Julia R.
 
 

Il faisait beau ce jour là. Abby était en congé alors que Frank et Denise travaillaient tous les deux. Après l’épisode de la balade au terrain de basket, Frank ne gardait plus une seule bouteille de bière à la maison, de peur qu’elles ne disparaissent encore une fois. Car il n’avait pas vraiment cru à la théorie de la jeune femme qui affirmait qu’elles ne les avaient pas bues. Il avait ainsi voulu minimiser les risques, sachant pertinemment que Abby trouverait toujours quoi faire pour le faire tourner en bourrique. Et ce jour là n’échappa pas à la règle.

Elle portait un top blanc traçant chaque courbes de son corps, ainsi qu’une jupe rouge vif lui arrivant à peine à la moitié des cuisses. Elle attacha rapidement ses cheveux emmêlés et cala ses lunettes de soleil sur le nez avant de sortir de la maison. La jeune femme marchait d’un pas léger dans la rue. Elle commençait doucement à connaître la base et elle trouvait ses marques ainsi que ses petits coins préférés. Elle mit de longues minutes à atteindre le point le plus propice à avoir une meilleure vue. Car il y avait bien une chose que Abby aimait particulièrement sur la base de Fort Marshall, c’était le nombre incroyable de jeunes hommes qui y vivaient chaque jour. Elle n’avait que l’embarra du choix, et elle ne s’en privait pas. La petite butte qui se trouvait un peu à l’écart du terrain était en cela un endroit parfait. La jeune femme y jeta son sac et s’allongea dans l’herbe. Elle chercha de la crème solaire qu’elle mit avec soin. Abby l’appliqua sur ses jambes, ses bras et son ventre. Elle laissa son top replié sur sa poitrine et ferma les yeux. Avant d’entamer sa séance de drague, elle voulait se réchauffer au soleil et parfaire son bronzage. Il se passa de longues minutes avant qu’elle se décide de se redresser. A son grand étonnement, les soldats n’étaient plus aussi éloignés qu’auparavant. Ils se trouvaient à peine à quelques mètres d’elle, légèrement en contrebas. Un rapide coup d’œil par-dessus ses lunettes noires, lui indiqua qu’il devait y en avoir de très intéressants. Elle se mit sur ses coudes et regarda plus attentivement. Il semblait qu’une dizaine d’entre eux l’avait remarqué également. Le jeu de séduction avait commencé. Chacun essayait de se faire remarquer comme il le pouvait sous les yeux amusés de la jeune femme. Elle faisait mine d’être totalement désintéressée. Et rapidement, l’entraînement sportif vira au combat de coq. Il fallut l’arrivée d’un Major plutôt mécontent pour que les soldats reprennent leur sérieux plus violement qu’ils ne l’auraient voulu. Abby ne cessait pas de régaler pour autant. Lorsque le Major remarqua sa présence, il fondit aussitôt sur elle.

-Vous n’avez rien à faire ici mademoiselle.

-Ouais, je sais, soupira la jeune femme en se levant, j’ai l’impression de n’avoir rien à faire tout court sur cette base.

-Je vous demande pardon?

-Nan, laissez tomber, je m’en vais, répondit Abby en ramassant ses affaires.

Elle lui adressa un dernier regard avant de s’éloigner le pas tranquille. Le Major attendit de la voir passer l’angle de la rue avant d’ordonner à ses soldats de « reprendre les exercices avec plus de sérieux au lieu de draguer les minettes de la base. »

Abby rejoignit la rue où se pressaient plusieurs jeeps, toujours avec de charmants jeunes hommes en uniforme. Elle fit quelques pas avant de jeter son sac sur le sol et de relever un peu son t-shirt sur son ventre. Elle plaça une main sur sa hanche et elle tendit l’autre sur la route en levant le pouce en l’air. Elle affichait toujours son sourire malicieux sur les lèvres. Une jeep arriva rapidement mais ne s’arrêta pas. Abby pu quand même entendre les sifflements de ceux qui s’y trouvaient. Et elle croisa plusieurs regards charmeurs et sourires gourmands. Une autre voiture passa à côté d’elle, mais celle-ci s’arrêta. Le jeune homme qui se trouvait assit devant passa la tête par la fenêtre.

-Hey, Abby, tu vas quelque part?

-Salut Jack, répondit aussitôt Abby en souriant, je dois aller chez mon oncle.

-Et tu cherches un chauffeur c‘est ça?

-Quoi, ça pose un problème?

-Non, ça ne me dérange pas dans le fond, mais tu ne sais pas sur qui tu peux tomber.

-La preuve, je suis tombée sur le pire des joueurs de basket.

Ses compagnons rirent aux éclats et Abby sourit de plus belle.

-Je n’étais pas au meilleur de ma forme.

-Cherche pas d’excuses, vous me faites monter ou je dois marcher?

-On te dépose où?

-Je m’en fiche, répondit Abby en approchant, mais pas trop près du bureau si vous ne voulez pas vous faire tuer.

-Moi ça me va, monte.

Il sortit de la jeep et Abby y grimpa. Elle salua brièvement le conducteur et pu monter sur la tourelle où se trouvait un autre soldat qui l’accueillit en souriant.

-Woaw, c’est petit là-haut.

-Tu croyais qu’on s’amusait dans l’armée? Lança celui qui se tenait contre elle en riant.

-Oooh non, soupira la jeune femme. Mais fais gaffe où tu mets tes mains sinon tu vas sentir mon pied où je pense, menaça la jeune femme.

-Ok, message reçu.

Abby lui sourit et frappa contre la tôle.

-Allez les gars en route, faites-moi faire un tour.

-Il faut juste qu’on te prévienne, les officiers ne doivent pas te voir.

-Tu me prends pour qui?

La jeep démarra emmenant avec elle les trois soldats et la jeune femme. Celle-ci se régalait de la balade.

Frank avait été avertit d’un exercice de dernière minute. Il était allé dans le parc pour se détendre un peu, mais Michael lui avait téléphoné. Alors il fit le chemin inverse. Mais lorsqu’il vit une jeep passer à côté de lui, il cru faire une attaque. Il devait avoir mal vu, la jeune femme qui se tenait contre ce soldat et qui avait les bras écartés ne pouvait pas être sa nièce, c’était impossible. Il sentit la tension monter et la colère le gagner doucement. Frank accéléra le pas pour traverser le parc et arriver près du bâtiment. Lorsqu’il y fut arrivé, non sans avoir quitté des yeux la jeep, il vit les soldats en descendre et se mètrent au garde-à-vous devant lui.

-Ne bougez pas tous les trois, gronda-t-il.

Les soldats échangèrent un regard et Frank regarda avec attention à l’intérieur du véhicule.

-Où se trouve la jeune femme qui était avec vous? Dit-il en se tournant vers eux à nouveau.

-La…la jeune femme? Bredouilla celui qui avait fait monter Abby dans le véhicule.

-Je vous ai vu soldat, lança Frank en s’approchant dangereusement de lui, vous avez fait monter un civil dans cette jeep et je veux savoir où elle se trouve.

