Julia R.
 
 

Denise se réveilla en sursaut. Lily avait resserré ses doigts avec force sur sa main. Il lui fallut peu de temps pour comprendre ce qui était en train de se passer. Elle se leva d’un bond et s’approcha du corps tourmenté.

-Lily, Lily, Elizabeth !

Des infirmières et le médecin entrèrent au pas de course.

-Elle convulse, leur avait crié la jeune femme.

-Ecartez-vous madame Sherwood.

Celle-ci s’exécuta et lâcha enfin la main de Lily. Elle laissa place au personnel soignant et se mit au fond de la pièce. Plusieurs fois en tant qu’infirmière, elle avait assisté à une telle situation, mais cette fois c’était très différent, vraiment différent. Elle sentait les larmes lui monter aux yeux et couler le long de ses joues à mesure que le temps passait et que les chocs s’avéraient inefficaces.

-Je t’en prie Elizabeth, murmura Denise, reste avec nous, Katy et moi, on a besoin de toi, ne pars pas, s’il te plait.

Contre toute attente le cœur de la jeune femme se remit à battre. Denise ferma les yeux dans un soupir de soulagement. Le médecin se tourna vers elle.

-Madame Sherwood, il faut opérer au plus vite, j’ai eu vos résultats, vous êtes compatible pour la greffe, qu’avez-vous mangé les huit dernière heures ?

-Euh, rien à vrai dire, je mange très peu ces derniers jours.

-Même si je ne devrais pas vous dire ça, dans un sens c’est une bonne chose. Nous pourrons opérer plus rapidement dans ce cas. En ce qui vous concerne, elle devrait durer deux heures, pour votre fille en revanche, elle peut être de quatre, voir plus, selon ce que nous trouverons. Vous, vous trouverez dans deux salles jumelles pour que tout se passe le plus vite possible.

Denise acquiesça et regarda la jeune femme endormie plus loin.

-A-t-elle fait plusieurs arrêts de ce genre ?

-Oui, quelques uns.

-Y a-t-il encore un espoir qu’elle se réveille un jour ?

-Vous le savez sans doute aussi bien que moi, nous ne savons pas.

Denise regarda le visage paisible de la jeune femme. Elle se souvint des moments passés en sa compagnie, des instants de bonheur qu’elles avaient partagé avec Katy, elle se souvint du jour de sa naissance, du chagrin qu’elle avait ressentie, assise dans ce couloir en pleurant alors qu’elle s’éloignait d’elle.

Il était temps qu’elle s’occupe comme il se doit de sa fille. Elle devait subir cette intervention pour elle, même si elle ne se réveillerait jamais.

Elle porta son attention sur l’homme qui se trouvait en face d’elle et lui parla d’une voix sûre et claire, où l’émotion ne transperçait pas.

-Je suis prête, allons y.

-Très bien, avez-vous une personne à prévenir en particulier avant, ou tout est inscrit dans votre dossier ?

-Tout est dans le dossier, je dois penser à Elizabeth avant tout.

-Dans ce cas, veuillez me suivre madame Sherwood.

Après avoir déposé un dernier baiser sur le front de Lily, Denise suivit le médecin dans une autre pièce. Il ordonna qu’on prépare la jeune femme pour l’opération. Pendant ce temps, Denise se changea et répondit au questionnaire de base, nécessaire lors de toute opération. On la conduisit ensuite dans une pièce plus spacieuse. Sur le chemin, elle croisa Aaron, celui-ci lui adressa à peine un regard et se dirigea vers son mentor.

-Eric, je peux te parler ?

Il le regarda un instant et le jeune homme le suivit.

-Tu vas opérer Lily ?

-Oui.

-Je veux participer à l’opération.

-Non.

-Eric écoute…

-J’ai dis non, Aaron, tu ne viendras pas dans la salle d’op, je ne veux pas te voir, tu n’as qu’à observé derrière la vitre.

-Quoi, avec les premières années ? Tu sais comment ils sont.

-Tu étais pareil, dit-il avec un petit rire.

-S’il te plait.

-Aaron, tu fais le con et je devrais te féliciter ? Tu resteras avec eux si tu veux savoir comment ça se passe, sinon tu peux très bien aller t’occuper de la vielle femme en salle cinq, c’est toi qui vois.

-Ok, c’est bon.

-Bien alors, je te laisse, j’ai du boulot.

Le jeune homme acquiesça et le docteur rejoignit la pièce où se trouvait Denise.

-Vous êtes prête madame Sherwood ? Fit-il en s’avançant vers le lit où elle était assise.

-Oui, je crois, pourrais-je voir ma fille avant ?

-Bien sûr, venez.

Il ouvrit la porte qui se trouvait entre les deux salles. Denise s’avança vers le lit et se pencha sur le visage de Lily.

