Lily?

-Oui, bien sûr, allez y.

-Est-ce que tu voudrais avoir d’autres enfants après Katy?

-Oui…oui j’aimerai avoir d’autres enfants, dans quelques années, j’aimerai que Katy ait des frères et sœurs, j’aimerai qu’elle vive au sein d’une vraie famille dans une belle maison avec une barrière qui entoure le jardin et un homme qui la fasse rire et jouer au ballon. J’aimerai tout ça pour ma fille mais…il faudra encore attendre des années, et pour l’instant je ne suis pas prête à faire confiance à qui se soit pour construire une vie de famille…et puis, j’ai encore des choses à régler, je suis encore jeune après tout.

-Oui, je comprends…dans tous les cas, je te souhaite d’être heureuse et Katy aussi, et je suis sûre que tu feras une bonne mère de famille, Katy en est d’ailleurs la preuve vivante.

-Merci beaucoup de me dire ça, il m’arrive d’en douter par moments.

-Eh bien, tu ne devrais pas, crois-moi, dit-elle en lui faisant un clin d’œil.

Lily lui sourit en retour et avant qu’elle n’ait eu le temps de répondre quoi que se soit, un boulet de canon arriva en courant et se cacha derrière ses jambes en riant. Michael arriva lui aussi en courant et ria aux éclats.

-Je vais t’attraper Katy, attention…Dit il en s’avançant doucement.

La fillette rit une nouvelle fois et se cacha un peu plus derrière Lily. Claudia Joy se tourna vers la jeune femme.

-Eh bien, ils s’entendent bien ces deux là.

-Il s’emblerait en effet, répondit Lily en souriant.

-Chéri, on va passer à table, tu veux bien aller appeler Emmalin s’il te plait.

-Oui, j’y vais, répondit Michael sur un ton plus sérieux et en se redressant.

-Katy, lança Lily en la regardant, vas te laver les mains, on va passer à table.

-Oui, regarde maman, c‘est comme ça qu’on fait.

Elle s’éloigna de la jeune femme et se redressa. Elle porta sa main droite à coté de sa tête et resserra les jambes. Elle lui sourit et ne bougea plus d’un cil, se tenant droit comme un ‘I‘ au centre de la pièce. Lily la regarda avec des yeux ronds.

-C’est bien Katy, dit-elle après quelques temps, tu peux y aller maintenant, tu sais faire un parfait garde-à vous, c’est Michael qui te l’a appris?

La fillette ne bougea pas et Lily se tourna vers le Commandant.

-Dites-lui « repos » et elle devrait bouger, souffla t -il en souriant.

Lily se tourna vers sa fille et se pencha vers elle.

-Repos soldat.

Katy s’exécuta et s’éclipsa hors de la pièce pour aller se laver les mains avant de passer à table.

-Elle apprend très vite, lui dit Michael avant de partir lui aussi appeler sa fille.

-Oui, je sais, soupira Lily pour elle-même, un peu trop parfois.

Ils passèrent à table tous les cinq dans une ambiance un peu particulière. Emmalin parlait peu et Katy continuait de s’amuser discrètement avec Michael. Lily, elle, était perdue dans ses pensées, seule Claudia Joy voyait ce qu’il se passait, elle en était ravie. Elle avait l’impression que Lily et Katy faisaient partie de sa famille. Et à cet instant, elle savait que Frank et Jeremy finiraient par accepter la jeune femme et la fillette. Il ne pouvait en être autrement, du moins elle l’espérait de tout cœur.

 

Le repas se termina tranquillement, comme il avait commencé. Emmalin fila rapidement dans sa chambre. Katy rejoignit le salon avec Michael et s’endormit après quelques courtes minutes, la tête posée sur son épaule. Claudia Joy et Lily se chargèrent de la vaisselle et rejoignirent le salon elles aussi. Lily regarda sa fille un moment assoupie contre le Commandant.

-Je devrais aller la mettre au lit, dit-elle sans la quitter des yeux.

-Elle est épuisée en effet, répondit doucement Michael.

-Oui, je l’ai fait beaucoup marché et j’ai l’impression qu’elle s’est également bien dépenser avec vous Michael.

-Oui, nous avons beaucoup bougé, j’ai eu l’impression de me retrouver des années plutôt avec mes filles.

-Voyez vous ça, lança Claudia Joy en souriant.

Ils rirent tous les trois et Lily se dirigea vers la fillette. Elle la prit tendrement contre elle. Katy bougea mais ne se réveilla pas. La jeune femme se tourna vers son amie.

-Viens je vais te montrer où tu peux la coucher.

Lily acquiesça et la suivit jusqu’à l’étage où elles regagnèrent une chambre à coucher. Lily déposa la petite fille sur le lit et lui enleva ses chaussures, son pantalon et son pull-over. Katy se réveilla et Lily la fit se rendormir immédiatement.

-Dors Katy, tu es fatiguée, maman t’as mise au lit.

Katy lui tendit les bras pour une tendre étreinte, puis, Lily retira les draps et la mis à l’intérieur avant de la recouvrir avec délicatesse. Elle caressa tendrement le front de sa fille, qui avait refermé les yeux, et déposa un doux baiser sur sa joue.

-Bonne nuit mon cœur, murmura Lily, fais de beaux rêves petit ange.

Elle se redressa et s’éloigna. Claudia Joy et Lily quittèrent la pièce après un dernier regard vers la fillette et Lily ferma la porte derrière elles. Elles passèrent devant la chambre d’Emmalin dont la porte était restée entrouverte. Lily arrêta Claudia Joy et lui parla doucement.

-Je peux aller parler à votre fille?

-Oui, vas y je t’en prie, j’espère que ça ira mieux chez elle après.

-Je vais essayer, dit-elle en souriant.

Claudia Joy acquiesça et descendit, laissant Lily seule dans le couloir. Elle se tourna vers la porte en bois et frappa deux coups. Elle entendit la voix de la jeune fille s’élever de la chambre et elle y pénétra, refermant la porte derrière elle. Elle s’avança vers Emmalin.

-Je peux? Demanda-t-elle en désignant la place libre sur le lit à coté d’elle.

-Oui.

-Comment ça va Emmalin?

-Ca va.

-Mm, tu es sûre? Il n’y a pas quelque chose qui te tracasse?

-C’est maman qui t’as demandé de me parler, c’est ça?

-Non, je lui ai proposé de le faire, mais parce qu’elle s’inquiète pour toi en ce moment.

-Ouais…

-Tu en doute?

-Non, soupira-t-elle en fermant les yeux.

-Eh bien alors, dis moi ce qui se passe, du moins dis moi si ce n’est pas grave au moins?

-Nooon, pourquoi ce serait grave?

-Je ne sais pas, tu ne dis rien.

-Ecoute, laisse tomber, d’accord?

-D’accord, lança Lily en se levant, si tu ne veux pas en parler je ne t’oblige pas je sais ce que s’est d’avoir des secrets, mais je sais aussi que parfois on ne parle pas de choses qui nous font mal et dont on devrait parler…Quoiqu’il en soit, si tu as envie de te confier à quelqu’un, je suis là et je n’en parlerai pas à tes parents si c’est dont tu as peur.

Elle se retourna et s’apprêta à quitter la pièce lorsqu’Emmalin reprit la parole.

-C’est un garçon, dit-elle timidement.

Lily la regarda à nouveau et revint s’assoir sur le lit.

-Il est très mignon et j’ai vraiment envie de sortir avec lui, mais…il est plus vieux et surtout c’est un soldat.

-Beaucoup plus vieux?

- Il a dix neuf ans.

-Ah…ça va encore, lança Lily en levant les yeux au ciel.

-Tu connais pas mes parents! Et puis surtout je n’ai pas le droit de sortir avec un garçon placé sous le commandement de mon père.

-Tu n’as pas le droit de faire ça?

-Disons que ça ne se fait pas.

-Ah d’accord, excuse-moi j’ignore beaucoup de choses sur l’armée et ce genre de truc. C’est un monde que je ne côtoie que depuis peu de temps.

-Tu as de la chance, moi j’en ai par-dessus la tête.

-Pas facile tous les jours, c’est ça?

-Ouais.

-Eh bien pour ton garçon , je ne sais pas trop quoi te conseiller je l’avoue, le fait qu’il soit dans l’armée ne me permets pas de te dire comment faire, en revanche pour l’âge… eh bien…maquille toi un peu si tu veux qu’il s’intéresse à toi, tu fera un peu plus âgé peut être…enfin, s’il t’intéresse vraiment bien entendu.

-Oui, je crois, mais il est plus vieux.

-Où est le problème? Il n’est pas majeur c’est l’essentiel, et puis un garçon plus âgé, c’est plutôt pas mal…

-Tu parles en connaissance de cause? Demanda Emmalin en souriant.

-Euh…oui, un peu j’ai connu des hommes plus âgés.

-Et alors? Demanda la jeune fille en se redressant.

-Aaah, je vois que ça t’intéresse! Eh bien…alors en fait avec les hommes plus âgés, tu as l’impression d’être sur la même longueur d’onde, les plus jeunes sont immatures la plupart du temps et puis ils croient tout savoir c’est énervant.

-Je peux te poser une question?

-Oui, vas -y.

-Tu as connu beaucoup de garçons? Tu es jeune et tu as une petite fille...

-J’ai connu pas mal d’hommes , des hommes que je n’aurai pas dû connaitre et avec qui je n’ai pas aimé avoir des relations, répondit Lily en regardant le sol, tous étaient plus âgés, de peu ou de beaucoup, mais, le seul homme que j’ai aimé, avait mon âge et c’est le père de Katy.

-Qu’est-ce qu’il t’es arrivé? Demanda Emmalin plus sérieusement.

-Des choses dont je préfère ne pas te parler, parce que je n’en ai parlé à personne et que ce sont des souvenirs douloureux.

-Pourquoi avoir fais toutes « ces choses » que tu regrettes?

-Pour ma fille, dit-elle en la regardant à nouveau, tu serais impressionné de voir ce qu’une mère ferait pour son enfant.

Emmalin baissa les yeux et soupira.

-Emmalin, reprit Lily, fait ce que tu veux de ta vie, sors avec ce garçon si tu le veux, mais fais le si tu le veux vraiment, personne ne peut te forcer à faire une chose que tu ne veux pas vraiment.

-Mais toi, tu ne voulais pas et pourtant tu l’as fait.

-Oui, je l’ai fait pour Katy, on peut faire des choses qui ne nous font pas plaisir si la cause que nous servons est juste, pour faire le bien à des personnes qu’on aime…Mais crois-moi, on le regrette après quelques temps.

-Oui, je crois que je comprends.

-J’en suis ravie, dit-elle en souriant.

-Merci Lily.

-Ca va mieux?

-Oui.

-Alors je suis encore plus ravie, dit-elle en riant.

-Tu crois que je devrais parler de Luc à mes parents?

-Oui, je pense, quand tu auras décidé si tu veux vraiment sortir avec lui , il faudrait que tu leur en parle.

-Merci, j’ai vraiment l’impression de parler avec une sœur quand je suis avec toi.

-C’est très gentil, sache que moi j’aurais été ravie d’avoir une petite sœur comme toi.

Elles se sourirent et s’étreignirent un moment avant que Lily ne quitte la pièce après lui avoir souhaité une bonne nuit. Elle rejoignit le salon où elle trouva la couple enlacé sur le canapé. Elle les rassura en leur disant que tout allait bien chez leur fille qu’ils ne devaient pas s’en inquiéter mais qu’elle ne pouvait pas leur dire ce de quoi elles avaient parlé toutes les deux. Lily prit un dernier thé avec Claudia Joy et Michael et regagna la chambre d’ami pour une nuit de repos. Elle s’endormit rapidement bien qu’étant encore inquiète pour son avenir avec Denise et la réaction qu’aurait Frank en apprenant son existence.

 

 

 

La jeune femme s’était levée depuis de longues minutes déjà. Elle avait regardé l’homme qui se trouvait couché à côté d’elle, dormant paisiblement, serrant ses bras autour de sa taille. Ensuite, elle s’était levée et avait passé un déshabillé en soie blanche. Elle avait regardé Frank encore quelques temps, sentant son cœur s’alourdir, ses remords refaire surface. Elle avait quitté la pièce, sentant les larmes lui monter aux yeux doucement. Elle avait fait le petit déjeuner pour se changer les idées, mais les dessins de Katy qui se trouvaient sur le réfrigérateur lui rappela une fois de plus ce qu’elle pouvait gagner et surtout perdre. Elle sourit en regardant avec intérêt le dessin de la petite fille, celui où elle se trouvait entre Denise et Lily. Denise se remit au travail sans chasser ses idées noires et sa trahison de son esprit.

Elle préparait la table lorsqu’elle sentit deux mains calleuse sur ses hanches. Frank déposa un doux baiser dans sa nuque et se redressa.

-Bonjour chérie.

-Tu as bien dormi? Lui demanda Denise sans se retourner.

-Oui, c’était parfait. J’ai beaucoup aimé dormir dans tes bras et sentir ton parfum.

-Seulement ça?

Il s’éloigna en souriant et s’approcha de la table pour s’y asseoir. Il était habillé et semblait serein et heureux.

-Oh non, j’ai aimé beaucoup plus que seulement ça, dit-il en souriant.

Denise ne répondit pas et servit le café. Elle s’assit en face de Frank qui ne la quittait pas des yeux. A présent, l’inquiétude avant fait son apparition. Il savait qu’il s’était passé quelque chose en son absence, il avait préféré ne pas en parler la veille mais il avait parfaitement vu. Il connaissait dans les moindres détails le corps de son épouse, et cette cicatrice en bas de son dos ne s’y trouvait pas lorsqu’il avait quitté les Etats Unis la dernière fois. Il soupira et prit la parole.

-Denise?

-Mm; grommela-t-elle sans le regarder.

-Chérie, regarde moi s’il te plait.

Elle leva les yeux vers lui et il lui prit tendrement la main.

-Que s’est -il passé pendant mon absence?

-Qu’est-ce qui te fait croire qu’il s’est passé quelque chose?

-J’ai vu la cicatrice en bas de ton dos et je te connais, quelque chose te tracasse. Est-ce que tu as eu un accident dont tu ne veux pas me parler?

-Frank, hier soir je t’ai dit que j’avais une chose importante à te dire…

-C’est ça? Tu as eu un accident? Pourquoi tu ne me l’as pas dit?

-Frank non, je n’ai…je n’ai pas eu d’accident.

-Alors pourquoi?

-Laisse-moi parler s’il te plait, ne me coupe pas, je n’y arriverais pas sinon, dit-elle en baissant les yeux.

-D’accord, murmura Frank, je t’écoute.

Elle respira profondément et ferma les yeux un instant.

-Cette cicatrice est le signe que j’ai subi une opération. J’ai…j’ai participé à une greffe de rein.

-Tu as donné un rein? A qui? Pourquoi?

-J’étais la seule personne compatible avec elle.

-Elle? Qui est-ce, je la connais?

-C’est la jeune femme que tu as vu ici en arrivant, répondit Denise en le regardant une nouvelle fois.

Frank la regardait avec étonnement et Denise resserra ses doigts sur sa peau.

-Frank, ne…ne m’en veux pas s’il te plait, murmura-t-elle.

-Non, je ne t’en veux pas seulement, je ne comprends pas pourquoi tu as fais ça et pourquoi tu ne m’en as pas parlé.

-Je ne l’ai pas fais avant parce que je n’osais pas t’en parler et je ne savais pas comment le faire…Lily…elle…Elle s’appelle Elizabeth et en réalité…je la connais depuis…des années.

Elle baissa les yeux, sentant la gorge se faire plus sèche et ses mains plus moites.

-Frank, je suis désolée, je…j’aurai dû te dire tout ça depuis longtemps, je…j’aurai dû le faire dès notre rencontre, en réalité. Mais je ne pouvais pas et je n’ai pas pu le faire lorsqu’elle est entrée dans ma vie une nouvelle fois, tu étais en Irak et je ne voulais pas que tu apprennes ça au combat.

-Denise, qu’est-ce que tu essaie de me dire, qui est cette fille?

-Elle…Elizabeth est…ma fille, dit-elle dans un murmure en retirant sa main de celle de son époux.

Elle ne le regardait pas. Elle ne savait pas comment il prenait cette nouvelle puisqu’elle n’osait pas croiser son regard. Elle se sentait mal, si mal.

-Denise, soupira Frank, Denise tu…tu ne peux pas me dire ça, c’est…impossible…Comment? C’est une blague?

-Je ne voudrais jamais plaisanter sur une chose pareille…J’ai eu un enfant avant…avant de te rencontrer, je…je suis désolée, j‘aurai dû te le dire. Mais je ne voulais pas te perdre et je voulais oublier.

-Oublier? Et cet enfant qu’est-il devenu? Pourquoi est-elle ici?

-Je l’ai abandonné à sa naissance et elle s’est faite adopter…elle est venue ici parce qu’elle avait besoin d’une greffe de rein, elle m’a cherché depuis plusieurs années.

Il se leva d’un bond. La chaise sur laquelle il était assit bascula et tomba au sol avec un fracas. Denise ferma les yeux et sentit les larmes couler doucement. Frank se passa la main sur son visage.

-Quand, quand est-ce que tu pensais me parler de ça? Dit-il avec colère.

Elle leva les yeux vers lui et ce qu’elle vit lui fit peur. Il était en colère, en colère comme il ne l’avait jamais été excepté le jour où il avait jeté dehors leur fils.

-Je voulais le faire mais, je n’ai jamais pu.

-Tu n’as jamais pu? Tu te fous de moi?

-Frank…

-Comment en dix-neuf années de mariage n’as-tu pas réussi à me dire que tu avais une fille?

-Ce n’est pas une chose facile à dire.

-Parce que tu crois que c’est facile à entendre? Denise, notre couple et notre mariage sont basés sur un mensonge de taille. Tu aurais dû me le dire.

Elle se leva et s’approcha de lui.

-Ca ne change rien aux sentiments que j’éprouve pour toi, ça ne change rien à notre amour.

-Tu crois ça? Pour moi, au contraire, ça change tout.

Il s’apprêta à partir mais Denise le prit par le bras. Il la regarda avec fureur et se dégagea violement d’elle.

-Ecoute moi…

-Non, Denise, tu m’as menti depuis des années.

-Je ne voulais pas, je t’assure.

- Laisse moi tranquille, j’ai besoin… de sortir.

Il prit les clés de sa voiture posée sur le meuble en bois et se dirigea vers la porte.

-Non, Frank, ne pars pas, nous devons en parler. Insista la jeune femme.

-Je n’ai pas envie d’en parler, d’accord? Pas maintenant.