-Monsieur, je pensais bien faire…

-Vous vous foutez de moi? Coupa le Lieutenant-colonel.

Les trois hommes ne bougèrent pas pour autant. Abby quant à elle se trouvait derrière la jeep en se mordant la lèvre. Comment allait-elle pouvoir échapper à cette situation?

Elle n’avait qu’un moyen, courir à toute vitesse dans le bâtiment et espérer que son oncle ne la voit pas, ce qu’elle doutait fortement. Elle pouvait aussi faire le tour du véhicule et lui sourire largement comme elle ne faisait souvent, mais là encore elle doutait que son charme n’opère cette fois-ci. Abby jeta un regard curieux et craintif par la fenêtre de la jeep. Elle y vit son oncle passer un savon aux trois soldats qui se tenaient encore silencieux et immobiles devant lui. Abby se redressa, elle devait tenter de courir dans le bâtiment. Mais lorsqu’elle voulut se retourner, une voix grave au-dessus de son oreille la fit sursauter. Michael l’avait vue depuis un moment déjà, et il avait compris ce qu’il se passait.

-Qu’est-ce que tu fais là Abby?

-Monsieur Holden, euh Général, je…je me baladais, répondit la jeune femme le plus naturellement du monde, et je suis venue rendre une petite visite à mon oncle.

-Tu n’es pas plutôt en train de te cacher de lui par hasard?

-Noooon, vous plaisantez, pourquoi je ferais ça?

-Peut être parce que tu étais à un endroit où tu ne devais pas, avec des personnes que tu ne devais pas fréquenter et que tu enchaine les bêtises, lança Frank un peu plus loin.

-Tonton, lança Abby en souriant, ça va?

-Ne joue pas l’idiote, grommela Frank sans la quitter des yeux.

-Je vais vous laissez régler ça entre vous, intervint Michael, mais vous connaissez ma position sur ce qu’il vient de se passer Frank.

-Oui Monsieur, répondit Frank en quittant sa nièce du regard.

-Je vous attends dans mon bureau lorsque vous aurez terminé.

-Merci Monsieur.

-Au revoir mon Général, lança Abby.

-Tu as de la chance de ne pas être ma fille, murmura Michael en s’éloignant.

-Oui, j’aimerai pas l’être, répondit Abby pour elle-même.

-Tu n’aimerais pas être la mienne non plus, gronda Frank, mais qu’est-ce qu’il t’a pris? Pourquoi n’arrêtes-tu pas de faire toutes ces bêtises?

-Ben…je sais pas, je te l’ai dit…

-Tu t’ennuie, coupa Frank, je sais, mais tu as risqué la carrière de ces soldats avec tes bêtises.

-Tu vas te charger d’eux? Ils étaient sympas. C’était pour que j’arrête de faire du stop.

- Du stop?

-Chipote pas, rétorqua la jeune femme en levant les yeux au ciel. Bon et pour ces soldats, tu vas pas être trop dur avec eux?

-Ils devront répondre de leurs actes, oui.

-Et moi, je risque quoi cette fois? Soupira Abby.

-Tu t’enfiche totalement de tout ce que je peux te retirer n’est-ce pas?

-J’ai plus d’amis de toute manière, ici je n’ai le droit de fréquenter personne, mon portable ne me sers à rien. Pour mon I-Pod, je ne sais même plus de quelle couleur il est depuis le temps que tu me l’as pris.

-Tu as toujours ton ordinateur.

-Ouais.

-Tu n’es pas très ordonnée non plus.

-Ca sous-entends quoi ça?

-Le bazar que tu laisse derrière toi et que ta tante ramasse sans arrêt.

-Hey, j’ai fais des efforts, lança Abby.

-Tu en feras encore et si tu trouve le temps trop long, peut être que tu devrai retourner à l’école.

-Tu peux pas m’obliger, tu n’es pas mon père, ni même mon tuteur.

-Peut être que ce serait mieux en fin de compte, murmura Frank pour lui-même.

-Qu’est-ce que tu as dis? Tu veux me renvoyer chez les dingues?

-Ne parle pas de ta famille comme ça.

Ils restèrent silencieux un moment à se fixer de leurs regards bleus. Frank était perdu dans ses pensées un moment avant de reprendre la parole.

-Rentre à la maison.

-Comment? Tu me ramène?

-Non, on m’attend, tu n’as qu’à marcher.

-Attends tu plaisante?

-Est-ce que j’ai l’air de plaisanter? Répéta le Lieutenant-colonel. Mais je te préviens, je connais le temps exact qu’il faut entre ici et la maison, si tu fais du stop, ou un détour je le saurais.

-Comment tu pourrais le savoir?

Frank sortit son téléphone de sa poche.

-Je t’appelle.

-Je pourrais te mentir sur l’endroit où je me trouve.

-Oui, mais un soldat qui va t’accompagner, lui ne le fera pas.

-Et tu vas le laisser se taper le chemin à pieds avec moi?

-Oui, elle va t’accompagner et je te déconseille de la fâcher, elle n’est pas commode.

-Elle?

-Tu ne crois quand même pas que je vais te laisser rentrer avec un homme? Lança Frank en riant.

Abby ne répondit pas et afficha une moue des plus déçue. Quelques minutes plus tard, elle se mit en route avec un Lieutenant jusqu’au domicile des Sherwood. Frank les regarda s’éloigner d’un pas soutenu. Il avait eu une bonne idée en demanda à la jeune femme d’accompagner sa nièce. Car le soldat de première classe Azziro était une femme de caractère et un excellant soldat. La balade n’aurait rien d’agréable pour Abby et Frank le savait bien.

 

La jeune femme regarda une dernière fois l’heure qu’indiquait le radio réveil qui se trouvait à côté du lit. Il était minuit moins dix petites minutes. Elle avait voulu partir depuis de nombreuses minutes déjà, mais elle ne voulait pas éveiller les soupçons. Son oncle et sa tante avaient eu, semblait-il une dure journée tous les deux. Ils étaient épuisés. Pourtant, Abby voulait attendre encore un peu, juste pour plus de sureté.

Allongée sur le lit, elle regardait le plafond indéfiniment blanc où se reflétaient quelques ombres de la nuit. Elle jouait nerveusement avec ses doigts. Son oncle devait dormir depuis plusieurs minutes. Mais comment savoir? Comment en avoir le cœur net sans le réveiller? Et elle ne pouvait plus attendre, elle devenait folle.

Abby se leva et prit un sac à main. Habillée d’une fine robe à paillettes rouge vif, elle s’engagea dans le couloir. Elle posa ses chaussures sur le sol ainsi que son sac à main. Puis, elle se dirigea discrètement vers la porte de la chambre de son oncle et sa tante. Elle l’ouvrit très doucement, pinçant les lèvres. Abby y jeta un œil. Elle vit le visage serein de sa tante tourné vers elle. Elle dormait paisiblement. Une main calleuse entourait sa taille et derrière elle se trouvait l’oncle de la jeune femme. Elle le regarda avec intérêt. Aucun trait de son visage n’était tiré. Et rien n’indiquait qu’il ne dormait pas. Abby les regarda encore une seconde avant de refermer la porte aussi doucement qu’elle l’avait ouverte. Un immense sourire illuminait son visage lorsqu’elle prit ses affaires et se dirigea dans le salon. Elle fouilla dans un vase pour y prendre les clés que son oncle avait cachées. Puis la jeune femme se dirigea vers la porte d’entrée. Elle l’ouvrit et la referma à clé derrière elle. Elle marcha quelques minutes jusqu’au point de rendez-vous où une voiture et trois jeunes hommes l’attendaient.