-Tout va bien se passer, je le sais, nous sommes plusieurs à veiller sur toi, ne nous laisse pas, à plus tard Elizabeth. Et tu sais, je n’ai jamais cessé de t’aimer, je t’aime Elizabeth, dit-elle dans un souffle.

Elle caressa son front encore un instant et y déposa un tendre baiser. Denise se releva doucement et rejoignit l’autre pièce. Elle le fit à contre cœur. Peut être que Lily ne serait plus de ce monde lorsqu’elle se réveillera.

Elle prit place sur le lit avec cette sombre idée en tête. La porte battante resta ouverte. Denise se coucha et tourna la tête vers Lily. Une infirmière lui injecta le produit et elle commença le compte à rebours sans quitter la jeune femme des yeux. Elle sentit le produit envahir tout son corps et lorsqu’elle ne puisse plus garder les yeux ouverts, elle fini enfin par s’endormir.

Elle avait un peu mal à la tête. Mais elle se sentait reposée. Elle ne s’était plus sentie si bien depuis plusieurs jours. Il lui sembla que tout son corps était endormi, comme si elle reposait dans un lit de coton. Elle reprenait doucement pied dans la réalité. Denise se força à ouvrir les yeux. La pièce dans laquelle elle se trouvait était à peine éclairée par une faible lueur. Elle tourna la tête et regarda l’heure. 09 : 53. Il faisait déjà nuit. Elle avait dormi toute la journée. Elle pensa immédiatement à Lily. « Faites que tout se soit bien passé » Pensa la jeune femme.

Elle tenta de se redresser et sans le vouloir, elle appuya sur le bouton d’urgence. Une infirmière entra quelques secondes plus tard. Elle lui sourit et s’avança vers elle.

-Vous allez bien ?

-Oui, oui ça va. L’opération, comment…

-Le médecin Stocks arrive d’une minute à l’autre, répondit-elle d’une voix douce.

Denise acquiesça et se plia aux examens que l’infirmière lui infligeait.

On entra et la jeune femme se redressa dans un ultime et douloureux effort.

-Restez couchée, madame Sherwood, intervint le praticien.

-L’opération est finie ? Comment ça s’est passé ? Elizabeth, elle va bien ?

-Calmez-vous, vous êtes encore faible, tout s’est très bien passé, pour le moment, le corps de votre fille ne rejette pas le greffon, mais il est encore très tôt, il faut attendre pour voir.

-Et comment va-t-elle ?

-Vous savez, le combat qu’elle mène depuis des mois l’a beaucoup fatigué, elle ne s’est pas encore réveillée.

-Combien de jours peut-elle rester dans le coma ?

-Comme tout coma, nous l’ignorons.

Denise soupira et après un court silence, Eric reprit.

-Et vous, comment vous sentez-vous ?

-Ca va.

-Vous n’avez aucune douleur gênante ?

-Il en existe qui ne le sont pas ?

Ils se sourirent et le médecin reprit la parole.

-Non, évidement, alors ? En tant qu’infirmière, vous pouvez m’affirmer que tout va bien ?

-Oui, ça va.

-Très bien, dans ce cas, je vous souhaite une bonne nuit madame Sherwood.

-Attendez, où se trouve ma fille ?

-Dans une chambre, au bout du couloir, sous étroite surveillance, ne vous inquiétez pas.

-Est-ce que je pourrais…

-La voir ? Non.

Elle le regarda avec insistance et il lui donna les informations qu’elle voulait savoir.

-Vous êtes encore beaucoup trop faible. Les tranquillisants que nous vous avons injectés sont encore présents en quantité importante dans votre sang, vous devez savoir tout ça.

-Oui, je le sais seulement, j’ai l’impression de manquer à mon devoir de mère en restant ici alors que ma fille se bat à quelques mètres de là.

-Vous avez fait votre devoir madame Sherwood, vous ne pouvez plus rien faire de plus à présent, c’est à Lily de faire le reste.

-Je le sais, murmura la jeune femme, seulement, vous savez, j’ai rarement fait ce qu’il fallait pour elle et j’ai commis des erreurs par le passé que je ne me pardonnerais jamais.

-Comme on dit, le passé est le passé, vous offrez une deuxième chance à votre fille, je pense que ça répare un bon nombre d’erreurs.

-J’aimerai vous croire, dit-elle dans un souffle.

-Eh bien, c’est simple, faites-le, répondit Eric en souriant.

Ils échangèrent un regard et Denise sourit également.

-Je crois que je vais suivre votre conseil et me reposer encore un peu.

-Sage décision. Avez-vous une personne à prévenir maintenant que vous avez fait ce qu’il faut pour Lily ?

-Non, plus à cette heure, je le ferai demain matin.

-Personne ne risque de s’inquiéter, vous êtes sure ?

-Oui, ça ira, on sait où je me trouve.

