Julia R.
 
 

Abby et Frank étaient rentrés de leur tour en moto une bonne heure plus tard. La jeune femme s’était comportée comme il se devait et Frank n’en avait été que plus flatté. La soirée fut plutôt joyeuse, car il avait admit qu’il apprendrait peut être à Abby à faire de la moto et que si ses parents étaient d’accord, peut être pourrait-elle passer le permis dans quelques temps. Ce soir là, Abby ne mit pas la musique forte et aucun juron ne sortit de la chambre qu’elle occupait. Frank et Denise savourèrent ainsi la nuit en amoureux.
Mais un soir où Frank se trouvait encore au bureau à régler quelques détails avec Michael, et que Denise était de service, Abby passa à côté de la moto tant convoitée. Elle la caressa du bout des doigts en souriant. Puis, elle la sortit du garage. Une petite voix dans sa tête lui disait de ne pas le faire et pourtant, elle ne pu s’empêcher. Elle voulait savoir ce que cela faisait de s’asseoir seule dessus. Elle ne prit pas la peine de mettre le casque, à quoi bon? Elle était à l’arrêt. La jeune femme effleura la clé qui se trouvait encore sur le contact et la moto démarra. Ses yeux s’illuminèrent. Elle devait en descendre avant que n’arrive la catastrophe. Elle devait remettre en place cet engin et rentrer au plus vite. Mais la tentation était trop forte. Avancer de quelques mètres, juste quelques mètres, elle ne voulait pas davantage. Mais la situation dérapa rapidement, Abby fit quelques mètres sur la moto, mais bien plus que ce qu’elle avait prévu. Elle alla plus vite qu’elle ne l’avait prévu et elle n’avait pas la moindre idée de comment stopper l’engin. Elle déboucha dans la rue. Une voiture arriva rapidement, car sa conductrice avait hâte de rentrer après une telle journée de travail. Abby la vit arriver, mais elle ne put prévenir le drame, pour Denise, il était bien trop tard. Sa nièce heurta violement la voiture et effectua un long vol plané dans les airs avant d’atterrir sur le capot de la voiture et de finalement tomber sur le sol. Denise sortit aussitôt en courant. Elle se précipita vers la jeune femme inconsciente sur le sol.
-Abby, Abby, tu m’entends?
Celle-ci ne répondit pas et Denise vérifia que tout allait bien. Du sang coulait de sa tête et elle était toujours inconsciente. Elle s’empara de son téléphone et appela l’hôpital de la base en leur expliquant parfaitement ce qu’il s’était passé et dans quel état se trouvait sa nièce. Celle-ci se réveillait doucement et croisa le regard inquiet de Denise.
-Reste couchée, murmura-t-elle en caressant sa joue.
-Tata…moto…
-Ne t’agite pas Abby, l’ambulance va venir, il ne faut pas que tu bouge.
-Il va me tuer…tonton…j’ai pas fais exprès.
-Nous parlerons de ça plus tard.
-Tata, je suis désolée.
-Tu devras t’expliquer Abby, mais maintenant, reste silencieuse et ne bouge pas, répéta Denise.
Abby acquiesça et ferma les yeux. Alors que l’ambulance arrivait et que la jeune femme y fut mise, Frank arriva au pas de course.
-Abby? S’étonna-t-il en la voyant dans l’ambulance.
-Frank, murmura Denise en prenant son bras, ils vont l’amener à l’hôpital pour vérifier qu’elle n’a pas de traumatisme.
-Qu’est-ce qu’il s’est passé? Lança l’officier en quittant du regard la jeune femme pour l’accorder à son épouse.
-Je l’ai renversée.
-Tu as fais quoi? Gronda Frank en colère.
-Ecoute, ce n’est pas le moment d’en parler maintenant.
-Dis-moi ce qui est arrivé.
Denise soupira et humidifia ses lèvres avant de reprendre la parole.
-Elle était sur la moto et elle est sortie de l’allée, je suis arrivée au même moment et je l’ai percuté.
-La moto?
Denise lui désigna l’épave abimée un peu plus loin. Elle vit le regard de tristesse de Frank mais elle vit également la colère qu’il semblait éprouver. Alors son épouse posa sa main tendrement sur son bras et lui sourit.
-Ca ne va pas se passer si facilement cette fois, Denise, murmura Frank, tu ne vas pas la défendre j’espère?
-Non, je ne comptais pas le faire, je suis en colère contre elle.
-Tu n’es pas contre le fait que je sévisse sérieusement?
-Que veux-tu faire de plus Frank?
-Ne plus lui accorder ma confiance, répondit aussitôt son époux avant d’approcher de l’ambulance.
Abby était consciente et le regardait les larmes aux yeux. Frank lui adressa un peine un regard avant de se tourner vers l’ambulancier.
-Votre épouse vous a parlé de la situation?
-Oui, répondit-il poliment.
-Bien, dans ce cas, nous allons l’emmener, voulez-vous venir avec nous?
-Non, elle peut rester seule, lança froidement Frank, nous vous rejoindrons plus tard à l’hôpital.
-Très bien.
-Tu vas pas me laisser toute seule? Rétorqua Abby.
-Tu es capable de faire des bêtises toute seule, alors débrouille toi pour le reste aussi. Nous avons des choses à régler. Denise et moi, nous viendrons te voir plus tard.
-S’il te plait, supplia Abby, je n’ai pas fais exprès.
-Tu étais sur cette moto, tu es responsable Abby, lança Frank avant de se retourner sans lui accorder un seul autre regard.
Le cœur du Lieutenant-colonel se serra dans sa poitrine alors que l’ambulance démarra. Il lui en voulait terriblement et il s’en voulait terriblement, pour la confiance qu’il commençait à lui accorder et qu’aujourd’hui elle avait gâchée. Il espérait que rien de grave sur le plan physique ne soit révélé, car il devrait s’expliquer avec les parents de la jeune femme et il ne se sentait pas du cœur à les affronter et à affronter l’éventuelle nouvelle d’un problème chez sa nièce.


Denise et Frank arrivèrent ensembles à l’hôpital une demi-heure plus tard. Ils avaient brièvement rangé la moto et la voiture et ils avaient prit la seconde pour venir. Frank était resté silencieux la plupart du temps, mais Denise savait qu’il devait bouillonner à l’intérieur, tout comme elle sans doute. Elle était aussi en colère contre la jeune femme. Pourquoi avoir pris la moto alors que Frank commençait à être plus enclin avec elle? Denise n’arrivait vraiment pas à la comprendre. Frank non plus n’y parvenait pas.
Il se gara sur le parking et le couple entra dans le bâtiment. Ils furent rapidement conduits à la chambre où se trouvait Abby. Cependant, le médecin de la jeune femme les arrêta avant qu’ils n’y entrent.
-Monsieur et Madame Sherwood, je dois vous dire un mot sur votre nièce avant que vous n’alliez la voir.
-Elle a quelque chose de grave? S’inquiéta Denise qui connaissait parfaitement les médecins.
-Sur le plan physique, à part quelques contusions et l’entaille qu’elle a au-dessus de son oreille liée à sa chute, non, elle n’a rien de grave.
-Alors qu’est-ce que c’est? Demanda Frank à son tour.
-Je pense qu’elle a subit un traumatisme psychologique important suite à cet accident.
-Nous comprendrions mieux si vous pouvez vous expliquez plus clairement, répondit Frank sur un ton sec qui ne cachait rien de son impatience.
-Votre nièce n’a pas prononcé un seul mot depuis son arrivée, elle semble murée dans son silence et totalement effondrée.
-Effondrée? Abby? Vous devez faire erreur, lança Frank.
-Non Colonel, je ne crois pas me tromper, vous devriez aller la voir. Elle restera en observation cette nuit mais elle pourra rentrer dès demain chez elle.
-Merci, répondit poliment Denise.
Le médecin acquiesça et partit aussitôt sans ajouter un mot. Denise accorda un regard à Frank qui demeurait toujours de glace. Elle caressa tendrement son dos et lui sourit.
-Frank, ça va?
-Oui, répondit timidement son époux, mais, j’ai eu peur que se soit plus grave.
-Moi aussi, admit Denise, tu n’imagine pas à quel point, soupira-t-elle, mais détends-toi, elle n’a rien, c’est une bonne nouvelle.
-Oui, c’est une bonne nouvelle, mais ça ne suffira pas, murmura Frank avant de passer la porte.
Denise soupira et en fit de même. Ils trouvèrent Abby allongée dans le lit, les jambes ramenées sur sa poitrine. Elle ne bougea pas d’un pouce lorsqu’ils entrèrent. Son regard se perdait dehors, là où à présent, le vent et la pluie se déchainaient. Aussi vite qu’il avait fallut le temps d’y penser, la météo vira à l’orage, comme Frank, et comme le cœur de Abby. Celle-ci fixait inlassablement les gouttes ruisseler sur la vitre, en silence.
-Abby, commença Frank en approchant, tu peux me dire ce qu’il t’a pris? Tu te rends compte de la bêtise que tu viens de faire?
La jeune femme ne répondit toujours pas et il reprit la parole.
-Tu comptes rester muette combien de temps encore? Regarde-moi au moins Abby, fit plus fort le Colonel.
Il n’y eu aucune réaction de la part de la jeune femme, alors Frank fit le tour du lit et se positionna devant elle.
-Je te parle Abby, il est hors de question que tu t’en sortes aussi facilement. Tu es sur le fil du rasoir. Encore une erreur comme celle-là et je te renvoie dans la seconde à tes parents. D’ailleurs, je compte leur dire ce que tu as fais et se sera à eux de décider de ton sort. Tu ne sembles pas opposée à cette idée. Très bien. Tu vas travailler encore plus dur au bar de Madame Leblanc, tu vas rentrer si fatiguée que tu mangeras et tu iras directement au lit. L’argent que tu gagneras servira à réparer tes bêtises et la moto. Aucune sortie, plus d’ordinateur, de télévision, de téléphone, de jeux vidéos, plus rien tu entends?
Abby ne répondit toujours pas, ce qui mit Frank encore davantage en colère. Mais que pouvait-il faire de plus? Les menaces ne semblaient plus faire effet et il ne pouvait pas faire plus que ce qu’il avait déjà fait. Il soupira profondément et accorda un regard à son épouse pour qu‘elle lui vienne en aide. Celle-ci compris sa demande muette et s’assit sur le bord du lit de la jeune femme. Elle caressa tendrement son dos, mais Abby se dégagea rapidement d’elle.
-Abby, dis-nous ce qui t’es passé par la tête, murmura Denise d’une voix douce. Il faut que tu comprennes que tu as fais une bêtise et que nous sommes en colère contre toi, mais nous voulons comprendre ce qu’il se passe.
-Elle cherche simplement à attirer l’attention sur elle, gronda Frank en réponse à son épouse.
La jeune femme resta muette sans bouger. Denise se ravisa et soupira profondément avant que Frank ne se dirige vers la porte.
-Ca n’a aucune importance, tu dois rester ici pour la nuit, on viendra te chercher demain matin, dit-il d’une voix plus calme.
Il n’attendit pas la réponse de la jeune femme et il sortit aussitôt. Denise se leva et fit le tour du lit, il se mit à genoux devant Abby et caressa du bout des doigts sa joue où une larme avait glissée.
-Abby, murmura-t-elle, tu ne veux vraiment pas me parler?
La jeune femme secoua doucement la tête et Denise acquiesça.
-Bien, nous reparlerons de ça toutes les deux si tu veux quand tu rentreras, d’accord?
-Non, répondit aussitôt la jeune femme, fous-moi la paix.
Denise soupira et se leva. Elle caressa un instant les cheveux de sa nièce avant d’y déposer un baiser.
-Nous nous inquiétons pour toi, mais tu connais ton oncle, je doute que cette fois-ci il fasse marche arrière sans une bonne raison et je peux le comprendre, soupira-t-elle avant de s’éloigner, bonne nuit Abby, ajouta Denise avant de fermer la porte derrière.
Abby ne bougea pas pour autant, elle continuait de regarder les gouttes glisser doucement. Elles étaient autant de larmes qu’elle avait versé depuis que l’ambulance était partie, depuis qu’elle avait compris que la toute dernière personne à qui elle tenait vraiment l’avait abandonnée elle aussi. Car Abby savait que son oncle ne l’aimait plus, elle le sentait. Elle avait pourtant cru que lui seul encore sur cette Terre tenait à elle, peut être Denise aussi, mais non, ils l’avaient abandonné, alors même si sa tante se montrait douce avec elle, il ne fallait jurer de rien.
Denise trouva son époux adossé contre le mur dans le couloir, les yeux fermés. Elle s’approcha de lui et posa délicatement sa main sur son bras. Frank la regarda aussitôt et Denise lui sourit.
-Elle va se calmer et elle nous dira ce qu’il s’est réellement passé.
-Je n’arriverais jamais à la comprendre Denise, soupira Frank, elle sait comment faire pour me faire tourner en bourrique, mais, Abby est comme…comme ma fille, bredouilla-t-il en fuyant le regard de son épouse, je ne sais pas ce que j’aurais fait si ça avait été plus grave.
-Je le sais, répondit Denise, quand je l’ai vu étendue devant la voiture, j’ai cru devenir folle. Mais elle va bien et elle va s’en remettre, d’accord? Insista Denise en caressant la nuque de Frank.
-Je sais qu’elle le fera, c’est Abby, rien ne peut l’ébranler.
-J’en connais d’autres comme ça, dit-elle en souriant, mais je sais aussi que dans la famille vous êtes plutôt doués pour ne montrer que ce que vous voulez.
Frank rit doucement, suivit de près par Denise. Il déposa un baiser sur ses lèvres et lui prit la main.
-Tu ne veux pas vraiment pas rester avec elle?
-Non, répondit aussitôt Frank, elle doit comprendre qu’elle nous a déçu, rentrons.
Denise acquiesça et ils quittèrent l’hôpital une peu plus soulagés que lorsqu’ils y étaient entrés.