-Tu as vu l’heure Abby? Lança le premier.

-Ouais, désolée, je devais vérifier que tout le monde dormait.

-Ok, on y va alors?

La jeune femme acquiesça et monta dans la voiture où elle salua une autre jeune femme de son âge. Puis les jeunes hommes en firent autant et ils se mirent en route. Abby avait fini par trouver des personnes de son âge et une autre bonne nouvelle venait la ravir, ils n’étaient pas militaires. Elle pouvait donc profiter pleinement de cette sortie en boîte de nuit avec ses nouveaux amis.

Denise bougea légèrement dans les bras de son mari et celui-ci se réveilla péniblement. Il regarda l’heure. Une heure et quarante huit minutes. Frank ferma les yeux à nouveau et resserra son étreinte autour de son épouse. Il se passa de longues minutes où il tenta de s’endormir. Mais rien n’y faisait. Il regarda l’heure : deux heures et vingt trois minutes. Frank se leva. Il quitta la chambre pour aller boire un verre d’eau dans la cuisine. Une fois le verre vide, il se dirigea à nouveau vers sa chambre. Mais avant, il voulait vérifier quelque chose. Il savait parfaitement qu’il n’y avait pas de quoi s’inquiéter, mais c’était juste au cas où. Frank ouvrit délicatement la porte de la chambre où dormait sa nièce. Il vit une forme dans le lit, bien emmitouflée dans les couvertures. Il sourit, enfin Abby était raisonnable. Il alla fermer la porte lorsqu’il se souvenait pourquoi il ne pouvait plus dormir. Il faisait chaud, trop chaud. Frank ouvrit la porte d’un geste avant de se diriger vers le lit. Il tira le drap violement et vit qu’il n’y avait pas de jeune femme dans le lit, mais des couvertures roulées en boule imitant vaguement la forme d‘un corps.

-Abby, je vais te tuer, grommela le Lieutenant-colonel.

Il retourna entièrement le lit et sortit de la pièce en trombe. Il entra dans sa chambre et se dirigea vers l’armoire où il prit des habits. Il se changea alors que Denise se réveilla.

-Chéri, qu’est-ce que tu fais? Grommela-t-elle.

-Je vais récupérer une brebis galeuse, répondit aussitôt Frank.

Denise se redressa aussitôt.

-Quoi? S’exclama-t-elle.

-Abby est de nouveau sortie, répondit aussitôt Frank, je vais aller la ramener au pas de course.

-Je t’accompagne, lança Denise en se levant.

-Reste là et dors, je m’en charge.

-Pas cette fois soldat, à deux nous serons plus rapides.

-Tu envisage la possibilité que tu la trouves toi et que tu pourras lui épargner ma colère?

-Je ne voudrais pas être à la place de notre nièce lorsqu’elle sera en face de toi. Mais elle a besoin de nous deux.

-Très bien, je pars le premier, j’irais à la piscine.

-Je me charge du terrain de basket et du bar de Roxy, répondit Denise en s’habillant.

Frank acquiesça et sortit de la pièce après lui avoir déposé un baiser.

Il prit la voiture en jurant pour avoir été enfermé dans sa propre maison. Il roula rapidement jusqu’à la piscine où la jeune femme s’était baignée. Denise alla au terrain de basket et au bar de Roxy déjà fermé, mais il n‘y avait aucune trace de la jeune femme. Alors que Frank rentra chez lui. Il n’y trouva pas Abby, mais son épouse tournant en rond dans le salon, folle d’angoisse.

-J’ai fait tous les endroits où je pensais la voir, lança Denise.

-Moi aussi, répondit Frank avant de s’engouffrer dans la chambre de la jeune femme.

-Elle n’a pas pris d’affaires Frank, elle ne doit pas être bien loin.

Il fouilla la chambre sans relâche jusqu’à trois heures et douze minutes du matin. Il trouva l’adresse d’une boite de nuit et aussitôt, il repartit. Il se gara sur le parking et entra dans l’établissement fou de rage. La jeune femme se trouvait au centre de la salle. Frank n’avait pas eu de mal à la trouver car elle se tenait sur un podium et dansait avec une autre jeune femme. Le Lieutenant-colonel vira au rouge et se dirigea vers elle au pas de course. Au pied du podium, il cria son nom, mais elle ne semblait pas l’avoir vu. Alors il se saisit de sa cheville. Un videur chargé de la sécurité, arriva à sa hauteur alors que Abby le regardait enfin.

-Qu’est-ce que tu fous là? Cria la jeune femme.

-Je viens te chercher, descends.

-Non, fous moi la paix.

-Abby, gronda Frank.

Celle-ci ne répondit pas et continua de danser comme si de rien n’était.

-Laissez tranquille cette demoiselle, lança le videur à Frank.

-Cette demoiselle est ma nièce et elle n’est pas majeure, vous voulez avoir des ennuis?

-Ne faites pas de grabuge, s’il vous plait.

-Faites la descendre de là et vous ne me verrez plus, rétorqua Frank.

L’homme acquiesça et tous deux se saisirent des chevilles de la jeune femme qui hurlait déjà. Ils la posèrent au sol et Abby se tourna aussitôt vers son oncle.

-Tu peux pas me faire sortir de force d’ici.

-Tu crois ça?

La jeune femme n’eu pas le temps de répondre que Frank se pencha vers elle. Il se saisit de ses jambes et il la prit sur une de ses épaules.

-Lâche-moi, t’as pas le droit de faire ça.

-Je crois que si, répondit Frank sans même prêter attention aux coups qu’il recevait dans son dos.

Abby continuait de vociférer la tête à l’envers alors que Frank la tenait fermement par les jambes. Ils sortirent de la boite de nuit sous les yeux de toutes les personnes présentes. Frank porta la jeune femme jusqu’à la voiture et il ne la posa que lorsqu’il avait déjà ouvert la portière.

-Assis toi dans cette voiture et n’ouvre plus la bouche avant que je te le permette, c’est clair?

-Tu…

-La ferme Abby, gronda Frank, je ne veux plus t’entendre tu as compris? Plus un seul mot ne dois franchir tes lèvres. Je ne veux pas t’entendre t’excuser. Tu la boucle.

Abby baissa les yeux et Frank ferma violement la portière. Il fit le tour de la voiture en un quart de seconde et monta à son tour.

-Ta ceinture, grommela-t-il avant que la jeune femme ne s’attache.

Frank composa le numéro de la maison pour rassurer son épouse de leur arrivée prochaine. Puis, ils prirent ainsi le chemin de la maison, en silence.