Elle ne répondit pas et le suivit jusqu’à l’entrée de la maison. Il prit la voiture et démarra au quart de tour. Denise le regarda passer l’angle de la rue sans bouger. Puis, après quelques temps, elle referma la porte et s’effondra sur le sol. Elle éclata en sanglots et pleura de longues minutes. Elle lui avait enfin dit et elle se sentait si mal. Elle s’en voulait, terriblement. Mais elle avait dû lui dire et c’est-ce qu’elle avait fait. Elle sut à cet instant que l’avoir fait plus tôt, lorsqu’il se trouvait en Irak n’aurait pas changé les choses. Mais peut être que si elle l’avait fait dès leur mariage, il en aurait été autrement, peut être qu’il l’aurait même quitté, mais cela elle ne l’aurait pas supporté plus jeune, maintenant, c’était différent. Elle assumerait ses actes.

Elle se calma doucement et rejoignit sa chambre où elle s’habilla. Elle prit son téléphone portable et l’alluma. Elle avait des appels et un message sur sa boite vocale. Elle l’écouta avec attention. C’était Claudia Joy, Lily se trouvait chez elle en sécurité. Denise jeta son téléphone sur son lit et s’y laissa tomber, pleurant une nouvelle fois toutes les larmes de son corps.

 

La journée avait commencée comme toutes les autres chez la famille Holden. Lily et Katy s’étaient levée en même temps qu’eux et avaient pris leur petit déjeuner. Michael était parti au bureau et Emmalin au lycée, laissant Claudia Joy, Lily et Katy seules. Les deux femmes avaient prévu d’aller voir la famille qui déménageait le matin même, pour y trouver des meubles susceptibles de meubler l’appartement de la jeune mère.

Elles se préparèrent donc et partirent pour rencontrer la femme du Sergent Artilleur.

Sans nouvelle de Denise depuis la veille au matin, Lily voulu passer la voir sur le chemin, mais tout portait à croire qu’elle n’était pas chez elle puisque la voiture n’était pas garée devant sa maison. La jeune femme ne voulu en aucun cas se retrouver face à Frank une nouvelle fois, surtout si elle ne savait pas ce qu’il en était entre Denise et lui.

Elles arrivèrent de bonne humeur devant la maison en briques rouges. Un camion de déménagement venait de quitter le domicile de la petite famille et Claudia Joy se gara là où il s’était trouvé quelques secondes plus tôt. Elles descendirent et Katy glissa immédiatement sa main dans celle de sa mère. Elles se dirigèrent d’un même pas vers la femme élégante qui les accueillait avec un large sourire.

-Bonjour Nanci, lança Claudia Joy en s’approchant.

-Bonjour Madame Holden, répondit -elle.

-Je vous présente Lily et Katy.

-Bonjour, dit elle en tendant la main à la jeune femme.

-Bonjour, répondit poliment Lily en la lui serrant, je vous remercie de bien vouloir nous aider.

-Ca me fait plaisir, et puis, je vous avoue que ça m’arrange un peu, je ne pourrai jamais emmener tout ceci avec nous. Il y a des jouets avec lesquels mes enfants ne jouent plus, de toute manière. Nous avons envie, mon époux et moi de changer un peu la décoration de notre intérieur, alors nous avons décidé de nous débarrasser de petites choses. Venez voir si quelque chose vous intéresse.

Lily acquiesça et ,avec Katy, elles la suivirent un peu plus loin.

Un amas de bois, de plastique, de formes diverses et variées, était entreposé sur la pelouse fraiche.

-Allez y, tout est là, choisissez ce qu’il vous plait.

-Et pour le prix? Je vous avoue que je ne dispose pas d’un grand budget, s’inquiéta Lily.

-Ne vous en faites pas, Madame Holden m’en a parlé, pour le moment, choisissez, nous verrons bien par la suite.

-Merci, répondit Lily en souriant.

Elle s’avança avec précaution au milieu de tous ces meubles et objets accumulés depuis des années. Quelques uns lui plu. Une lampe sur pied qui irait à merveille dans son futur salon, une table basse en bois, abimée à quelques endroits mais qui serait facile à arranger, ainsi qu’un canapé trois places habillé d’un tissu ambre mais avec quelques taches.

Ensuite, elle décida de prendre quelque chose pour la chambre de sa fille. Avec son accord, elle opta pour un lit en bois peint en blanc. Elle s’imaginait déjà y placer au-dessus, accroché au plafond, un voile transparent lui donnant des allures de lit destiné à une princesse orientale. Katy l’avait quitté quelques instants, alors qu’elle regardait encore l’un ou l’autre meuble. La fillette avait été attirée par une maison de poupées, peinte et décorée avec soin. Elle la trouvait superbe et rêvait de pouvoir jouer avec ce fabuleux trésor. Elle souhaitait de tout cœur avoir un jour un pareil jouet, mais elle savait que ça ne serait jamais le cas. Sa mère refuserait et surtout, Katy ne voulait pas que Lily la lui achète.

Elle la regarda encore un long moment avec cette petite étincelle dans les yeux, puis, elle s’en alla chez sa mère et se blottit contre ses jambes.

-Vraiment, je suis gênée que vous m’en demandiez si peu, lança Lily.

-Ne le soyez pas, ce que vous avez trouvé vous plait et il y a quelques réparations à faire, le canapé est taché qui plus est.

-Tout ceci ne me dérange pas, j’ai bien regardé la table basse, la commode et le canapé, il n’y a rien que je ne puisse pas réparer.

-Eh bien, dans ce cas tout est parfait je vous assure, je ne vous en demande pas d’avantage.

-Très bien, soupira Lily en regardant sa fille, dans ce cas je vous remercie encore une fois, ces meubles m’aideront déjà beaucoup. Je dois encore en trouver, bien entendu mais nous pourrons déjà vivre avec ça.

-Il ne reste plus qu’à charger à l’arrière du 4x4 ce que nous pouvons déjà prendre dès à présent, lança Claudia Joy, pour le reste, je reviendrai plus tard. Il suffit que vous remettiez ce que nous ne prenons pas tout de suite dans une pièce et nous passerons cette après-midi.

-Très bien, répondit la maitresse des lieux.

-Merci, murmura Lily à Claudia Joy, vous pourriez garder la surprise pour ma fille, je ne voudrais pas qu’elle la voit avant.

-Ne t’inquiète pas, répondit son amie sur le même ton, je passerai la prendre plus tard et je la garderai chez moi le temps qu’il faut.

-Merci.

-Maman? Qu’est-ce que tu dis? Demanda Katy en la regardant.

-Je demandais à Claudia Joy, si elle pouvait nous déposer en ville pour que tu vois notre chez nous. On y emmènera quelques meubles que j’ai choisis.

-On va voir Mia aussi?

-Pas encore ma puce, d’abord, je veux que tu vois ta chambre.

-Ma chambre? Lança la fillette en souriant.

-Oui, à toi toute seule, répondit sa mère en lui caressant tendrement le front.

-Super!!!

-Allez, mets toi dans la voiture pendant qu’on charge, ça prendra quelques minutes, d’accord?

Katy acquiesça et Lily déposa un doux baiser sur son front avant de la conduire à la voiture. La fillette s’assit à l’arrière et joua tranquillement avec sa poupée. Avec l’aide de l’épouse du Sergent Artilleur et de leur grand fils, ils chargèrent le canapé ainsi que le lit. Il resta une petite place pour la table basse et la lampe. Ils attachèrent tout avec de larges sangles. Lily paya le prix convenu à la jeune femme et la remercia une fois de plus. Elle laissa la clé de la maison à Claudia Joy qui se chargerait de la rendre une fois les derniers meubles emportés. Il ne manquait plus qu’une commode allant avec le lit, et surtout le cadeau que Lily voulait faire à sa fille. Elle l’avait vu se tenir debout devant cette maison de poupées, elle avait remarqué cette petite étincelle dans ses yeux, elle s’était demandé pourquoi elle ne lui en avait pas parlé. Mais elle avait parfaitement bien vu. Elle avait décidé de la lui offrir, peut être pour son prochain anniversaire qui arrivait à grand pas. Elle voulait lui faire la surprise, et elle savait que Katy serait folle de joie.

Claudia Joy, la jeune femme et sa petite fille se remirent en route. Elles quittèrent la base et arrivèrent au centre ville. Claudia Joy avait passé un coup de fil à son époux, ainsi qu’à Roland pour qu’ils puissent leur venir en aide. Michael ne pouvait pas se libérer immédiatement, mais Roland, lui, avait deux heures de libres. Il se mit en route et arriva rapidement en bas de l’immeuble. Les deux jeunes femmes et la fillette l’attendaient en souriant, adossées à la voiture.

Il les salua et tous se mirent au travail. Le lit, la table basse ainsi que la lampe furent monté au deuxième étage. Pour le canapé, il était préférable d’attendre que Michael se libère.

En attendant qu’il arrive, Lily alla rechercher des cafés au coin de la rue et ils restèrent sur le trottoir à parler de choses et d’autres dans la bonne humeur.

Roland était aux anges, Joan était à son septième mois de grossesse et tout se passait pour le mieux. Il s’afférait à préparer la chambre d’enfant et à acheter une quantité de choses pour le bien être de son futur enfant.

Après quelques temps, Michael arriva. Il prit le canapé avec Roland et tout deux le montèrent dans le petit appartement. Lily les remercia et tous s’en allèrent à nouveau. Claudia Joy lui assura qu’elle repasserait plus tard dans la journée lui rapporter le reste puis elle s’en alla également, laissant Lily et Katy seules dans leur nouvel appartement.

Lily s’était amusée à faire le tour de l’appartement, expliquant à la petite fille de quelle manière elle allait l’aménager. Elle voyait déjà parfaitement chaque meuble et chaque objet qui pourraient s’y trouver. Katy était aux anges également. Elle souriait largement depuis qu’elles étaient arrivées.

A présent, elles se trouvaient dans la chambre de la fillette, toutes deux assises l’une à côté de l’autre sur le lit. Lily avait avoué à sa fille qu’elle devait lui parler d’une chose importante, seulement, elle ne savait pas bien par où commencer.

Elle respira profondément et regarda la fillette jouer tranquillement avec sa poupée.

-Katy?

Celle-ci leva les yeux vers elle et lui sourit. Lily lui remit une mèche de cheveux derrière l’oreille et lui parla doucement.

-Ca te plait ici?

-Oui.

-Ta chambre aussi?

-Oui maman…

-Ma puce, tu sais que je devais te dire une chose importante?

La fillette fit « oui » de la tête et Lily se leva. Elle se plaça devant elle, à genoux sur le sol et lui parla avec douceur.

-Voilà, Denise a vu une dame, il y a quelques temps. Une dame qui travaille avec des enfants qui ont des petits problèmes, qui ne parlent pas bien, ou qui n’entendent pas, d’autres sont dans des fauteuils roulants et puis encore d’autres sont malades…Cette dame est très gentille et elle veut te rencontrer.

-Me rencontrer, moi?

-Oui, toi.

- Pourquoi?

-Eh bien parce qu’elle sait que tu es une petite fille très courageuse, mais une petite fille qui doit apprendre à parler comme les autres enfants et elle souhaite que tu aille dans son école pour que tu puisses apprendre à le faire.

-Mais Mia, elle sait. Elle m’apprend.

-Denise doit travailler ma puce, tu sais, elle est infirmière et doit aller a l’hôpital. Et puis, elle doit s’occuper de son garçon et de son mari aussi.

-Mais son garçon, il est pas là.

-Pas pour le moment, mais il va revenir et il aura peut être besoin d‘elle.

-Mais nous, on est aussi important que son amoureux et que son garçon, elle me l’a dit.

-Oui, je le sais ma puce…Mais c’est un peu différent. Tu vois, Denise dois s’occuper d’eux et moi je dois m’occuper de toi, c’est mon devoir, parce que tu es ma fille, c’est à moi de faire tout ce qu’il faut pour que tu sois bien. J’ai demandé à Denise de parler à cette dame parce qu’elle la connait mais c‘est moi qui souhaite que tu la rencontre.

-Elle est gentille?

-Oui, très gentille, tu sais c’est son travail de s’occuper d’enfants qui en ont besoin, comme toi…Pendant que tu seras dans cette école, que tu apprendras plein de choses et que tu t’amuseras avec d’autres enfants, moi je travaillerai pour qu’on puisse vivre très longtemps ici, tu comprends?

-Je veux rester avec toi, lança Katy en ronchonnant, je veux pas aller avec cette dame.

-Tu ne peux pas, je suis désolée mais maman doit travailler sérieusement et je ne pourrai pas m’occuper de toi en même temps…Mais je te promets de ne pas trop travailler, comme ça le soir je ne rentrerai pas tard et on pourra faire des choses toutes les deux.

-Mm.

Lily lui leva doucement le visage et caressa tendrement sa joue.

-Katy, je fais ça pour notre bien, il faut que tu le comprennes…Tu verras ça va te plaire, j’en suis certaine. Mais avant que tu entre dans ce centre, il faut que tu rencontre la dame qui s’en occupe. Denise m’a dit qu’elle est très gentille et je suis certaine que tu vas l’aimer.

-Il y aura des enfants comme moi?

-Oui, il y aura des enfants qui parleront comme toi, tu vas rencontrer plein de monde, tout plein de personnes intéressantes qui vont t’apprendre des choses que tu ne connais pas. Tu pourras jouer avec des petites filles et des petits garçons de ton âge.

-Elle est où cette école?

-De l’autre côté de la ville, tu sais près du grand parc avec les balançoires rouges?

Katy fit un large sourire, se souvenant parfaitement de l’endroit qu’elle avait souvent fréquenté avec sa mère avant que celle-ci ne parte.

Lily lui sourit en retour et elles restèrent silencieuses quelques temps, puis la fillette leva les yeux de sa poupée.

-Tu seras contente de moi si j’allais voir la dame?

-Oui ma puce, je serais très fière.

-Et Mia aussi?

-J’en suis certaine, ça lui fera aussi beaucoup plaisir.

-Ben alors je veux allez voir la dame.

-C’est vrai? Tu veux bien?

-Oui, comme ça vous serez contente de moi.

-Oh ma puce, tu es une petite fille merveilleuse, tu savais ça?

Lily sourit largement et déposa un baiser sur le front de la fillette. Elle la prit quelques temps dans ses bras.

Puis, on sonna à sa porte. Lily se redressa et se demanda qui pouvait bien venir chez elle. Surtout que personne ne savait qu’elle vivait ici.

Elle quitta la chambre de sa fille et rejoignit la porte d’entrée. Elle l’ouvrit doucement et regarda avec étonnement les deux personnes qui se trouvaient dans le couloir.

-Bonjour! Lança Pamela en souriant.

-Euh…Salut, qu’est-ce que vous faites là?

-Travaux peinture, chantonna Roxy en sortant de son dos un pot de peinture de cinq litres.

-Peinture? S’étonna Lily.

-Oui, tu ne connais pas? Reprit Pamela. C’est-ce qu’on met sur les murs de son nouvel appartement.

-Euh… si mais…

-Allez princesse laisse nous entrer, on va te faire ça.

Lily s’écarta de la porte et laissa ses deux amies rentrer dans l’appartement. Elle ferma la porte derrière elles et elles rejoignirent la pièce à vivre. La jeune femme leur fit faire le tour de l’appartement. Elles saluèrent Katy au passage et toutes deux se mirent au travail devant le regard étonné et hébété de Lily qui ne comprenait pas bien ce qui se passait. Après plusieurs heures passées à peindre et à rire, Claudia Joy arriva avec les derniers meubles.

Elles discutèrent quelques temps et s’organisèrent pour que Lily puisse emménager dans son nouvel appartement.

Elles décidèrent de rejoindre le Hump bar pour une soirée entre filles, pour se détendre et apprécier ces instants ensembles. Pamela et Roxy rentrèrent chez elles pour se doucher et se changer et Lily et Katy rentrèrent avec Claudia Joy.

Lily avait prévu de laisser la fillette avec Emmalin, afin de passer une agréable soirée, sans être mère mais simplement femme.

 

Denise avait eu un message sur son portable. Toutes ses amies et sa fille se trouvaient au Hump bar pour passer une soirée de détente. Katy se trouvait avec Emmalin pour la soirée, ils n’attendaient plus qu’elle si elle souhaitait se joindre à eux. Seulement, Denise ne préféra pas y aller elle aussi. La journée avait été particulièrement éprouvante pour elle. Elle voulait parler à Frank une nouvelle fois. Elle y avait pensé toute la journée.

Elle venait d’arriver devant chez elle et avait regardé son portable avant de le fourrer dans son sac une nouvelle fois. Elle respira profondément, craignant la scène qui allait se jouer dans quelques minutes. Elle voyait la lumière dans sa maison, Frank s’y trouvait, il fallait qu’elle soit forte, qu’elle ne recule pas, mais qu’elle ne le perde pas par la même occasion. Une vraie épreuve, un vrai combat, celui de toute une vie.

Denise se décida enfin à rentrer. Elle posa machinalement les clés de sa voiture sur l’étagère qui séparait l’entré du salon et elle jeta sans ménagement son sac sur le canapé. Elle fit le tour de la pièce d’un seul regard, Frank ne s’y trouvait pas, mais elle entendait parfaitement les bruits qui lui venaient de la chambre de leur fils. Elle se demandait ce qu’il pouvait bien faire dans la chambre de Jeremy. Elle s’approcha doucement. Il ne l’avait pas entendu rentrer, bien trop concentré à sa tâche.

Denise se figea sur place. Comment pouvait-il faire ça? S’était -elle toujours trompée sur son époux?

-Frank? Lança-t-elle timidement.

Il se tourna vers elle et lui lança un regard noir.

-Mais qu’est-ce que tu fais? Dit-elle en sentant la colère monter doucement, craignant qu’il ne lui donne la réponse pourtant évidente.

-Je cherche qui elle est vraiment!

-QUOI? Tu n’as pas le droit de fouiller dans ses affaires.

Denise s’avança et se positionna à ses côtés et tenta de lui prendre le carton qu’il avait dans les mains.

-Je suis sous mon toit, et ils le sont également…

-Frank! Tu te rends compte de ce que tu es en train de faire? Ce qui se trouve dans ces cartons ne te regardes pas.

-Et toi tu t‘en rends compte?

-Ecoute…

-Non, c’est toi qui m’écoute, dit-il en pointant son index vers elle et en montant le ton de sa voix, qui te dit que cette fille est TA fille? Pourquoi est-elle venue ici?

-Elle est MA fille comme tu dis, et elle venue ici pour me retrouver, pour sa fille à elle, pour qu‘elle ne perde pas sa mère.

-Et si elle te mentait? Tu as pensé à ça?

-Tu n’as pas le droit de dire ça. Et même si c’était le cas, ça ne te regarderait pas.

-Ah oui, vraiment? Et depuis quand je n’ai plus mon mot à dire? Ca doit rester entre vous, c’est ça?

-Parfaitement, elle faisait partie de ma vie bien avant toi après tout.