La journée suivante se passa dans une étrange ambiance. Tout la maison était étonnamment calme. Frank et Denise n’avaient plus l’habitude de ce silence constant. La jeune femme vaquait à ses occupations le plus sereinement possible. Mais elle ne pouvait s’empêcher de penser à la jeune fille, seule à l’hôpital.
Frank quant à lui, demeurait sombre, silencieux et distant. Son épouse savait parfaitement que toutes ses pensées étaient centrées sur leur nièce. Il avait redouté que quelque chose de grave n’arrive. Cela n’avait pas été qu’une question de responsabilité, c’était de l’amour Denise le savait. Mais il avait été si inquiet et si en colère dans le même temps, qu’il avait réagit un peu violement. Denise connaissait son époux, elle savait qu’il avait regretté ses mots et ses gestes, mais elle savait aussi qu’il était bien trop fier pour l’admettre, à Abby surtout. Alors, elle le soutenait de son mieux, comme elle savait si bien le faire. Mais en fin de matinée, elle poussa Frank à aller voir la jeune femme. Ensemble ils avaient pris le chemin de l’hôpital et une fois tous les papiers réglés, ils étaient rentrés. Abby ne prononçait pas un mot. La tension plus que palpable ne s’estompa pas jusqu’au couché ni même au réveil le lendemain matin. Denise avait une journée de congé, et même si elles restaient silencieuses la plupart du temps, elle ne la quitta pas pour autant. Deux jours plus tard, Denise conduisit Abby à son travail et en fin de journée, celle-ci rentra une fois encore avec Roxy.
Bien plus d’une heure plus tard, la voiture de Denise s’engagea dans l’allée. Elle se gara devant la maison et y entra. Après avoir déposé ses affaires sur le canapé, elle chercha Abby. Elle n’était pas à l’intérieur, ni même dans le jardin. Un autre rapide coup d’œil dans la chambre qu’elle occupait depuis son arrivée, lui glaça le sang. Comment avait-elle pu ne pas voir qu’elle était étonnamment rangée?
Les affaires de la jeune femmes avaient disparues, exceptés des vêtements qu’elle n’avait vraisemblablement pas pu ranger dans son sac bien trop petit. Le cœur de Denise s’accéléra. Elle fouilla sans relâche les quelques affaires encore sur le lit. Elle trouva plusieurs papiers sans importance, mais aussi, une photo en noir et blanc. Elle était abimée à plusieurs endroits. Et il fallut une lecture approfondie pour savoir ce qui s’y trouvait représenté. Mais lorsqu’elle le comprit, elle se laissa tomber sur le lit en soupirant.
-Mon Dieu, Abby, murmura-t-elle en levant les yeux au ciel.
Elle resta sans bouger quelques temps avant de se lever brusquement. Les minutes étaient comptées et elle devait faire vite. Elle devait appeler Frank, sans aucun doute, mais avant, elle voulait téléphoner à Claudia Joy, car son amie serait peut être d’un aussi grand secours que son époux.
Elle composa son numéro et lui expliqua brièvement la situation. Abby avait fugué une fois de plus, mais cette fois-ci elle ne reviendrait sans doute pas. Elle devait la retrouver au plus vite.
Son amie se mit en route dans la seconde, et Denise composa un autre numéro, celui de Frank. Elle tenta de garder enfouie la panique en elle, mais c’était bien trop dur et son époux le remarqua immédiatement.
-Denise, qu’est-ce qu’il se passe? Avait-il aussitôt demandé en entendant sa voix.
-Abby.
-Qu’a-t-elle encore fait?
-Elle est partie Frank, et je crois qu’elle ne reviendra pas cette fois. Elle a pris toutes ses affaires.
-C’est pas vrai, grommela-t-il à l’autre bout du fil.
-J’ai prévenu Claudia Joy, elle ne va pas tarder à venir et nous allons la chercher.
-Elle peut être n’importe où, bon sang.
-Je sais, répondit timidement Denise, je suis désolée Frank j’aurais…
-Non, coupa celui-ci, ne dis rien, ce n’est pas de ta faute. Je vais quitter le bureau et je vais aller voir en ville, vous n’avez qu’à faire le tour de la base.
-Tu sais où elle pourrait se trouver?
-Il y a bien quelques endroits qu’elle aimait à Charleston, même si je doute qu’elle y soit, je vais y faire un tour.
-Frank…
-Quoi?
-J’ai vraiment peur qu’elle est fait quelque chose de…de…Bredouilla Denise incapable d’ajouter un mot de plus.
-N’y pense pas, répondit timidement son époux, on va la retrouver d’accord? Et tout ira bien, je te le promets.
-D’accord, soupira Denise en fermant les yeux.
-Tiens-moi au courant et j’en ferai de même, je t’aime.
-Je t’aime, répondit Denise avant de raccrocher à la suite de Frank.
Quelques minutes plus tard, Claudia Joy arriva chez son amie. Celle-ci monta aussitôt en voiture et elle démarra en trombe. Le tour de la base se fit pendant un long moment. Et Denise était de plus en plus nerveuse au fur et à mesure que le temps passait. Frank de son côté n’avait pas eu plus de chance. Il ne trouva Abby nulle part et il n’avait douté qu’une seule fois à ce point, lorsqu’il avait trouvé son fils, une arme à la main dans leur maison, prêt à se suicider. La même peur le gagnait, car il avait interdit à Denise d’y penser, mais lui, il ne pouvait s’empêcher de le faire. A chaque minute qui passait, Abby se trouvait plus loin, là où peut être, il ne pourrait pas la chercher. Il roulait encore et toujours, parce qu’il ne voulait pas s’arrêter de le faire. Frank emprunta une route qu’il connaissait à peine, s’éloignant toujours plus de Fort Marshall. D’ailleurs, il ne savait même pas pourquoi il avait pris cette route, c’était comme s’il avait été poussé par quelque chose, un instinct. Et lorsqu’ils vit une jeune femme un lourd sac sur le dos et de cheveux noirs et rouges glissants jusqu’au milieu du dos, il cru faire un arrêt cardiaque. Abby marchait le long de la route, le pouce levé, sans même regarder les voitures qui passaient près d’elle. Frank accéléra et prit en même temps son téléphone. Il appuya sur la touche de rappel et une seconde plus tard il entendit Denise à l’autre bout du fil.
-Frank?
-Je l’ai trouvé, route 213, au Sud.
-Je te rejoins, répondit Denise avant que tous les deux ne raccrochent.
Frank arriva à la hauteur de sa nièce et se gara sur le bas côté. Alertée par le bruits des pneus, la jeune femme se retourna. Elle se figea aussitôt sur place lorsqu’elle reconnut la personne qui s’était arrêtée. Frank descendit de la voiture et se dirigea vers elle.
-Abby.
Celle-ci reprit ses esprits et continua d’avancer en marche arrière.
-Fous moi la paix, lança-t-elle avec colère, je me tire, tu le voulais.
-Je n’ai jamais dis ça, répondit Frank en avançant toujours.
-Tu n’as pas besoin de le dire, rétorqua la jeune femme, je ne suis pas stupide figure toi. Je sais que je ne sers à rien et que je ne suis qu’un poids pour tout le monde. Alors tu sais quoi? Le poids, il se tire.
-Où compte tu aller?
-Qu’est-ce que ça peux te faire?
-Je m’en soucie, parce que tu n’es pas un poids, Abby.
-C’est du baratin, murmura-t-elle avant de lui tourner le dos et de continuer d’avancer à vive allure.
-Abby, arrête-toi, lança Frank en réduisant la distance qui les séparait.
-Dans tes rêves, grommela-t-elle pour elle-même.
-Tu ne peux pas t’en sortir seule Abby, si tu ne veux pas rester ici, tu rentres chez tes parents.
La jeune femme se retourna violement et reprit la parole plus fort.
-Tu vois? Tu te débarrasse encore une fois de moi.
-C’est parce que tu ne me dis pas ce que tu veux, s’emporta Frank, si tu restes ici il y a des règles, des règles que tu as enfreints les unes après les autres depuis ton arrivée, je sous entends que tu ne veux donc pas rester ici.
-C’est pas ma place, et ma place n’est pas avec mes parents non plus, c’est clair?
-Tu te trompes.
-Oooh, eh puis, t’en sais quoi toi au juste? Lança Abby avec colère. Qu’est-ce que tu sais de moi, tu peux me le dire? Tu ne sais rien du tout, alors ne fais pas semblant de t’y intéresser, d’accord? Tu m’as vu à peine vingt fois dans toute ta vie. Je mets les voiles, c’est mieux pour tout le monde, ne te mêle pas du reste.
Frank ne répondit pas pendant un instant et la jeune femme se remit en marche avec plus de détermination. Elle sentait les larmes lui monter aux yeux, mais pourtant, elle ne voulait pas faire marche arrière. Elle devait partir, même si cela lui faisait mal au cœur. Frank quant à lui, ne savait pas comment réagir. Il tenait à elle, mais comment lui faire comprendre? Il se mit à rattraper son retard sur sa nièce et il lui prit le bras pour qu’elle arrête sa course.
-Lâche moi, rétorqua celle-ci en voulant se dégager de lui.
-Je ne te laisse pas Abby, murmura Frank.
-Tu as peur que maman te fasse la peau? Elle n’en a rien à faire.
-Non, je veux juste savoir une chose. Si la réponse me satisfait, tu pourras faire ce que tu veux.
-Ok, tu veux savoir quoi? Demanda Abby un peu calmée.
-Pourquoi?
-Pourquoi, quoi?
-Pourquoi crois-tu qu’on ne tient pas à toi? Pourquoi fais-tu toujours les quatre cents coups pour qu’on te remarque? Et pourquoi finis-tu toujours par t’enfuir, tu peux me le dire?
-Ca fait pas une seule question ça, grommela la jeune femme.
-Non, mais réponds-moi.
-Tu veux savoir?
-Je te l’ai demandé.
-Parce que si on m’aimait et si on faisait attention à moi, on aurait remarqué certains trucs.
-Comme quoi?
-Ca n’a pas d’importance, maintenant, j’ai répondu à ta question, laisse-moi partir.
Elle fit un geste brusque et se dégageant de Frank. Après un dernier regard, elle lui tourna le dos et se remit en route.
-Cette réponse ne me satisfait pas.
-Ben, il faudra t’en contenter, cria-t-elle.
-Abby tu…
-J’ai tué quelqu’un, hurla-t-elle à bout de souffle.
-Abby je ne plaisante pas.
-J’étais enceinte d’accord? Rugit-t-elle en se tournant enfin. J’avais un bébé, il avait même un prénom, et je l’ai tué. Ca te va? Maintenant laisse-moi, dit-elle en sanglotant.
Frank resta bouche bée et avança comme un automate vers elle.
-Comment tu…
-Faut que je te fasses un dessin? Et ça ne te regarde pas de toute manière.
-Que s’est-il passé? Insista Frank à quelques centimètres d’elle.
-Qu’est-ce que ça peut faire? Murmura Abby en pleurant timidement.
-Je m’intéresse à toi.
-Tu parle.
-S’il te plaît, réponds-moi, insista son oncle.
La jeune femme fit une pause et ferma les yeux quelques secondes avant de reprendre la parole, toujours avec cette même tristesse dans la voix. Elle laissa tomber son sac sur le sol et reprit la parole.
-J’ai pas fais exprès d’avoir ce bébé, je te le jure. Mais je voulais pas avorter ou le faire adopter. Et puis, finalement je n’ai pas eu besoin.
-Pourquoi?
-J‘ai fais une fausse couche. Ca arrange tout le monde en fin de compte, alors c’est mieux comme ça.
Elle pleura de plus belle, mais ne regardait pas Frank pour autant, qui lui, restait muet.
-Je suis trop nulle, dis-le. Ca ne se fait pas de tomber enceinte à mon âge. Mais de toute manière, maman ne l’a jamais su, alors ça n’a pas d’importance.
-Si ça en a, tu aimais cet enfant Abby, il était en toi. Et…
-N’en rajoute pas s’il te plaît, dit-elle en tentant de sourire, maintenant laisse moi quitter cet endroit.
-Hors de question.
-T’es mauvais joueur, je te l’ai dis et je ne te mens pas.
-Je sais que tu ne me mens pas, mais je ne te laisse pas partir pour autant.
-Mais pourquoi? Sanglota Abby. J’ai rien à faire ici. Tout le monde le sait, je suis certaine que Denise n’attend que le moment où je pars pour être tranquille avec toi et pour que Jeremy puisse revenir.
Frank glissa deux doigts sous le menton de la jeune femme et la regarda dans les yeux tout en parlant aussi bas qu’un murmure.
-Ne dis pas ça, ta tante t’aime énormément. Et en aucun cas elle veut que tu partes pour retrouver Jeremy.
-Et toi?
-Je t’aime Abby, même si tu en doute, tu m’entends? Tu es importante pour moi et Denise, bien plus que tu ne l’imagine.
Elle le regarda enfin. Ses yeux bleus sondaient les siens. Elle avait honte, si honte qu’elle ne pouvait pas soutenir le regard. Elle fut attirée dans une étreinte chaude et paternelle contre laquelle elle ne pouvait pas lutter.
-Je suis désolé Abby.
-C’est pas grave, répondit celle-ci en pleurant de plus belle.
-Viens là, murmura Frank en la serrant dans ses bras.
Abby nicha son visage dans le cou de son oncle et ses mains se glissèrent sur ses épaules pour se trouver le plus proche possible de lui. Frank la tenait dans ses bras en caressant son dos.
-Ca va aller ma puce, murmura-t-il au dessus de son oreille, je te le promets.
Il déposa un baiser dans ses cheveux.
-Tu ne vas pas le dire à maman, s’il te plait. Je ne veux pas qu’on sache.
-Non, je ne le ferais pas. Je sais ce que c’est de vouloir cacher un secret et une douleur.
-Merci tonton, grommela Abby contre lui alors que les larmes coulaient toujours sur ses joues.
-Il faudra cependant que tu en parle.
-A qui?
-A ta tante, et à moi si tu veux.
-Ca t’intéresse tellement?
-Tu es et tu resteras toujours ma petite princesse des roses. Alors tout ce qui te concerne m’intéresse.
Il sentit Abby sourire dans son cou et il en fit de même avant de poser son menton sur le haut de la tête de la jeune femme. Aucun des deux ne voulaient briser cette étreinte. Et Denise qui se tenait un peu plus loin ne le voulait pas non plus. Elle n’avait que très peu compris ce qu’il se passait. Mais elle avait vu sa nièce se lover contre Frank et tout portait à croire que les choses s’arrangeaient. Peut être Abby avait-elle compris à quel point elle comptait pour eux. Car Denise ne savait pas dans quelles circonstances, elle avait perdu l’enfant qu’elle pouvait voir sur l’échographie trouvée dans les affaires de Abby, mais elle comprenait que cette perte avait été la cause du changement de la jeune femme.
Après quelques temps, elle se décida à les rejoindre, laissant Claudia Joy observer la scène de loin. Frank leva aussitôt les yeux vers elle alors qu’elle glissa une main dans le dos de Abby. Celle-ci la regarda à son tour et lui sourit tendrement.
-Je suis désolée tata, bredouilla-t-elle, je ne voulais pas.
-Ce n’est rien Abby, répondit tendrement Denise en caressant ses cheveux, nous sommes là. Nous te laisserons pas tomber.
La jeune femme se blottit contre sa tante sans pour autant lâcher d’une main la veste de son oncle. Denise déposa un baiser sur sa tempe alors que Frank resserra son étreinte autour d’elles. Abby pleurait toujours, sans doute comme elle ne l’avait plus fait depuis très longtemps, mais Denise et Frank étaient là auprès d’elle. Et pour la première fois depuis longtemps des bras aimants la consolaient, sans vouloir s’éloigner une seule seconde.