Il acquiesça et la laissa seule. Denise se retourna avec difficulté pour se coucher sur le coté. Elle garda les yeux ouverts un moment et repensa à tout ce qu’il venait de se passer ces derniers mois. Sa vie avait basculée, si vite. Elle pensa à Frank. Elle lui dirait en rentrant. Elle voulait que Lily fasse partie de sa vie et pour ça elle devait en parler à Frank. Il l’aimait, elle le savait, elle espérait qu’il lui pardonnerait ses erreurs. S’il l’aimait vraiment, il le ferait. Tout ce qu’elle redoutait, c’était de le perdre, de les perdre, tous les quatre.

Il faisait jour depuis quelques heures lorsque Denise reprit ses esprits. Elle sentait davantage la petite incision que les médecins avaient faite en bas de son dos. Elle se perdit dans ses pensées quelques minutes et prit enfin le téléphone. Elle devait joindre Claudia Joy.

Elle tendit le bras et se saisit de l’appareil. Elle en voulait à son amie d’avoir parlé de sa situation à Michael. Mais, c’était son amie. Et elle avait fait déjà tellement pour elle.

Elle respira profondément et composa son numéro. Elle attendit plusieurs sonneries. Claudia Joy décrocha. Elle était ravie que tout ce soit bien passé. Denise lui avait rapporté tout ce qu’il s’était passé en détail, et Claudia Joy en avait fait de même de son coté.

La jeune femme devait rester quelques jours à l’hôpital et elle avait demandé à son amie de rassurer les personnes de son entourage, sans pour autant leur dire ce qu’il se passait réellement. Trop de monde était déjà au courant et personne ne devait savoir ce qu’il en était de la situation exacte, surtout pas Frank. Pas avant qu’elle ne lui parle, qu’elle lui explique tout, qu’elle lui dise que l’existence et la venue de Lily ne changerait en rien ce qu’elle éprouvait pour lui. Elle lui dirait qu’au-delà des mensonges, elle l’aimait, d’un amour sincère et inégal depuis qu’elle l’avait rencontré.

Denise raccrocha après de longues minutes. Claudia Joy lui avait assuré qu’elle s’occuperait de tout en son absence. Elle pourrait ainsi prendre le temps qu’il lui fallait pour se reposer et rentrer avec Lily.

Denise resta couchée toute la journée. Elle n’avait qu’une envie, aller au bout du couloir et être auprès de Lily pour rattraper le temps qu’elle avait perdu loin d’elle.

Elle réussit à faire plier le médecin tant bien que mal, qui affirma, pour sûr, Lily était bien sa fille. Toutes deux avaient un caractère bien trempé et une détermination sans bornes.

On lui amena donc un fauteuil roulant dans lequel elle prit place. Une infirmière la poussa dans le couloir éclairé par la lumière du jour que permettait une grande baie vitrée. Elle vit au bout du couloir le jeune homme qui s’était emporté contre elle avant l’opération. Il sortait d’une chambre. Elle remarqua son air perdu et totalement déboussolé. Il marchait dans le couloir d’un air absent. Denise l’arrêta lorsqu’il arriva à sa hauteur.

-Excusez-moi, murmura la jeune femme, votre garde est terminée ?

-Oui madame, répondit poliment Aaron.

-Est-ce que je pourrais vous parler ?

-Vous voulez que je m’excuse encore pour hier ? Oui, je me suis emporté mais…

-Justement, c’est pour cette raison que j’aimerais vous voir, si vous vous êtes emporté comme vous l’avez fait, c’est que le cas d’Elizabeth vous tient à cœur et j’aimerai savoir pourquoi.

-Oui, madame, bredouilla le jeune homme.

-Vous savez, moi aussi j’ai fais et j’ai dis des choses que je regrettes, ce qui a eu pour conséquences de faire souffrir un bon nombre de personnes, il est temps que je répares du mieux que je peux mes erreurs et je tiens à commencer dès maintenant. S’il vous plait, venez avec moi dans la chambre de ma fille.

Ils se regardèrent un moment, puis Aaron acquiesça. Il jeta un regard à l’infirmière qui se tenait derrière Denise.

-C’est bon Estelle, je m’occupe de madame Sherwood.

-Mais, ta garde est finie, tu devrais rentrer te reposer.

-Merci, mais je sais très bien prendre soin de moi.

-Très bien, comme tu veux, mais tu ne viendras pas pleurer quand Clark te virera.

Elle fit demi-tour et s’éloigna au pas de course.

-Très aimable votre amie, murmura Denise.

-Ce n’est pas mon amie, grommela Aaron.

Denise ne répondit pas et le jeune homme fit le tour du fauteuil pour se mettre dans son dos. Il la poussa en silence jusqu’à la chambre de la jeune femme. Il ferma la porte derrière eux.