-Tu réalise ce que tu dis? Lança Frank en se retournant, tu ne l’as pas revue depuis sa naissance et tu oses dire qu’elle faisait partie de ta vie? Plus que moi?

-Je pensais à elle chaque jour.

-Et jamais il ne t’ai venu l’idée de m’en parler?

-J’avais peur de ta réaction, et tu vois….je ne me suis pas trompée.

-Je ne veux plus jamais la voir, tu m’entends? Dit-il en s’approchant d’elle doucement et en ancrant son regard dans le sien. Qu’elle sorte de ta vie, ou c’est moi qui le ferai.

-J’ai failli perdre Jeremy par ta faute, murmura Denise, je ne renoncerais pas à ma fille. Je ne ferai pas la même erreur une deuxième fois. Elizabeth est mon enfant, au même titre que Jeremy.

-Très bien, dans ce cas… je n’ai plus rien à faire ici. Ah non, attends, c’est toi qui n’as plus rien à faire ici.

-Qu…quoi? Articula difficilement la jeune femme qui croyait avoir mal comprit les intentions de son époux.

-Tu m’a bien compris…Tu veux faire partie de sa vie, comme tu veux, mais tu ne feras plus partie de la mienne. Tu pourras rester vivre ici, si tu le souhaite, mais ne compte plus m’adresser la parole.

Il se retourna et donna un violent coup dans le carton qui se trouvait sur le lit. Le contenu vola dans la pièce et s’éparpilla sur le sol.

-Frank, ne fais pas ça, je t’en prie.

-Tu n’aurais pas dû me mentir Denise, pas comme ça.

Il lui lança un dernier regard et quitta la pièce. Une fois dans le couloir il ferma les yeux un court instant. Sa réaction était quelque peu excessive, il en avait parfaitement conscience. Mais ce qui avait été dit, était dit, il était bien trop fier pour faire marche arrière, même s’il l’avait voulu. Surtout s’il l’avait voulu au plus profond de lui-même. Il ne supportait pas d’avoir été trahi, pas par elle, pas si longtemps, pas pour une chose si importante. Elle souffrait, il le savait, mais il voulait qu’elle souffre comme lui avait souffert en apprenant la nouvelle. Il voulait qu’elle sache ce que cela faisait de se faire poignarder par la personne en qui on avait une totale et aveugle confiance. Il voulait la faire souffrir, autant qu’il souffrait.

Il sortit et décida de ranger quelques bricoles dans le garage, juste pour s‘occuper l‘esprit et ne plus penser. Il devait se changer les idées, mais il n’y parvint pas. Denise. Le regard de la jeune femme qu’il avait croisé dans son salon à peine vêtue d’une serviette, cette petite fille qui s’était caché derrière ses jambes. Il n’arrivait pas à penser à autre chose. Il jeta la clé à molette qu’il nettoyait depuis bien longtemps déjà et décida de regagner la maison. Il était blessé mais calmé, il savait qu’il ne s’emporterait plus contre son épouse comme il l’avait fait, mais il savait aussi qu’il lui faudrait du temps, beaucoup de temps avant qu’il n’accepte de lui adresser la parole. Et surtout il ne pourrait jamais revoir cette fille, il en était persuadé, jamais il ne verrait plus cette Lily, ou Elizabeth, comme l’appelait Denise.

Il se fit couler un café fort et le bu longuement. Puis, il voulu dormir sur le canapé, mais il voulait avant tout voir si Denise était calmée de son côté.

Ce qu’il vit en passant devant la chambre de leur fils le rassura. Elle dormait. Paisiblement. Il la regarda un long moment. Il décela encore les traces des larmes sur ses joues. Il la trouvait si belle. Il en était fou amoureux. Et pourtant, il voulait lui faire du mal. Difficile est l’amour, compliqués sont les sentiments, blessantes peuvent être les paroles et pourtant…pourtant tout pourrait être si simple, si seulement elle lui avait dit tout ça plus tôt.

Il la regarda encore un moment, se demandant comment une femme, si fragile et chétive pouvait cacher un tel secret, depuis si longtemps. Finalement il s’était peut être trompé sur elle, elle avait changé et était devenue cette femme qu’il connaissait depuis qu’ils étaient mariés. Il aimait cette épouse et cette mère, mais il était tombé amoureux de cette jeune femme qu’il avait rencontré dans un hôpital, cette jeune femme beaucoup moins sage, cette jeune femme qui avait eu une petite fille à dix-sept ans…

 

Après leur soirée entre amies, Lily et Katy étaient rentrées chez elles. Claudia Joy avait prêté un peu de linge de maison pour la jeune femme et sa fille, le temps pour celles-ci de trouver ce dont elles avaient besoin.

Ainsi, Katy dormi pour la première fois dans son lit, et Lily sur le canapé. Elle avait passé une courte nuit avant de sortir avec sa fille pour faire quelques courses. Il faisait beau ce jour là et elles profitèrent pleinement de leur journée. Lily avait pensé rejoindre la base afin d’aller chercher ses affaires chez sa mère. Mais avant, elle devait la prévenir de son arrivée, pour savoir si elle prenait une garde, ou même si elle pouvait lui emprunter sa voiture.

Ainsi, elle s’arrêta à une cabine téléphonique qui se trouvait dans le parc, non loin de son appartement. Elle composa son numéro et attendit plusieurs sonneries avant d’entendre une voix à l’autre bout du fil. Lily se figea sur place. C’était Frank.

-Bonjour Monsieur Sherwood, ici…euh…Lily à l’appareil, est-ce que votre épouse…

-Je l’appelle, la coupa Frank sur un ton froid.

-Merci, répondit timidement la jeune femme.

Elle attendit un instant avant d’entendre sa mère.

-Denise?

-Oui.

-C’est Elizabeth, je voulais savoir si tu n’avais pas de garde aujourd’hui, j’aimerai venir chercher mes affaires et te montrer l’appartement.

-Non, je n’ai pas de garde, je la prends ce soir, je serais ravie de voir ton appartement. Mais, comment veux tu emmener tes affaires et celles de Katy, tu n’as plus de voiture.

-Eh bien, en réalité je me demandais si tu pouvais me prêter la tienne, si ça ne te dérange pas, bien entendu.

-Non, non, ça ne me dérange pas…Eh bien, écoute, si tu veux je viens t’apporter tes affaires. Ce sera plus simple.

-Non, ça ira, je peux venir, ne t’inquiète pas, je n’ai rien de prévu, lança Lily en riant.

-Eh bien, disons que…peut être que ce serait une meilleure idée que tu ne viennes pas à la maison pour le moment.

-Il…il est au courant? Demanda Lily la gorge sèche.

-Oui, je lui ai dit et, il n’a pas bien pris la nouvelle…il refuse de te voir…je suis désolée.

-Ce n’est rien, répondit Lily avec déception, je devais m’y attendre, c’est un peu normal.

-Mm.

-Bon, alors très bien, faisons ce que tu as dis, je serai à l’appartement avec Katy, nous t’attendrons. Tu as l’adresse?

-Oui, tu me l’as laissée, je l’ai noté.

-Ok, à toute à l’heure alors.

-A toute à l’heure, embrasse Katy pour moi.

-Oui, salut.

-Salut.

Lily raccrocha et soupira bruyamment. Elle s’était doutée que les choses ne seraient pas faciles au retour de Frank, mais elle avait espéré que ce ne fusse pas le cas. Et l’officier resterait des mois à la base. D’un côté, elle était heureuse pour Denise, mais de l’autre, elle aurait préféré que la situation ne se présente pas, les choses auraient été plus simples.

Elle se tourna vers la fillette qui jouait tranquillement avec sa poupée à côté d’elle. Elle lui prit la main et toutes deux rentrèrent chez elles. Lily rangea les courses. Quelques provisions et quelques objets nécessaires à accessoirisé un appartement. Elle avait également trouvé du tissu fin qu’elle destinait à la chambre de sa fille. Avec son aide, quelque peu maladroite, elle le fixa au plafond, au-dessus de la tête de lit, lui donnant des airs de lit venant d’un pays lointain. Le blanc du voile contrastait nettement avec la couleur rose pâle du mur. C’était une vraie chambre de princesse. Il ne manquait plus qu’un ou deux meubles de rangements, des livres sur des étagères en bois, des peluches et des jouets consciencieusement rangés ou même éparpillés au sol et tout serait parfait.

Une fois satisfaite du résultat, Lily coucha Katy pour sa sieste. Elle resta quelques minutes à côté d’elle avant de quitter la pièce et de fermer la porte derrière elle. Elle fit le tour de son appartement d’un bref regard. Il fallait qu’elle fasse le ménage et ça lui prendrait sans doute bien plus d’une heure. Elle prit les produits qu’elle avait achetés un peu plus tôt dans la journée et se mit au travail. Elle commença par la cuisine. Lily s’était attaché les cheveux en une haute queue de cheval, elle avait remonté ses manches jusqu’au-dessus de ses coudes et portait des gants en plastique. Elle frottait sans ménagement, partant à la recherche de la moindre petite trace de saleté. Elle avait vécu dans de nombreux endroits plus sales que celui-ci, et elle s’était juré qu’un jour, lorsqu’elle vivrait seule avec sa fille, dans un appartement digne de ce nom, il serait parfaitement propre et bien entretenu. Alors, elle s’y employa. Une fois le nettoyage de la cuisine terminé, la jeune femme rangea le peu de vaisselle qu’elle avait acheté et quelques ustensiles de cuisine. Elle devait trouver un travail le plus tôt possible puisque vivre seule dans un appartement, au centre ville, avec un enfant allait très vite lui coûter cher et son compte en banque se vidait doucement.

Lily ressortit de ses pensées, elle allait se mettre à la cherche active d’un travail, mais en attendant, elle irait commencer au Hump Bar, elle allait en toucher deux mots à Roxy.

Ainsi, une fois tout à sa place, Lily rejoignit la salle de bains, pour continuer son ménage. Elle n’avait pas l’intention de partir avant l’arrivée de Denise, qui devait se faire imminente vu l‘heure qu‘il était.

Il se passa encore quelques minutes, avant qu’on ne l’interrompe dans sa tâche. Elle quitta la salle de bains et alla ouvrir à la personne qui avait frappé à sa porte. Elle l’ouvrit et sourit largement.

-Salut, lança Lily, tu en as mis du temps, j’ai tellement de cartons? Dit-elle en s’écartant de la porte pour la laisser entrer.

-Salut, non tu n’as pas tellement de cartons, j’ai dû aller chercher des renforts et une petite surprise.

Lily la regarda avec étonnement et vit apparaitre au bout du couloir tous les amis de sa mère, tous chargés de cartons.

-Salut, lança Roxy en entrant.

-Salut, répondit timidement Lily.

Elle resta à côté de la porte ouverte à regarder tous ces nouveaux amis entrer dans son appartement, les bras chargés de ses affaires. Une fois tous à l’intérieur, elle les rejoignit dans le salon.

-Mettez tout là, je rangerais plus tard. Comment se fait -il que vous soyez tous venus?

-Denise nous a appelé en renfort, lui répondit Pamela et elle devait nous voir tous ici, je suis curieuse, moi je veux savoir pourquoi.

-Et puis, nous ne serons pas de trop, lança Roxy en lui faisant un clin d’œil.

-De trop pour quoi? Demanda Lily sans comprendre.

-Pour ta surprise, répondit Denise en entrant dans la pièce avec Katy dans les bras.

-J’ai le droit à une surprise?

-Oui, une superbe, lança Claudia Joy en souriant.

-J’ai hâte de voir ça.

-Alors, au travail les amis, lança Denise en posant Katy au sol. Ma puce, tu restes là avec ta maman et tu l’empêches de sortir d’ici d’accord?

Katy fit « oui » de la tête en souriant et s’approcha de sa mère.

-Qu’est-ce que tu mijote? Demanda timidement Lily à sa mère.

-La patience est une vertu, jeune fille. Dit-elle en souriant avant de sortir avec les autres.

Lily n’eu pas longtemps à attendre. D’autres cartons arrivèrent dans son appartement mais aussi une chose dont elle n’avait même jamais imaginé la possibilité.

Des meubles, fauteuils, étagères, commode, tabourets haut, meubles de rangement. Tout était là, il ne lui manquait plus rien.

-Mais…mais comment? Articula difficilement la jeune femme en voyant Roland et Pamela commencer à monter une étagère qui faisait la totalité d’un de ses murs du salon.

-Je savais ce qu’il te fallait grâce à Claudia Joy, lui répondit Denise, je lui ai demandé de m’aider à trouver ce que je te pensais être utile.

-Mais, c’est beaucoup trop, je…

-C’est un cadeau, lui répondit Denise en souriant, dis toi que c’est ton cadeau d’anniversaire…un peu en avance.

-De deux mois, ajouta Lily le souffle coupé.

-Soixante trois jours, murmura Denise.

Lily lui sourit largement.

-Merci, dit-elle dans un souffle.

-Hey, c’est normal, répondit la jeune femme en caressant tendrement sa joue.

Un geste qui n’échappa pas à Roxy et Roland qui échangèrent un regard mais ne dirent rien.

L’après midi se termina ainsi, entre amis, à rire, à bavarder, à travailler dans la joie et la bonne humeur. Mais l’heure de partir arriva enfin, au grand regret de tous. Lily avait servit du jus de fruits dans les verres tout neuf et tous les sept burent au nouveau foyer de Lily et de sa fille.

Mais avant que tous ne se séparent pour rentrer chez eux, Denise insista pour leur parler d’une chose importante, une chose dont elle aurait dû parler bien plus tôt.

Elle soupira bruyamment et regarda Lily avec insistance. Celle-ci comprit que le moment était venu, elle le voyait dans son regard. Alors, elle lui adressa un tendre sourire et acquiesça.

-A présent que nous sommes tous ici, et au calme, commença l’épouse du Major Sherwood, je peux vous dire ce qui fait que Lily et Katy ont une place si importante dans ma vie, pourquoi je tiens à tout faire pour qu’elles vivent en paix et heureuses, pourquoi j’ai été absente un moment, et pourquoi j’ai été opérée.

-Opérée? Lança Roxy.

-Mm, il y quelques temps j’ai subi une intervention, j’ai donné un rein à…à Elizabeth.

Ils échangèrent tous un regard et Lily vint à son secours, voyant parfaitement qu’elle ne s’en sortirait pas toute seule.

-C’est moi Elizabeth, lança la jeune femme, c’est mon véritable prénom, celui que ma mère m’a donné à ma naissance. Ma…vrai mère…j’ai été adopté et…

-Et sa vrai mère, c’est moi, fini Denise en lui prenant la main. Lily est ma fille.

Roland, Pamela et Roxy restèrent sans voix, ne sachant quoi dire et Claudia Joy quant à elle souriait largement.

-Je l’ai abandonné parce que j’étais jeune, bien trop jeune et je n’avais pas le courage dont elle a fait preuve pour Katy. Mais un jour, elle est entrée dans ma vie, à nouveau et Katy était avec elle. A présent, je ne veux pas qu’elles ne s’en échappent.

Elle resta silencieuse un moment et Lily resserra ses doigts sur sa main.

-Nous ne pouvions pas en parler plutôt, dit-elle, parce que d’une part j’avais peur de votre réaction, de la sienne, murmura-t-elle en croisant le regard de Denise, mais aussi parce que je ne voulais pas m’imposer dans sa vie. J’ai quitté Charleston sans lui avoir avoué ma véritable identité, je me savais condamnée , je ne voulais qu’une chose; que Katy ait une famille et soit heureuse. J’ai roulé, sans m’arrêter jusqu’à l’aube et… je me suis arrêté à côté d’un pont en bois, au-dessus du fleuve. J’ai regardé le soleil se lever et j’ai sauté…J’ai été égoïste, je n’ai pensé qu’à moi…Je me suis réveillé quelques heures plus tard, dans un lit d’hôpital, j’y ai passé plusieurs jours, je sentais la vie me quitter doucement. Et puis, un matin, on m’a dit que j’avais été opérée, que quelqu’un était venu pour me donner son rein…ma mère., finit-elle en souriant.

Les deux femmes ne se quittaient pas des yeux. Elles avaient enfin avoué ce si lourd secret. Denise se sentait bien, si bien, qu’elle sentit un poids se faire plus léger sur son cœur. A présent, tous savaient, elle pouvait le crier sur tous les toits, elle pouvait ouvertement parler de cette jeune femme comme de sa fille, elle pouvait venter son courage et sa force avec fierté. Il ne restait qu’une personne qui ne savait pas la vérité, une personne qui se trouvait bien loin de Fort Marshall, une personne qu’elle pensait avec chagrin à cet instant. Jeremy.

Elle chassa rapidement le pire de son esprit lorsqu’elle entendit Roxy les féliciter. Elle était heureuse de les voir réunies, elle prit Lily un court instant dans ses bras, sentant les larmes d’émotion naître dans ses yeux. Roland, lui aussi prit la jeune femme dans ses bras, comme pour l’accueillir dans la grande famille qu’ils formaient. Pamela leva son verre et tous les autres l’accompagnèrent.

Mais après quelques temps, il fallait vraiment qu’ils partent. Alors, chacun salua Lily. Puis s’en alla. Denise le fit en dernier avec Claudia Joy. Alors que celle-ci saluait la fillette, Denise fourra sa main dans sa poche.

-Un dernier petit détail, murmura-t-elle, tiens, dit-elle en lui tendant un téléphone portable.

-Denise…

-Prends-le, il est pour toi, ce sera plus simple pour se joindre.

-Sans passer par Frank, lança Lily en le prenant.

-Ca n’a rien à voir, je me sens rassuré en sachant que tu en as un sur toi.

-Mais, encore une chose que tu m’offre, je ne peux pas accepter.

-Je te promets que c’est la dernière chose que je t’offre, ensuite, on est quittes.

-Tu crois? Demanda Lily en souriant. Il y a encore le loyer et…

-Tu me rembourseras lorsque tu auras trouvé un travail.

Elle lui sourit tendrement sans laisser la possibilité à la jeune femme de lui répondre, puis elle la prit un moment dans ses bras.

-Je t’aime Elizabeth et rien ne sera jamais trop beau pour mes enfants, n’oublie jamais ça.

Elle déposa un baiser dans ses cheveux et s’éloigna un peu.

-Merci…maman, murmura-t-elle.

Denise lui caressa tendrement la joue en souriant et elles se séparèrent. Lily salua son amie et Katy se lova un instant dans les bras de sa grand-mère avant que toutes deux ne quittes l’appartement.

 

Cela faisait cinq jours que la jeune femme et sa fille avaient emménagés dans leur nouvel appartement. Elles s’y sentaient bien et , mise à part quelques petits détails, tout était parfait. Elles avaient juste ce dont-elles avaient besoin.