Denise, Frank et Abby étaient restés enlacés de longues minutes. Ils n’avaient pas bougé tout le temps où la jeune fille avait pleuré. Elle s’était déchargée de toute sa peine et sa souffrance emmagasinée depuis des mois, et Denise ainsi que Frank l’avaient bien compris. Pour cette raison, ils ne l’avaient pas quitté une seule seconde, car ils savaient au combien elle avait besoin d’eux à cet instant.
Puis, ils étaient tous remontés en voiture et ils étaient rentrés chez eux. Abby rejoignit la salle de bains alors que Frank s’assit sur une chaise en soupirant. Il passa ses mains sur ses yeux et Denise s’approcha de lui. Elle glissa une main dans la nuque de son époux et déposa un baiser dans ses cheveux. Frank ouvrit les yeux à nouveau alors que Denise s’assit à côté de lui. Elle lui sourit tendrement sans pour autant déplacer sa main d’un seul petit centimètre.
-Ca va? Demanda timidement la jeune femme en souriant.
-Et toi?
-J’ai cru mourir d’inquiétude. Je suis soulagée de l’avoir retrouvée avant qu’il ne soit trop tard parce que je suis persuadée qu’on aurait jamais pu la revoir si elle était partie.
-J’en suis persuadé moi aussi, murmura Frank. Mais je ne suis pas certain d’être soulagé.
-Pourquoi?
- A cause de ce qu’elle a vécue. Abby reste fragile et déboussolée. Elle a besoin de quelqu’un pour veiller sur elle.
-Nous sommes là Frank, répondit Denise.
-Jusqu’à quand? Elle ne pourra pas rester indéfiniment ici dans cette situation, nous le savons tous les trois.
-Oui, tu as raison. Mais il y a une chose à laquelle tu n’as pas pensé. Si tu décidais de t’occuper d’elle jusqu’à sa majorité? Tu es son oncle mais aussi son parrain Frank, tu as le droit d’en demander la garde.
-Tu plaisante? Elle a des parents, elle n’est ni orpheline, ni abandonnée, ni même maltraitée.
-Je considère l’indifférence comme une maltraitance, répondit aussitôt Denise.
-Tu sais bien qu’un juge ne l’entendra pas de cette oreille, et Anny non plus. Je ne me vois pas lui retirer la garde de sa fille. C’est impensable.
-Je ne pense pas la même chose que toi. La preuve, Anny ne semblait pas inquiétée qu’elle soit venue seule ici. Tu sauras faire attention à elle, ta sœur en revanche semble ne plus être en mesure de le faire . Elle ne s’en sort plus avec elle, peut être acceptera-t-elle de te la laisser volontiers.
-De nous la laisser, corrigea Frank. On fait ça ensemble, parce qu’il me semble que tu te trouve être la marraine de notre nièce, non?
-Je me vexerais si je n’avais pas droit au chapitre, ajouta Denise en riant. Alors qu’en penses-tu?
-Je ne sais pas. Ce serait ce qu’il y a de mieux pour Abby peut être.
-Il ne lui reste plus beaucoup d’années avant d’être majeure et de choisir où habiter et quoi faire de sa vie. J’ai juste envie qu’elle profite de son adolescence et qu’elle commence sa vie d’adulte sur de bonnes bases.
-C’est ce que je souhaite aussi. Mais j’aurais l’impression d’enlever un enfant à ses parents.
-Je le sais, mais je pense que tu dois intervenir.
-Et Abby?
-Demandons-lui ce qu’elle souhaite faire et si elle est de notre avis, et ensuite regardons avec un avocat si c’est possible. Il faudrait aussi en parler à ta sœur, ajout-elle en riant, mais avec calme et tact.
-Après ce que je viens d’apprendre, crois-tu seulement que j’arriverais à lui adresser la parole avec calme et tact?
Denise rit en s’approchant de son visage.
-J’en doute fortement mon amour, mais ça vaut la peine de faire des efforts et de serrer les dents. Abby en vaut la peine.
-C’est certain, murmura Frank sur les lèvres de son épouse avant de l’embrasser tendrement.
Ils se séparèrent mais ils restèrent tout de même à quelques centimètres l’un de l’autre lorsque Frank reprit la parole.
-La décision est prise? Nous n’avons plus à en discuter?
-En ce qui me concerne, ça l’est. Pourquoi vouloir en parler encore des heures et des heures tous les deux si nous sommes du même avis?
-Encore une fois, tu es la femme faite pour moi, tu vois. Tu sais trouver les mots justes.
Il attira Denise sur ses genoux et celle-ci rit de bon cœur. Une fois calmée, elle prit la parole en souriant.
-Toutes les épouses font comprendre à leur mari qu’ils prendront la bonne décision et toutes les pousseront un peu pour qu’ils bougent leurs fesses.
-Peut être, mais aucune n’est aussi belle que toi.
Denise ne répondit pas mais elle sourit de plus belle avant de sentir son époux l’attirer contre lui pour l’embrasser une fois encore.
Plus loin, Abby observait Denise et Frank sur les chaises de la cuisine. Son oncle avait pris sa tante sur les genoux et lui parlait tendrement à quelques centimètres ses lèvres. Parfois, il déposait un baiser sur sa bouche ou sur son nez avant qu’ils ne rient doucement tous les deux.
-Vous avez fini de vous bécoter? Lança Abby en avançant dans la pièce.
Frank et Denise se tournèrent aussitôt vers elle sans cesser de sourire pour autant. Abby approcha encore un peu plus et sourit doucement. Denise passa sa main dans le dos de sa nièce et lui sourit tendrement.
-Ca va Abby?
-Ouais, ça va. Tu veux que je te donne un coup de main pour le repas tata?
-Oui, c’est une bonne idée, répondit Denise en souriant.
Abby fit le tour de l’îlot central et Denise quitta les bras de Frank pour la rejoindre. Celui-ci ne bougea pas, regardant Denise et Abby préparer le repas toutes les deux. Une fois le dîner prêt, ils passèrent à table. L’ambiance était bien différente des jours précédents, Abby était plus souriante et amicale. Une fois le repas terminé, la jeune fille se leva pour débarrasser, mais Frank la retint un instant en lui demandant de rester assise.
-Je dois te parler de quelque chose.
-Si c’est pour ce que j’ai fait, je suis vraiment désolée, je sais que…
-Ce n’est pas ça, coupa Frank, bien sûr ce que tu as fais aujourd’hui était grave. Tu nous as fait peur Abby et je sais que tu en a conscience.
-Oui, grommela-t-elle, je ne voulais pas vous foutre les pétoches. A la maison, je pouvais partir, personne ne voyait jamais rien. Alors je pensais que je pouvais faire la même chose.
-Justement, c’est pour cette raison que nous voulions te parler ta tante et moi, continua Frank en jetant un regard à Denise qui se trouvait un peu plus loin, nous avons discutez tous les deux et nous avons pris une décision.
-C’est quoi? Demanda Abby en fronçant les sourcils, présentant la suite comme de mauvais augure.
-Tu sais très bien que cette situation ne peut pas durer telle quelle.
-Ouais, je sais, grommela-t-elle dans sa barbe.
-Bien, alors nous avons une proposition à te faire, mais j’aimerai que tu réfléchisses bien avant de nous répondre, d’accord?
-Dis toujours.
-Si tu le veux et surtout si tes parents l’acceptent, Denise et moi envisageons de devenir tes tuteurs jusqu’à ta majorité.
-Ca voudra dire que je peux rester vivre ici? S’exclama la jeune fille.
-Oui, intervint Denise, mais les choses changeront un peu. Et si tu le veux vraiment, ça voudra dire que tu devras nous obéir à tous les deux et que tes parents n’auront plus à interférer. C’est pour cette raison que c’est une décision difficile à prendre. Bien sûr il faut aussi que tes parents soient d’accord et que tu passes devant un juge pour enfant, c’est une procédure assez longue et compliquée.
-Ok, répondit Abby, mais si je veux rester avec vous, si maman et papa sont d’accord, et si je juge l’autorise aussi, il y aura toujours un gros problème.
-Lequel? Demanda Frank.
-Votre maison n’est pas très grande, comment on fera quand Jeremy rentrera, et est-ce qu’il sera d’accord lui?
-On s’arrangera, crois-moi, ce point n’est qu’un tout petit détail.
-C’est vrai?
-Oui, répondit Denise, nous n’y sommes pas encore, il y a un tas de choses plus importantes avant tu sais.
-Oui, mais si? Je ne veux pas être un poids. Vous êtes certains que ça ne posera pas de problème?
-Aucun, répondit Frank, et je pense t’avoir déjà dis que tu n’étais pas un poids. Nous avons pris cette décision en toute connaissance de cause. Maintenant, prends ton temps pour bien penser à la question et lorsque tu auras pris une décision, nous aviserons.
-D’accord.
-Tu as tout ton temps, ajouta Denise.
-Mais j’émets tout de même une condition, reprit Frank en regardant droit dans les yeux la jeune fille, si tu venais à décider de rester ici avec nous, j’exigerai que tu reprennes tes études et je ne discuterais pas sur son point. Je veux que tu prennes bien ce point en considération lorsque tu feras ton choix.
-Je m’en doutais un peu, grimaça Abby, ça ne va pas être des vacances. Et j’ai plutôt intérêt à arrêter les sorties en boites de nuit et les bains de minuits.
-C’est certain, murmura Frank.
-Bien, soupira Denise, maintenant que les choses sont bien au clair et que tu connais notre position, c’est à toi de faire tes propres choix Abby.
-Tu nous le diras quand tu seras prête, ajouta Frank.
-Ok.
Denise et Frank échangèrent un regard alors que la jeune fille regardait ses mains en silence. Ils restèrent encore à table quelques minutes puis, ils regardèrent un film avant d’aller se coucher. Abby ne put s’empêcher d’embrasser sa tante et son oncle avant de rentrer dans sa chambre, chose qu’elle n’avait pas fait une seule fois depuis son arrivée avant d’aller se coucher.

Deux semaines plus tard.