 

La journée était presque terminée. Abby rentrait du bar et Roxy l’avait ramenée avant d‘y retourner. Elle ne l’avait pas déposée à la maison des Sherwood, mais au bureau de Michael, là où travaillait encore Frank à cette heure là. Celui-ci ne voulait plus laisser la jeune femme seule. Il devait toujours y avoir quelqu’un pour la surveiller.

Abby descendit de la voiture et salua Roxy avant de monter les marches conduisant au bâtiment. Elle arriva au bureau de son oncle et voulut donner quelques coups à la porte à peine ouverte, lorsque des voix s’en élevèrent. Frank se trouvait avec Michael.

-Je le sais Monsieur, fit la voix du Lieutenant-colonel, je ne sais tout simplement pas quoi faire pour changer les choses.

-Vous êtes un bon officier Frank, vous commandez des centaines d’hommes, vous trouverez. Votre nièce n’est qu’une ado.

-Abby est si…imprévisible, je me demande tous les jours ce qu’elle va inventer pour nous faire tourner en bourrique.

-Je me demandais la même chose à propos d’Amanda et d’Emmalin.

-Permettez-moi de vous dire que Abby n’a absolument rien à voir avec vos filles. Elle n’est pas seulement une ado ordinaire, elle semble tout faire pour nous pousser à bouts. Elle semble vouloir tester nos limites. Je sais que d’autres jeunes le fond, Jeremy aussi est passé par cette phase. Mais pour Abby, il y a quelque chose d’autre, de plus fort que le seul intérêt d’enrager les adultes.

-Que dit Denise?

-Elle me laisse gérer tout ça, et elle me soutient. Elle aimerait m’aider, mais elle ne sait pas quoi faire de plus. Abby ne s’ouvre pas plus avec elle, mais au moins elle ne cherche pas la dispute, contrairement à moi, finit-il en riant, Denise a plus de chance.

Abby entendit Michael rire à son tour avant qu’il ne fasse quelques pas vers la porte. Elle voulut déguerpir au plus vite, faire comme si elle n’avait jamais été là et si elle n’avait rien entendu de cette conversation. Elle se retourna et fit un pas. Un pas malheureux car elle se heurta de plein fouet à un soldat tenant une pile de documents qui s’éparpillèrent aussitôt sur le sol. Les deux jeunes gens échangèrent un regard. Abby trouvait qu’il avait fière allure dans cet uniforme. Ses cheveux étaient aussi sombres que la nuit et ses yeux aussi bleus que l’océan la transperçaient de part en part. Elle voulut dire un mot mais le soldat se mit au garde-à-vous. Abby se retourna et vit que se tenaient Michael et Frank derrière elle. Ce dernier le regardait avec sévérité.

-J’ai rien fait, murmura-t-elle en levant les mains.

-Repos soldat, lança Michael, et ramassez-moi tout ça.

-Oui Monsieur, répondit aussitôt le jeune homme.

-Aide-le Abby, lança Frank à son tour.

-Mais je…

-Ne discute pas, dit Frank avec calme.

Abby soupira et se mit à genoux sur le sol pour aider le pauvre malheureux à rassembler les documents.

-Quand tu auras terminé, rejoins-moi dans mon bureau, dis Frank avant de fermer la porte derrière lui.

Abby ne répondit pas et poursuivit le rangement alors que Michael s’en alla lui aussi en soupirant profondément.

-Désolée, murmura Abby à celui qui se trouvait en face d’elle, vous avez rencontré une catastrophe ambulante.

-Ce n’est pas grave. Je suis aussi plutôt maladroit.

-Je vous le fait pas dire.

-Laissez ces documents, je m’en occupe.

-Vous êtes plutôt dingue dans votre genre, rétorqua Abby.

-Pourquoi? Lança le jeune homme en la regardant.

-Je viens de vous donner le double du boulot et vous ne voulez pas que je ramasse mon carnage?

-Je n’ai pas classé ces dossiers la première fois, répondit-il en souriant, et ça me fait passer le temps, je n’ai pas besoin de faire un autre travail ennuyant.

-Parce que c’est le pied de classer tous ces trucs?

-Non, pas vraiment, mais il y a pire, croyez-moi, soupira-t-il, je serais mieux sur un champ de tir.

-Oh, murmura Abby en ramassant une autre feuille plus loin.

-Je m’appelle David Edwards.

-Vous êtes le premier militaire qui me dit son prénom avant de me demander le mien, lança la jeune femme en riant.

-Tous les soldats ne sont pas des brutes épaisses vous savez.

-J’imagine, j‘en connais un ou deux. C‘est quoi votre grade?

-Je ne suis qu’un soldat de première classe, dit-il en faisant la moue.

-C’est bien ça? J’y connais absolument rien à tous ces trucs.

-Eh bien, ce n’est pas très haut non, mais ce n’est que le début. Je suis encore jeune, je peux espérer être Lieutenant à trente ans peut être.

-Wooaw carrément, s’exclama-t-elle, je vous le souhaite si ça vous plait. C’est pas trop mon univers l’armée.

-Que faites-vous là alors?

-Le Lieutenant-colonel Sherwood est mon oncle, je passe un peu de temps ici. J’ai un peu de mal à m’y faire, mais je gère.

Abby lui sourit et il en fit de même avant qu’ils ne se relèvent tous les deux.

-Moi, c’est Abby Lewis, dit-elle en lui tendant la main.

Il la serra comme il le pu et lui sourit de plus belle.

-Je suis ravi de vous avoir rencontré mademoiselle Lewis, même si j’en ai pour deux heures de travail.

-Merci et excusez-moi encore. Je vous souhaite beaucoup de courage pour votre carrière soldat, dit-elle en lui adressant un clin d’œil, au revoir.

-Au revoir, répondit-il alors qu’elle frappait déjà à la porte de son oncle pour le rejoindre dans son bureau.

La jeune femme s’éclipsa rapidement dans la pièce et referma la porte derrière elle. Le soldat quant à lui resta là, debout face à la porte, en silence, avant de faire demi-tour et de se mettre à classer tous les documents qu’il avait fait tombé au sol et largement mélangé.

 

Le couple se laissa tomber dans le canapé confortable. Cela faisait plus d’une semaine qu’aucune catastrophe majeure n’était venue entacher leurs journées et ils s’en félicitaient. Ils demeuraient tout de même méfiants, pressentant ainsi le calme avant la tempête. Abby était déjà dans sa chambre depuis une bonne heure. Alors que son oncle et sa tante venaient de finir de ranger la cuisine. Denise se cala dans les bras de son époux qui alluma la télévision d’un geste machinal. Il resserra ses bras autour de Denise et celle-ci posa sa tête sur son épaule.

-J’ai hâte d’être samedi, murmura la jeune femme.

-Je redoute de l’être, grommela Frank.

Denise se redressa et le regarda.

-Pourquoi?

-Abby. Jeremy, répondit simplement Frank en caressant sa joue.

-Ne crains rien pour Abby, elle sera bien occupée avec les enfants.