Aujourd’hui, Lily s’était préparé avec soin pour emmener Katy voir la femme qui s’occupait du centre pour enfants en difficulté. La jeune femme savait qu’elle avait fait le bon choix. Katy s’y sentirait sans doute bien et elle pourrait travailler correctement le temps qu’elle y soit.

Ainsi, une fois toutes les deux prêtes, elles prirent le bus et se rendirent à l’adresse que lui avait laissé Denise. Le complexe était tout neuf. Il semblait accueillant et chaleureux. Lily regarda un instant la petite fille qui se trouvait à côté d’elle, puis elles entrèrent, main dans la main.

L’accueil se situait dans un hall vitré de toute part et donnait sur un parc boisé. Elles avancèrent d’un même pas vers la vielle femme qui se trouvait derrière le bureau en bois et Lily s’adressa à elle avec politesse.

-Bonjour madame, excusez-moi de vous déranger, je suis Lily Roberts, j’ai rendez-vous avec Madame Matthews.

-Oui, une minute, je vous prie.

Elle vérifia sur son ordinateur un court instant et leva les yeux vers la jeune femme une nouvelle fois.

-Elle vous attend, veuillez patienter quelques instants, je vais l’informer de votre arrivée.

-Merci, répondit Lily en souriant.

La vielle femme s’en alla et Katy referma ses doigts un peu plus forts sur ceux de sa mère. Celle-ci se tourna vers elle et la regarda avec instance. Elle vit de la peur et de l’angoisse dans le regard de sa petite fille. Alors, elle se mit à genoux et lui parla doucement.

-Ca ne va pas Katy?

-Je veux pas rester maman, j’ai dis que je serais courageuse pour que tu sois fière de moi mais je veux pas rester ici.

-Pourquoi tu ne veux pas?

-Je veux rester avec toi et c’est pas beau ici, dit-elle en faisant la moue.

-Mais si regarde, on voit les arbres dehors, il y a plein de balançoires et les enfants sont très gentils je suis sûre. Et puis, c’est important que tu viennes ici quelques temps, c’est pour apprendre à parler comme les autres personnes.

-Mais tu me comprends. Et puis Mia…

-Katy, s’il te plait, soupira Lily, je te le demande, tu verras tout va bien se passer.

-Mais si la dame est pas gentille?

-Mia m’a dit qu’elle était très gentille… On est ici pour la rencontrer Katy, alors, nous allons voir cette dame et si ensuite tu n’as vraiment pas envie de rester ici, je trouverais une autre solution…Mais je veux que tu essaies, tu me le promets?

-D’accord, mais si la dame est pas gentille, on rentre alors.

-Oui.

Lily lui sourit et lui caressa tendrement la joue.

-Tu es une petite fille courageuse, ma puce. Tu y arriveras je le sais, murmura-t-elle avant de déposer un doux baiser dans ses cheveux.

-Madame Roberts?

-Mademoiselle, corrigea la jeune femme en se levant.

-Madame Matthews vous attends dans son bureau, veuillez me suivre.

Lily acquiesça et reprit la main de la fillette et toutes deux suivirent la vieille femme dans un large couloir envahi de dizaines de dessins d’enfants.

Elles l’arpentèrent un moment, suivant en silence la femme qui se trouvait devant elles, passant devant des salles d’où s’élevaient des rires et des chants. Lily lança de réguliers coups d’œil à la petite fille qui tenait toujours fermement sa main. Elle semblait plus détendue, ce qui fit sourire la jeune femme. Sa petite fille était courageuse mais aussi très curieuse, elle le savait et elle en avait une fois de plus la preuve. Elle s’ habituerait vite à cette nouvelle situation et elle se plaira dans cette école une peu spéciale. Elle espérait qu’elle se fasse de nombreux nouveaux amis, des enfants de son âge avec elle pourrait rire, apprendre et s‘amuser.

La jeune femme lui accorda un dernier coup d’œil et continua d’avancer en silence. Elles arrivèrent enfin devant la porte de la directrice des lieux. La vieille femme y donna deux petits coups et attendit qu’on lui dise d’entrer. Elle ouvrit la porte et leur fit signe de rentrer. Lily et Katy s’exécutèrent puis, on referma la porte derrière elle. La directrice se tenait là, en silence et les regardait en souriant.

Elle leur désigna les chaises d’un mouvement de tête et toutes deux s’approchèrent.

-Bonjour madame, fit Lily en lui tendant la main.

-Bonjour, répondit -elle en la lui serrant, Anna Matthews.

-Je suis ravie que vous ayez voulu nous rencontrer Madame Matthews. Je m’appelle Lily Roberts et voici ma petite fille Katy, fit-elle en souriant tout en posant ses mains sur les épaules de la fillette qui se tenait devant elle.

-Bonjour Katy, dit Anna d’une voix douce.

-Bonjour, répondit timidement la fillette.

-Asseyez-vous, je vous en prie.

Lily fit asseoir Katy sur un siège et se mit sur l’autre qui se trouvait tout à côté.

La directrice prit place dans son fauteuil et s’appuya sur son bureau avec ses coudes.

-Denise Sherwood m’a un peu parlé de votre cas, j’aimerai bien en savoir un peu plus sur Katy et vous-même dans un premier temps. Lily acquiesça et elle poursuivit. Vous êtes mère célibataire, c’est bien ça?

-Oui, j’élève seule Katy depuis la mort accidentelle de mes parents il y a de cela deux ans.

-Vous venez d’emménager ici?

-Oui, c’est tout récent, depuis deux ans nous avons beaucoup bougées toutes les deux puisque j’avais quelques problèmes de santé, mais ils sont réglés à présent et je compte rester définitivement ici.

-Katy a-t-elle l’habitude de fréquenter d’autres enfants?

-Non, pas jusqu’à encore très récemment.

-Et comment se passe ses relations avec eux?

-Eh bien, je dois dire que pour ce que j’en ai vu les choses se passent plutôt bien. C’est une petite fille timide, elle ne va pas facilement vers les autres, mais elle s’entend bien avec un bon nombre de personne une fois qu’elle a appris à les connaitre.

-Elle n’est pas confronté à un problème de communication?

-Les enfants se comprennent toujours, répondit Lily en souriant, ils sont souvent plus tolérants que les adultes.

-Vous avez un travail pour subvenir à ses besoins?

-Je me suis toujours débrouillée pour qu’elle ne manque de rien.

-Et pendant que vous travailliez, que faisait Katy?

-Je la confiais à des personnes de confiance si j’en avais la possibilité, sinon, je m’arrangeais toujours pour m’occuper d’elle…Elle était sourde jusqu’il y a encore peu de temps, c’était souvent compliqué de la faire garder.

-Comment communique t-elle avec vous?

-Lorsque j’ai su qu’elle était sourde, j’ai appris le langage des signes et je lui ai enseigné. Mais surtout, Katy sait lire sur les lèvres.

-C’est une chose rare pour une fille de son âge, il faut bien souvent encore attendre un ou deux ans.

-Katy est une petite fille très intelligente, répondit fièrement la mère.

Anna rit de bon cœur et s’enfonça à nouveau dans son fauteuil.

-Ce sont les mots de Denise, dit-elle en souriant, et je veux bien vous croire, elle n’a pas perdue une miette de ce que nous venons de parler.

Lily se tourna vers la fillette et vit qu’elle souriait largement, signe qu’elle savait qu’on parlait d’elle. La jeune femme lui rendit son sourire et accorda son attention à la femme assise en face d’elle.

-Bien, Mademoiselle Roberts, je vais devoir m’entretenir avec Katy quelques temps, je vous demanderai de bien vouloir attendre dans le couloir un court instant.

-Je peux vous demander pour qu’elle raison vous voulez la voir seule? Demanda la jeune femme avec étonnement.

-J’ai besoin de faire connaissance avec elle et je dois lui poser quelques questions. Ne vous en faites pas, c’est la procédure habituelle ça ne prendra que quelques minutes.

-Très bien , répondit Lily.

Elle se tourna vers Katy et s’approcha doucement d’elle.

-Je vais sortir quelques minutes ma puce, tu resteras ici avec Madame Matthews, elle te posera des questions auxquelles tu répondras d’accord?

La fillette lança un regard à la femme qui se trouvait toujours derrière le bureau et qui lui accordait un tendre sourire.

-La porte restera ouverte Katy, dit-elle, ta maman sera juste à côté.

Elle revint à sa mère et celle-ci lui caressa tendrement la joue.

-Tu vois ce qu’elle a dit, tu n’as pas besoin d’avoir peur, ne t’inquiète pas.

Katy acquiesça. Lily lui sourit et déposa un baiser sur son front avant de sortir et de laisser la porte entrouverte.

Elle avait une envie folle de se pencher sur celle-ci et d’écouter les questions que pourrait poser cette femme à Katy. Mais elle décida de ne pas le faire, peut être valait-il mieux qu’elle ne sache pas.

Alors s’éloigna du bureau. Elle passa plusieurs minutes dans le couloir coloré faisant les cents pas à distance respectable pour ne rien entendre.

Elle regardait les dessins d’enfants, les casiers en bois sur lesquels il y avait des petites étiquettes comportant des noms, elle vit les chaussures et les vestes parfaitement rangées contre un mur. Puis, une porte s’ouvrit. Elle s’écarta pour laisser passer les enfants qui déjà étaient partis sans avoir mis leurs chaussures. Elle sourit en voyant deux personnes les rattraper pour les mener jusqu’au banc en bois où ils devaient se changer.

Lily les salua et ils répondirent en souriant. Elle regardait ces jeunes enfants, à peine plus âgées que Katy. Ils étaient différents, cela se voyait parfaitement sur leur visage. Mais c’était des enfants. Ils souriaient, ils riaient, ils chahutaient et ils avaient tous hâte de sortir s’amuser dans le parc boisé.

Lily les regardait se préparer un moment avant de revenir à la réalité en sentant les petites mains de Katy l’agripper tendrement. Elle se tourna vers elle et lui sourit.

-Parfait Mademoiselle Roberts, fit Anna en arrivant à sa hauteur, nous avons un peu parlé toutes les deux et si vous souhaitez toujours placer votre fille ici, je l’accepte avec joie.

-Vraiment? C’est tout? Il n’y a rien d’autre à faire? S’étonna la jeune femme. Je pensais qu’un tel établissement serait inaccessible pour nous.

-Nous tachons d’apporter notre aide à tous ceux qui le souhaite…et mise à part les détails administratifs c’est tout en effet. Katy devra passer deux ou trois petits tests afin de savoir dans quel groupe nous pourrons la placer mais en dehors de cela, tout est en ordre.

Lily lui sourit et s’agenouilla face à la fillette. Elle la prit par la taille et lui parla doucement, ancrant son regard dans ses yeux bleu.

-Tu veux rester ici alors? Ca te plait?

-Oui, elle a dit qu’y a plein d’enfants gentils et il y en a même qui sont comme moi. Des fois, ils vont au zoo et ils jouent dans le grand parc quand il fait beau.

-Eh bien, c’est tout un programme dis-moi. Mais tu sais qu’il faudra aussi un peu travailler, tu n’as pas oublié? Tu es aussi ici pour apprendre à parler comme maman.

-Oui.

-Bien, lança Lily en lui remettant une mèche derrière l’oreille, alors c’est d’accord, tu vas pouvoir venir ici.

Katy l’étreignit un instant avant de déposer un baiser sur sa joue. Elles se séparèrent et Lily se leva à nouveau.

-Je vais vous faire visiter le centre, lui dit Anna, si ça intéresse Katy, elle pourra rester avec un groupe qui fait une activité pendant que nous parlerons des formalités d’inscription.

-Oui, répondit la jeune femme, ça me parait être une bonne idée.

-Dans ce cas, suivez-moi.

Ainsi, elles visitèrent l’institut toutes les deux, main dans la main. Katy était détendue et elle avait hâte de pouvoir venir. Même si la séparation avec sa mère n’avait pas encore été abordée et serait sans doute un point important, pour l’instant, elle n’y pensait pas.

Les deux femmes laissèrent la fillette dans un groupe d’enfants d’environ son âge qui se trouvait dans un atelier de modelage.

Lily avait observé sa fille quelques minutes. Elle s’amusait, elle le voyait parfaitement et elle était soulagée. Puis, elle suivit la directrice dans son bureau pour y signer les papiers et y régler les détails.

Ce n’est que vers midi que Lily alla chercher Katy et que toute deux partirent enfin, un nouveau compagnon en poche ; Hercule un petit escargot en pâte à modeler réalisé avec soin par la petite fille.

 

Dix jours plus tard…

Lily venait de finir de débarrasser le dernier plateau sur lequel se trouvaient plusieurs verres et quelques bouteilles vides. Elle le ramena sur le bar derrière lequel se trouvait Roxy qui nettoyait d’autres verres. Lily lui accorda un tendre sourire et s’assit en face d’elle.

-Tu semble aller bien, fit Roxy en souriant.

-Oui…je n’ai pas encore eu l’occasion de t’en parler mais j’ai peut être trouvé un emploi, en plus de celui-ci, précisa la jeune femme, je commence demain.

-Vraiment? Où?

- A la bibliothèque du centre ville, ce n’est pas le boulot du siècle mais ça va me plaire je pense. Les horaires ne sont pas très contraignantes, je pourrai venir encore travailler ici, enfin…si tu veux encore de moi.

-Bien sûr que je veux encore de toi ici, répondit-elle, tu es ma meilleure serveuse.

-Merci, tu n’es pas mal non plus comme patronne, répondit Lily en riant.

-Tu crois? Non, mais que fais tu assise ici? Je rêve? La réserve t’attends il me semble non?

-Je retire ce que j’ai dis…j’y vais chef.

Elles rirent toutes les deux de bon cœur, puis la jeune femme s’apprêta à se lever.

-Je plaisante Lily, on a encore le temps…je t’accorde une pause…Mais je voudrai savoir une chose en échange, dit-elle avec une étincelle de malice dans ses yeux bleus, vas-tu rappeler le jeune homme qui t’a gentiment donné son numéro tout à l ‘heure?

-Oh…non, soupira Lily.

-Pourquoi? Il est plutôt mignon.

-Il n’est pas vraiment mon genre et puis, je n’ai pas la tête à ça en ce moment.

-C’est un couplet que tu me sors depuis des mois.

-Mais parce que les choses n’ont pas changé depuis ce temps là.

-Ah oui, vraiment tu trouve? Je ne sais pas ce qu’il te faut.

-Tu me comprends…Je viens de trouver une nouvelle famille, je sais que j’ai un avenir et pour Katy il en est de même, je dois apprendre à vivre différemment à présent, voilà tout.

-Justement, un homme dans ta vie te ferai du bien, je sais de quoi je parle, crois-moi, j’étais seule avec mes fils, un boulot et tout un tas de problème, comme toi. Je me suis débrouillée et j’étais persuadée de pouvoir toujours rester seule, sans mec!

Elles rirent toutes les deux et Roxy reprit la parole, après un moment passé en silence.

-J’ai rencontré Trevor et ça a changé, je suis heureuse de l’avoir auprès de moi…quand il est là.

-Je sais ce que tu veux dire, mais pour le moment, mon cœur appartient à une petite fille qui va bientôt fêter ses cinq ans et je n’ai besoin de rien de plus dans ma vie que Katy.

-Tu verras, au bout d’un moment les bras d’un homme seront très agréables.

-Eh bien, nous verrons. Quand j’en trouverai un qui me conviendra, promis je te le dis.

-Tu verras, répéta Roxy qui savait parfaitement de quoi elle parlait, ça arrivera plus vite que tu ne le crois, peut être le connais tu déjà.

Lily la regarda avec instance. Elle devait se faire idées, Roxy ne pouvait pas savoir qu‘elle avait rencontré un homme qui lui conviendrait peut être. Un homme à qui elle pensait bien plus souvent qu‘elle ne le voulait. Un homme à qui elle pensait à cet instant précis.

-A propos de Katy, lança Roxy à nouveau, ça se passe bien à l’institut pour elle?

-Oui, répondit fièrement la jeune femme chassant de son esprit le jeune médecin de Goldsboro, elle me raconte une quantité de choses, tu ne peux même pas t’imaginer. A peine j’arrive, elle ne cesse de me parler de ce qu’elle fait, cela ne fait qu’une semaine qu’elle s’y trouve mais c’est comme si elle y allait depuis des années, c‘est incroyable.

-Elle s’y sent bien, c’est l’essentiel.

-Oui, c’est certain, la première séparation à été un peu dure, je l’avoue mais maintenant, tout va pour le mieux, j’espère de tout cœur que ça continue sur cette lancée, je suis plus sereine lorsque je travaille.

-Et quand tu auras ce boulot à la ville, comment tu feras pour la garder?

-Je peux la laisser des journées entières d’ici une ou deux semaines, et sinon, Denise m’a proposé de la garder de temps à autre. Elle veut à tout prix passer un peu de temps avec elle.

-Et, avec Frank? Ca se passe bien? Demanda Roxy avec hésitation.

-Pour ma part je l’ignore. Pas vraiment, dit-elle en faisant la grimace, je ne le vois pas il refuse que j’entre chez eux, mais pour Katy il est plus souple j’ai l’impression, il accepte qu’elle vienne.

-Comment explique tu ça? Dit-elle en fronçant les sourcils.

-Je ne sais pas, il se dit peut être que ce n’est qu’une enfant et qu’elle n’est pas responsable de tout cela, mais Katy m’a demandé s’il était fâché avec elle, si elle avait fait une bêtise, ou s’il avait la même chose qu’elle, s’il savait parlé, puisqu’il ne s’occupait pas d’elle , il la tolère mais c’est tout.

-Comment prend elle cette situation?

-Elle ne comprend pas, mais ça s’arrête là. D’un côté je le remercie d’agir de cette façon, je préfère qu’il l’ignore plutôt que s’il soit en colère ou qu’il s’en prend à elle.

-Je ne connais pas beaucoup Frank, mais je peux te dire une chose; il ne s’en prendra jamais à Katy, je peux te l’affirmer, n’ai crainte.

-Je ne me fais pas trop de souci, c’est vrai, ce n’est pas son genre de faire ça… c’est juste que je trouve cela dommage, voilà tout.

-C’est certain, mais qui sait, peut être que les choses s’arrangeront.

-Mm tu es une grande optimiste.

-Ni plus ni moins que toi, lui répondit immédiatement Roxy en souriant.

Lily lui rendit son sourire et resta encore assise quelques minutes à bavarder avec son amie. Puis, elle prit le chemin de la réserve et s’occupa d’y faire du rangement et un peu de ménage. Une fois son service terminé, elle prit un verre, salua son amie et quitta le Hump Bar. Elle prit le chemin de la ville pour y faire quelques courses, puis elle alla chercher sa fille à son école. Elles passeraient une soirée toutes les deux et le lendemain, Lily déposerait Katy chez sa mère et irait commencer son nouveau travail à la bibliothèque municipale de Charleston.