-Arrêtes de gigoter, gronda Denise dans la salle de bains.
-Mais je suis sûre que tu ne fais pas comme il faut, rétorqua Abby.
-Fais-moi confiance jeune fille, d’accord? Je fais ce que je peux.
Abby grimaça alors que Denise sourit largement. L’adolescente était assise sur une chaise au centre de la pièce. Une large serviette recouvrait ses épaules. Denise se tenait derrière elle avant un tube de coloration. Elle passa sa main dans ses cheveux et appliqua la mousse sur la tête de Abby. Celle-ci avait les yeux fermés et savourait simplement le massage.
-Tu crois qu’il faut tout mettre? Demanda-t-elle après quelques minutes passées en silence.
-Roxy m’a dit que oui, je préfère suivre ses conseils, on ne sait jamais, répondit Denise sans s’arrêter pour autant.
-Si je suis totalement ratée je dirais à tout le monde que c’est de ta faute, grommela Abby.
Denise émit un éclat de rire.
-Comme tu voudras, mais tu ne seras pas ratée, j’en suis certaine. Ais confiance en ta vieille tante.
-Tu n’es pas vielle.
-Alors correction: ais confiance en ta meilleure tante et en ta marraine. Deux femmes très bien, crois-moi.
-Ouais, grommela-t-elle, tu crois que c’est une bonne idée?
-De quoi parles-tu? De ta coloration?
-De ça et du reste.
-Je suis persuadée que cette couleur t’ira, elle est très proche de ta couleur naturelle. Et pour le reste, cela ne tient qu’à toi.
-Après le carnage que j’ai fais à la soirée chez les Holden, j’ai peur de ne pas être à la hauteur.
-Les circonstances sont différentes, et cette soirée compte beaucoup pour ton oncle.
-C’est peut être pour ça que je ne devrais pas venir, je risque de tout gâcher tu sais.
-Si tu te tiens bien, que tu n’insulte personne, que tu porte la tenue que nous avons acheté toutes les deux, que tu ne t’approches pas trop du buffet, que tu ne bois pas la moindre goutte d’alcool, alors tu ne gâcheras rien. Et ton oncle sera d’autant plus heureux de t’avoir auprès de lui.
-Tu crois qu’il le sera?
-Je le connais très bien figure-toi, je sais ce que je dis.
-Tu me donneras des conseils pour savoir comment bien me conduire avec lui? Je n’ai pas envie qu’il me déteste.
-Tu sais ce qu’il faut faire pour que ton oncle soit en bons termes avec toi.
-Je sais oui, mais j’aimerai que ça dur tu vois le truc?
Denise s’arrêta un instant et fronça les sourcils.
-Pourquoi? Dit-elle soucieuse.
-Comme ça c’est tout, s’empressa de répondre Abby, parce que je veux pouvoir toujours venir ici quoiqu’il arrive. Si je commets une erreur, il risque de ne pas vouloir me voir.
Denise sourit sans ajouter un mot et vida le reste du pot en silence. Elle fit un chignon avec les cheveux de la jeune femme et regarda sa montre.
-Très bien, tu en as pour trente minutes.
Abby ouvrit les yeux et s’apprêta à se lever lorsqu’elle croisa le regard de sa tante.
-Quoi?
-Si je te maquillais un peu en attendant?
-T’es sérieuse? Tu as envie de faire ça?
-Oui, répondit Denise en souriant, je vais t’apprendre quelques petits trucs si tu veux.
-Pour un peu que je veux. J’ai juste l’impression d’être une poupée mais bon vas-y, ajouta-t-elle en souriant largement.
Denise chercha du maquillage et s’approcha d’elle à nouveau. Elle s’assit sur le rebord de la baignoire en face d’elle.
-C’est vrai que je profite un peu, dit-elle, ne m’en veut pas, mais je n’ai jamais été très « fille », je rattrape le temps perdu.
-Et ça te plait?
-Je suis certaine que si j’avais eu une fille j’aurais aimé m’occuper d’elle comme je le fais avec toi.
-N’essaie pas avec Jeremy, lança Abby en riant, il risque de ne pas aimer.
-Non, c’est certain, ajouta Denise en riant à son tour.
Elles se calmèrent doucement et Denise commença à maquiller la jeune fille. Elles parlaient et elles riaient pour un rien. Toutes deux se sentaient étonnamment bien dans cette situation, comme si elle avait été normale et vieille de plusieurs longues années. Une fois Abby maquillée, Denise l’entraîna vers le miroir pour qu’elle puisse se voir. Puis, les trente minutes étaient déjà passées. Elle aida sa nièce à se rincer les cheveux dans la baignoire. L’opération s’avéra périlleuse. Elles s’éclaboussèrent l’une l’autre en riant et elles finirent trempées toutes les deux. Assises sur le sol, elles riaient, sans pouvoir s’arrêter une seule seconde avant d’enfin reprendre leur souffle. Lorsqu’elles se calmèrent enfin, Abby reprit sa place sur la chaise et Denise se remit dans son dos. Elle lui sécha les cheveux délicatement tout en les brossant soigneusement.
-Ca fait une éternité que j’avais envie de passer une brosse dans ces cheveux emmêlés, dit-elle en la coiffant.
-Maintenant que je suis comme ta fille, ne te prive pas, répondit Abby en souriant.
Denise s’arrêta aussitôt et fit le tour de la chaise pour croiser le regard bleu de la jeune fille.
-Euh, je ne voulais pas dire ça, corrigea Abby, je…
-Oh si, tu voulais le dire, coupa Denise. Abby ais-je bien compris?
La jeune fille soupira et baissa les yeux vers ses mains.
-J’ai bien réfléchis, je ne veux pas rentrer à la maison. J’ai été plus heureuse ici ces deux dernières semaines que les cinq dernières années à Pittsburg. Et si la proposition tient toujours, j’aimerai rester avec vous.
Denise sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle prit tendrement la main de sa nièce et se mise à croupis. Ayant capté son regard, elle lui sourit tendrement avant de prendre la parole à peine plus fort qu’un murmure.
-Bien sûr que la proposition tient toujours Abby. Je suis heureuse que tu acceptes de vouloir vivre avec nous et je suis certaine que ton oncle le sera aussi.
-J’aimerai lui dire ce soir après la réception, tu crois que ça ira?
-Ce sera parfait, répondit Denise en souriant, tu ne pouvais pas nous faire plus plaisir.
Abby sourit et une seconde plus tard, Denise l’attira à elle pour une tendre étreinte. Elle déposa un baiser sur sa tempe et ferma les yeux quelques secondes. Son cœur débordait littéralement de joie.
Après quelques minutes ainsi enlacées, la jeune femme se redressa et continua de coiffer soigneusement Abby. Ses cheveux n’étaient plus noirs et rouges, ils arboraient un blond foncé, tirant presque sur le brun. Ce qui la rendait plus belle qu’elle ne l’avait jamais été.


Denise et Abby avaient beaucoup ri toute la journée. La jeune femme avait dû remaquiller la jeune fille avant de se préparer à son tour. Elle apportait une dernière touche à son maquillage alors qu’Abby se changeait dans l’autre chambre. Frank rentra enfin, en retard car il avait eu beaucoup de travail ce jour là. Il prit une rapide douche et se changea. Il ne fallut que quinze minutes, montre en main, pour qu’il soit prêt à repartir. Denise termina son nœud papillon et déposa un baiser sur ses lèvres.
-Abby est prête? Demanda-t-il anxieux en regarda une fois de plus sa montre.
-Demande le lui.
Frank quitta la chambre et toqua à la porte d’à côté.
-Abby? Tu es prête, nous devons y aller.
-Non, cria Abby, pas encore.
-Je ne veux pas être en retard, rétorqua Frank.
-Ben vas-y alors, Denise et moi on te rejoint.
-Quelque chose ne va pas? Demanda Frank en fronçant les sourcils.
-N’ouvre pas cette porte ou je hurle, dit-elle brusquement, je ne suis pas prête c’est tout.
Frank lança un timide regard à Denise qui se trouvait tout près de lui.
-Nous te rejoindrons vite, ne t’inquiète pas, murmura-t-elle à son époux.
-Très bien, soupira-t-il.
Elle lui sourit et l’embrassa avant qu’il ne s’adresse à la jeune fille de l’autre côté de la porte.
-J’y vais Abby tu me rejoindras avec Denise, mais dépêche toi s’il te plait.
-Ok, salut, lança la voix de la jeune fille.
Frank prit ses affaires et quitta la maison. Denise quant à elle rejoignit Abby dans sa chambre pour l’aider à se terminer de se préparer. Elle la trouva coiffée, maquillée, habillée et chaussée, tout ce qui lui manquait était la confiance en elle.

Frank se trouvait à la réception depuis une trentaine de minutes déjà. Il sentait la tension monter au fur et à mesure que le temps s’écoulait. Il avait besoin d’avoir Denise à ses côtés, comme toujours dans ces cas là. Il se trouvait un verre à la main, un peu à l’écart, car Michael était allé saluer un officier. Le soldat de première classe David Edwards se dirigea vers lui, mais se figea sur place dès lors que son regard se posa vers l’entrée. Frank suivit son mouvement et sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine en voyant qui se tenait là. Abby et Denise, toutes deux en robe de soirée. Celle de sa nièce était noire et se finissait légèrement au-dessus de ses genoux. Alors que celle de Denise était longue et pourpre. Son épouse avait les cheveux détachés, et ceux de Abby étaient montés en un chignon parfait. Elle ne portait plus tous ses bijoux autour du cou et des poignets, simplement un bracelet fin et un pendentif. Deux goutes de nacres se balançaient à ses oreilles où avait disparues toutes les autres boucles en métal. Perchée sur ses hauts talons, elle était à peine plus petite que Denise. Elles souriaient toutes les deux à Claudia Joy qui les avaient accueillies. Tout le monde remarquait Abby, mais cette fois-ci une bouffée de fierté gagnait le cœur du Lieutenant-colonel.
-Woaw, murmura le jeune homme à côté de lui.
Frank se tourna violement vers lui et lui lança un regard noir. Il déglutit péniblement et baissa les yeux.
-Euhh, excusez-moi Monsieur, bredouilla-t-il avant de s’éclipser rapidement.
Frank lui accorda un dernier regard avant de se concentrer sur les deux personnes qui s’avançaient doucement vers lui. Il leur gratifia de son plus beau sourire. Denise déposa un baiser sur ses lèvres et Abby en fit de même sur sa joue.
-J’ai beaucoup de chance ce soir, dit-il en souriant, je dois être accompagné des deux plus jolies filles de la base.
Ils rirent tous les trois et Denise lui prit tendrement la main.
-Comment trouves-tu Abby? Demanda-t-elle à son époux.
-Superbe, répondit aussitôt Frank, je comprends que tu as mis beaucoup de temps pour te préparer, tu as même coloré tes cheveux.
-J’ai l’air d’être déguisée, avoue-le, grimaça Abby.
-Oh non, tu es parfaite, crois-moi. Et je doute être le seul de cet avis ce soir.
Abby sourit timidement et regarda ses pieds alors que son oncle et sa tante échangèrent un tendre regard. Puis, Frank reprit la parole en s’éloignant.
-Je dois voir Michael une minute, je vous rejoins à table toutes les deux.
-Ca marche, répondit Denise avant de l’embrasser.
-A plus tard, répondit Abby alors qu’il s’éloignait.
Elles restèrent toutes les deux l’une à côté de l’autre en silence quelques secondes avant que Abby finisse par prendre la parole.
-Je fais quoi maintenant?
-Allons voir où nous sommes placées.
-Ouais.
-Avant, ajouta Denise en tendant la main, ton chewing-gum Abby.
Celle-ci soupira, mit deux doigts dans sa bouche, le sortit et le posa dans la main de sa tante avant de traverser la pièce. Denise fit une grimace alors que Claudia Joy arrivait à sa hauteur.
-Qu’est-ce que c’est? Se risqua sa meilleure amie.
-Le chewing-gum de ma nièce, soupira Denise en la regardant.
Claudia Joy grimaça.
-Tu veux une serviette?
-S’il te plait, murmura Denise en souriant timidement.
Son amie s’exécuta et elles rejoignirent les tables en discutant.
-Abby est transformée ce soir, murmura Claudia Joy.
-Il n’y a pas que ce soir, répondit Denise, elle a été correcte et agréable depuis sa fugue il y a deux semaines. Elle avait besoin de comprendre qu’on tenait à elle.
-Tu as du nouveau pour ses parents et sa décision de rester ou de rentrer?
Denise sourit largement en regardant un instant la jeune fille prendre place à table.
-Ne le dis à personne mais, elle reste avec nous. Du moins, elle m’a donné sa réponse aujourd’hui et elle va l’annoncer à Frank ce soir.
-Denise, c’est une excellente nouvelle, lança Claudia Joy folle de joie.
-J’espère juste que la procédure se passera au mieux et que ses parents acceptent de nous la laisser.
-C’est encore une autre histoire. Mais je ne me fais pas de souci.
-Je m’en fais un peu, ajouta Denise en souriant timidement.
-C’est normal, tu t’en fais toujours, rétorqua Claudia Joy en riant.
Elles échangèrent encore un regard et rejoignirent la table à leur tour. Michael et Frank en firent de même et ils dînèrent tranquillement.