-Justement, je ne sais pas si c’est une bonne idée. Elle n’est pas prête à s’en occuper.

-Je crois le contraire, justement, ça lui fera prendre des responsabilités, ça ne lui fera pas de mal. Et elle sait s’occuper de son frère, pourquoi ne pourrait-elle pas en faire de même avec TJ, Finn, Lucas et Katy?

-Je ne sais pas, j’ai un mauvais pressentiment.

-Ne pense pas à ca, répondit Denise en glissant sa main dans la nuque de Frank, ça va bien se passer j’en suis certaine.

-Comment tu fais?

-Quoi? Lança Denise en souriant à quelques centimètres du visage de son époux.

-Pour rendre tout ça si simple et pour m’apaiser comme tu le fais? J’aurais déjà explosé si tu n’étais pas là.

-Mmmmh, ça c’est parce que je te connais bien, répondit Denise en souriant encore plus largement, et c’est parce que je te connais bien que je sais que tu feras ce qu’il faut. Je sais que tu trouveras les mots pour Abby et pour Jeremy aussi.

-J’ai peur de te décevoir Denise, et d’être le pire des pères.

-Je t’arrêtes tout de suite, coupa Denise en posant son index sur ses lèvres, tu es un merveilleux père tu entends? Ce qui est arrivé à Jeremy n’est pas de ta faute et nous avons pris la bonne décision. Il devait aller dans ce centre pour s’en sortir et lorsqu’il reviendra à la maison il pourra refaire sa vie.

-Rien ne sera plus jamais comme avant Denise, rétorqua Frank en tournant la tête, si je n’avais…

-Si tu n’étais pas entré dans notre maison à ce moment là, nous n’aurions plus de fils, finit Denise, tu m’as donné un enfant, tu t’es occupé de lui et tu lui as sauvé la vie alors ne pense pas une seule seconde que tu es un mauvais père, tu entends?

Frank ne répondit pas et ferma les yeux. Il soupira profondément en rejetant la tête en arrière.

-Qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui dire? Murmura-t-il les yeux fermés.

-Tu trouveras, j’en suis persuadée, répondit Denise sans le quitter des yeux.

Ils restèrent silencieux un long moment, Frank les yeux fermés et Denise ne le quittant pas du regard une seule seconde. Elle se pencha vers lui et effleura son oreille avec ses lèvres, puis elle prit la parole à peine plus fort qu’un murmure.

-Tu devrais aller te coucher chéri, tu es épuisé.

-Je ne veux pas que Abby sorte.

-Elle se tient à carreaux depuis presque une semaine.

-Justement, continua Frank en se redressant, ça fait bien trop longtemps, une catastrophe est sur le point d’arriver.

Denise rit et déposa un baiser sur ses lèvres, avant de reprendre.

-Laisse-moi veiller à ta place et vas te coucher.

-Hors de question, c’est à moi de gérer ça.

-Parce que tu l’aimes plus que moi c’est ça? Lança Denise faussement vexée.

-Je n’ai pas dis ça.

-Trouve-moi une bonne raison dans ce cas soldat.

Frank fit une pause et chercha du mieux qu’il pouvait, il n’en trouva aucune que Denise serait susceptible de trouver justifiée.

-Tu n’as trouvé pas, n’est-ce pas? Lança Denise en riant. Alors vas te coucher et laisse-moi faire.

-Très bien, mais je reste là. Tu prends le premier quart et moi le second, marché conclut?

Denise fit la moue et leva les yeux au ciel quelques secondes. Puis elle sourit et regarda son époux à nouveau.

-Conclut, dit-elle en souriant.

Ils s’embrassèrent un moment avant que la jeune femme ne se place parfaitement dans les bras du Lieutenant-colonel. Il déposa un baiser dans ses cheveux et resserra ses bras autour d’elle. Puis, ils regardèrent un film en silence. Lorsque le générique de fin se fit entendre, Frank baissa les yeux vers Denise. Il sourit en constatant que l’autre membre de son équipe de surveillance dormait déjà à poings fermés. Il bougea doucement afin de glisser ses mains sous son épouse. Celle-ci gémit un court instant avant de se caller contre lui.

-Je vais te mettre au lit sentinelle, murmura le Lieutenant-colonel à son oreille.

Il la souleva tout en se levant et croisa le regard encore endormi de Denise.

-Je…

-Rendors-toi, le premier quart est passé, c’est à mon tour, répondit Frank tout en la conduisant à la chambre.

-Tu triche, grommela Denise en se cramponnant à lui.

Frank sourit et la déposa dans leur lit. Il allait s’éloigner lorsqu’il sentit une main agripper son bras.

-Ne tarde pas, s’il te plait, murmura Denise.

-Je te le promets, répondit Frank en déposant un autre baiser dans ses cheveux avant de s’éloigner.

Il jeta un dernier regard à la jeune femme qui se recroquevilla dans le lit puis il sortit discrètement. Il éteignit les lumières sur son passage et quitta la maison, se réfugiant ainsi dans le garage où il pouvait s’occuper encore une heure. Il était épuisé et il savait qu’il ne devrait pas tarder à aller se coucher lui aussi, mais il voulait attendre encore une heure de plus.

Mais alors qu’il sentait le sommeil le gagner, il décida de s’arrêter et de rentrer. Un dernier détour autour de la maison le rassura et lorsqu’il se dirigea vers la porte d’entrée pour la regagner, il fut surprit et surtout désemparé de voir qu’elle s’ouvrait doucement. Tapit dans l’ombre de l’arbre se trouvant tout à côté, il observait en silence le manège de sa nièce. Lorsqu’elle avait refermé la porte avec précaution et qu’elle avait mis ses chaussures, elle emprunta l’allée qui la menait vers la rue.

-Tu compte aller où comme ça? Demanda Frank sur un ton calme et posé.

La jeune femme sursauta et croisa son regard lorsqu’il sortit de l’ombre.

-Tu tourne autour de ta propre maison?

-Je prenais l’air, répondit Frank en croisant les bras sur son torse.

-Ah, ben je faisais pareil, il fait super chaud, répondit Abby en souriant.

-Demi-tour Abby, retourne te coucher et ne bouge pas de cette chambre ou je menace de t’y emmurer, répondit Frank sur un ton menaçant.

-Je suppose qu’il vaut mieux que je ne dise rien.

-Tu as tout compris, il vaudrait mieux que tu ne cherche pas à te justifier.

-Ok, bonne nuit, grommela-t-elle en faisant demi-tour et en entrant dans la maison à nouveau.

Frank soupira et massa sa nuque un instant avant de la suivre. Il se demandait vraiment s’il était un bon père, car même avec Abby, les choses ne semblaient pas s’arranger. Il referma la porte à clé derrière lui et regagna le canapé, de là, il pourrait savoir si quoique se soit bougeait pendant la nuit et il était bien trop épuisé pour le trouver inconfortable.