Lily se trouvait dans le même état que Denise l’avait vue en arrivant à Goldsboro. Elle eu les larmes aux yeux, mais au fond, elle se sentait plus sereine. Elle se tourna vers Aaron, celui-ci ne quittait pas Lily des yeux. Denise remarqua la manière qu’il avait de la contempler. Elle avait vu cette étincelle dans ses yeux. A présent, elle comprenait parfaitement pourquoi il avait agit si violement avec elle. Cela ne faisait plus aucun doute. Elle en était persuadée…

Elle sourit timidement et porta une nouvelle fois son attention sur la jeune femme étendue. Elle lui prit la main au creux de la sienne et lui parla doucement.

-Tout s’est bien passé, ça va aller mieux maintenant, tu pourras bientôt rentrer avec moi. Katy t’attend avec impatience, mais pour ça il faut que tu te réveilles, que tu nous montres que tu te bats, que tu veuilles revenir avec nous.

Elle resta silencieuse un moment et s’adressa au jeune homme.

-Vous étiez là depuis quand ?

-Depuis qu’elle est ici.

-Pourquoi ?

-C’est moi qui l’ai amené, elle a sauté du haut d’un pont, dans le fleuve, je me baladais, je l’ai vu et je l’ai amené ici. On ne savait rien sur son identité, elle était seule, elle ne parlait que très peu, elle a fait une tentative de suicide.

Denise avala difficilement la salive qui s’était formée dans sa bouche et reprit la parole.

-Elle a abandonné, elle pensait que le combat était fini, et qu’elle avait perdu, j’ai vu sa santé se dégrader de jour en jour et je n’ai rien fais.

-Pourquoi ?

-Je ne sais pas. J’ai tenté de lui parler mais rien à faire, elle s’est renfermée sur elle-même du jour au lendemain.

Ils restèrent silencieux un moment et Aaron posa la question que le travaillait depuis longtemps.

-Madame, qui est Katy ?

-Elle ne vous en a pas parlé ?

-Elle a juste prononcé son nom avant qu’elle ne tombe dans le coma.

Denise sourit et caressa le front de la jeune femme.

-Katy est sa petite fille, une adorable petite puce qu’elle aime tellement, c’est son trésor, sa seule raison de vivre.

Aaron sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Lily avait une fille. Comment était-ce possible ? Alors, pourquoi refusait-elle de se battre pour elle ?

Denise remarqua le trouble passé sur le visage du jeune homme et elle décida de lui expliquer une peu mieux la situation.

-Katy a quatre ans. Elizabeth est tombée enceinte jeune. Elle s’est séparée du père de sa fille et la élevée seule, enfin, pas dans un premier temps, ses parents adoptifs l’ont aidés et quand ils sont morts, elle a continué de vivre et de se battre, seule avec son enfant. L’amour qu’elles se portent est inégalable je vous assure, il a sans doute permis le fait qu’elles puissent être encore ensembles malgré toutes les épreuves. Tout ce que Lily a fait, elle l’a fait pour sa fille. J’aurai dû le comprendre, finit-elle dans un murmure en caressant tendrement du pouce la paume de la jeune femme.

Aaron ne répondit pas et s’assit sur le fauteuil de l’autre coté du lit.

-Il y a beaucoup de choses à savoir sur Lily Roberts, poursuivit Denise en souriant. Cela fait que peu de temps que je connais tout ce qu’il lui est arrivé.

-Vous l’avez fait adopter ? Pourquoi ?

-Parce que je n’étais pas assez courageuse qu’elle. Je ne l’ai pas revu depuis sa naissance, je n’ai pas vraiment voulu la faire adopter, on m’a forcé la main et puis j’ai rencontré les Roberts, ils semblaient être des gens bien, finalement je constate que je n’ai pas fais une erreur, mais je le regrettes, chaque jour. J’aurai voulu la voir grandir, la voir se construire. Et voilà que c’est une jeune femme droite et fière avec une petite fille que je retrouve vingt et un ans plus tard.

-Si sa fille était tout pour elle, pourquoi vouloir en finir dans ce cas ? Si elle vous a trouvé et savait que vous étiez sa mère, pourquoi n’avoir pas parlé de cette greffe ? Pourquoi ne pas nous avoir dit ici, qu’il y avait un donneur compatible ?

-Parce que Elizabeth pense aux autres, bien avant de penser à elle.

-Je ne comprends pas.

-Elle n’a pas voulu briser la vie et la famille que j’avais construite sans elle. Elle m’a laissé Katy, parce qu’elle pensait que c’était ce qui était bon pour elle, qu’il n’y aurait sans doute plus d’espoir de survie pour elle mais que Katy devait grandir dans une famille. Elle savait que je découvrirais la vérité.

-Je crois que je commence à comprendre. Je savais qu’elle me mentait en me disant qu’elle n’avait personne. J’avais beau lui demander chaque jour, je n’ai jamais rien pu en tirer. Votre fille a beaucoup de caractère, dit-il en riant doucement.

Denise rit aussi.

-Oui, elle a beaucoup de caractère.

Ils restèrent silencieux encore un moment avant que le jeune homme ne reprenne une nouvelle fois la parole.