Alors que le dîner touchait à sa fin, les couples commencèrent à évoluer sur la piste de danse. Michael invita Claudia Joy et Frank en fit de même avec Denise. Abby échangea quelques mots avec le couple assit à table avec eux avant que son oncle et sa tante ne reviennent déjà. Denise s’assit et Frank tendit la main à Abby.
-M’accorderiez-vous cette danse mademoiselle?
-Sérieux?
-La réponse serait plutôt, oui ou non.
-Oui, répondit Abby en souriant largement.
Elle lui prit la main se leva à son tour. Tous deux se dirigèrent vers la piste sous le regard tendre de Denise. Ils se placèrent face à face en souriant. Abby posa sa main sur l’épaule de son oncle alors qu’il plaça la sienne dans son dos. Ils montèrent les mains qu’ils avaient liées et commencèrent à bouger doucement au rythme de la musique.
-Mais dis-moi Abby, tu sais danser.
-Denise m’a appris cette après-midi au cas où je devrais danser ce soir.
Frank sourit tendrement mais ne répondit pas. Il se passa plusieurs minutes où ils évoluèrent sur la piste en silence. Puis, alors que le Lieutenant-colonel voulut reprendre place, Abby l’avait retenu par le bras.
-Attends, il faut que je te dise un truc important, murmura-t-elle en baissant les yeux.
-Quoi? Grommela Frank.
-C’est quelque chose que je devais te dire depuis quelque temps, mais je voulais le faire ce soir.
-Qu’est-ce que c’est Abby? Insista son oncle en lui levant doucement le menton et en ancrant son regard dans le sien.
-Tu sais tu as dis que si je voulais rester avec vous à Fort Marshall, il faudrait que j’obéisse à certaines règles et aussi que je devais prendre le temps d’y réfléchir.
-Oui, acquiesça Frank sans bouger.
-J’ai…j’ai pris ma décision, bredouilla-t-elle.
-Je t’écoute, murmura Frank en sentant sa gorge se nouer.
-Je veux rester avec vous, lâcha Abby dans un souffle, je l’ai dis à Denise aujourd’hui et elle semblait contente.
-Elle l’est sans aucun doute.
-Et toi? Grimaça Abby.
Frank ne répondit pas mais il sourit largement. Il fit un pas vers sa nièce avant de la prendre dans ses bras. Quoiqu’un peu surprise par cet élan inhabituel de la part de son oncle, la jeune fille se laissa aller dans cette tende étreinte. Frank déposa un baiser dans ses cheveux.
-Je suis heureux que tu aies fait ce choix Abby, murmura-t-il au-dessus de son oreille.
-Bon alors, il va falloir que je sois la fille parfaite maintenant.
-Tu n’as pas à être parfaite, restes comme tu es. Tu es une fille très bien.
Abby sourit largement et resserra ses bras autour du cou de son oncle. Plus loin se trouvait Denise qui les regardait en souriant alors que la salle ne semblait pas calme pour autant, ils étaient comme dans une bulle.
Frank et Abby se séparèrent enfin, mais au lieu d’aller s’asseoir comme le Lieutenant-colonel l’avait prévu dans un premier temps, il entraîna la jeune femme sur la piste à nouveau. Il la fit tournoyer plusieurs fois avant de la ramener contre lui de temps à autres en riant tous les deux. Et lorsqu’ils sentirent qu’ils étaient essoufflés, à la fin d’une autre chanson, ils rejoignirent Denise à nouveau pour continuer la soirée plus au calme.
Abby les laissa discuter d’un quelconque Général et de son épouse en visite sur la base avec Michael et Claudia Joy et elle se dirigea vers le buffet des desserts. Par chance, la fille des Holden n’était pas là ce soir là, elle ne risquerait donc pas de commettre une faute comme celle qu’elle avait fait des mois plus tôt. Elle ne se serait pas risquée à en commettre une telle à présent que tout s’était arrangé avec son oncle et sa tante. Elle prit une petite assiette sur une pile et regarda avec intérêt et gourmandise les desserts qui se trouvaient sous ses yeux. Un jeune homme se positionna à côté d’elle et en fit de même. Elle l’entendit étouffer un éclat de rire et leva les yeux vers lui aussitôt.
-Pourquoi riez-vous? Rétorqua-t-elle.
-Pour rien, je me demandais juste quand est-ce que vous comptiez choisir un dessert.
-Ils ont l’air très bons, j’ai un peu de mal à choisir.
-La tarte à la fraise est très bonne.
Abby regarda le jeune soldat un moment en silence avant qu’il n’en fasse de même.
-Vous allez bien mademoiselle?
-Je vous connais, vous me dites quelque chose.
Il rit avant de lui sourire tendrement.
-Soldat de première classe David Edwards, je vous ai rencontré au bureau de votre oncle un jour et vous m’avez bousculé.
-C’est vous qui m’êtes rentré dedans.
-C’est ce qui arrive quand on écoute aux portes.
-Parce que vous écoutez aux portes?
-C’est vous qui le faites.
-Mmh, vous disiez que la tarte à la fraise est bonne? Lança Abby en regardant le buffet une nouvelle fois.
Le jeune homme sourit et ils se servirent tous les deux. Une fois fait, ils s’éloignèrent du buffet.
-Dites-moi, commença Abby, ça vous dirait de m’inviter à danser?
-Je vous demande pardon?
-C’est plus galant si c’est le garçon qui invite, mais étant donné que vous ne semblez pas décidé à le faire, je vous soumets l’idée.
-Eh bien, ce n’est pas que je ne voudrais pas vous inviter.
-Je ne vous demande pas de sortir avec moi, rétorqua Abby, juste danser, de toute manière la semaine prochaine, vous m’aurez oublié.
-Le problème n’est pas là.
-Il est où le problème alors? Vous avez deux pieds gauches?
-Non, mais vous êtes la nièce de mon supérieur direct et je n’ai pas le droit de vous fréquenter.
-C’est lui qui vous l’a interdit? Il n’est pas aussi méchant, cruel, dur et impartial que vous le croyez vous savez.
-Il y a certaines règles que nous nous devons de respecter si nous ne voulons pas nuire à notre propre carrière.
-Et vous êtes ambitieux, j’ai compris le truc, ne vous fatiguez pas, lança Abby, bonne soirée dans ce cas et merci pour la tarte à la fraise, je verrais si elle est bonne.
-Je vous en prie, répondit le soldat en souriant.
Abby en fit de même et rejoignit la table pour y manger son dessert. La soirée se termina tard et Denise, Frank et Abby rentrèrent tard et exténués. Mais ce soir sur la base de Fort Marshall une nouvelle famille se construisait. Abby n’était pas encore considérée aux yeux de tous et surtout de la loi comme étant « leur fille » mais dans le cœur de chacun elle l’était, depuis longtemps. Et ce soir là, plus que tout autre.


Ce samedi était particulier pour toute la petite troupe. L’un des membres avait son anniversaire. Pamela soufflait un nombre, inconnu, de bougies. Et ils avaient prévu de fêter ça tranquillement tous ensemble au Hump Bar. Abby et Emmalin avaient été réquisitionnées pour donner un coup de main. Il avait fallut une longue discussion entre Denise et Abby et Claudia Joy et Emmalin pour qu’elles consentent, tant bien que mal, à travailler ensembles pendant une après-midi, sans se battre. Elles les avaient donc laissées avec Roxy et elles étaient allées faire quelques courses en attendant. Le bar étant encore fermé, la maîtresse des lieux se chargeait de faire un peu de rangement dans la réserve pendant que les deux adolescentes s’occupaient de la décoration du coin de la salle où Pamela fêterait son anniversaire. Emmalin avait allumée plusieurs bougies disposées un peu partout et elle descendait de l’escabeau, admirant la banderole qu’elle venait d’accrocher.
-Ca ne va pas tenir, grommela Abby un peu plus loin.
-Ca tient là, rétorqua Emmalin sans la regarder.
-Ouais, on en reparlera dans dix minutes quand ça va tomber et que tu vas cramer le bar. Ton scotch est mal mis et pas assez fort pour que ça tienne.
-De quoi tu te mêle, lança Emmalin en se retournant.
-J’ai peut être pas envie de mourir dans un incendie à cause de la négligence d’une gourde, répondit aussitôt Abby.
-Tu peux répéter ce que tu as dit?
-Pourquoi, t’es pas assez intelligente pour comprendre la première fois, c’est ça?
-Tu as de la chance que j’ai promis de ne pas t’étrangler, sinon tu ne serais déjà plus en vie et ce ne sera pas à cause d’un incendie.
-Ben voyons, heureusement que tu écoute ta maman princesse, lança Abby en lui tournant le dos.
-LES FILLES ! Hurla Roxy plus loin. Vous avez fini ou je dois m’en mêler et je vous préviens, ça risque de devenir un film d’horreur et ni ta tante Abby, ni ta mère Emmalin ne pourront vous identifier à la morgue.
-C’est bon, répondit Abby, message reçu.
Elle prit la serpillère et le sceau d’eau savonneuse et alla nettoyer plus loin.
-C’est ça, va nettoyer Cendrillon, murmura Emmalin pour elle-même mais assez fort pour qu’Abby l’entende tout de même.
Et bien qu’elle bouillonnait intérieurement, elle ne répondit pas et s’éloigna doucement. Il se passa de nombreuses minutes passées en silence, chacune à ses occupations. Abby revint dans le secteur où se trouvait Emmalin. L’une admirait son travail de décoration et l’autre finissait de rendre les derniers centimètres de carrelage étincelant lorsqu’elles se rentrèrent dedans. Emmalin vacilla et trébucha sur le sceau avant de tomber sur le sol. Abby ne pu s’empêcher de rire alors que la jeune fille lui lança un regard noir.
-Tu l’as fait exprès?
-Non, mais j’aurais bien voulu en avoir l’idée.
-Tu parle, lança Emmalin en se levant, je suis sûre que tu l’as fais exprès.
-Traites-moi de menteuse, je te dirais rien.
-Tu es déjà une alcoolique, alors tu dois être une menteuse aussi.
-Redis un peu ça, grommela Abby en s’approchant d’elle.
-Pourquoi tu n’es pas assez intelligente pour comprendre la première fois? Tu comptes faire quoi? Me casser la figure?
-Ca t’arrangerai peut être le portrait, murmura Abby.
-Ben voyons, vas-y alors ne te gêne pas, ça prouvera ce que je pense depuis longtemps déjà.
-Que moi je ne suis pas une fille à papa et maman c’est ça? Lança Abby en riant.
-J’intéresse les miens au moins contrairement à d’autres.
Abby allait répondre quelque chose lorsque la banderole qu’avait accrochée Emmalin se décrocha et tomba directement sur les bougies qui se trouvaient en-dessous. Elle s’enflamma à une vitesse fulgurante. Les deux jeunes filles échangèrent un regard avant de se précipiter vers le bar pour y trouver quelque chose afin d’éteindre les flammes qui gagnaient la table. Elles cognèrent une autre table sur laquelle se trouvaient des bouteilles et une pancarte « Ne pas toucher ou vous devrez affronter ma colère ». Des bouteilles se brisèrent et enflammèrent plus rapidement la banderole pour emmener les flammes jusqu’au plafond.
-Il faut appeler les pompiers et sortir Roxy de la réserve, cria Emmalin prise de panique.
-T’es folle ou quoi?
-Tu préfère avoir une mort sur la conscience?
Abby lui lança un regard noir avant de se saisir du sceau d’eau qu’elle leva péniblement devant sa poitrine.
-Viens m’aider princesse.
-C’est toi la dingue, lança Emmalin en attrapant le sceau par l’autre côté.
A deux, elles le levèrent plus haut et vidèrent son contenu sur le feu qui se calma subitement. Des flammes persistaient cependant, et elles furent finalement éradiquées par la mousse de l’extincteur que tenait Roxy. Elle fit mouche à plusieurs reprises afin que toute étincelle et flamme, ne soit plus possible. Les deux jeunes filles posèrent le sceau au sol et attendirent que la colère n’éclate. Et celle-ci ne tarda pas. Elles ne purent que baisser les yeux devant le regard fou de rage d’une Roxy rouge de colère.
-NON, MAIS VOUS ETES DINGUES OU QUOI ? QU’EST-CE QU’IL S’EST PASSE ?
Emmalin et Abby restèrent silencieuses et immobiles et Roxy reprit, toujours en colère mais en n’hurlant plus.
-Vous avez faillit faire flamber tout le bar, mon portefeuille par la même occasion. Vous savez a quel point j’en ai bavé pour le garder? Il suffit que je demande de l’aide à deux gamines qui ne se supportent pas, pour que tout parte en fumée. Alors j’attends vos explications. Parce que vous avez intérêt à en avoir de bonnes.
-C’est important? Demanda timidement Abby sans la regarder pour autant.
-Tu te fous de moi Abby?
-Non, je me disais que l’essentiel c’est que, finalement, il n’y a pas de mort.
-De mort? Heureusement qu’il n’y en a pas. Ca aurait pu être grave, vous vous rendez compte? Et puis, pour le mort, je ne parlerais pas trop vite à ta place, ajouta Roxy en regardant Abby droit dans les yeux, si ta tante ne me donne pas une très bonne raison pour te garder en vie, je crois que je ne résisterais pas à l’envie de t’étrangler.
-Je sais, soupira la jeune fille, je suis désolée.
-Tu devrais mettre tes excuses sur un enregistrement, murmura Roxy.
-Qu’est ce que nous pouvons faire pour arranger les choses? Demanda enfin Emmalin.
-Me nettoyer ce carnage et le prix du matériel sera déduit de ta paie Abby, si je ne te vire pas.
-Aucune chance pour que tu garde tout ça pour toi? Demanda Abby.
-Je vais avoir du mal à cacher les traces aux clients et à toute personne entrant ici. Et de toute manière je ne compte pas te sauver la mise en face de ta tante.
-Ouais, je m’en doutais, tu es responsable, tu paie, j’ai compris, grommela Abby.
-Alors au boulot toutes les deux, nettoyez ce carnage et que je ne vous entende pas prononcer une seule insulte ou c’est un coup de pied aux fesses, c’est clair ?
-Oui, disent-elles à l’unisson.
Elles échangèrent cependant un regard noir alors que Roxy continuait de marmonner dans sa barbe tout en s’éloignant. Les muscles se détendirent doucement et elles respirèrent enfin toutes les deux.
-Pourquoi tu n’as pas, commença Emmalin.
-La ferme, coupa Abby, on va éviter que je me fasse virer si tu veux bien, dit-elle avant de s’éloigner pour chercher un sac plastic et y mettre ce qui avait brûlé.