La jeune femme s’était levée tôt ce matin là. Katy n’allait pas à l’institut. Il était prévu que se soit Denise qui la garde chez elle. Lily appréhendait un peu d’aller déposer sa fille chez celle-ci, jusqu’à présent c’était elle qui venait la chercher.

La jeune femme savait parfaitement que Frank ne voulait pas la voir à proximité de leur maison; mais lorsque Denise lui avait demandé de passer, un espoir avait gagné son cœur. Bien qu’elle affirmait sans cesse que, peu lui importait si Frank l’accepte ou non, la vérité était toute autre. Elle souhaitait de tout cœur qu’il l’accepte, qui lui parle, qu’il rit avec elle, qu’elle puisse le considérer comme ce qu’il était; son beau père. Bien sûr, il ne remplacerait jamais son père adoptif mais elle souhaitait réellement qu’il endosse ce rôle de beau père, qu’il se soucie d’elle, de son bien être et peut être même qu’il en vienne à l’aimer un peu. Elle ne demandait qu’à compter un peu pour lui, rien de plus, rien de moins. Mais la jeune femme savait que c’était beaucoup trop demandé. Jamais il ne lui accorderait la moindre importance, elle le savait et elle pouvait parfaitement le comprendre.

C’est donc une boule au ventre et la gorge sèche qu’elle prit le chemin de la base avec Katy. Elles arrivèrent rapidement bien qu’en prenant le bus. Lily n’entra pas, embrassant sa fille sur le pas de la porte. Elle salua sa mère, croisant le regard froid et sévère de Frank qui se trouvait derrière Denise.

-Je suis navrée Elizabeth, murmura Denise, mais je…

-Ne te justifie pas, je t’en prie, je comprends parfaitement, lui répondit Lily sur le même ton.

Denise acquiesça en signe de remerciement et la jeune femme s’en alla après un dernier regard accordé à sa fille.

Elle prit le chemin inverse et rejoignit le centre ville. Elle ne voulait pas arriver en retard à son premier jour de travail. Un travail qui allait lui plaire, elle en était persuadée, bien différent de ce qu’elle avait pu faire dans le passé et qu’elle souhaitait oublier de temps à autres.

Ainsi la matinée se passa tranquillement. Elle se familiarisait petit à petit avec son nouvel emploi, ses nouveaux collègues et son nouvel environnement. Chez Denise, en revanche, tout était nettement plus tendu.

Frank refusait toujours de lui adresser la parole, ce qui fit réfléchir sérieusement la jeune femme sur un possible déménagement, ne supportant plus cette situation qu’elle jugeait douloureuse et absurde.

Elle leva la tête du puzzle qu’elle faisait avec Katy et regarda un peu plus loin l’homme occupé à bricoler sur la table du salon. Elle soupira bruyamment et Katy leva les yeux vers elle.

-Tu veux plus jouer Mia?

-Je suis un peu fatigué Katy…tu ne veux pas aller chercher les crayons de couleurs pour dessiner un peu?

-Si, répondit simplement la fillette avant de se lever.

Denise débarrassa la table pendant que Katy alla chercher sa boite de crayons de couleurs dans le salon, ainsi que quelques feuilles blanches.

Elle fit tout son possible pour ne pas déranger Frank qui n’avait même pas levé les yeux vers elle. Mais Katy perdit l’équilibre entre plusieurs objets et manqua de tomber. Elle se rattrapa au dernier moment sur l’homme toujours concentré à sa tâche.

Denise qui avait assisté de loin à la scène s’apprêtait à venir, lorsqu’elle se figea sur place, trop surprise par la réaction qu’adoptait Frank à cet instant.

-Pardon, fit Katy en se redressant et en baissant les yeux.

-Ce n’est pas grave….viens, je vais t’aider à ramasser tes crayons, dit-il d’une voix douce.

Katy lui sourit timidement et se baissa déjà. Frank en fit de même et ils remirent les crayons de toutes les couleurs dans la boite, en silence, ayant presque peur chacun de rencontrer le regard de l’autre.

Une fois tout rangé à sa place, Katy regarda Frank à nouveau.

-Merci, murmura-t-elle avec difficulté et hésitation avant de s’éclipser rapidement derrière Denise qui les regardait toujours.

Frank suivit des yeux la fillette et croisa le regard de son épouse. Elle lui sourit timidement et il en fit de même avant de se remettre à ses affaires.

Denise se chargea de préparer le repas. Elle le fit d’humeur plus joyeuse et sereine. Même si Frank n’acceptait pas Lily, il se conduisait bien avec Katy. Et la jeune femme savait parfaitement que la fillette arrivait facilement à rallier à sa cause tous ceux qu’elle rencontrait. Elle avait un charme incroyable que beaucoup appréciaient.

Ainsi le repas se passa dans le calme. Frank et Denise ne parlaient pas et Katy se tenait tranquille. Lorsqu’ils eurent fini, la maitresse de maison s’occupa de ranger et de nettoyer la cuisine et Frank se remit à ses réparations.

Katy, quant à elle, dessina avec acharnement de longues minutes, refusant même de montrer ce qu’elle faisait à la jeune femme. Lorsque celle-ci voulu la mettre au lit pour une courte sieste, Katy lui demanda de venir avec elle auprès de Frank.

-C’est parce que, sinon il comprend pas ce que je dis…mais quand je saurais parler comme maman, je le ferais toute seule, promis, lui avait dit la fillette avant de la prendre par la main et de la mener vers le Major.

Celui-ci leva les yeux vers elles et Katy lui tendit fièrement ce qu’elle tenait, un sourire sur les lèvres. Il prit le dessin entre les mains et le regarda un moment avant de regarder la petite fille une nouvelle fois et de lui adresser un timide sourire.

-C’est très joli, dit-il en ancrant son regard dans le sien.

Il voulait lui rendre la feuille mais Katy fit « non » de la tête.

-C’est pour lui, fit-elle en se tournant vers Denise, parce qu’il m’a rangé mes crayons.

Denise sourit et s’adressa à son époux.

-Elle te le donne, parce que tu l’as aidé ce matin, c’est pour te dire merci.

-C’est très gentil de ta part Katy, merci…Mais…qui sont toutes ces personnes devant cette belle maison?

-Il y a maman là, et puis Mia, moi, tata Claudia, tonton Michael et tonton Frank, mais j’ai pas pu mettre tonton Jeremy, je sais pas comment il est grand, finit-elle en faisant la moue.

-Ce n’est pas grave ma puce, ça fait déjà beaucoup de monde tu sais, la rassura Denise.

-Qu’est-ce qu’elle a dit? Demanda Frank.

-Elle a énuméré toutes les personnes qu’elle a dessiné mais elle n’a pas pu mettre Jeremy puisqu’elle ne l’a jamais vu en vrai, elle ne sait pas quelle taille il a.

-Oh…et qui sont ces personnes?

Denise se racla la gorge et lui énuméra les noms tels que la fillette les avaient prononcés. Frank la regarda avec de grands yeux ronds, ne sachant pas vraiment comment réagir, puis il regarda une nouvelle fois le dessin et Katy.

-Je garderai ce dessin, merci Katy…maintenant, file faire ta sieste.

Katy lui adressa un timide sourire et s’approcha doucement de lui. Elle s’éloigna de Denise et déposa un baiser sonore sur la joue du Major, puis, après un dernier regard, elle s’éclipsa.

La jeune femme la suivis immédiatement après.

-Denise? Lança Frank pour la retenir.

Celle-ci se retourna et le regarda simplement.

-C’est une petite fille adorable, murmura-t-il.

-Je le sais, répondit la jeune femme sur le même ton avant de quitter la pièce et rejoindre la chambre de son fils dans laquelle se trouvait déjà prête la fillette.

Le jeudi suivant, Katy alla à nouveau chez Denise et Frank pour la journée. Le jeudi était le jour de congé de la jeune infirmière mais ce jour là, elle avait dû faire un remplacement. Ayant été prévenue à la dernière minute, comme cela se faisait souvent, elle n’avait pas voulu avertir Lily qui allait déposer Katy d’une minute à l’autre devant chez elle avant de filer à la bibliothèque.

Ce n’est que lorsque la jeune femme salua sa petite fille et qu’elle déposa un doux baiser sur sa joue, que Denise lui parla de son changement d’emploi du temps. Mais malheureusement, il était bien trop tard pour trouver quelqu’un d’autre pour garder la fillette et Lily ne pouvait en aucun cas l’emmener avec elle comme elle l’avait fait à de nombreux emplois.

Denise en avait touché deux mots à Frank, lui aussi allait devoir reprendre son service dans peu de temps, mais ce jour là, il avait prévu de rester chez eux à bricoler ou encore d’aller faire quelques courses en ville. Il avait hésité, un long moment. Et puis, il avait regardé ce dessin d’enfant qui se trouvait sur la commode de leur chambre, là où il l’avait posé quelques jours plus tôt. Cette petite fille l’avait touché en plein cœur, il n’y pouvait rien, même en luttant de toutes ses forces; il était tombé sous son charme. Denise l’avait souvent vu sourire à ses bêtises et elle avait remarqué ces moments où il avait encore le reflexe de vouloir la protéger lorsqu’un danger pour elle de se blesser était possible. Mais Frank restait réservé, silencieux, distant.

Il avait fini par accepter de s’occuper de Katy quelques temps, deux ou trois heures, tout au plus. Même si Lily avait émis une réserve en l’apprenant, elle suivit le conseil de sa mère qui lui avait affirmé que tout irait bien. Et surtout, la jeune femme savait parfaitement qu’elle n’avait pas d’autre option que celle-ci, alors, elle accepta et se rendit au centre ville, non sans une certaine peur.

Denise était partie depuis une bonne heure déjà. Frank lui, tournait en rond, tel un lion en cage. Katy restait calme comme à son habitude, jouant dans son coin avec sa poupée et quelques autres jouets. Frank la surveillait, mais rien de plus et il ne supportait plus de ne rien faire. Alors, il se mit à ranger des livres qui se trouvaient sur la bibliothèque. Ce n’était vraiment pas son genre, mais quoi faire d’autre? Il tournait en rond.

Il regarda plusieurs reliures, il en replaça certains à leur place et puis, quelque chose attira son attention. Il ne lui sembla pas connaitre cette reliure en cuir sombre. Il prit l’album doucement et ouvrit la première page.« Elizabeth Mary Roberts »

« 08-25-1987 

L’écriture était fine et fluide. Il tourna la page, et vit glissé entre celle-ci et la fine feuille en tissu une photo vieille d’une vingtaine d’année. Il y vit souriante, Denise, tenant contre elle un enfant dont un long filament doré entourait son cou et dont un médaillon en or reposait sur sa poitrine. Il sourit un instant en regardant le visage heureux de son épouse; puis, il se laissa tomber sur le canapé et ferma les yeux un instant.

Comment avait-elle pu lui cacher un tel secret? Il se posait encore la question, refusant obstinément de la lui poser vraiment, craignant qu’une fois de plus les mots ne lui échappent. Il aurait voulu lui pardonner ce mensonge, mais il ne le pouvait pas, la trahison avait été bien trop grande et bien trop longue. Comment revivre ensembles comme « avant » après un mensonge pareil? Comment accorder sa confiance à cette personne qui l’avait laissé dans l’ignorance pendant tant d’années? Il ne le pouvait pas. Il ne pouvait pas faire comme si rien ne s’était passé, il ne pouvait pas accueillir cette jeune femme venu de nulle part, il ne pouvait pas s’occuper de cette fillette comme si elle faisait partie de sa famille. Il s’y refusait, obstinément.

Lorsqu’il voulu refermer cet album et tenter de chasser toutes ces pensées de sa tête, il sentit de toutes petites mains se poser sur les siennes. Il ouvrit les yeux et croisa le regard de Katy qui se tenait devant lui. Il ancra son regard dans ces yeux aussi bleus que les siens et ils restèrent silencieux un moment. Puis, Katy s’approcha et vint s’asseoir sur le canapé, à côté de lui.

-C’est ma maman, dit-elle fièrement en pointant son doigt vers la photo.

Frank ne bougea pas et continua de la regarder.

-C’est ma maman, répéta Katy.

Il ne bougea toujours pas et Katy prit doucement l’album qu’elle amena sur ses genoux.

-Regarde je te montre, elle feuilleta l’album rapidement jusqu’à la fin ou elle montra une photo ou elle se trouvait avec Lily et ses parents adoptifs, c’est ma maman et puis ça Mamy et Papy…tu comprends pas ce que je dis, dit-elle en faisant la moue.

Elle regarda une dernière fois Frank et s’apprêta à se lever. Mais le Major la retint en posant sa main sur l’album, elle leva les yeux vers lui et il lui parla doucement.

-Tu m’as montré que c’était ta maman dans cet album c’est ça?

Katy fit « oui » de la tête et Frank lui sourit.

-Je suis désolé Katy, je ne comprends pas ce que tu me dis mais… je vais essayer de faire un effort…Si tu veux me montrer les photos de toi et de ta maman, je veux bien les voir.

La fillette acquiesça et reprit sa place initiale, tournant les pages en souriant. Frank regarda avec attention. Cette enfant semblait sourire à chaque instant, et au fur et à mesure que les pages tournaient, il lui sembla connaître cette petite fille, cette adolescente, cette jeune femme, cette jeune mère…

Ce mardi là, Lily ne travaillait pas. Elle avait déposé Katy à l’institut le matin même et elle était allée faire quelques courses. Elle avait téléphoné à Claudia Joy pour lui demander de passer avec la maisonnette pour poupées qu’elle avait acheté quelques semaines plus tôt. Aujourd’hui, Katy fêtait ses cinq ans. La jeune femme avait prévu un goûter entre amis pour sa fille. Elle y avait conviés ses amies et leurs enfants. Tous avaient acceptés avec joie et devaient arriver d’ici deux bonnes heures, juste le temps pour que Lily puisse finir de décorer son appartement et d’aller chercher sa fille.

La jeune femme accrochait une banderole colorée à sa bibliothèque lorsqu’on sonna à sa porte. Elle descendit de la chaise sur laquelle elle était montée quelques minutes plus tôt et alla ouvrir.

-Salut, lança Claudia Joy dont la tête dépassait à peine derrière la maison en bois.

-Bonjour Claudia Joy, répondit Lily en souriant, venez, entrez, dit-elle en se poussant de la porte.

-Merci, répondit la jeune femme dans un souffle, elle est lourde cette maison.

-Venez, posez la ici, s’empressa de dire Lily en faisant de la place sur la petite table de salon.

Claudia Joy s’exécuta et se redressa en souriant.

-Eh bien, dit-elle en regardant autour d’elle, tu fais les choses en grand.

-J’ai envie qu’elle se souvienne pendant quelques temps de cet anniversaire, bien sûr elle n’a que cinq ans, il y en aura bien d’autres qui la marquera sans doute plus, mais…celui-là est un peu particulier.

-Je crois comprendre ce que tu veux dire, il est surtout important pour toi, je me trompes?

Lily sentit ses joues rosirent doucement et baissa les yeux en souriant.

-Ouais, murmura-t-elle, c’est un peu pour moi en effet, les personnes qui comptent le plus pour moi et ma fille seront ici, réunis pour son anniversaire. Je sais que ça peut sembler idiot, mais je suis heureuse pour ça.

-Ce n’est pas idiot, répondit Claudia Joy, c’est même très beau je trouve, dit-elle en souriant.

Lily sourit elle aussi et regarda avec attention la maisonnette.

-Elle est vraiment superbe, j’espère qu’elle lui plaira.

-A toi elle te plairait? Demanda son amie.

Lily la regarda avec étonnement.

-Oui, oui j’en avais une pareille étant enfant et… je l’aimais beaucoup.

-Alors, elle lui plaira, crois-moi, répondit Claudia Joy en souriant.

-Nous verrons bien, en attendant, Lily regarda sa montre, je ne vais pas tarder à devoir aller la chercher.

-Ok, moi je reste là en attendant les autres.

-Ca ne vous dérange pas? Je sais que c’est un peu impoli de ma part, mais je serais vraiment plus rapide avec votre voiture, s’excusa la jeune femme.

-Tu plaisante? Ca ne me dérange pas, je te l’ai proposé.

Elle prit les clés de sa voiture dans sa poche et les lui tendit.

-Merci, je vais cacher son cadeau dans la chambre pour qu’elle ne le voit pas en arrivant et je vais la chercher…Le gâteau est terminé, je crois que tout est prêt, soupira la jeune femme en regardant autour d’elle.

-Lily.

-Oui?

-Vas-y, lui ordonna Claudia Joy, tout est parfait je te l’assure, ne fais pas attendre Katy, je me charge des autres s’ils arrivent avant toi.

-Ok, j’y vais.

Elle prit la maisonnette qu’elle cacha derrière le lit de la fillette et elle prit le chemin de l’institut au volant de la voiture de son amie, pendant que celle-ci attendait patiemment à son appartement.

Après quelques minutes, Lily arriva enfin. Elle accueillit contre elle sa petite fille qui sortit du bâtiment en courant. Puis, toutes deux rentrèrent à la maison. Katy se demandait pourquoi sa mère était venue la chercher avec la voiture de son amie, ne se doutant pas de la surprise qui l’attendait. Lily lui avait simplement répondu que la jeune femme la lui avait prêtée pour qu’elle puisse venir la chercher. Katy n’avait rien répondu et elles restèrent silencieuses jusqu’au bas de l’immeuble où se trouvait leur appartement. Lily y vit garer la voiture de Denise. Katy serait ravie de voir qu’en arrivant il y aurait ses deux plus grandes amies. C’est un large sourire sur les lèvres que Lily monta, tenant la main de sa fille. Elles arrivèrent devant la porte et Lily fit passer Katy devant elle.

-Ouvre la porte ma puce.

-Pourquoi? Demanda celle-ci avec étonnement.

-Vas-y, il y a une petite surprise pour toi de l’autre côté.

-Mon cadeau d’anniversaire? Avait lancé la fillette en souriant.

-Peut être, avait répondu Lily en caressant tendrement le bout de son nez, allez, ouvre, dépêche toi tu en meurs d’envie.

Katy sourit de plus belle et ouvrit la porte. Elle entra dans l’appartement et Lily referma la porte derrière elle.

Denise et Claudia Joy se trouvaient assises sur le canapé et discutaient tranquillement. Katy courra vers elles et se blottit entre les deux femmes. Elles rirent toutes les deux et l’embrassèrent tendrement.

-Joyeux anniversaire Katy lança Claudia Joy en riant.

-Joyeux anniversaire petite princesse, dit Denise en déposant un baiser dans ses cheveux sombres.

La fillette se sépara d’elles et Denise leva les yeux vers sa fille qui se tenait à côté du canapé et les regardait en souriant.

-C’est super ce que tu as fais ici, dit-elle.