-Je m’excuse madame Sherwood, pour tout ce que je vous ai dit hier.

-Vous tenez à Elizabeth, alors je le comprends.

Il la regarda étonné et Denise sourit.

-Vous avez été emporté par vos émotions, ça arrive.

Le jeune homme rougit doucement et baissa les yeux devant le regard insistant de la jeune femme.

-Je sais que du point de vue médical vous n’avez pas le droit de ressentir ce que vous ressentez pour ma fille. Je vois aussi que vous êtes un jeune homme intelligent et tout a fait capable de discerner le bien du mal.

-J’ai fais aussi quelques erreurs jusqu’à maintenant et rencontrer votre fille m’a fait prendre conscience que je devais reprendre ma vie en main, et c’est ce que je compte faire. Lily est une femme merveilleuse et je tiens beaucoup à elle en effet.

-Je suis ravie d’entendre ça, murmura Denise en souriant.

Aaron répondit à son sourire et ils portèrent leur attention sur la jeune femme allongée. Ils restèrent ainsi un long moment, simplement assis au tour de lit, en silence.

 

Il commença à faire nuit lorsque Denise consentit à quitter la chambre de Lily. Mais avant, elle voulait faire une dernière chose. Aaron était resté avec elle depuis plusieurs heures, elle lui donna les clés de sa voiture et lui indiqua où se trouvait sa valise. Le jeune homme alla la chercher et la rapporta dans sa chambre. Denise l’ouvrit et prit les deux peluches qu’elle y avait rangées. Aaron la raccompagna dans la chambre de la jeune femme et Denise plaça les peluches à coté du lit.

-Lily, regarde tu as deux anges gardiens de plus, Katy m’a donné Hector pour toi, pour qu’il te protège et j’ai ramené une petite chose que j’ai acheté il y bien longtemps. Il n’a pas de nom, je l’avoue, dit-elle en souriant, j’étais enceinte de cinq mois et j’ai vu ce petit lapin rose dans une vitrine, je savais à l’époque que j’allais avoir une petite fille, alors je l’ai acheté, j’ai eu envie de te le donner à ta naissance mais, tout s’est passé tellement vite, continua Denise en sentant les larmes couler sur ses joues, lorsque j’ai quitté l’hôpital et que je suis rentré chez mes parents, ce petit lapin était encore parfaitement posé sur mon lit. Je l’ai prit contre moi et j’ai pleuré, j’ai pleuré des heures Elizabeth. Le temps est passé, je l’ai rangé dans une boite, j’ai rencontré Frank et je l’ai épousé mais ce petit lapin m’a accompagné pendant tous mes déménagements, sur toutes les bases. Jeremy est arrivé, mais il m’arrivait de prendre ce lapin contre moi et de pleurer comme à mes dix sept ans, parce que je pensais à toi, parce que j’entendais tes pleurs dans mes nuits, je suis désolée Elizabeth, je suis tellement désolée, murmura-t-elle avant d’exploser en sanglots.

Aaron assistait impuissant à la scène qui se déroulait sous ses yeux. Cette femme souffrait, profondément, il le savait, il le voyait et il ne pouvait rien faire.

« Bon sang Lily, pensa t-il, vous ne pouvez pas abandonner, cette femme vous aime, votre fille a besoin de vous… »

Il s’approcha doucement de la jeune femme qui continuait de pleurer. Il posa délicatement sa main sur son épaule et s’accroupis pour tenir la main de Lily. Il prit également celle de Denise et joignit les mains des deux femmes. Denise leva les yeux vers lui et le regarda étonné.

-Vous êtes là maintenant madame Sherwood, Lily a besoin de vous maintenant aussi, elle va se réveiller et vous pourrez lui dire toutes ces choses en face.

-Vous croyez qu’elle me pardonnera ?

-J’en suis sûr, elle a sans doute souffert autant que vous et elle s’est trouvée face à la même situation que vous il me semble, une enfant très jeune.

-Elle a été soutenue par sa famille, la mienne, elle a préférée ne pas faire de vague, que personne ne sache, surtout pas.

-Alors Lily comprendra, vous n’aviez pas le choix, vous ne pouviez pas la garder et elle a trouvé une bonne famille d’accueil, ne vous inquiétez pas, Lily reviendra vers vous, je le sais, surtout si elle aime sa fille autant que vous me l’avez dit.

-Oh oui, croyez-moi, elle l’aime plus que tout.

-Alors je reste confiant, répondit le jeune homme avec un sourire.

Denise y répondit de la même manière et il se redressa.

-Je vais devoir vous laisser, ma garde va commencer.

-Très bien, vous reviendrez je pense, Elizabeth a besoin de son ange gardien.

-Je ne pense pas être un ange gardien, je fais plus de mal que de bien, surtout aux femmes.

-Je ne pense pas que se soit le cas de ma fille, vous l’avez amené ici et vous l’avez écouté, je pense que vous devez être un des hommes qui lui ai fait le plus de bien dans toute sa vie.