 

 

La jeune femme s’apprêtait à sortir de la maison pour s’asseoir dans le jardin par cette radieuse journée. Elle n’était pas seule à la maison, sa tante était de congé et devait garder un œil sur elle. Cette surveillance commençait à lui peser, mais elle devait s’en accommoder, qu’aurait-elle bien pu faire pour y échapper? Ses parents avaient téléphoné il y a de cela quelques jours. Après presque deux mois, ils se demandaient enfin si elle était encore sur la base. Frank avait raccroché en colère et Abby n’avait plus abordé le sujet. Elle ne savait pas de quoi les prochains jours seraient faits, si elle allait rentrer à Pittsburg, si quelqu’un allait venir la chercher, si son oncle et sa tante allaient la laisser partir. Mais elle ne voulait plus se poser de questions, elle s’en posait très peu et c’était mieux ainsi.

Elle posa la main sur la poignée de la porte, lorsque la voix de sa tante se fit entendre un peu plus loin.

-Abby, attends.

-Je m’enfuis pas, je vais dans le jardin, soupira la jeune femme en se tournant.

Elle se figea sur place en voyant ce que tenait Denise. Celle-ci arriva plus près encore et reprit la parole sans quitter son regard.

-Tu peux m’expliquer pourquoi l’antivol se trouve encore sur ce bustier?

-Euh, oui, la vendeuse a sans doute dû oublier de l’enlever, répondit la jeune femme en souriant, tu as peut être un moyen de le retirer? Je voulais t’en parler, mais j’ai dû oublier.

-Ca t’est donc si facile de mentir, répondit Denise en secouant la tête.

-Mais non, je…

-Abby, coupa Denise en la regardant à nouveau, tu as volé ce vêtement. Ne me dis pas le contraire.

La jeune femme ne répondit pas et baissa les yeux. Elle redoutait bien plus sa tante que son oncle. Car elle savait la faire culpabiliser comme il se devait, elle ne criait pas, elle ne s’emportait pas, elle gardait toujours son calme, mais elle jouait la carte du « tu m’as déçue Abby » et la jeune femme détestait ça plus que tout. Bien plus que les cris hystériques de sa mère, les mots blessants de son père et des réprimandes de son oncle. Etre en mauvais terme avec Denise, c’était pire que tout.

-Il était super cool, murmura-t-elle sans la regarder.

-Et ça justifie le fait de le voler?

-Ben, le prix aussi, grommela la jeune femme en la regardant enfin.

Elle vit Denise baisser les yeux vers l’étiquette du vêtement. Abby remarqua les grands yeux qu’elle avait et le rouge qui lui montait doucement aux joues.

-T’as vu? Lança la jeune femme en souriant timidement. Si j’avais dû le payer…

-Tu as volé un bustier à 150 dollars Abby, s’exclama Denise en reprenant son souffle.

-Oui, répondit simplement la jeune femme.

Denise soupira profondément en frottant son front un instant. Elle se sentait bouillonner, mais pourtant elle se contrôlait toujours, comme elle savait si bien le faire depuis si longtemps.

-Tu…tu vas faire quoi? Demanda timidement Abby.

-Peut être en parler à ton oncle, pour commencer, répondit Denise avec calme en la regardant.

-S’il te plait, ne fais pas ça, supplia la jeune femme, je ferais tout ce que tu veux, je ramènerais le bustier si tu veux, mais ne le dis pas à tonton, il va me tuer.

-Je suis obligé de le faire, Abby c’est grave de voler. Tu t’en rends compte?

-On pourrait pas faire comme si j’avais compris la leçon et puis s’arrêter là?

-Non, je suis désolée jeune fille.

Abby soupira et baissa les yeux à nouveau avant de reprendre la parole.

-C’est quoi ma punition cette fois? Grommela-t-elle dans sa barbe.

-Le dire tout simplement à ton oncle, toi-même, précisa Denise alors que Abby allait rétorquer quelque chose.

-Me fais pas ça, murmura la jeune femme.

-Je suis désolée, vraiment, mais il faut que tu le fasses. Tu dois prendre conscience que c’est grave et tu dois prendre tes responsabilités.

-Il va me tuer, ou pire encore, genre me faire enrôler de force.

-Je te garantis qu’il ne sera pas de bonne humeur en entendant ça. Mais il ne te fera jamais de mal, ne le crains pas. Et crois-moi, tu n’es pas faite pour l’armée et ton oncle le sait parfaitement.

-Mmmh, grommela Abby.

-Tu sais, si un vêtement pareil te faisait vraiment envie, tu aurais pu me le dire, continua Denise d’une douce voix.

-Tu me l’aurais acheté? Lança Abby avec méfiance en la regardant.

-Peut être oui, même si je dois avouer que tu tapes dans le haut de gamme.

-Tant qu’à faire.

-Ne recommence plus.

-Ouais.

-Je suis sérieuse Abby, tu me déçois beaucoup et je sais que tu déçois ton oncle tout autant. Après cette nouvelle bêtise, je crois qu’il sera encore plus dur avec toi.

-C’est possible?

-Oooh oui, soupira Denise en souriant, tu lui en parleras ce soir au dîner. En attendant, je te conseille d’aller donner un coup de chiffon dans la salle de bains et un coup d’aspirateur dans les chambres.

-J’ai droit à deux punitions? C’est pas juste, s’offusqua la jeune femme.

-Nous reparlerons de justice un autre jour, tu veux bien? Dépêche-toi.

-Je peux garder au moins le bustier? Dit-elle en passant à coté de Denise.

-Ne rêve pas, rétorqua celle-ci.

Abby fit la moue et rejoignit la salle de bains d’un pas lent. Denise rangea le vêtement dans sa chambre et prit un livre. Puis, elle suivit sa nièce et s’assit à quelques mètres d’elle, veillant régulièrement à lui dire où elle devait encore passer un coup de chiffon pour que tout soit parfait.

 

Il était déjà dix heures et vingt-trois minutes lorsque Denise et Frank passèrent le pas de la porte. Ils étaient en retard, de peu certes, mais en retard. Frank était nerveux, tout comme son épouse d’ailleurs. Aujourd’hui, ils allaient voir leur fils. Ils n’avaient le droit qu’à très peu de visites au centre où il se trouvait et à chaque rencontre c’était une épreuve. Le Lieutenant-colonel ne savait pas comment réagir avec son fils, celui-ci savait que depuis sa tentative de suicide, plus rien ne serait jamais pareil avec son père et Denise, quant à elle, était partagée entre la joie de le revoir, l’inquiétude de le savoir dans un tel état, et la tristesse de devoir le laisser encore ici. Elle voulait qu’il rentre le plus tôt possible, mais c’était encore impossible, il fallait attendre.

Comme si la situation ne pouvait pas être encore plus angoissante, le couple allait laisser leur jeune nièce seule à s’occuper des enfants de leurs amis. Denise avait assuré à son époux que tout se passerait bien, même si elle priait silencieusement d’avoir raison.

La jeune femme les accompagna jusque devant la maison.

-Tu n’oublie pas, lança Denise, tu ne leur donne pas trop de chocolats ils vont être infernaux.

-Je sais, je vais gérer.

-Quand est-ce que Madame Moran vient te chercher? Demanda Frank à son tour.