Les deux jeune filles étaient à la tâche depuis un long moment déjà lorsque Denise et Claudia Joy entrèrent dans le bar à nouveau. Elles furent surprises d’y voir une partie de la pièce noire de suie. La décoration qu’avait préparée Emmalin n’était plus qu’un tas de cendres déjà débarrassé dans un grand sac plastic. Elles furent accueillies par Roxy avant de s’approcher des deux jeunes filles d’un même pas.
-Tu n’as rien? Demanda Claudia Joy en passant la main dans la nuque de sa fille.
-Non, maman ça va, grommela celle-ci.
-Abby, ça va? Lança Denise tout aussi tendrement à la jeune fille.
-Ca va, mes cheveux ont prit un coup, mais c’est tout.
Denise en prit quelques uns entre ses doigts et soupira.
-Nous couperons les pointes et ça ira, l’essentiel c’est que vous n’ayez rien toutes les deux.
-Roxy a faillit nous étrangler, murmura Abby, j’ai crû qu’elle était devenu une furie comme dans la série Hercule, ou un vampire de Twilight. C’était dingue.
-Roxy t’entends, cria celle-ci plus loin, et je crois que j’ai le droit d’être folle de rage contre vous deux, non?
-Elle a raison, répondit Claudia Joy.
-Que s’est-il passé? Demanda Denise.
Emmalin et Abby échangèrent un regard et la première prit la parole.
-Une banderole s’est décrochée et a enflammé les bougies qu’on avait mises en-dessous.
-On a tapé dans la table en voulant chercher de l‘eau, poursuivit Abby, et les bouteilles d’alcool se sont brisées et elles ont alimenté le feu. C’est tout.
-C’est tout? Lança Roxy. Vous avez oubliés de mentionner que vous vous adressez la parole comme des marchands de poissons. Quand vous vous parlez, bien sûr.
-On est pas amies, grommela Abby.
-Ok, mais ne détruisez pas mon bar pour ça. C’est à cause de vos disputes que tout a commencé.
Elles restèrent silencieuses et Claudia Joy ainsi que Denise échangèrent un regard.
-Vous allez terminer de nettoyer tout ça, lança Claudia Joy, Denise et moi nous allons préparer autre chose avec les moyens du bord, il est trop tard de toute façon pour repartir.
-Nous sommes juste à coté les filles, ajouta Denise, alors pas de dispute sinon ça risque de vous coûter plus cher encore.
-Pour commencer, ton argent de poche du mois Emmalin, dit sa mère en la regardant, ça permettra de réparer les dégâts.
-La moitié de ton salaire Abby.
Les deux jeunes filles acquiescèrent en silence, bien trop intimidées par les trois femmes qui leur faisaient face. Celles-ci s’éloignèrent et Abby et Emmalin soupirèrent.
-Ca aurait pu être pire, grommela Abby.
-Mille fois pire, ajouta Emmalin.
-Ouais, mais tu ne connais pas mon oncle. Ca risque de barder ce soir.
-Tu connais pas mon père. L’ambiance ne va pas être meilleure chez les Holden.
-Tu as ta mère pour arrondir les angles au moins, répondit Abby.
-Ta tante doit pas mal te défendre aussi, je suis sûre.
-Elle est plutôt cool dans son genre. Ma mère n‘est pas comme ça.
-Mouais, c’est parce que tu ne vis pas avec Denise. Tu ne t’entends pas toujours avec ta mère, c’est normal. Pour ta tante, c’est différent.
Abby fit une grimace et prit la serpillère qui se trouvait plus loin avant de se mettre à genoux au sol et de nettoyer la partie calcinée. Emmalin s’éloigna et elle en fit de même en silence. Plus loin, Claudia Joy, Denise et Roxy s’attelaient à la tâche. Cinq minutes plus tard, Roland entra dans le bar avec, à son bras, Sarah Elizabeth.
-Woaw, nouvelle déco? Lança-t-il en lançant un regard au fond de la pièce.
-Troisième guerre mondiale, grommela Roxy, dis-moi franchement on sent encore l’odeur de fumée en entrant?
-Franchement? C’est mieux que d’habitude.
Roxy le frappa avec un torchon et il rit.
-Je plaisante.
-C’est mieux pour toi, lança Denise, Roxy n’est pas d’humeur je crois.
-Les responsables sont Abby et Emmalin, ajouta Claudia Joy. Elles ont eu quelques différents et apparemment elles n’ont pas fait attention à ce qu’elles faisaient. La banderole qu’elles avaient accroché est tombée et elle a mit le feu au bar de notre très chère amie.
-Garderas-tu ton employée catastrophe? Demanda Roland à son amie.
-Malheureusement je crois qu’elle n’a pas le choix, dit Claudia Joy en riant, elle doit payer ses dégâts.
-Eh, s’exclama Denise, ne vous gênez pas surtout. Emmalin était avec Abby, ne faites pas porter le chapeau à ma nièce.
-Tu dois avouer qu’Abby est plus disposée à faire des bêtises pareilles plutôt qu’Emmalin.
-Dois-je te rappeler que ta fille n’est pas un ange Claudia Joy? S’exclama Denise blessée.
-On en est à la combientième guerre mondiale là Roxy ? Murmura Roland à son amie.
-Toujours la même, soupira Roxy, mais tu devrais t’excuser pour apaiser la situation, sinon mon bar ne le supportera peut être pas.
-Tu plaisantes? Lança Claudia Joy toujours en conversation avec Denise.
-Abby a changé et tu ne veux pas le reconnaître, rétorqua Denise.
-Mesdames, s’interposa Roland, calmez-vous. Je ne voulais pas te vexer Denise et je ne voulais pas que vous vous disputiez toutes les deux. Excuse-moi d’avoir dit ça sur ta nièce, c’était malvenu de ma part.
-Bien, acquiesça Denise, reconnais-tu toi aussi Claudia Joy, que c’était le cas?
Elle soupira et prit une grande inspiration.
-Peut être oui, mais je maintiens ce que j’ai dis.
-Ca me va, je maintiens ce que j’ai dis moi aussi, répondit aussitôt son amie.
Elles se lancèrent un regard noir mais ne prononcèrent plus un seul mot. La porte s’ouvrit doucement et Pamela entra.
-Salut, lança-t-elle, ça va?
Roxy se retourna aussitôt et lui sourit timidement.
-Joyeux anniversaire.
-C’est censé être une fête? On dirait un enterrement, mais merci.
Denise et Claudia Joy se tournèrent doucement vers elle pour la regarder enfin. Pamela leur sourit largement mais n’ajouta rien pour autant.
-Et avant que tu ne te pose la question; non ce n’est pas une nouvelle déco trash, grommela Roxy.
-Oh, explosion nucléaire?
-La ferme, murmura Roland, il vaudrait mieux pour toi, crois-moi.
-Ok, mais tu m’expliqueras, répondit-elle sur le même ton.
Il n’eu pas le temps de répondre que des rires éclatèrent plus loin. Toutes les personnes présentent se tournèrent vers leur origine. Ils furent tous surpris de voir qu’Emmalin et Abby riaient toutes les deux en faisant disparaître les dernières traces d’incendie. Il ne resterait plus qu’à sortir la table et les chaises calcinées et passer un coup de peinture au plafond et il n’y paraîtrait plus rien. Les jeunes filles quant à elles semblaient avoir déjà oublié l’incident, les mots échangés et la rancœur qu’elles avaient l’une envers l’autre depuis leur rencontre. Tout cela semblait comme avoir fondu telle neige au soleil. Pourtant, il faudrait quelques minutes à Claudia Joy et Denise pour oublier les mots qu’elles avaient échangé toutes les deux en défendant la nièce et la fille.

Le week-end suivant.


Emmalin et Abby avaient quitté la base pour une sortie en ville toutes les deux. Après l’incident du bar, elles étaient devenues, à ne pas dire inséparables, mais complices, presque amies. Elles avaient été étonnées de constater que la punition n’avait pas été alourdie par Frank et Michael. Denise et Claudia Joy étaient rentrées de la petite fête avec une mine renfrognée et elles avaient préférées toutes les deux passer le voile sur ce qu’il s’était passé. Leurs époux avaient seulement compris qu’il s’était passé quelque chose qui les avait fait se disputer, mais ils n’avaient pas osé en demander davantage, et les jeunes filles, ne parlèrent pas pour autant.
Elles avaient eu l’autorisation de sortir en ville ensemble, après avoir entièrement remit en ordre le bar de Roxy. Frank faisait confiance à Abby, il l’emmenait même faire de courtes balades en moto de temps en temps. Elle avait bien changé, ils devaient l’admettre, la jeune fille ressemblait enfin à celle qu’ils avaient toujours connue, même si elle ne s’était pas encore ouverte sur ce qu’il s’était passé des mois plus tôt. Elle ne parlait pas de sa grossesse et de sa fausse couche et ni son oncle, ni sa tante, ne la poussait à le faire. Ils attendaient le moment où elle voudrait leur en parler de sa propre initiative. Denise avait pensé la faire voir par Roland, qui avait été d’un grand secours à Jeremy, mais elle s’était ravisée. Elle avait fait la promesse de n’en parler à personne, et pour rien au monde elle n’avait voulu perdre Abby pour ne pas avoir tenu parole et avoir voulu l’aider plus qu’elle ne le demandait.
Ainsi ils l’avaient laissé prendre un peu de liberté, mais toujours soigneusement dosée et cadrée pour qu’elle respecte les règles qu’ils avaient imposé. La jeune fille avait le droit de sortir de temps en temps, seulement en journée et avec des personnes qu’ils avaient rencontré auparavant. Ils n’avaient donc posé aucune réserve à la voir sortir de la base avec Emmalin. Denise se réjouissait même de sa toute nouvelle disposition avec la fille de son amie.
Les deux nouvelles copines se promenaient dans une rue commerçante et s’arrêtèrent devant la vitrine d’une boutique de vêtements.
-Cette robe est trop belle, s’exclama Abby en regardant la vitrine avec intérêt.
-Oui, mais le prix me donne le vertige, ajouta Emmalin en faisant les gros yeux.
-Mmh, grommela Abby, j’en ai porté à ce prix là des tas de fois et j’ai vite oublié le prix.
-Tes parents te paient tout ce que tu veux? Tu as de la chance.
-Non, pas tant que ça, répondit Abby en haussant les épaules, c’était pour que je les laisse tranquille la plupart du temps. Et ça ne m’empêchais pas de prendre ce que je voulais en magasin sans le payer.
-Tu veux dire, du vol?
-Je suis plutôt douée, répondit Abby en souriant largement, mais je n’ai plus besoin maintenant.
-Tu n’en avais pas besoin avant non plus.
-Ouais, enfin, je me comprends. Je n’ai pas envie de mettre en colère mon oncle ou ma tante, alors que mes parents, je m’en contrefichais totalement. Au moins ils savaient que j’existais.
-Ils ne disent rien parce que tu es ici?
-Ils sont débarrassés, et j’espère qu’ils croient que j’en fais baver à mon oncle, ce qui n’était pas tout à fait faux avant.
-Tu vas rester vivre ici ?
-J’espère, soupira Abby en regardant la robe une dernière fois, mon oncle a téléphoné à ma mère hier soir. Il était furieux, heureusement que Denise était là sinon je crois que le téléphone serait passé par la fenêtre, finit-elle en riant.
-Qu’est-ce qu’il s’est passé?
-Je n’ai pas tout entendu je suis restée dans la chambre, mais il lui a dit que nous viendrons tous les deux le week-end prochain. Il lui a dit qu’ils devaient avoir une sérieuse conversation ensemble, entre frère et sœur, et qu’ensuite, il devrait voir mon père aussi pour lui parler de moi.
-Ta tante ne vient pas? Lança Emmalin en fronçant les sourcils.
-J’ai cru comprendre que non, grimaça Abby, et ça me gène un peu. Mon oncle est plus calme quand elle est là et je n’ai pas envie que mes parents croient qu’elle s’en contrefiche, surtout si on vient leur demander de leur donner ma garde.
-Pourquoi ne vient-elle pas alors?
-Aucune idée. Elle est peut être de garde, je ne sais pas.
-Tu ne lui as pas demandé?
-Je n’étais pas censée écouter aux portes.
-Je suis sûre qu’elle sait que tu l’as fait, lança Emmalin en riant.
Abby en fit de même.
-J’en suis certaine.
-Alors demande le lui, tu verras ce qu’elle te répond.
-Mmh, grommela Abby, je verrais. Bon, on se la fait cette robe? Dit-elle sur un ton plus gai en la regardant à nouveau.
-Tu veux la voler? Je crois que c’est le meilleur moyen pour que ton oncle et ta tante te laisse à tes parents si tu veux mon avis.
-Je ne vole plus très chère, répondit Abby en souriant largement, j’ai ceci.
Elle sortit une carte de crédit de son sac en souriant encore plus largement.
-J’ai un plafond, précisa-t-elle, si je dépasse, ma tante m’étrangle mais cette robe à elle toute seule est légèrement moins élevée. Denise sait que j’aime les habits hauts de gammes.
-On vient à peine de commencer les boutiques.
-Je ne m’achèterais plus rien après. Ce n’est pas grave.
-C’est toi qui vois, soupira Emmalin.
-Suis-moi, lança Abby avant d’entrer dans la boutique, je vais te faire jouer mon jeu préféré.
-C’est pas le basket?
-C’est un truc de filles, tu vas aimer ça va te changer du hockey.
-Je ne suis pas une poupée Barbie.
-Je sais princesse, répondit Abby en riant, mais tu vas aimer, je suis sûre.
Elles firent des essayages en nombre, riant et défilant, puis, Abby paya la robe qu’elle avait vue dans la vitrine et elle poursuivirent leur balade dans les rues ensoleillées de Charleston.