Aaron acquiesça et s’apprêta à sortir.

-Aaron.

Il se retourna.

-Merci, pour ce que vous m’avez dit, vous êtes vraiment un homme bon et je sais que vos erreurs seront aussi pardonnées, parce que vous le méritez.

-Merci, madame Sherwood.

Elle lui sourit.

-J’aimerai juste vous demander un petit service.

-Oui, lequel ?

-J’ai vu votre supérieur lorsque vous êtes allé chercher mes affaires, je sors dans deux jours, je ne verrai sans doute pas Lily sortir du coma.

-En deux jours ?

-Il semblerait qu’il est profond, si elle sort du coma avant que je ne parte je lui dirais tout ce que j’ai sur le cœur et je la supplierais de rentrer avec moi, mais si, si elle le fait quand j’ai déjà quitter l’hôpital, j’aimerai lui écrire une lettre, pour qu’elle sache.

-Vous ne devriez pas rentrer chez vous avant qu’elle se réveille.

-Je n’ai pas le choix, personne ne sait que je suis ici et son état peut durer des semaines, si elle se réveille.

-Mmh, je comprends, répondit le jeune homme en baissant les yeux.

-J’aimerai que vous me trouviez un stylo et un papier, s’il vous plait.

-Oui, je vous apporte ça.

-Merci.

Ils se sourirent et Aaron se dirigea vers la porte. Il se tourna une dernière fois et regarda Denise penchée sur le corps de Lily, déposant un tendre baiser sur sa tempe et lui parlant doucement.

Il décida de les laisser seules et quitta la pièce. Il rejoignit le vestiaire et se changea. Il s’adossa à son casier et ferma les yeux un instant. Il avait tellement mal au cœur. Il avait l’impression qu’il saignait dans sa poitrine, comme s’il avait été traversé de part en part avec une lame fine et aiguisée d’un couteau. Il respira profondément. Il essaya de remettre ses idées en place. Il fallait qu’il reprenne le dessus, qu’il ne se laisse pas envahir par l’émotion. Il devait effectuer son travail, ne pas penser à cette jeune femme, à la douleur de cette mère. Il devait se dire que Lily était une patiente comme une autre.

Alors pourquoi était-il si mal ? Etait-ce parce que il se sentait responsable d’elle ? Parce que c’était lui qui l’avait sortie du fleuve ? Parce qu’elle lui avait demandé de ne pas la laisser ? Parce qu’il la trouvait simplement et naturellement magnifique ? Une femme comme il n’en avait jamais vue auparavant. Une femme si jeune et dont l’âme avait été si blessée au fil des années. Une femme qu’il ne se lassait jamais d’écouter et de regarder. Une femme qui le faisait se sentir vivant et bien, simplement. Lorsqu’il se trouvait près d’elle il était en paix et serein. Il suffisait d’un de ses sourires pour le faire quitter la terre ferme. Il lui suffisait d’entendre sa voix et son rire pour savoir que le paradis pouvait exister sur terre.

Il tenait à Lily Roberts, parce qu’il l’aimait. Il l’aimait comme un fou et ce, depuis qu’il avait croisé son regard au levé du soleil, au bord du fleuve.

 

Deux jours avaient déjà passé. Denise se déplaçait à nouveau correctement. Elle devait prendre quelques cachets encore plusieurs jours, mais tout était rentré dans l’ordre. Elle quittait l’hôpital aujourd’hui. Lily ne s’était pas encore réveillée. Son état s’était néanmoins amélioré, elle respirait à nouveau seule, sans assistance. Denise avait passé presque toutes ses journées à son chevet. Elle avait appelé plusieurs fois Claudia Joy pour lui donner des nouvelles mais aussi pour en recevoir. Frank avait appelé, plusieurs fois. Son amie avait trouvé un bon nombre d’excuses pour lui sauver la mise, mais elle n’était pas sûre que Frank les ait toutes crues. Il était plus que nécessaire que Denise rentre au plus vite à Fort Marshall, elle devait reprendre son travail et les personnes qu’elle connaissait se demandaient de plus en plus ce qu’il se passait.

La jeune femme se tenait debout à coté du lit de Lily. Elle lui caressait tendrement la main et lui souriait. Son sac était posé sur la chaise à coté d’elle.

-Je vais partir Elizabeth. Katy m’attend et je dois reprendre mon travail. J’ai l’impression de t’abandonner une nouvelle fois mais, je ne peux vraiment pas rester. On veille sur toi, Aaron est là et il ne te quittera pas, je le sais. Je t’aime Elizabeth.

Elle se pencha et déposa un baiser sur sa joue. Elle se redressa en caressant tendrement ses cheveux.

-Reviens-nous vite, tu nous manque, murmura-t-elle.