-Merci, répondit Lily en souriant, rien n’est assez bien pour ma petite crevette.

-Je suis pas une crevette, avait répondu Katy en faisant la moue.

Les trois femmes rirent de plus belle et Lily se mit à genoux devant sa fille.

-N’oublie jamais que tu resteras toujours ma petite crevette qu’importe l’âge que tu fêteras, c’est le privilège que possède les mamans, dit-elle en lui faisant un clin d‘œil.

-Vraiment? Lança Denise en riant, je tâcherai de m’en souvenir.

-Euh….bredouilla Lily.

 

Après quelques minutes passées entre elles, les autres invités arrivèrent les uns après les autres. A chaque fois, Katy eu le privilège d’aller ouvrir. Lily s’était toujours tenue derrière elle en souriant et avait accueillit ses amis avec joie. Lorsque tous furent là et que les enfants jouaient joyeusement entre eux, Lily se mit derrière le bar pour préparer la décoration du gâteau. Elle avait demandé à Lucas et Katie de surveiller à ce que Katy n’entre pas dans la chambre. Ainsi de son point stratégique, elle pouvait observer toute la pièce. L’appartement n’était pas bien grand, cependant, tous ses amis étaient là, dans son salon, et semblaient passer un agréable moment, tout comme la reine de la fête. Elle était sollicitée de tous les côtés, elle semblait bien, en paix. Lily ne l’avait jamais vue aussi heureuse. Katy faisait des progrès à l’institut, elle était moins réservée et commençait à prononcer quelques syllabes par ci par là, se concentrant avec application avant de sortir de courtes phrases de sa toute petite voix. Lily était heureuse elle aussi, sans doute tout autant, voir même peut être davantage que sa fille.

Elle s’attarda un moment à observer les adultes présents dans son salon. Elle ne s’était pas doutée une seule seconde en arrivant à Charleston, bien des mois plus tôt, qu’elle aurait la vie qu’elle avait à présent. Ses années de malheurs étaient bel et bien révolus, elle savait qu’à présent plus rien de pourrait entacher son bonheur, du moins elle l’espérait de tout cœur.

-Elizabeth?

Celle-ci sursauta en sentant la main de sa mère se poser sur son épaule. Elle manqua de faire tomber la bougie qu’elle voulait placer sur le gâteau et se tourna vers la jeune femme.

-Tu vas bien? Demanda Denise en la regardant avec attention.

-Oui, oui ça va je…

Lily essuya machinalement sa joue sur laquelle se trouvait une fine trace humide. Ce geste n’échappa pas à l’infirmière et elle lui prit tendrement la main.

-Tu es certaine que tout va bien? Tu ne me cache pas quelque chose?

-Non, je t’assure je ne te cache rien, répondit Lily en souriant timidement, je vais bien ne t’inquiète pas.

-C’est que…je sais que tu es encore méfiante et je voulais que tu sache que tu peux tout me dire.

-Je le sais, soupira la jeune femme, eh puis, je sais que tu connais tout de mon passé et à ce propos j’aimerai m’excuser.

-T’excuser? Lança Denise avec étonnement. Mais pour quelle raison?

-Pour ce que j’ai fais par le passé, je le regrettes et…

-Elizabeth, la coupa l’épouse du Major, le passé est le passé. Tu es là à présent, Katy est heureuse, j’aimerai que tu le sois également, les erreurs du passé oublions les, si tu as pu me pardonner, pardonne toi à toi-même également. Et je te promets une chose, ce que j’ai appris sur tes années sombres, cela restera entre nous, ne t’inquiète pas.

Lily lui sourit et elle sentit les larmes couler une nouvelle fois. La jeune femme les lui essuya du bout des doigts. Et la regarda un moment en silence avant de reprendre la parole.

-Le gâteau est prêt? Demanda Denise d’une voix plus forte en s’éloignant un peu de sa fille. Je crois que Katy ne tiendra plus longtemps avant de vouloir ouvrir ses cadeaux, elle tourne autour depuis plusieurs minutes déjà mais elle n’ose pas les approcher, Roxy lui a dit qu’elle les gardait et que si elle tentait d’en prendre elle la mordrait.

Elles rirent toutes deux et Lily plaça la dernière bougie sur le gâteau avant de la regarder à nouveau.

-C’est prêt, lança-t-elle en souriant.

-Parfait, allons-y mademoiselle, répondit Denise en prenant les assiettes d’une main et le couteau de l’autre.

Lorsque les invités les virent s’avancer vers la table du salon, tous se turent et les enfants cessèrent de jouer. Ils s’assirent sagement sur le sol autour de la table. Les adultes entamèrent un « joyeux anniversaire » et les enfants les imitèrent en cœur. Lorsqu’ils eurent fini, Katy regarda avec étonnement sa mère. Celle-ci se mit à côté d’elle.

-On chante cette chanson à tous ceux qui ont leur anniversaire, c‘est la tradition.

-Tu connais pas? Demanda Finn.

Katy fit « non » de la tête et Lily reprit la parole.

-Pour Katy c’est tout nouveau Finn, elle ne connait pas de chansons.

-Je t’apprendrais celle de l’escargot, lança le petit garçon, elle est drôle tu verras, dit-il en souriant.

Katy acquiesça et lui sourit en retour.

-Allez, le vœu. Lança Pamela.

La petite fille ferma les yeux et serra les lèvres quelques instants, puis, elle regarda les bougies brûler doucement et souffla de toutes ses forces. Tout le monde applaudi et Katy fit un énorme baiser sur la joue de sa mère. Elle la prit quelques temps contre elle et coupa la gâteau. Une fois que tous furent servis et le dégustaient tranquillement, la fillette eut enfin le droit de déballer ses cadeaux. Elle avait été gâtée. Elle déballa avec hâte les papiers de toutes les couleurs. Elle découvrit des livres, des jouets, des peluches. A chaque cadeau ouvert, son sourire s’agrandissait davantage. Elle embrassa la personne qui le lui avait offert et se concentra sur le prochain. Alors qu’il n’en restait plus qu’un, Denise prit la parole.

-Celui-là ;c’est de Frank, précisa-t-elle, comme il ne voulait pas venir…

Ils la regardèrent tous avec étonnement alors que Katy arrachait déjà le papier cadeau.

-Frank? Lança Lily.

-Nous en reparlerons, murmura Denise alors que Katy montrait fièrement à sa mère la poupée qu’elle avait eu.

-C’est que des cadeaux de filles, avaient lancé Finn d’un air déçu.

-C’est une fille, répondit Roland en riant, c’est normal.

Ils rirent de plus belle et Katy prit place sur les genoux de Lily.

-Ma puce, murmura-t-elle en la regardant, il y a encore un cadeau qui t’attends dans ta chambre.

-C’est vrai?

-Mm, c’est le cadeau que je t’ai offert moi, répondit Lily en caressant tendrement son front.

La petite fille sauta à pieds joins sur le sol et s’éloigna au pas de course sans se retourner.

-Qu’est-ce qu’elle a? Demanda Pamela en la regardant passer à côté d’elle.

-Je crois qu’elle va découvrir son dernier cadeau, répondit Claudia Joy en regardant Lily.

Celle-ci acquiesça en souriant et une seconde plus tard, un boulet de canon se blottit dans ses bras. Katy se serra aussi fort qu’elle le pouvait contre elle et leva les yeux.

-Merci maman, dit-elle avec un large sourire.

-Elle te plait?

La fillette fit « oui » de la tête et enfouit une nouvelle fois sa tête dans le cou de sa mère, resserrant ses bras autour d’elle.

-Je t’avais dis qu’elle lui plairait, lui murmura Claudia Joy en souriant.

Ainsi la petite fête se termina tranquillement entre éclats de rire et jeux diverses. Lorsque la nuit commença à tomber, tous prirent le chemin de leur maison. Lily remercia une fois de plus tous ses amis d’avoir été de la partie et les salua chaleureusement.

Katy jouait tranquillement dans sa chambre lorsque Lily entreprit de tout ranger. Seule Denise était restée avec elle pour lui donner un coup de main. Elles se trouvaient toutes les deux dans la cuisine à finir de laver la vaisselle que la jeune femme avait achetée une semaine plus tôt.

-Elizabeth, avait-dit Denise après de longues minutes passées en silence, à propos du cadeau de Frank, j’espère que tu ne m’en veux pas mais je pensais vraiment que Katy devait l’avoir. Ca semblait lui faire vraiment plaisir de lui offrir.

-Non, non bien sûr que je ne t’en veux pas, je suis même très heureuse qu’il lui en ai fait un.

-Tu sais, poursuivit la jeune femme en posant le torchon qu’elle tenait, ils s’entendent bien tous les deux, je les ai surpris jeudi dernier sur le canapé, ils regardaient des albums photos ensembles. Katy à l’air de se sentir à l’aise avec lui.

-Tu m’en vois ravie, murmura la jeune femme, c’est rare que Katy se sentent bien avec des gens qu’elle ne connait pas trop, surtout les hommes.

-J’aimerai qu’il se comporte de cette manière avec toi également.

-Ecoute, n’en parlons pas d’accord? Ca n’a aucune importance, seule Katy l’est et ça me suffit de savoir que Frank se comporte bien avec elle. Moi je n’ai besoin de rien d’autre que ce que je possède déjà.

-C’est-ce que tu crois…mais peut être te trompe-tu.

-Denise, soupira la jeune femme en fermant les yeux quelques instants, je t’en prie je ne veux pas en parler.

-Mais…

-J’ai passé une très agréable journée avec les gens que j’aime, je ne demande pas plus. Ecoute, si un jour Frank souhaite me connaitre, je serais ravie de pouvoir le faire, mais si ce jour n’arrive jamais , eh bien, qu’il en soit ainsi.

-Ok, alors tout va bien? Tu me le promets.

-Oui, je te le dis et je te le répète: je vais bien. Je n’ai jamais été aussi bien.

-Je suis heureuse de te l’entendre dire, répondit Denise en replaçant une mèche de cheveux de la jeune femme derrière son oreille. Je ne souhaite que ton bonheur.

-Alors, il est temps pour toi de rentrer.

-Non, mais je rêve tu me fous dehors? Lança-t-elle sur un ton faussement vexé.

-Oui, oust, dehors. Il commence à faire nuit et je préfère te savoir chez toi plutôt qu‘en voiture.

-Bien maman, rétorqua Denise en riant, tu me permets tout de même d’aller saluer ma petite fille?

-Oui, tu as le droit, elle me ferait une scène si jamais tu ne le faisais pas de toute manière.

Denise lui sourit et s’éloigna, regagnant la chambre de la fillette quelques instants. Elles se saluèrent et Denise quitta l’appartement de sa fille et de sa petite fille.

Celle-ci prit un bain et Lily la mise au lit. Elle resta de longues minutes avec elle à lui lire une histoire dont elle avait eu le livre le jour même. Puis, après avoir vérifié sur son téléphone portable le message qui lui confirmait que Denise était bien arrivée chez elle, elle prit une douche. Une fois en tenue de nuit elle aussi, elle rejoignit le canapé sur lequel elle avait mis les couvertures et les coussins qu’elle prenait pour dormir. Mais la jeune femme tourna en rond pendant de longues minutes. Alors, elle décida de se lever et rejoignit la chambre de Katy. Elle la regarda un moment dormir et doucement se glissa dans les draps avec elle. La fillette se tourna vers elle et ouvrit de tout petits yeux endormis.

-Tu fais quoi maman?

-Je n’arrivais pas à dormir ma puce, alors je viens avec toi, tu veux bien?

Katy acquiesça et se blottit naturellement contre elle. Lily resserra son étreinte et déposa un doux baiser sur son front.

-Je t’aime ma petite crevette, murmura-t-elle avant de fermer les yeux et de s’endormir enfin.

Depuis l’anniversaire de Katy, celle-ci se précipitait dans sa chambre aussi souvent qu’elle le pouvait pour jouer avec sa maison de poupée. Lily était heureuse de constater qu’elle lui plaisait beaucoup. Pendant ce temps, la jeune femme en profitait pour se plonger dans les livres qu’elle empruntait à la bibliothèque où elle travaillait. Il lui arrivait aussi de temps à autres d’aller travailler au Hump Bar et de laisser la fillette à Claudia Joy ou Denise. Toutes d’eux étaient toujours ravies de pouvoir s’en occuper et la petite fille ne s’en plaignait pas; elle était traitée comme une vraie princesse.

Ce jour là, Katy avait passé son après midi avec sa grand-mère. Elles étaient allées faire une ballade en ville, elles avaient mangé une glace et elles étaient allées au cinéma toutes les deux. Lorsque vint l’heure pour Lily de quitter la bibliothèque, elles vinrent la retrouver à la sortie de celle-ci et rentrèrent avec elle jusqu’à l’appartement. Denise avait passé une agréable journée en compagnie de la fillette. Elle se sentait bien et en paix. Lily lui avait proposé de rester pour le dîner. Elle accepta avec joie. Plusieurs fois durant la soirée, Lily remarqua l’attitude particulière de sa mère. Elle jetait souvent un regard à son téléphone portable. Alors, à la fin du repas, lorsque Katy fila dans sa chambre pour se mettre en pyjama et qu’elles débarrassèrent la table, elle décida de lui en toucher deux mots.

-Est-ce que tout va bien? Demanda la jeune femme, tu semble préoccupée.

-Non, ça va…Frank a essayé de me joindre toute l’après-midi.

-Et? Lança Lily en attendant impatiemment la suite.

-Et rien, je n’ai pas écouté les messages et je n’ai pas décroché, je n’avais pas envie qu’il gâche cette après -midi avec Katy.

-Peut être qu’il voulait te parler d’une chose importante, s’inquiéta la jeune femme.

-Non, j’en doute…

-Tu n’en sais rien, la coupa Lily.

Denise ne répondit pas et resta silencieuse un moment. Alors la jeune femme s’approcha doucement d’elle et posa tendrement sa main sur la sienne.

-Rentre chez toi, nous reporterons cette soirée, je crois que tu devrais aller voir ton époux et voir ce qu’il te voulait.

-Je n’ai pas envie qu’il passe avant vous, nous avions prévu cette soirée.

-S’il te plait, soupira Lily, j’expliquerais à Katy ce qu’il se passe, mais si Frank a essayé de te joindre toute la journée c’est qu’il doit avoir une raison valable.

-Tu le défends?

-Katy me parle beaucoup de lui…Je ne le connais pas c’est vrai mais…crois le ou non, j’ai l’impression qu’il veut te parler d’une chose importante. Eh puis, surtout je ne veux pas que tu mettes un terme à ton mariage par ma faute, j’espère toujours que cela s’arrangera entre vous, finit-elle en souriant.

Denise lui sourit elle aussi et acquiesça.

-Tu as sans doute raison.

-J’ai toujours raison. Affirma Lily en riant.

-N’en fais pas trop quand même, lui répondit sa mère sur le même ton.

Après quelques temps, Katy les rejoignit à nouveau. Denise la salua et Lily lui expliqua qu’elle devait rentrer chez elle et que la soirée était remise à un autre jour. La fillette était déçue, mais Denise lui promit une autre après midi encore mieux que celle qu’elles avaient passée ainsi qu’une soirée entre mères et filles digne de ce nom quelques jours plus tard. Elle salua donc Lily et la fillette et prit le chemin de la base.

Une fois sa voiture garée dans l’allée, elle prit son téléphone et envoya un message à la jeune femme comme elle le faisait toujours, puis elle entra.

Elle posa ses affaires dans le salon comme à son habitude et vit son époux assit à la table de la cuisine. Il tenait sa tête entre ses mains et ne bougea pas d’un cil. Denise s’approcha de lui et posa délicatement sa main sur son épaule.

-Frank? Murmura-t-elle d’une voix peu sûre.

Celui-ci leva les yeux vers elle et elle s’éloigna un peu.

-J’ai essayé de te joindre toute la journée, dit-il en laissant tomber ses mains sur la table.

-J’étais avec Katy.

-Et tu n’as pas eu une seconde pour me répondre ou écouter tes messages?

-Frank, soupira Denise en se dirigeant vers la chambre, je n’ai pas envie de me disputer avec toi.

-Attends, lança-t-il en se levant, il faut que…que je te parle.

-Pour t’entendre me faire des reproches, je ne préfère pas.

-C’est au sujet de notre fils, lâcha-t-il dans un souffle.

La jeune femme se figea sur place en entendant ses paroles et se tourna vers lui. Elle croisa son regard, elle n’aimait pas ce qu’elle y voyait. Il la regarda encore un moment avant de baisser les yeux et de s’approcher d’elle.

-Jeremy? Murmura Denise. Tu…tu as eu des nouvelles? Il rentre?

-J’ai eu un coup de téléphone, en effet, dit-il en la regardant à nouveau. C’était son chef de section.

Denise ne répondit pas et sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Elle ne savait que trop ce que cela pouvait signifier. Frank s’humidifia les lèvres et regarda autre part un instant avant de se concentrer sur elle une nouvelle fois.

-Il…il a été blessé dans une attaque…Il…est…transféré en Allemagne avant…avant de revenir ici.

-Revenir? Bredouilla Denise. Ils ne rapatrient que les blessés graves et…les morts…Qu’est-ce qu’il a? Demanda-t-elle la gorge sèche et les larmes faisant leurs apparitions dans ses doux yeux bruns.

-Il a été gravement touché…ses jambes ont prit un coup…je n’en sais pas plus.

Denise sentit le sol se dérober sous ses pieds. Elle eu un violent vertige et les larmes coulèrent sans retenue sur ses joues. Frank approcha un peu plus et la prit par la taille. Il l’attira à lui un peu plus. Denise se laissa aller. Elle ferma les yeux et enfoui son visage dans le cou de son époux. Elle continua de sangloter contre lui, les bras fermement noués autour de sa nuque.

Frank quant à lui sentit le liquide salé dévaler sa joue. Il avait pu se retenir toute la journée, mais à cet instant, il craqua. Il n’était plus cet officier fort, cet homme fier; il était un père. Un père qui venait d’apprendre que son seul et unique enfant venait d’être grièvement blessé dans une guerre qui les dépassait tous. Il ferma les yeux quelques secondes lui aussi. Puis, il se reprit. Il se redressa un peu et déposa un doux baiser dans les cheveux de son épouse qui pleurait toujours à chaudes larmes contre son torse. Il se pencha à son oreille et la réconforta avec des paroles qu’il voulait les plus douces et les plus rassurantes possibles. Et ce, pendant de longues minutes, avant qu’elle ne consente à rejoindre la chambre. Elle se mit au lit et se serra contre Frank, aussi proche qu’elle le pouvait, dans le creux de ses bras, là où elle ne s’était plus trouvée depuis des semaines, mais là où elle finit par s’apaiser un peu et là où elle perdit le combat contre le sommeil.