Emmalin ramena Abby sur la base et la déposa devant la maison de son oncle et de sa tante avant de rentrer chez elle. La voiture démarra et la jeune fille entra quelques secondes plus tard.
-Je suis là, lança-t-elle en entrant dans le salon.
Denise sortit des cookies du four et lui sourit tendrement.
-Ca été cette balade en ville? Demanda-t-elle en posant le plat fumant devant elle.
-Oui, pas mal, répondit Abby en s’asseyant sur une chaise en face de sa tante.
-J’ai fais des cookies, je me sentais d’humeur gourmande, lança Denise en souriant largement, mais interdiction de toucher, ils sont brûlants.
-Tiens, ta carte de crédit, murmura Abby en fouillant dans son sac avant de la poser sur le meuble.
-Tu as trouvé quelque chose qui te plaisait? Sans avoir vidé mon compte en banque j’entends.
-Oui, une robe assez sympa.
La jeune fille la sortit du sac et Denise fit le tour du meuble pour la prendre et la regarder sous toutes les coutures.
-Elle est très jolie en effet, elle regarda l’étiquette et fit les gros yeux.
-J’ai pas dépassé ce que tu m’as dis, se justifia aussitôt l’adolescente.
-Non, c’est vrai, admit Denise.
-J’ai juste acheté ça, ne t’inquiète pas et je n’ai rien volé.
-Je suis ravie de l’entendre, répondit Denise en lui rendant la robe, je n’aurais pas été si généreuse cette fois-ci avec toi.
Abby grimaça et plongea sa main vers le plat de cookies. Elle en prit un et l’amena aussitôt à sa bouche. Mais à peine une seconde plus tard, elle le recracha dans sa main.
-Je t’ai dis que c’était chaud, dit Denise avec calme, un jour viendra ou j’espère que tu m’écouteras.
-Désolée, grommela Abby.
Denise secoua la tête et se remit derrière ses fourneaux, s’afférant ainsi à ranger ce qu’elle avait utilisé. Abby resta silencieuse, mangeant doucement et précautionneusement le biscuit. Lorsque Denise se retourna, elle fut surprise de voir la jeune fille perdue dans ses pensées. Elle la regarda un petit moment avant de prendre la parole.
-Quelque chose te tracasse Abby? Demanda-t-elle doucement.
Celle-ci leva les yeux vers elle et les baissa aussitôt.
-Je me demandais un truc.
-Quoi?
-Si tonton va parler de ma fausse couche à maman. Je n’ai pas envie qu’elle sache. C’est quelque chose de personnel, tu vois le genre?
Denise fit le tour du plan de travail et s’assit sur la chaise à côté d’elle avant de répondre.
-C’est ta mère Abby.
-Je sais, c’est ça le problème. Je la connais, elle va devenir hystérique. Et, je n’ai pas envie qu’à cause de ça, elle m’interdise de venir vivre avec vous. Je flippe tata.
-Je pense que c’est normal que tu aies un peu peur de la réaction de ta mère. On est toutes pareilles tu sais.
-Non, tu n’es pas pareille, toi.
-Demande à Jeremy, lança Denise en riant.
Abby ne répondit pas et Denise passa la main dans son dos.
-Ne t’inquiète pas, je sais que se sera un moment dur à passer, pour toi, ton oncle et tes parents. Mais tu sais que tu peux encore changer d’avis, si tu veux retourner vivre chez eux, tu le peux encore.
-Non, je ne changerais pas d’avis, je veux rester ici. C’est juste que j’ai peur qu’ils m’en empêchent et qu’ils soient tristes et en colère. Je n’ai pas envie que maman s’acharne sur tonton.
-C’est entre eux tout ça, ton oncle est plutôt coriace tu sais, il n’est pas en sucre, je suis certaine qu’il s’en sortira.
-Mais ce sera quand même de ma faute.
Denise plaça une mèche de cheveux de la jeune fille derrière son oreille et Abby soupira profondément.
-Je ne sais plus quoi faire, dit-elle avant de mettre son front contre la surface lisse de la table.
-Il faut que tu prennes tes propres décisions, mais saches que, quelles qu’elles soient, ni ton oncle, ni moi ne t’en voudrons. Je ne peux pas me prononcer pour tes parents, je ne les connais que très peu, tu le sais aussi bien que moi.
-Ouais, grommela Abby, toujours la tête enfouie dans ses bras, n’empêche maman va me demander pourquoi. Je le sens, dit-elle en se redressant.
-Alors dis-le lui, peut être est-ce la meilleure chose à faire.
-Je ne peux pas, murmura Abby.
-Pourquoi?
-Je ne suis pas courageuse moi, je me défile mieux que personne. Je dois avoir un don pour ce genre de trucs.
-Tu plaisante? Tu n’es pas courageuse? Ne me fais pas croire ça Abby, lança Denise en riant, te rends-tu compte que tu as fais le mur à plusieurs reprises? Que tu as tenté de rentrer dans cette base sans autorisation? Que tu as traversé des états toute seule pour venir ici?
-Et je ne peux pas dire à mes parents toutes les bêtises que j’ai faites.
-Ce n’est pas un manque de courage ça, ça s’appelle des remords.
-Tu crois? Grimaça la jeune fille.
-J’en suis certaine. C’est même plutôt bien, ça te prouve que tu es une fille bien.
-Ouais, ça me fait de belles jambes.
-Sois en fière. Tu verras même si le moment va être très compliqué à gérer, il passera.
-J’y arriverais pas et tonton non plus. Il va perdre son calme, maman se sera la même chose, papa osera à peine parler et moi je vais m’enfuir dans ma chambre.
-Je sais que se sera difficile pour ton oncle et ta mère.
-Viens avec, s’exclama subitement Abby, tonton sera plus calme et moi je sais que j’aurais une alliée de plus dans la place.
-Je ne sais pas si je peux.
-Pourquoi? Tu es de garde?
-Non, mais je pensais que tu voudrais le faire avec ton oncle.
-Oui, mais pas sans ma tante, répondit Abby en souriant.
-C’est vrai ça? Demanda Denise avec fierté en souriant largement.
-Oui, allez viens avec nous, s’il te plait.
-D’accord, mais je vais en parler à mon mari d’abords.
-Il dira oui tout de suite, tu verras. Il suffit que tu lui souries tendrement et que tu l’embrasse, un petit câlin ce soir au lit et le tour est joué.
-Non mais tu arrêtes oui? Gronda Denise, gênée.
-Qu’est-ce qu’elle a encore fait? Soupira Frank dans l’entrée.
Les deux femmes se tournèrent vers lui lorsqu’il entra dans le salon. Il sourit tendrement alors qu’il s’approchait d’elles.
-Mmmmh, ça sent bon.
-Des cookies, répondit Denise, mais n’y touche pas.
-Juste un, répondit Frank en le prenant alors que Denise levait les yeux au ciel, alors qu’as-tu fais mademoiselle?
-J’ai juste dis à tata comment faire pour que tu acceptes tout de sa part. Mais elle le sait déjà, je suis sûre.
-Oh, s’ exclama Frank, et qu’est-ce que c’est?
-Un…
Elle fut coupée par Denise posant la main sur la bouche de la jeune fille.
-Rien, dit-elle en souriant, on en parlera tous les deux plus tard.
Abby rit de bon cœur, suivie de près par Denise qui se leva et rejoignit la cuisine à nouveau.
-Je crois que je vais avoir besoin d’explications, murmura Frank en fronçant les sourcils.
-Plus tard chéri, murmura Denise avant de déposer un baiser sur ses lèvres, au fait, dit-elle en s’éloignant de lui à nouveau, je vous accompagne a Pittsburg le week-end prochain.
-Abby te l’as demandé? Répondit Frank en regardant sa nièce.
-Oui, dit-elle en souriant.
-Bien, ce sera notre premier week-end en famille alors.
-Ouais, grommela Abby, espérons que se soit pas le dernier.
-Mais non, tu verras, répondit Frank avant de déposer un baiser dans ses cheveux.
Il reprit un autre cookie sous le regard noir de Denise avant de s’éclipser dans la salle de bains au pas de course sous la menace d’un torchon.

La semaine se passa aussi tranquillement que possible. Abby était de plus en plus sur les nerfs et ils le sentaient. Elle faisait quelques bêtises, pas très graves certes et intentionnellement, mais elle était plus maladroite et distraite qu‘à l‘habitude, comme à son arrivée à Fort Marshall. Frank, comme Denise savaient qu’elle angoissait à l’idée de rentrer chez elle et de se trouver face à ses parents.
La jeune fille préparait son sac alors que Denise regarda dans la chambre en fronçant les sourcils.
-Tu as besoin de tout emmener juste pour un week-end?
-Non, grommela Abby, on ne sait jamais c’est tout.
-Tu as peur de la fin du monde? Lança-t-elle en riant.
-Je préférerais, répondit la jeune fille en la regardant enfin, tu vas me dire ça risque d’y ressembler chez les Lewis.
-Abby, soupira Denise en entrant.
-Non, ne dis rien s’il te plait, je sais ce qu’il va m’attendre et c’est pour ça que je préfère préparer toutes mes affaires. Je suis presque certaine de ne pas revenir ici.
Denise grimaça mais ne répondit pas. Abby lui lança un dernier regard avant de s’activer à ranger le reste de ses affaires dans ses sacs. Elle avait dû en acheter un second, car le premier avec lequel elle était venue était bien trop petit à présent.
Denise la regarda un instant avant de quitter la pièce et de retrouver son époux dans la cuisine. Ils échangèrent quelques mots et elle prépara les sandwichs pour la route. Car ils avaient décidés de faire le voyage en voiture, profitant ainsi peut être un peu d’un week-end en famille. Frank avait jugé qu’il serait bon qu’ils passent du temps ensemble, car lui aussi ne savait pas s’il pourrait convaincre sa sœur et son beau frère. Ainsi, Denise était la seule qui montrait qu’elle était confiante et sereine, même si, elle devait bien se l’avouer, ce n’était peut être pas le cas.
Ils terminèrent de tout préparer et se mirent en voiture. La route allait durer plusieurs heures, Denise envisageait de faire lâcher le volant à son époux, ce qu’elle doutait. Si ce n’était pas le cas, ils seraient arrivés environ onze heures plus tard à destination.
Il faisait beau ce jour là, et Frank appréciait de rouler. Mais le silence était tout de même pesant dans la voiture. Le Lieutenant-colonel était perdu dans ses pensées, Abby avait la musique sur ses oreilles et Denise regardait dehors. La journée allait être longue. Au croisement à vingt minutes de la sortie Nord de la ville, Denise regarda la route qui s’éloignait vers l’Ouest, celle qu’ils prenaient lorsqu’ils allaient voir Jeremy. Elle eu soudain une idée, peut être pourrait-elle remonter le moral de tout le monde.
Ils s’éloignèrent déjà du croisement lorsqu’elle prit la parole.
-Frank, si nous appelions l’institut où est Jeremy.
-Pourquoi?
-A notre retour de Pittsburg nous pourrions passer le voir.
-Tu crois que c’est une bonne idée? Murmura son époux.
-Pour qui ? Pour lui?
-Et pour toi, répondit aussitôt Frank.
-Ne t’inquiète pas pour moi, mais disons que si Abby va vivre avec nous, il devra être au courant, non? Il ne restera plus longtemps.
-Nous n’y sommes pas encore, grommela Frank en regardant dans le rétroviseur si Abby avait entendu.
-Si tu n’y crois pas toi-même comment veux-tu convaincre Anny et James? Je t’ai connu plus combatif et déterminé, fais appel au Marine qui est en toi.
Ils rirent tous les deux et une fois calmé, Frank reprit la parole.
-Et que ferait le Marine en moi?
-Un plan d’attaque, répondit aussitôt la jeune femme, et ensuite il se battrait sans relâche.
Elle regardait le visage de son époux concentré sur sa route mais aussi sur ses paroles. Après quelques secondes passées dans le silence quasi absolu, il pinça un court instant les lèvres et lui répondit.
-Je crois que je peux faire ça, dit-il en souriant.
Denise lui sourit tendrement et posa sa main sur la sienne avant d’accrocher son regard quelques secondes.
-J’en étais persuadée, répondit Denise.
-Quand nous rentrerons de Pittsburg, nous passerons voir Jeremy pour lui annoncer que Abby vivra avec nous, dit-il sans quitter la route des yeux, je crois que cette bataille sera l’une des plus importante de ma vie, et je compte bien la gagner.
-Nous la gagnerons, ajouta Denise en souriant.
Frank le lui rendit et se concentra sur la route aussitôt. Ils passèrent ainsi de longues autres minutes en silence mais d’une humeur plus joyeuse et plus confiante.