Elle la regarda encore un moment et prit ses affaires. Denise se dirigea vers la porte et se tourna une dernière fois. Elle regarda le corps de la jeune femme encore endormie, puis ses yeux se posèrent sur les peluches sur la tablette à coté d’elle. Il y avait glissé sous eux, une petite enveloppe blanche sur laquelle avait été écrit le nom de la jeune femme, de la main de Denise. Celle-ci sourit et sortit, à contre cœur. Elle rejoignit le parking et monta en voiture. Aaron la rattrapa.

-Madame Sherwood, elle ne s’est pas réveillée, je suis désolé.

-Ce n’est rien, ne vous inquiétez pas, elle le fera.

-Mais, vous ne serez plus là.

-Vous si, écoutez Aaron elle aura besoin d’une personne de confiance à son réveil, je ne sais pas finalement si aurait été bon que je sois là quand elle ouvrira les yeux.

-Pourquoi dites-vous cela ?

-J’ai eu le temps d’y réfléchir ces derniers jours, Lily est une femme indépendante et fière, je ne sais pas si elle aurait apprécié me voir en ouvrant les yeux, je l’ai abandonné et elle m’en a voulu, ce que je peux parfaitement comprendre.

-Moi, j’ai vraiment du mal.

Denise rit.

-Vous ne pouvez pas comprendre Aaron, parlez en à Lily et vous verrez de quoi je parle.

Ils restèrent silencieux un moment et Denise démarra.

-Prenez soin d’elle et tenez-moi au courant.

-Bien sûr.

-Au revoir Aaron, et merci pour tout.

-Au revoir madame Sherwood.

Il s’éloigna de la voiture et la regarda partir. Il resta encore un moment sur le parking, perdu dans ses pensées, puis il rejoignit le bâtiment pour commencer une garde de plus.

Denise roulait depuis quelques minutes. Le silence était bien trop pesant. Elle alluma la radio.

but I will remember you
will you remember me?
don't let your life pass you by
weep not for the memories
 

Ce refrain, elle le connaissait. Mais où l’avait –elle déjà entendu ? L’image de Lily chantant dans sa cuisine lui revint à l’esprit. Mais bien sûr, elle l’avait entendu à cet instant.

Denise sourit et commença à chanter elle aussi.

I'm so afraid to love you, but more afraid to lose
clinging to a past that doesn't let me choose
once there was a darkness, deep and endless night
you gave me everything you had, oh you gave me light

And I will remember you
will you remember me?
don't let your life pass you by
weep not for the memories
 

( I Will Remember You- Sarah MCLachlan)

La chanson se termina et Denise garda toujours ce petit sourire sur ses lèvres. Elle se sentait mieux. L’opération s’était parfaitement bien passée. Lily allait se réveiller. Pour le moment son corps ne rejetait pas le greffon, c’était une réussite. Il fallait simplement qu’elle sorte de ce coma. Mais la jeune femme était confiante, Lily se battrai et elle vaincrait. Elle le devait, pour Katy.

Elle vit le panneau d’entrée de la petite ville de Caroline du Sud. Elle la traversa et rejoignit la base. Elle se dirigea directement chez Claudia Joy. Elle se gara dans l’allée et sortit de la voiture. Elle sourit en voyant Katy courir et jouer avec Finn, TJ, Katie et Lucas. Toutes ses amies devaient se trouver ici. Il lui faudrait parler à Claudia Joy un peu plus tard. Elle avança dans l’allée et contourna la maison. Elle apprécia entendre les cris et les rires des enfants. Ceux-ci la virent et peu de temps après, les adultes en firent de même. Katy alla immédiatement se lover contre elle pour une tendre étreinte. Claudia Joy se leva du fauteuil où elle était assise et la regarda. Denise fit un ‘non’ de la tête. Lily n’était pas revenue avec elle. Elle se sépara doucement de la fillette et la prit par la main. Elle salua les autres enfants et avança vers les adultes. Roxy, Pamela, Claudia Joy, Roland étaient là. Elle sourit et s’assit sur le fauteuil que lui désigna la maîtresse de maison.

-Tu veux boire quelque chose ?

-Une limonade avec un petit peu de citron, mmmh et je vois que tu as du gâteau au chocolat, je veux bien aussi un morceau, dit-elle en souriant.

Ses amis la regardèrent un instant, étonnés de sa réaction et Claudia Joy la servit.

-Comment s’est passée ta conférence ? Demanda Pamela à la jeune femme.

Elle échangea un regard avec Claudia Joy et répondit le plus naturellement du monde.

-Bien, dit-elle en souriant, j’ai appris des trucs intéressants.

-Apparemment c’est le cas, tu semble transformée, répondit Roxy avant de boire une gorgée du soda qui se trouvait dans son verre.

Denise ne répondit pas mais sourit.

-Mia, tu as trouvé la princesse Anastasia ?

- Anastasia ?

-Oui, Denise, tu sais la princesse du dessin animé qui a grandi chez une femme pauvre et qui retrouve sa famille des années plus tard, intervint Claudia Joy pour lui faire comprendre que la fillette parlait de sa mère.