Le jour suivant, le couple Sherwood était resté toute la journée seul chez lui, dans l’angoisse d ‘ignorer ce qui était arrivé à leur fils. Pour la première fois de sa vie, Frank vit ce que Denise pouvait vivre chaque jour lorsqu’il se trouvait loin. Il comprit à quel point vivre dans cette attente était insupportable. Il n’en pouvait plus de regarder inlassablement toujours les mêmes images sur le poste de télévision, que Denise ne quittait pas des yeux de toute la journée.

Alors, il s’assura que son épouse allait bien compte tenue de la situation, puis, il quitta la maison. Il avait besoin de faire un tour, de prendre l’air. Elle, au contraire, ne consentait pas à bouger du canapé dans lequel elle s’était affaissée le matin même.

Ainsi, après un dernier regard, il la laissa. Il veilla cependant à prévenir la meilleure amie de Denise afin qu’elle ne reste pas seule. Il prit la voiture qu’il conduisit jusqu’en ville et se gara sur le parking d’un bar qu’il fréquentait de temps à autre depuis qu’ils vivaient en Caroline du Sud.

Il entra et s’assit au comptoir. Il commanda un premier verre, puis un second, et un troisième et lorsqu’il vida le quatrième verre de bourbon, une personne prit place à côté de lui. Il leva les yeux vers celui qui avait troublé sa tranquillité. Le bar était presque vide à cette heure là, il y avait de nombreux tabourets libres un peu plus loin, alors pourquoi quelqu’un venait -il le déranger dans sa solitude et son chagrin?

L’homme lui sourit timidement et posa un instant sa main sur son épaule.

-Tu veux un verre? Lança Frank en se replongeant dans le sien.

-Pourquoi pas? Répondit Michael, mais en ce qui te concerne tu devrais arrêter là, Frank.

-Ne te mêle pas de ça.

-Combien en as-tu bu?

-Qu’est-ce que ça peut faire? Grommela-t-il, j’ai bien le droit de me saouler de temps en temps, non? Et je ne suis pas en service, je n’ai pas à recevoir d’ordre de ta part.

-Tu n’es pas dans ton état normal…Viens, Denise se demande où tu as bien pu partir depuis des heures.

-C’est elle qui te l’a dit?

-Claudia Joy, murmura Michael.

Le Major soupira bruyamment avant d’enfouir sa tête entre ses mains.

-Ca ne change rien de toute manière.

Ils restèrent silencieux pendant un long moment. Michael décida de ne pas obliger son ami à partir avec lui, du moins pas pour l’instant. Il commanda une bière et resta avec lui de longues minutes.

-Pourquoi tu restes là? Je peux me débrouiller tout seul, protesta Frank en émergeant soudainement de son verre.

-Je ne fais que boire une bière, répondit Michael avec calme.

Il lui lança un regard noir et commanda un autre verre d’alcool.

-Je sais pour Jeremy, s’aventura la Commandant d’une timide voix.

-Est-ce que…tu as des nouvelles? Demanda-t-il sans même le regarder.

-Je me demandais quand est-ce que tu allais me poser la question, répondit Michael après avoir bu une gorgée, il est sur le voyage du retour. Il restera plusieurs jours en Allemagne et il sera rapatrié dans la semaine.

-Que s’est-il passé? Murmura-t-il.

-Il a participé à l’assaut d’un bâtiment gardé par des rebelles. Mais l’immeuble avait été bombardé quelques heures plus tôt, il s’est effondré.

Frank se tourna vers lui et le regarda avec insistance.

-Et…

-Et, reprit Michael, un mur s’est écroulé sur leur passage. Il n’y a que deux survivants; Jeremy et un Lieutenant, celui qui l’a sortit de là. D’après ce que j’ai pu savoir, sa colonne vertébrale et durement touchée et…ses jambes sont paralysées.

-Il ne remarchera plus jamais, soupira le Major.

-Je ne le pense pas, je suis désolé Frank.

-Tout ça c’est de ma faute, lança-t-il en enfouissant sa tête entre ses mains une nouvelle fois, si seulement je ne l’avais pas poussé à entrer dans l’Armée.

-Frank, tu ne changeras pas ce que tu as pu dire ou faire par le passé, mais tu peux quitter ce bar et aller trouver ton épouse…Elle a besoin que tu sois près d’elle.

-Denise m’a trahi, lança-t-il avec fureur en le regardant à nouveau, pendant vingt années elle m’a caché la vérité, elle m’a menti, elle n’a jamais trouvé bon de me dire qu’elle avait une fille.

-Et tu veux la laisser souffrir pour ça? S’indigna son ami. Tu aime ton fils et ton épouse tout autant, alors ravale un peu ta fierté et pardonne une bonne fois pour toute. Denise est une femme merveilleuse et Lily l’est également, tout comme Katy, laisse leur une seconde chance, tout comme la vie en a laissé une à ton fils.

-Tu trouves qu’il a de la chance? Dit-il avec colère.

-Il est en vie. Jeremy est en vie Frank, fit-il sur un ton plus fort.

Il ne réagit pas pendant quelques temps. Tout se bousculait dans sa tête. Il ne savait plus quoi penser et l’alcool ne l’aidait pas de ce côté-là.

Ainsi, les deux amis restèrent encore de longues minutes accoudés au comptoir du bar. Puis, le Commandant réussit à convaincre le Major de le reconduire chez lui où se trouvait Claudia Joy réconfortant Denise. Les époux Holden décidèrent de laisser leurs amis un peu tranquilles, espérant de tout cœur que les choses s’arrangent entre eux.

Frank prit une douche, pendant que Denise tenta de cuisiner un dîner. Mais lorsque le Major revint dans le séjour, il vit une fumée noire s’échapper des fourneaux. Denise s’y tenait tout à côté, pleurant à chaudes larmes. Il se précipita dans sa direction et éteignit le gaz. Puis il se tourna vers la jeune femme et l’attira contre lui.

-Chérie…calme toi, murmura-t-il, ca va aller, je te le promets mon cœur.

Il lui leva son menton et ancra son regard profondément dans le sien.

-Pardonne moi, dit-il en essuyant les larmes du bout des doigts.

-Moi aussi, Frank.

-Je t’aime, dit-il dans un souffle.

Denise lui sourit timidement et il caressa tendrement ses lèvres avec son pouce.

-Je t’aime tellement Madame Sherwood, dit-il sur sa bouche avant de les goûter pour un doux et tendre baiser.

Ils savourèrent cette étreinte, ce moment qu’ils n’avaient plus partagé depuis des semaines entières. La jeune femme sentait son corps revivre son l’étreinte de son époux. Elle n’était pas seule, Frank était là, il l’aimait, peut être étaient-ils sur la voie du pardon? Du moins ce baiser et la réaction de Frank un peu plus tôt semblait y mener…

Cinq jours s’étaient écoulés depuis l’annonce de l’accident de Jeremy. Celui-ci avait appelé ses parents d’Europe pour les rassurer mais, ils restaient néanmoins très inquiets à son sujet.

La nouvelle avait été diffusée comme une traînée de poudre dans toute la base, puisque tous les soldats présents dans le bâtiment bombardé étaient rattachés à la base de Fort Marshall.

Lily avait appris la nouvelle comme les autres. Elle avait été bouleversée, elle aussi. Bien que n’ayant jamais rencontré son demi-frère, elle avait l’impression de le connaitre, d’être proche de lui et surtout, son sort ne lui était pas indifférent.

Elle ne pouvait qu’imaginer dans quel état se trouvait Denise. Mais elle se contenta pourtant de lui donner un coup de téléphone l’une ou l’autre fois en la rassurant qu’elle serait là pour elle, si elle en éprouvait le besoin. Lily s’était fait on ne peut plus discrète. Elle ne voulait pas s’imposer dans cette famille qui n’était pas totalement la sienne, surtout dans une situation aussi douloureuse que celle-ci.

Alors, elle prenait des nouvelles de sa mère, mais n’en faisait pas davantage. Elle passait la plupart de son temps à la bibliothèque et, lorsque venait la fin de la journée, elle venait faire un service de quelques heures au Hump Bar. Pendant ce temps là, Katy restait à l’institut avant que Claudia Joy ne prenne le relais pour la garder.

L’après-midi était déjà bien entamée, Denise se tenait face à la glace de la salle de bain. Elle portait une robe pourpre lui allant jusque sur les genoux. Elle avait les cheveux détachés et elle était à peine maquillée. Elle se regarda un moment dans le miroir en silence. Le sort semblait s’acharner sur elle. Frank, Elizabeth et aujourd’hui Jeremy, elle avait manqué de tous les perdre à un moment ou à un autre. Mais ils étaient vivants, elle devait se persuader que les choses auraient pu être plus graves. Jeremy rentrait au pays, et il ne serait plus contraint de partir au front, plus jamais. Et quelque part, elle en était presque soulagée.

Elle soupira profondément; tout n’était pas aussi sombre qu’elle l’avait pensé. Même si la nouvelle vie de son fils devait être reconsidérée et si de nombreux conflits risquaient d’éclater entre eux, elle gardait l’espoir au plus profond d’elle-même.

Denise sursauta en sentant des mains se poser sur ses épaules un instant. Elle se retourna et sourit timidement à l’homme qui se trouvait près d’elle.

-Nous devrions y aller, murmura Frank du bout des lèvres, tu es prête?

-Je ne sais pas si je suis prête à voir mon fils dans un fauteuil roulant, répondit la jeune femme, mais…je préfère davantage le voir dans un fauteuil plutôt que si j’avais dû me trouver face à son cercueil.

-Ca va bien se passer, répondit Frank en essuyant du bout des doigts les larmes qui avaient coulé sur ses joues sans même qu’elle ne s’en aperçoive.

-J’espère, soupira-t-elle en fermant les yeux.

-J’en suis certain, tu es forte et je suis là, dit-il en posant son front contre le sien, tu n’es pas seule Denise, à nous deux, nous y arriverons, je te le promets.

-Merci, dit-elle.

Ils se sourirent un court instant, puis, Frank s’éloigna d’elle et lui prit la main avant de l’entraîner hors de la pièce.

Le chemin jusqu’à la piste de la base se passa dans le plus grand des silence. Denise regardait au-dehors lorsque son téléphone sonna brièvement. Elle avait reçu un message de la part de Lily. Elle sourit en le lisant et y répondit dans la seconde.

-Qui est-ce? Demanda son époux.

-Elizabeth, répondit-elle timidement, elle nous souhaite beaucoup de courage et elle m’embrasse…Katy également.

Le Major ne répondit pas et il resta concentré sur la route. La jeune femme, quant à elle, estima que ce ne fut pas une mauvaise réaction, il ne s’emportait plus lorsqu’elle abordait brièvement le sujet de sa fille. De plus, il était à nouveau tendre et complice avec elle.

Elle sourit un instant tout en le regardant, puis, elle jeta un autre coup d’œil au paysage qui défilait.

Ils arrivèrent enfin. Frank gara la voiture et ils avancèrent sur le large terrain qu’ils connaissaient si bien tous les deux, pour y avoir échangé tant d’ «au revoir » et de baisers de retour.

Claudia Joy et Michael étaient déjà là. Son amie lui sourit lorsqu’elle la vit et s’approcha d’elle pour la prendre dans ses bras un instant. Lorsqu’elles se séparèrent, se fut Michael qui en fit de même.

-Encore quelques minutes et ils seront là, précisa le Commandant à ses amis.

Ils patientèrent ainsi quelques temps, avant de voir apparaitre l’imposant avion dans le ciel bleu. Il se posa sur la piste d’atterrissage, puis, se dirigea vers le bâtiment devant lequel ils se trouvaient. Ils approchèrent un peu. Michael salua l’officier qui avança jusqu’à lui et il se mit au garde-à-vous. La lourde porte s’abaissa et les rampes furent mises en place. Des cercueils descendirent de l’avion. Frank se mit au garde-à-vous, lui aussi, alors que Denise tremblait de la tête aux pieds. Les minutes passaient, où se mêlaient empressement, angoisse et joie dans le cœur de la mère. Jeremy avait eu de la chance, les jeunes femmes et les jeunes hommes qui s’étaient trouvés avec lui n’avaient pas pu en dire autant. La jeune femme ne pouvait s’empêcher de se sentir mal pour ces familles déchirées qu’elle voyait à ses côtés.

Elle regarda une petite fille à peine plus jeune que Katy, se serrer contre le bois sombre du cercueil dans lequel reposait son père. Elle tenait fermement entre ses doigts le drapeau pour lequel cet homme, comme de nombreux autres, avaient donné leur vie.

Denise frissonna un instant en croisant le regard de la mère de la fillette. Elle semblait abattue, complètement détruite d’avoir perdu son époux, ce que Denise comprenait parfaitement.

-Chérie, murmura Frank à sa gauche.

Elle reporta son attention sur l’ouverture de l’appareil et elle y vit un jeune homme en uniforme pousser doucement un fauteuil roulant. Dans celui-ci, se tenait aussi droit et fier que possible, Jeremy, leur fils.

Denise sourit largement. Il lui adressa un bref mouvement de tête et ils descendirent tous les deux. A cet instant, Frank prit la main de son épouse et ils s’approchèrent de leur fils d’un même pas. Le soldat qui se trouvait derrière lui se mit un instant au garde-à-vous, Frank répondit à son salut et lui ordonna de se mettre au repos. Denise se pencha vers Jeremy et le prit sans aucune hésitation dans ses bras. Elle resserra son étreinte un peu plus et ferma les yeux.

-Maman, soupira le jeune homme, ça va, je suis en vie.

Denise sourit timidement mais ne le lâcha pas.

-Maman, répéta Jeremy.

Elle s’éloigna un peu et lui caressa tendrement la joue.

-Je suis tellement soulagée de te revoir mon cœur, soupira la jeune femme en s’éloignant.

-Hey fiston, lança Frank en l’étreignant lui aussi.

-Je suis content de te voir ici, Papa, répondit-il en se séparant de son père.

-Moi aussi, tu n’imagine même pas, dans quel état nous étions depuis quelques jours, et surtout ta mère.

-Je le sais, répondit Jeremy en regardant celle-ci.

Denise lui sourit et passa sa main dans ses cheveux un instant sans même le quitter des yeux.

-Voici Jason Springs, lança Jeremy après un moment passé en silence et en levant la tête vers le jeune homme qui se tenait derrière lui, il m’a sortit du bâtiment, c’est grâce à lui que je suis ici.

-Nous vous devons beaucoup, lança Denise, merci.

-Je n’ai fait que ce pour quoi l’on m’a entraîné, Madame.

-C’est tout à votre honneur, soldat, répondit le Major.

-Merci Monsieur, répondit le jeune homme d’une voix plus grave.

Ils restèrent quelques minutes à discuter tous les quatre ainsi qu’avec Claudia Joy et Michael qui les avaient rejoint. Le soldat Jason Springs n’avait aucune famille, plus de parents, ni frère, ni sœur, ni épouse ou enfants. Il était seul et l’armée était sa véritable famille.

Ils rentèrent chez eux ensembles, raccompagnant celui qui avait sauvé leur enfant jusqu’à ses quartiers et regagnant les leurs. L’entrée pour Jeremy s’avéra bien difficile puisque beaucoup de choses devaient être aménagées pour lui. Frank avait pensé au plus pressé, négligeant ainsi un bon nombre de détails. Mais en attendant que tout soit en ordre, ils se débrouilleraient de cette manière. Ils passèrent ce qu’il restait de l’après midi tous les trois, puis ils dinèrent tranquillement. Jeremy rejoignit sa chambre que Denise avait remit en ordre avant son arrivée. Frank l’aida à se coucher, puis, bien plus tard, le couple en fit de même. Denise ne parvint pas à s’endormir rapidement. Elle repensait à son fils, mais aussi à l’anniversaire de sa fille qui approchait à grand pas et à l’annonce de cette grande sœur qu’elle devait faire à un jeune homme pour qui la vie venait de prendre un tout autre chemin. Un tournant auquel ils ne s’étaient pas préparés un seul instant mais qui était bien là, et avec lequel ils allaient devoir vivre, ensembles.

 

Denise se préparait avec soin depuis une bonne heure déjà. Ce soir là, Lily fêtait ses vingt deux ans. Et pour la première fois depuis sa naissance, Denise pouvait passer ce jour particulier avec elle. Elle avait veillé à faire un énorme gâteau au chocolat, connaissant parfaitement les goûts de sa fille et de sa petite fille depuis quelques temps déjà. Elle voulait lui faire plaisir et que cet anniversaire se passe à merveille.

Frank, quant à lui, n’avait pas bronché lorsqu’elle lui avait annoncé qu’ils allaient le fêter au Hump Bar. Et Jeremy, ne savait rien de l’identité de la jeune femme. Denise voulait lui annoncer ce jour même. Elle ne savait pas bien comment il prendrait la nouvelle de l’existence d’une grande sœur mais elle espérait de tout cœur que son fils soit plus enclin à accepter cette nouvelle situation plutôt que son époux.

Elle regarda l’heure, il lui restait un peu de temps avant le rendez-vous qu’elle avait donné à ses amis. Et elle s’était fait la promesse de parler de Lily à Jeremy avant de partir les rejoindre.

Alors, elle respira profondément et se dirigea vers sa chambre. Le jeune homme lui tournait le dos et était concentré sur l’écran de son ordinateur de l’autre côté de la pièce. Denise le regarda un moment en silence, Jeremy ressemblait de plus en plus à son père. Sans doute beaucoup plus que celui-ci ne le pensait.

Elle donna deux petits coups sur le montant de la porte. Il se retourna et lui sourit tendrement.

-Tu pars déjà? Lança-t-il.

-Je vais y aller mais avant, je voulais te parler.

Elle avança dans la pièce et s’assit sur le bord du lit. Elle regarda ses mains un instant et leva les yeux vers lui à nouveau.

-Je vais aller à un anniversaire tout à l’heure, celui d’une personne que je connais très bien depuis quelques temps.

-Je sais, tu me l’as dis ce matin.

-Tu ne sais pas tout…Jeremy, cette jeune femme qui fête ses vingt-deux ans, elle est ta sœur, dit-elle dans un souffle en fuyant son regard.

-Je sais, répondit le jeune homme en souriant.

-Tu le sais? Lança-t-elle avec étonnement en le regardant. Mais…Co…comment? Bredouilla Denise. C’est ton père qui te l’a dit?

-Il n’a pas eu besoin de le faire, toute la base est au courant, maman, je l’ai su lorsque j’étais à Bassora. Un gars de mon pelletons l’a appris par sa fiancée.

-Mais, tu ne m’as rien dit? S’étonna la jeune femme.

-J’attendais le moment où tu m’en parlerais.

-Mais…

-Maman, coupa le jeune homme, peut être que ça te semble dingue mais j’ai envie de connaitre ma grande sœur et je suis super content de savoir que j’en ai une; même si j’ai été surpris et que je ne l’ai pas cru au départ.