Ils s’étaient arrêtés à plusieurs reprises sur la route. Grâce à sa bonne conduite, Abby avait gagné le droit de disposer d’un tout nouvel appareil photos numériques. Abby aimait beaucoup en faire, mais toutes ses autres acquisitions avaient terminés leur vie contre un mur où au fond d’un cours d’eau. Elle s’était jurée que celui-là aurait une longue vie, car il était un cadeau fait par amour et non pas par intérêt de la voir se trouver une occupation quelconque. Et elle se régalait à faire de nombreuses photos. Elle voulait avoir le plus de souvenirs possible de ses « longues vacances enrôlée dans l‘armée». Même si Frank lui répétait sans cesse que si elle s’était trouvé dans les rangs, elle n’appellerait pas cela des vacances. Ce sur quoi Abby répondait, que tout bien réfléchi ça n’avait pas le moindre point commun avec des vacances, surtout dans les premiers temps. Mais qu’elle les avait tout de même beaucoup aimé, surtout une fois que les choses s’étaient arrangées entre eux.
Après plusieurs escales pour se dégourdir les jambes, ils arrivèrent enfin aux portes de Pittsburg alors que le soleil filait déjà à l’horizon.
-On devrait trouver un restaurant, lança Abby en se mettant entre les deux sièges avant, je meurs de faim.
-Nous ne sommes pas attendus chez tes parents? Demanda Denise en fronçant les sourcils.
-Non, répondit Frank, pas ce soir. Anny nous attends demain, nous irons à l’hôtel.
-Le Covington , dans le centre, ajouta Abby en souriant.
Denise les regarda tour à tour avant de prendre la parole.
-Vous avez organisé tout ça sans moi, soupira-t-elle.
-Ca te dérange? S’inquiéta la jeune fille.
-Je me sens un peu inutile, murmura Denise.
-Mais non, répondit Abby avant de déposer un baiser sur sa joue, ça ne serait pas pareil sans toi tata, n’est-ce pas tonton?
-C’est certain, répondit celui-ci en souriant tendrement à son épouse qui le lui rendit aussitôt, tu n’as qu’à prendre ça comme des vacances chérie. Tout ce que tu as à faire c’est de te détendre autant que possible.
-Très bien, soupira Denise en se calant dans son siège.
-Si tu pouvais aussi empêcher maman de faire une crise quand on lui annoncera la nouvelle, ça pourrait être pas mal.
-Je verrais ce que je peux faire, répondit Denise.
-T’inquiète, soupira Abby, tu feras ce qu’il faut.
Denise lui sourit tendrement avant que Frank n’interroge la jeune fille.
-A droite ou à gauche Abby?
-Gauche et après tu prends la vingt-troisième et à côté de la galerie d’art Pinkins tu tourne à droite. Après…
-Doucement, coupa Frank en riant doucement, dis-le moi au fur et à mesure, je ne connais pas la ville moi.
-Tu réponds ça à ton Super Général en mission? Dit Abby en fronçant les sourcils.
-Il n’y a pas de Super Général dans les Marines, dit-il en riant de plus belle, et même s’il y en avait ce ne serait pas pareil.
-Mmmh, murmura Abby, il n’y a que de Super Colonel c’est ça?
-Tu commence à comprendre, répondit Frank.
Il se passa quelques minutes en silence avant que Frank ne sourit doucement et ne reprenne la parole.
-Tu m’as dis à gauche sur la vingt-troisième?
-Droite! Lancèrent Denise et Abby en cœur.
-Mais pas tout de suite, corrigea la jeune fille, sinon t’es bon pour refaire le tour et je ne vais pas tenir des heures sans manger.
-Déjà que tu as fini mon sandwich en plus des tiens, ajouta Denise en riant.
Abby ne répondit pas mais lui tira gentiment la langue. Ils exécutèrent les derniers mètres en voiture avant de se garer près d’un restaurant. Ils en descendirent et trouvèrent par chance une table de libre. Une fois le repas terminé, ils payèrent et rejoignirent l’hôtel où Frank avait réservé une chambre. Il y avait deux lits, l’un de chaque côté de la pièce. Après avoir choisit chacun le leur, Abby alla se changer dans la salle de bains juxtaposée alors que son oncle et sa tante échangèrent quelques mots quant aux évènements du lendemain. Lorsqu’elle revint dans la pièce, se fut au tour de Denise d’aller se préparer.
-Je n’avais pas pensé à changer la réservation de la chambre après que ta tante nous aie dit qu’elle venait avec nous, murmura Frank se tenant devant leur lit.
-Qu’est-ce que ça change? Rétorqua Abby.
-La place, on va être à l’étroit dans cette chambre.
Abby rit et se laissa tomber sur son lit.
-Ben, tu as raison, plains toi seulement, lança-t-elle en riant, ça va faire plaisir à Denise si tu lui dit qu‘elle prend trop de place.
-Je n’ai pas dit ça, c’est juste que deux chambres auraient été mieux.
Frank rit et se massa la nuque doucement. Abby haussa les épaules.
-Du moment que vous ne faites pas de bêtises dans cette chambre ce soir, je ne veux rien savoir moi.
Frank ne répondit pas mais il s’empara d’un oreiller qu’il envoya à travers la pièce avant de finir sa course sur la tête de la jeune fille.
-Heeeyyy, râla Abby.
-Tu m’as cherché, avoua Frank en se retenant de sourire.
-Ouais et moi tu vas me trouver, rétorqua Abby en lui envoyant le coussin en retour, je ne compte pas me laisser faire.
-Très bien, répondit son oncle, la bataille est ouverte.
Un autre coussin vola à travers la pièce et très vite, les rires fusèrent aussi rapidement que les plûmes. Ils se frappaient avec acharnement avec leurs armes moelleuses alors que Denise les regardait du coin de l’œil.
-Mais regardez-vous, dit-elle alors qu’ils reprenaient leurs souffle, Abby fermement retenu par les bras fort de Frank autour de ses épaules, on dirait deux gamins.
-Dans trente secondes il y en aura trois, murmura Frank à l’oreille de sa nièce.
-Toi la gauche et moi la droite, répondit celle-ci sur le même ton.
-Ca marche, à trois on fonce. Un, deux, trois.
Ils arrivèrent vers Denise en courant et celle-ci mis ses mains devant elle en reculant le plus loin possible contre le mur.
-Non, non, non, vous n’avez pas intérêt à…
Elle n’eu pas le temps de finir sa phrase que Frank se saisit de ses jambes alors qu’ Abby la frappait avec un coussin dans le dos. Denise eu un cri de surprise lorsque ses pieds quittèrent le sol et elle s’accrocha aussitôt au cou de son mari. Il la bascula sur le lit le plus proche et tous deux s’acharnèrent sur la jeune femme qui riait aux éclats. Il se passa de longues minutes où ils rirent et s’amusèrent tous les trois avant de finalement se calmer. Frank était fatigué de la route et il alla prendre une douche alors qu’Abby se mis au lit et que Denise l’attendait. Une fois le Colonel de retour, ils se couchèrent. Les bras de Frank s’enroulèrent autour de la taille de Denise qui se serra contre lui. Elle effleura ses lèvres avec les siennes avant de l’embrasser tendrement.
-Denise, murmura Frank en s’éloignant comme il le pouvait, Abby est juste de l’autre côté de la pièce.
-Elle dort; elle ne nous entend pas, et on ne fait rien de mal. On se souhaitait une bonne nuit, c’est tout, dit-elle en souriant.
-Ca risque de devenir plus compliqué si tu continue, murmura son époux.
-Je n’aimerai pas y songer avec Abby dans la même pièce.
-J’espère bien, s’exclama la jeune fille.
-Alors elle dort? Demanda Frank.
-On peut l’assommer peut-être, mais je ne suis pas certaine que ça va fonctionner elle a la tête dure. Et puis, continua Denise en caressa tendrement la nuque de Frank, il vaut mieux que tu dormes, la route était longue et la journée de demain risque d’être éprouvante. Je ne veux pas te distraire plus que tu ne le devrais, chuchota-t-elle sur ses lèvres pour que lui seul entende.
-C’est bien dommage, parce que ce lit me donnait quelques idées à moi aussi, dit-il sur ses lèvres.
-Heeeyyyy, cria Abby plus loin, je ne veux pas devenir sourde à vous entendre roucouler.
Frank libéra un bras et se saisit d’un oreiller qu’il envoya valser en direction de la jeune fille qui cria encore une fois alors qu’ils rirent tous les deux.
-Bonne nuit et dors ou je viens t’assommer, lança Frank.
-Bonne nuit, grommela la jeune fille.
-Toi aussi, répondit Denise en souriant.
Ils s’adressèrent un dernier regard et Denise posa sa joue sur le torse de Frank avant de s’endormir dans ses bras, quelques minutes plus tard.

Ils se levèrent tôt le lendemain matin. La journée s’annonçait pourtant longue et tourmentée, mais aucun des trois n’arrivaient plus à dormir. Ils se préparèrent et descendirent au restaurant pour le petit déjeuner. Là encore, ils mangèrent très peu et restèrent tendus. Ils prirent ensuite le chemin de la banlieue chic où vivait la famille de la jeune fille. Frank se gara devant le garage de la maison en bois blanc. La pelouse était parfaitement bien tondue, les bosquets taillés et les fleurs bien entretenues. Ils sortirent tous les trois de la voiture et Abby soupira profondément en regardant vers la bâtisse.
-Ca va aller, murmura Denise en mettant ses mains sur ses épaules, un peu de courage. Inspire, expire, mords sur ta langue si tu veux dire quelque chose qui risque d’être mal placé et si ça ne va vraiment pas, fais le moi discrètement savoir. Je verrais ce que je peux faire.
-Ca marche pour moi aussi? Grommela Frank.
-Oui, répondit Denise en souriant.
Ils échangèrent un regard avant de se diriger vers la maison. Ils montèrent les marches conduisant au perron et Abby tendit la main pour ouvrir la porte. Mais Denise l’arrêta avant qu’elle ne l’ouvre.
-On sonne Abby, murmura-t-elle.
-Je suis chez moi, répondit celle-ci, je peux rentrer comme je veux.
-En général oui, lança Frank, mais là en l’occurrence, Denise a raison.
-D’accord, soupira la jeune fille en levant les yeux au ciel.
Elle s’exécuta en silence alors que les deux adultes échangèrent un regard. Il se passa quelques secondes avant que des pas pressés ne viennent à leurs oreilles et que la porte ne s’ouvre en grand. Un garçon aux boucles blondes se tenait devant eux en souriant largement.
-Salut le gnome, grommela la jeune fille alors que son frère se lova contre elle.
-Salut, répondit-il en la prenant par la taille.
Abby déposa un baiser dans ses cheveux et il s’éloigna à nouveau.
-J’ai un chien, viens voir, lança-t-il en le prenant la main pour l’entraîner dans la maison.
-Génial, depuis le temps que j’en voulais un, j’y ai jamais eu le droit. Et toi, t’es haut comme trois pommes et tu y en a un.
-J’ai sept ans, je suis grand.
-Ben voyons, grommela la jeune fille en le suivant à l’intérieur.
Ils ne firent pas dix pas que deux autres personnes arrivèrent dans l’entrée. La mère d’Abby avait les cheveux aussi clairs que les rayons du soleil alors que son père les avaient aussi sombres que la nuit.
-De retour parmi nous Abby? Bonjour Frank, bonjour Denise.
-Bonjour Anny, répondit son frère.
-Salut maman, ça va bien merci. Je ne te demande pas comment ça va, dans trente secondes tu vas avoir quelque chose à faire et tu vas me planter là.
-D’ailleurs, tu sonnes maintenant? Lança la jeune femme. C’est nouveau.
-On se calme, murmura James, ne commencez pas. Comment ça va ma puce, dit-il tendrement avant de déposer un baiser sur le front de sa fille.
-Ca va, répondit-elle aussitôt, ça t’étonne?
-Bonjour Anny, James, dit Denise en leur adressant un regard.
Elle déposa un baiser sur la joue de sa belle-sœur et en fit de même avec son beau frère.
-Vous avez fait bonne route? Demanda celui-ci.
-Nous avions beau temps tout le long du chemin, répondit Frank.
-C’est une bonne chose, répondit James en souriant.
-Venez, entrez, reprit Anny en leur indiquant de les suivre.
Ils s’exécutèrent et James posa sa main sur l’épaule de sa fille.
-Tu as coloré tes cheveux? Dit-il à sa fille en prenant une mèche entre ses doigts.
-Ouais, j’ai enlevé mes tatouages aussi, tata ne pouvait plus les voir.
-Elle n’était pas la seule, mais au moins tu l’as écouté elle, ajouta-t-il en lui accordant un clin d’œil.
La jeune fille ne répondit pas et ils entrèrent tous dans le salon. Ils échangèrent quelques banalités et civilités autour d’un verre et de quelques gâteaux.
L’heure de passer à table arriva sans qu’ils n’aient réellement abordés le sujet qui les réunissaient tous dans cette maison. Personne ne semblait vouloir entamer la conversation. Abby se contentait d’embêter son frère et de jouer avec le chiot que lui avaient offert leurs parents.
Puis, Denise et Anny rejoignirent la cuisine pour préparer le repas alors que Frank et James sortirent faire quelques pas à l’extérieur en attendant. Abby quant à elle rejoignit sa chambre et fut surprise de la découvrir parfaitement rangée et vidée de quelques unes de ses affaires. Elle ne ressemblait en rien à ce qu’elle avait laissé en partant des mois plus tôt. Elle descendit les escaliers en courant et rejoignit la cuisine au pas de course, rouge de colère.
-Tu as fais quoi de mes affaires? Lança-t-elle avec rage.
Denise et Anny se tournèrent aussitôt vers elle et Abby lança un regard noir à sa mère.
-J’ai fais du tri, répondit-elle simplement et calmement, on ne voyait plus les murs et le sol là-dedans, j’ai profité de ton absence pour remédier à ça.
-Tu les as bazardés?
-Tu voulais les garder en souvenir?
-Réponds-moi maman, j’avais des trucs supers importants.
Anny rit avant de reprendre la parole.
-Tu plaisante? Ce n’était que des babioles et des vêtements sans importance.
-Pour toi peut être, grommela la jeune fille, c’était ma chambre, tu avais pas le droit.
-C’est encore ma maison que je saches.
Denise assistait en silence à la scène. Elle ne voulait pas s’en mêler, parce que ce n’était pas son devoir, même si elle ne comprenait pas bien pourquoi Anny agissait ainsi avec sa fille.
-Ce qui est fait est fait, Abby, ajouta sa mère.
-Ouais, tu l’as dis, rétorqua-t-elle en quittant la pièce folle de rage.
-Et c’est comme ça tout le temps, soupira la jeune femme en secouant la tête, je me demande comment vous avez pu vivre avec elle depuis tout ce temps.
-Ca été dur au début, avoua Denise, elle nous a fait de belles bêtises et de belles frayeurs.
-Seulement au début?
-Elle a changé.
-Je ne vois aucun changement, pour moi elle reste la même. Toujours de mauvaise humeur, irrespectueuse, menteuse. C’est Abby, il n’y a pas le moindre doute. Je la connais Denise. Vous nous l’avez ramené mais je doute qu’elle change quoique se soit à son attitude. Je me demande juste comment cela se fait-il que vous ayez tenu si longtemps. Et elle aussi, d’ailleurs, elle n’est pas du genre à vivre sur une base.
-Nous avons tous fait des efforts Anny.
-Mmh, quoiqu’il en soit, je devrais vous remercier de l’avoir ramené, elle aurait filé si vous l’aviez laissé partir. Et j’ai quelques petits comptes à régler avec ma fille avant qu’elle ne prenne la poudre d’escampette.
Denise ne répondit pas et se concentra sur sa tâche à nouveau. Elle pu voir à l’extérieur son époux et son beau frère marcher tranquillement dans le jardin, une bière à la main. Elle espérait que les choses se passaient mieux entre eux, car James semblait plus enclin au bonheur de sa fille que l‘était Anny.
 

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