-Dans trente-trois minutes, monsieur, répondit fièrement la jeune femme.

-Sois prête dans ce cas, lança-t-il en la pointant du doigt.

-Pourquoi, j’ai l’air de ne pas l’être? Répondit Abby en se regardant de haut en bas.

Denise fit une grimace et Frank se pinça les lèvres. Deux petits détails qui n’échappèrent pas à la jeune femme.

-Ok, je vais me changer, j’ai compris.

-C’est mieux, murmura Denise en souriant.

Abby en fit de même.

-Nous serons rentrés vers dix-sept heures, je veux te voir ici en rentrant, c’est clair?

-Oui, tonton. Promis, je serais-là.

Frank acquiesça et se dirigea vers la voiture. Denise s’approcha de la jeune femme et déposa un baiser sur sa joue, puis, elle rejoignit la voiture à son tour. Abby l’accompagna et se pencha à la porte alors que Denise s’attachait.

-Ne fais pas de bêtises, on compte sur toi, dit Frank.

-Je sais. Dis, vous pouvez passer le bonjour à mon cousin de ma part? J’aurais voulu venir avec vous.

-Nous le ferons, répondit Denise en souriant.

-Super, merci. Bonne journée, s’exclama Abby en s’éloignant.

La voiture fit marche arrière et la jeune femme salua son oncle et sa tante jusqu’au moment où elle les vit passer l’angle de la rue. Puis, elle regagna la maison et tenta de trouver quelque chose à se mettre de plus « classique et passe partout » comme disait Denise de temps en temps, avant que Pamela ne vienne la chercher.

Une fois chez les Moran, Roxy déposa TJ et Finn et les deux amies la laissèrent seule avec les enfants. La fin de matinée se passa calmement et à part quelques querelles minimes, il ne se passa pas d’accident majeur. Pamela avait scotché en évidence le numéro de téléphone de la pizzeria la plus proche et il suffit d’un coup de téléphone de la jeune femme et d’une attente de quinze minutes environ, avant de savourer trois pizza. Le choix avait été difficile à faire et Abby estima qu’il valait mieux en prendre plusieurs et laisser les enfants en choisirent des bouts de différentes pizza. Elle avait peut être vu un peu trop grand, car c’est les ventres bien pleins qu’ils sortirent de table enfin, ayant à peine mangé la moitié de tout ce qu’ils avaient commandés.

La jeune femme laissa la vaisselle dans l’évier, jurant qu’elle s’en occuperait plus tard. Elle s’installa dans le canapé et sortit tous les produits de beauté qu’elle avait apporté avec elle pour passer le temps. Les enfants jouaient à l’étage. Ils étaient bruyants, mais elle les entendait à peine avec ses écouteurs. Son I-Pod lui avait tellement manqué qu’elle ne pouvait déjà plus s’en passer. Son oncle avait consentit à lui rendre, mais pour une durée limité. Car il avait très mal pris le fait qu’elle vole un article dans un magasin. La jeune femme lui avait dit, sous le regard insistant et quoiqu’un peu menaçant de Denise. Mais celle-ci avait admit que sa nièce devait faire preuve de courage et de présence d’esprit pour lui dire elle-même. Abby n’avait pas bien compris la réaction de sa tante, peut être était-ce une ruse, mais elle aurait été bien bête de ne pas en profiter.

Elle se réjouissait ainsi d’avoir sa musique avec elle, ne serait-ce que pour deux ou trois jours. Alors qu’elle venait de mettre sa deuxième couche de vernis sur ses ongles, Finn, suivit de près par TJ, Lucas et plus loin Katie, arrivèrent à côté d’elle.

Elle retira ses écouteurs et les regarda avec intérêt.

-Vous voulez quoi?

-On peut aller au parc? Demanda Finn.

-Je ne sais pas si vos parents seront d’accord, répondit Abby, j’ai promis de rester ici avec vous.

-S’il te plaît, lança Lucas.

-Ben moi ça me plaît, mais à vos parents et à mon oncle et ma tante, je pense un peu moins.

-Il est juste à côté, répondit Katie, mais on s’ennuie ici.

Devant les mines tristes qu’ils affichaient tous, la jeune femme ne pu résister.

-Ok, mais vous avez intérêt à vous tenir à carreaux, sinon je vous fais la peau, c’est clair?

-Promis, dit TJ en souriant largement.

Les trois autres s’écrièrent de joie et Abby se leva. Elle rangea brièvement ses affaires et elle prit un magazine avant de sortir avec les enfants et de fermer la porte derrière eux.

Le parc se trouvait tout à côté de la maison de la famille Moran. Les enfants se dirigèrent aussitôt vers les jeux et Abby prit place sur un banc un peu plus loin. Elle les surveillait de loin un long moment avant de se plonger dans la lecture du magazine qu’elle avait emprunté dans le salon de Pamela. Elle jetait de réguliers coups d’œil au-dessus de la couverture glacée. D’autres enfants jouèrent avec eux. Une femme se dirigea vers Abby et lui parla doucement.

-Vous êtes avec Katie et Lucas?

-Oui, je les garde. Pourquoi?

-Je suis une amie de Pamela, ce sont mes filles qui jouent avec eux. Je me renseignais, voila tout, dit elle en souriant, bonne journée mademoiselle.

-Merci, vous aussi, répondit timidement la jeune femme.

Elle la regarda partir avant de se plonger à nouveau dans sa lecture. Les minutes passèrent avant qu’elle ne jettes un œil à sa montre. La jeune femme sursauta et se leva d’un bond. Elle rejoignit les enfants qui jouaient toujours.

-Venez, il faut rentrer, lança-t-elle.

-On veut encore rester, rétorqua TJ.

-J’ai pas le temps de discuter, vous savez ce qui va m’arriver si je suis pas à l’heure à la maison? Bougez-vous, on rentre.

-Non, grommela Lucas.

-Ne me faites pas tourner en bourrique.

-On veut pas rentrer, il est encore tôt, répondit Finn.

-Ok, soupira Abby en regardant aux alentours, ça marche restez là alors.

Elle se dirigea en courant vers la femme qui lui avait adressé la parole plus tôt dans la journée et s’arrêta à quelques mètres d’elle.

-Excusez-moi, je dois à tout prix rentrer là, ça vous dérangerais de garder un œil sur Lucas, Katie, TJ et Finn? Ce sera plus long je pense avant que leurs mères rentrent.

-Mais…

-Je suis désolée, il faut que je file, merci, lança Abby avant de partir en courant.

La jeune femme ne se retourna même pas et prit le chemin de la maison des Sherwood. Elle fit le plus vite possible. Il ne lui restait que dix petites minutes avant d’être en retard. Elle se trouvait au bout de la rue, plus que quelques mètres. Elle entra dans la maison toute essoufflée. Elle jeta ses affaires sur le canapé et se servit un verre d’eau qu’elle apprécia grandement. Une fois calmée et réhydratée, elle entendit une voiture s’engager dans l’allée. Il avait été moins une. Elle respira profondément et attendit quelques courtes minutes avant d’entendre la porte d’entrée s’ouvrir.