-C’est vrai?

-Oui, je t’assure, c’est sympa d’apprendre qu’on est plus enfant unique.

Denise le regardait avec incompréhension. Elle était totalement déboussolée en apprenant que Jeremy prenait bien la nouvelle. Elle s’était attendu aux cris, aux larmes, aux explications sans fin, mais non, rien.

-Tu ne m’en veux pas? Dit-elle après un moment passé en silence.

-Ce que tu as pu faire avant ma naissance ne me regarde pas mais…comment papa a-t-il prit ça?

-Pas très bien, je te l’avoue, mais, il sait que mes enfants passent avant tout, alors il s’y fait, même si cela a été dur, et ça l’est encore d’ailleurs, avec elle du moins.

-J’espère que tu le comprends.

-Oui, oui, mais j’espère qu’il en est de même pour lui, soupira-t-elle.

-Maman, je pourrai te demander une faveur?

-Laquelle?

-Est-ce que je peux venir avec toi, à son anniversaire?

-Oui, oui bien sûr, répondit la jeune femme sans la moindre hésitation.

-Elle ne risque pas de prendre mal ma venue?

-Non, Elizabeth n’est pas comme ça, et elle espère te rencontrer depuis longtemps déjà, ça lui fera plaisir, j’en suis certaine.

-Tu lui as parlé de moi?

-Oui, bien entendu…tu peux venir avec moi si tu le souhaite, tu verras elle est extra et sa petite fille également, dit-elle en souriant avant de se lever.

-Elle a une petite fille? S’étonna le jeune homme.

-Oui, Katy, l’artiste qui expose sur notre réfrigérateur, précisa Denise en riant.

Il rit lui aussi et se dirigea en direction de la porte, il s’arrêta à quelques centimètres.

-C’est la première fois que je sors de la maison depuis mon accident, murmura-t-il.

Denise se mit derrière lui et caressa tendrement sa nuque.

-Tu crains un peu le regard des autres?

-Leur pitié surtout, il n‘y a rien de pire.

-Chéri, je…

-Non, s’il te plait, je ne suis pas prêt à parler de ça avec toi, la coupa-t-il, je vais rencontrer ma grande sœur aujourd’hui, pour le moment c’est-ce que j’estime le plus important, le reste viendra plus tard, je n’ai pas envie d’y penser.

-Ok, se résigna la jeune femme, allons y dans ce cas.

Elle voulu le pousser pour quitter la pièce mais Jeremy la devança et sortit avant qu’elle n’eu le temps de bouger. Ils laissèrent un mot pour Frank sur la table du salon pour lui dire où ils se trouvaient tous les deux. Frank avait reprit son service et entrainait les jeunes recrues, il n’était plus souvent chez eux, et il en profitait pour éviter les conversations qu’ils auraient pu avoir sur la situation de leur fils.

 

Ils prirent leurs affaires et rejoignirent la voiture. Grâce à sa formation d’infirmière, Denise pu porter son fils dans le véhicule et y mettre le fauteuil sans trop de soucis.

Pamela et Roxy avaient décoré le fond du bar, là où se trouvaient les fauteuils confortables, là où ils avaient l’habitude de se retrouver entre amis. Les invités n’allaient pas tarder à arriver, ainsi que Lily accompagnée de Katy, peu de temps après eux.

Les deux amies accrochaient une dernière banderole colorée au mur lorsque Denise arriva avec Jeremy. Ils se dirigèrent vers elles dans la seconde et elles les accueillirent en souriant.

-Salut, lança Denise avant de poser le gâteau qu’elle avait fait sur la table prévue à cet effet.

-Salut, répondirent les deux femmes en chœur.

-Bonjour, fit Jeremy à son tour.

-Hey, comment ça va? Tu es venu finalement, lui lança Pamela avec un clin d’œil, c’est bien que tu sois là.

-Tu savais que Jeremy viendrait à l’anniversaire d’Elizabeth? Demanda Denise avec étonnement.

-Je ne te fais pas part de toutes mes discussions maman, répondit Jeremy.

-C’est entre nous, fit Pamela à son tour.

-Ok, se résigna la jeune femme, dans ce cas, je vais voir si Roxy a encore besoin d’aide, dit-elle avant de rejoindre son amie un peu plus loin.

-Merci, soupira Jeremy, j’aime beaucoup ma mère mais parfois, elle oubli un peu que je ne suis plus un petit garçon.

-Elle le sait, seulement tu reste son petit garçon et avec ce qu’il t’est arrivé, c’est normal qu’elle agisse ainsi, crois-moi.

-Ouais, sans doute…Elle est pareille avec ma sœur?

-Elle se fait toujours beaucoup de souci pour ses enfants mais pour Lily c’est un peu différent. Elle a grandi loin d’elle, ta sœur est indépendante.

-J’imagine parfaitement que maman soit comme ça, dit-il en riant.

Il se passa encore quelques minutes avant que les invités ne soient tous présent. Ils n’étaient pas bien nombreux. Pamela et ses enfants, Roxy avec Finn et TJ, Claudia Joy accompagnée d’Emmalin, Roland et Joan pour qui l’accouchement approchait à grand pas ainsi que l’un ou l’autre collègue de la jeune femme avec qui elle s’entendait bien.

Lily arriva enfin avec sa fille. Elle fut couverte de baisers et de félicitations. Lorsqu’elle vit Jeremy, son cœur se serra un instant dans sa poitrine avant qu’elle ne s’approche de lui.

-Elizabeth, c’est ça? Fit le jeune homme.

-Oui, mais tout le monde m’appelle Lily, dit-elle en souriant.

-Sauf maman…

-Oui, c’est la seule qui m’appelle par mon prénom.

-Je suis content de te rencontrer.

-Moi aussi Jeremy, dit-elle en lui serrant la main qu’il lui avait tendu un peu plus tôt.

Ils restèrent quelques minutes à faire connaissance et Lily lui présenta Katy qui voulait connaitre son oncle depuis longtemps déjà.

On coupa le gâteau, chacun fut servit. Puis, vint l’heure des cadeaux. Lily avait été gâtée. Elle avait reçu de nombreuses choses pour son appartement et quelques petites bricoles également. Lorsqu’elle eu remercié tout les invités, Denise lui tendit un autre petit paquet.

-Non, protesta la jeune femme, je t’ai dis que je ne voulais aucun cadeau supplémentaire de ta part.

-Ce n’est pas de la mienne.

-De qui est-ce? Demanda-t-elle avec étonnement.

-Regarde et tu le sauras.

-Donne-moi un indice, s’il te plait? Lança la jeune femme en souriant.

-Mais tu es curieuse c’est incroyable, répondit Denise en riant.

-Je sais, bougonna Lily.

-Je l’ai eu il y a de cela deux jours, tu ne devineras pas d’où il vient, dit-elle en lui faisant un clin d’œil malicieux.

Lily fronça les sourcils et le prit. Elle ouvrit le paquet dans lequel se trouvaient deux petites boites sombres ainsi qu’une enveloppe. Elle l’ouvrit délicatement et lu attentivement les quelques lignes écrites des jours auparavant.« Je vous souhaite un joyeux anniversaire Elizabeth,

Que votre vie et celle de votre famille soit radieuse

Je vous embrasse

Tendrement.

Aaron Sanders. 

Ps; J‘ai également pensé à votre fille, saluez-la de ma part.»-Aaron? Lança Roxy dans son dos, qui avait lu au dessus de son épaule.

-Hey, protesta la jeune femme en repliant le papier et en se tournant vers elle.

-Qui est-ce? Demanda Pamela avec le sourire.

-Oh, c’est…euh…eh bien, bredouilla la jeune femme qui ne savait pas quoi répondre.

-Le charmant jeune homme qui lui a sauvé la vie, lâcha Denise en souriant.

-C’est toi qui m’a sauvé la vie, corrigea la jeune femme.

-Je n’étais pas au bord du fleuve.

-Peut être mais…

-Qu’attends-tu pour ouvrir ton cadeau? La coupa Claudia Joy.

Lily lança un dernier regard à Denise et lui fit une brève grimace avant de s’exécuter. Elle ouvrit le premier boitier. Lorsque ses yeux se posèrent sur le bijou qui s’y trouvait, elle en eu le souffle coupé. Des boucles d’oreilles en argent, serties d’une petite pierre blanche, reposaient soigneusement sur le tissu noir. Elle le tourna vers ses amis qui apprécièrent pleinement la vue.

-Je pense qu’il a beaucoup aimé te sauver, murmura Joan en regardant le bijou de plus près.

Lily ne répondit pas et pensa au jeune homme qu’elle avait rencontré à Goldsboro. Elle s’était efforcé de ne plus penser à lui depuis des jours, et voici qu’il occupait pleinement son esprit à nouveau et qu’il lui serait bien difficile cette fois de l’en chasser.

Elle sursauta lorsque Emmalin prit la parole.

-Et le second?

Lily reprit le premier boitier que lui tendait Roland et elle ouvrit le deuxième.

-Katy? Lança-t-elle à l’attention de la fillette.

Celle-ci approcha et Lily se mit à genoux au sol.

-Regarde, murmura-t-elle, ce bracelet est pour toi.

-Mais c’est pas ma fête.

-Non, c’est vrai, mais tu as un cadeau un peu en retard, voilà tout.

-Super!

-Tends-moi ton poignet, je vais te le mettre, répondit sa mère.

La petite fille s’exécuta et Lily sortit le bracelet en or de sa boite. Elle fit glisser la guirlande de coccinelles entre ses doigts et l’attacha au bras de sa fille. Elle lui sourit et déposa un baiser sur la joue.

-Il te plait ma puce?

-Oui maman….merci.

-Ce n’est pas de moi, tu sais le monsieur qui m’a offert mon cadeau a aussi envoyé ce bracelet pour toi.

-Il est où le monsieur?

-Il est loin d’ici.

-Oh, dit-elle d’un air déçu, il viendra pour que je lui fasse un bisou?

-Je ne pense pas qu’il vienne, Katy, mais peut être qu’un jour tu le verras, on ne sait pas, tu pourras le remercier.

Katy lui sourit et l’étreignit un instant.

-Aaron? Murmura Claudia Joy à l’oreille de Denise un peu plus loin, le médecin?

-Oui, celui dont je t’ai parlé, répondit son amie sans quitter des yeux Lily et Katy.

-Tu as raison, il semble vraiment amoureux.

-Plus que tu ne le pense, soupira Denise en souriant largement.Quelques jours plus tard.

Le soleil dominait largement cette journée. Lily avait l’esprit léger. Tout allait pour le mieux pour elle depuis quelques temps. Katy faisait des progrès immenses à l’institut, elle s’y sentait bien.

Aujourd’hui, Lily quittait la bibliothèque un peu plus tôt. C’était le jour où elle se rendait au Hump Bar pour quelques heures de service.

La jeune femme marchait tranquillement, la tête dans les nuages, elle pensait à cette nouvelle vie, celle qui lui souriait enfin. Elle regarda le ciel bleu azur, à peine parsemé par quelques moutons blancs. Elle ne vit pas les deux hommes qui arrivaient en face d’elle et elle les percuta de plein fouet. L’un des deux la rattrapa par le bras et elle leva les yeux vers lui. Ils étaient âgés de la trentaine, peut être frôlaient-ils les quarante, mais pas davantage.

-Ex…excusez-moi, bredouilla la jeune femme en se dégageant d’eux.

Elle fit quelques pas avant qu’ils ne l’interpellent une nouvelle fois.

-Ne partez pas si vite, mademoiselle, dit-il en l’empoignant.

Bien que, se trouvant à plusieurs centimètres d’eux, la jeune femme pouvait parfaitement sentir leurs haleines imbibées d’alcool.

-Lâchez-moi, je vous prie, lança la jeune femme.

-Attends un peu, fit le second, tu ne peux pas passer un peu de temps avec nous?

-Non, merci, dit Lily d’une voix plus forte.

Sans crier gare, le premier sortit un canif de sa poche, et pointa la lame dans sa direction.

-Tu vas venir t’amuser avec nous…Je disais justement a mon ami que je croyais t’avoir déjà vu.

-Elle portait moins de vêtements, lança l’autre en riant, mais tu dansais merveilleusement bien.

-Lola, murmura l’autre.

Lily se figea sur place et sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Plus personne ne l’avait appelé de cette manière depuis longtemps. Elle lança des regards paniqués dans la rue qui demeurerait vide. Le premier agresseur profita de son inattention pour l’attirer dans une ruelle toute proche et le deuxième les suivit en riant.

-Laissez-moi, lança Lily en se débattant.

Mais ses efforts en vue de se dégager, demeuraient vains. Il était beaucoup plus costaud qu’elle. Il la plaqua contre un mur et s’approcha dangereusement.

-Si on en profitait un peu? Au Pearl on n’avait pas le droit de toucher.

Il rapprocha les mains de la poitrine de la jeune femme et celle-ci n’hésita pas à lui cracher au visage. Celui qui tenait toujours le couteau plaça une main sur sa gorge pendant que l’autre s’essuyait.

-Je te conseille de ne pas bouger, ou ton joli petit minois le sentira, dit-il en effleurant sa joue du bout de la lame.

Lily cessa de bouger alors que le sang coulait doucement sur sa peau claire. Elle sentie une main ouvrir son chemisier. Les larmes coulaient librement sur son visage, elle s’était jurée de ne jamais plus vivre une situation semblable à celle-ci. Et pourtant, son passé la rattrapait. Elle éclata en sanglots et jeta un regard vers la rue, espérant y voir une personne susceptible de lui venir en aide.

Elle cru à une vision lorsqu’elle vit l’homme se tenir sur le trottoir et regarder dans sa direction. Lily le fixait du regard tout en continuant de pleurer, tout ceci ne devait être qu’un cauchemar.

Frank avait terminé les entraînements et il était allez directement en ville. Il avait rejoint le bar qu’il fréquentait souvent. Il avait commandé plusieurs bières, espérant ainsi oublier l’état de santé dans lequel se trouvait son fils. Lorsqu’il avait quitté le bar afin de regagner la base, il décida de faire quelques pas dans la rue, pour faire disparaitre toute trace de fumée qui embaumait ses vêtements. Il avait entendu des rires graves et des pleurs en passant devant la petite ruelle. Sans trop savoir pourquoi, il fit demi-tour et s’y intéressa plus particulièrement. Il avait vu les deux hommes penchés sur la jeune femme. Il l’avait reconnu au premier coup d’œil et il s’était aussitôt figé sur place. En croisant ce regard si suppliant, il sentit la colère l’envahir en un rien de temps. Il devait agir, non seulement parce qu’une jeune femme se faisait agresser sous ses yeux mais aussi et surtout parce que celle-ci était la fille de son épouse. Il serra les poings et avança dans la ruelle d’un pas décidé.

-Hey, cria-t-il.

-Passe ton chemin, fit l’un des deux hommes, elle est déjà prise.

Sans ralentir l’allure, le Major lui fourra son poing dans la figure. Bien trop surpris par sa réaction et sans doute , bien trop ivre pour tenter de riposter, il s’écroula au sol dans un cri de douleur.

Le deuxième lâcha l’emprise qu’il exerçait sur la jeune femme et s’intéressa plus particulièrement à celui qui les avait interrompus.

Lily se laissa glisser le long du mur en briques jusqu’au sol. Elle continuait de pleurer doucement pendant que Frank réglait leurs comptes aux deux agresseurs. Il ne lui fallut pas de beaucoup de coups pour qu’ils restent allongés au sol. Lorsqu’il vit qu’ils ne bougeaient plus, Frank se tourna vers la jeune femme et se pencha vers elle un instant.

-Levez-vous, venez, murmura-t-il en lui tendant la main.

Mais Lily ne bougea pas d’un cil. Alors, il la prit par les épaules et la secoua un instant pour qu’elle le regarde. Lily fut surprise de sa réaction et plongea son regard d’incompréhension dans le sien.

-Elizabeth, fit-il plus fort, il faut vous lever, ressaisissez-vous.

La jeune femme acquiesça et il l’aida à se relever. Elle jeta un dernier regard aux hommes écroulés sur le sol pendant que Frank ramassa son sac qu’elle avait perdu pendant la bataille. Il le lui tendit alors que Lily essayait vainement de refermer son chemisier déchiré.

Frank la regarda un instant puis, il retira son veston et le posa délicatement sur les épaules de la jeune femme. Lily le maintenu fermé sur sa poitrine et elle lui sourit timidement.

-Merci, soupira-t-elle.

Il lui sourit en retour et sans aucune hésitation, Lily se blottit contre lui pour de nouveaux flots de larmes. Il referma ses bras autour de ses épaules et caressa ses cheveux.

-Je vais vous raccompagner chez vous, murmura-t-il en s’éloignant après quelques temps à l’avoir tenu contre lui.

La jeune femme acquiesça en silence une fois de plus. Elle attrapa le bras du Major et tous deux marchèrent doucement vers la rue.

-Vous habitez loin d’ici?

-Une dizaine de minutes en bus.

-Vous n’avez pas de voiture? Demanda Frank.

-Non, répondit timidement la jeune femme.

-Je vais vous reconduire à votre appartement.

-Je dois prendre un service ce soir et…

-Il est hors de question que vous alliez travailler, pas dans cet état, fit-il d’une voix plus forte, je vous reconduis chez vous et vous n’y bougez pas.

-D’accord, murmura la jeune femme.

Ils rejoignirent la voiture du Major et s’apprêtèrent à y entrer mais lorsque Lily lâcha le bras de Frank, elle s’arrêta un instant.

-Monsieur Sherwood, dit-elle timidement, promettez moi de ne parler de cela à personne, surtout pas à votre épouse.

Il la fixa un moment en silence avant d’acquiescer, puis, ils montèrent en voiture. Lily le guida jusqu’en bas de son immeuble. Elle avait remarqué les marques sur les mains de Frank. Mais lui ne se plaignait pas un seul instant de ces ressentes blessures.

-Est-ce que vous voulez monter un instant pour pouvoir soigner vos mains? Se risqua la jeune femme alors qu’elle avait déjà un pied dehors.

-Ca ira, je vous remercie.

-Juste une minute, je me sens responsable.

-Ce ne serait pas approprié.

-Mmmh, grommela Lily, vous avez sans doute raison, veuillez m’excuser.

Elle retira le blouson et le posa soigneusement sur le siège.

-Je vous remercie encore une fois pour ce que vous avez fait, dit-elle avant de sortir et de fermer la portière derrière elle.

Le Major regarda un instant la veste posée à côté de lui. Puis, il leva les yeux et vit Lily entrer dans le bâtiment en briques rouges. Il soupira et resta un moment sans bouger avant de décider à agir. Ce qu’il s’était passé un peu plus tôt dans la journée l’avait profondément marqué, il ne pouvait pas faire comme si rien de s’était passé. A présent, cela lui était impossible. 


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