Elle accueillit son oncle et sa tante en souriant largement.

-Ca alors, soupira Frank, tu es à l’heure?

-J’ai promis, répondit Abby en souriant largement, comment va mon cousin?

-Ca va, répondit timidement Denise, il devrait rentrer bientôt, ajouta-t-elle en souriant.

-Oh, c’est cool, murmura Abby.

Personne ne releva sa remarque et Frank se dirigea vers la chambre alors que Denise rejoignit la cuisine. Abby resta quelques minutes dans le salon avant de rejoindre la chambre à son tour. Elle s’assit sur le lit en silence et jeta un regard aux alentours. Le téléphone sonna mais elle n’y prêta pas la moindre attention. Elle se figea cependant sur place quelques courtes minutes plus tard, lorsque son nom lui vint aux oreilles de la voix en colère de Denise.

-Abby, gronda Frank à son tour, viens ici.

La jeune femme grimaça et quitta la pièce d’un pas lourd.

-Quoi? Murmura-t-elle mal-à-l’aise en regardant son oncle et sa tante.

-Tu peux me donner la définition du baby-sitting, s’il te plait?

-Euhhh, bredouilla-t-elle.

-Tu as laissé les enfants de Roxy et Pamela à une inconnue dans un parc? Intervint Denise à son tour.

-C’était pas une inconnue, elle m’a dit qu’elle était une amie de madame Moran.

-Mais tu es complètement inconsciente ou quoi? Gronda Frank.

-Je voulais être à l’heure, c’est tout et ils ne voulaient pas rentrer, se justifia la jeune femme.

-Abby, soupira Denise désemparée.

-Je pensais pas faire de mal, répondit celle-ci, je vous jure.

-Arrête de trouver des excuses, lança Frank, tu as fais une bêtise une fois de plus. On ne peut vraiment jamais te laisser seule c’est incroyable.

-Je suis désolée, répéta Abby en baissant les yeux.

-Moi aussi, murmura Frank, rends-moi ton I-Pod, dit-il en lui tendant la main.

Abby fit une grimace sans protester. Elle le luit rendit et garda le silence.

-Bien, vas dans ta chambre et n’en sors plus avant le dîner et que je n’entende pas de musique. Laisse la porte ouverte, je ne veux pas voir d’ordinateur allumé ou de jeux vidéos.

Abby ne répondit pas une nouvelle fois et regagna la chambre d’un pas lourd. Elle se laissa tomber sur le lit et ferma les yeux. Qu’elle le faisait exprès ou non, elle arrivait toujours à les faire enrager, c’était bien plus fort qu’elle, les ennuis semblaient la suivre à la trace. Ses jours étaient comptés à Fort Marshall et elle le savait, lorsque Jeremy aurait la permission de retourner dans sa famille, elle serait renvoyée dans la sienne aussitôt. Il n’y avait pas de place pour deux adolescents dans cette maison. Et, bien que celle où vivaient ses parents et son frère était plus grande, il n’y avait pas de place pour elle non plus. Alors, elle décida de faire de son mieux pour arrêter de faire de telles erreurs, car elle voulait profiter encore du peu d’amour qu’on pouvait avoir à son égard. Juste encore quelques jours.

 

Ce dimanche là, Denise et Frank étaient partis en balade en moto. Ils avaient essayés de laisser Abby seule à la maison. Et à leur grand étonnement, ils la trouvèrent dans le jardin, un magazine à la main, sagement assise au soleil, n’ayant rien cassé dans la maison. Ils la saluèrent et la jeune femme se redressa aussitôt.

-A mon tour, lança-t-elle en souriant, allez tonton, j’ai été super sage pour le coup.

-J’avoue que tu t’es bien tenue ce week-end, admit Frank.

-Ca mérite une récompense, ajouta Abby en souriant plus largement encore, j’adore la moto, s’il te plait, s’il te plait, s’il te plait.

-Très bien, soupira Frank en accordant un regard à Denise avant de revenir à sa nièce, mais quand nous rentrons, tu aideras ta tante.

-Tout ce que tu veux, lança Abby avant de se jeter dans ses bras, merci tonton.

-Je t’en prie, soupira celui-ci en resserrant ses bras autour de la jeune femme quelques secondes avant qu’elle ne s’éloigne.

-Mets un casque, cria Frank alors qu’elle était déjà loin.

-Tu es un homme adorable monsieur Sherwood, murmura Denise en passant ses bras dans la nuque de son époux.

-Redis-moi ça ce soir quand Abby dors, répondit Frank sur ses lèvres avant de déposer un baiser.

-Aurais-tu une idée derrière la tête?

-Notre balade m’a donné quelques idées en effet, répondit Frank en souriant.

-J’ai hâte que tu m’en fasses part.

-Toooooontoooonnn, cria Abby plus loin.

-Le devoir t’appelle soldat, murmura Denise avant de s’éloigner.

-On reprendra cette conversation, répondit Frank en lui adressant le plus tendre des sourires avant de rejoindre la jeune femme qui l’attendait déjà assise sur la moto de l’autre côté de la maison.

-Je suis prête, dit-elle sous le casque.

-Très bien, alors je doute que tu te souviennes du tout premier tour que tu as fait sur la moto de ton père.

-J’avais cinq ans et tu m’avais pris dans tes bras, tu m’avais dis de ne surtout jamais lâcher ton bras et tu m’avais emmené faire le tour du pâté de maison, répondit fièrement Abby.

-Tu te souviens que je t’avais emmené sur la moto de ton père? S’étonna le Lieutenant-colonel.

-Oui, c’est un bon souvenir, murmura Abby en regardant le sol, papa n’a jamais voulu m’emmener dessus.

-Eh bien, nous dirons que c’est notre moment à tous les deux alors.

-Tu rigoles pas? Tu ne serais pas du style à le faire que avec Denise?

-Je l’ai fais avec toi avant de le faire avec elle, répondit Frank en lui adressant un clin d’œil, n’oublie pas jeune fille tu te cramponne à moi, d’accord?

-Aussi fort que je pourrais, répondit Abby en souriant.

Frank lui baissa la visière avant de s’asseoir devant elle et de démarrer. Aussitôt, la jeune femme passa ses bras autour de lui et se colla le plus possible à son dos.

-Tu peux relâcher un peu Abby, dit Frank en se retournant, profite de la balade.

-Tu vas pas que me faire faire le tour du pâté de maisons quand même?

-Je t’emmène à un endroit que j’aime beaucoup, ça te va?

-Oui, répondit Abby.

Frank se mit en route. Abby profitait de la balade, mais elle ne relâchait pas une seule seconde ses bras autour de son oncle. Elle réalisa à quel point la ville de Charleston était belle, ses constructions néo-classiques côtoyaient les bâtiments datant de l’époque coloniale. La végétation était omniprésente, cette ville respirait la quiétude entre lac et océan. Le climat était idéal, la cuisine délicieuse et les gens accueillant. Abby se plaisait à Charleston et elle espérait bien y rester un long moment.

 

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