-Ah oui Anastasia. Euh non Katy je ne l’ai pas trouvé mais je continuerai de chercher, promis, en attendant retourne jouer avec les enfants de Roxy et Pamela.

-D’accord, répondit-elle en faisant la moue.

Elle s’éloigna et Denise soupira. Elle avait eu peur que Katy parle de leur secret devant les autres. Eh puis elle l’avait appelé ‘Mia’, ses amis pouvaient se douter de quelque chose. Encore une fois elle songea à ce qu’on pourrait penser, elle avait peur que cela se sache. Mais elle comptait bien changer tout ça, assumer l’existence de Lily, crier sur tout les toits qu’elle avait une fille merveilleuse, mais pas avant que Frank ne sache, surtout pas avant.

Elle regarda Katy un instant s’amuser, surtout avec Finn.

Elle sourit et se tourna vers Roxy. La jeune femme comprit en croisant son regard.

-Oui, je sais, ils s’aiment bien.

Ils rirent tous les cinq.

-Eh bien, il commence tôt ton fils, intervint Roland.

-Oooh tu va me dire que tu n’étais pas pareil, lança Pamela, c’est dans vos gênes.

-Moi je trouve qu’ils vont bien ensembles, dit Claudia Joy en souriant.

-Oui, mais ils ont encore bien le temps, surtout ne les laisse pas aller trop vite, je ne sais pas si Lily serait d’accord d’être déjà grand-mère à trente ans, lança Denise en riant.

Tous la regardèrent un instant.

-Tu sais quelque chose sur Lily ? Demanda Roxy hésitante.

-Non, non, mais je préfère parler d’elle au présent et au futur plutôt qu’au passé, murmura Denise.

-Oui, moi aussi, lança Claudia Joy en levant son verre, elle peut revenir à tout moment finalement.

-Exactement, répondit Roxy, et à ce moment là, espérons que Finn n’ira pas lui demander la main de Katy.

Ils rirent une nouvelle fois et passèrent une bonne après-midi. Le sujet de Lily fut abordé plusieurs fois, mais Denise n’en parla pas plus précisément. Elle déclara qu’elle n’avait pas chercher à la retrouver ces quelques jours. Et même si elle se trouvait encore profondément choquée par tout ce qu’il s’était passé, il fallait aller de l’avant. Katy reprenait déjà goût aux jeux et à la vie, elle portait son appareil et devait bientôt commencer sa rééducation. Et c’était un motif suffisant pour s’en réjouir.

Tout le monde avait remarqué un changement chez Denise, mais personne n’en dit rien. Il s’était passé quelque chose pendant son absence, une chose qui l’avait changé, mais sans doute une chose positive, puisqu’elle semblait bien et en paix, alors finalement, peut importait de la nature de l’événement.

 

Le soleil apparaissait doucement au-dessus de la cime des arbres. Le jeune homme dormait encore. Il tenait fermement la main de la jeune femme dans la sienne. Trois jours. Trois jours que la mère de Lily était repartie. Trois jours qu’elle avait reprit son quotidien mais qu’elle appelait régulièrement pour savoir dans quel état se trouvait Lily. Trois jours que Aaron passait le plus clair de son temps à son chevet. Il veillait sur elle. Comme Denise lui avait demandé, comme il le souhaitait depuis si longtemps.

Elle sentait une chaleur dans sa main. Au loin dans sa tête elle voyait sa petite fille courir vers elle et l’appeler. C’était idiot. Katy ne parlait pas. Elle ne pouvait pas connaître le son de sa voix et la manière dont elle pouvait l’appeler « Maman ».

Lily ouvrit les yeux. Le soleil naissant inondait la pièce. Elle regarda se qui tenait sa main. Une autre main, bien plus grande et plus carrée que la sienne. Elle suivit sa trajectoire et vit la personne présente à ses cotés. Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Aaron était là, assoupit. Elle sourit. Elle le trouvait séduisant, quoique un brin débraillé et décoiffé, mais très séduisant. Elle le regarda un moment en silence et puis, elle essaya de se remémorer les derniers jours. Elle n’en avait aucun souvenir. Rien. Comme si cela faisait un jour qu’elle se trouvait dans cet hôpital et que Aaron l’avait sortit de l’eau. Pourtant elle se rappela parfaitement avoir eu des discussions animées avec le jeune homme. En y réfléchissant, elle se souvint avoir sentit ses mains sur son corps et avoir frissonné à ce contact. Cela faisait sans doutes des jours voir des semaines qu’elle se trouvait dans cette chambre. Lily en fit le tour. Non, ce n’était pas la même chambre. Les murs n’étaient plus de la même couleur, l’orientation des meubles non plus. Alors que s’était-il passé ?

Elle ne se sentait plus si mal. Encore une douleur aux yeux qui s’habituaient à la clarté, et cette tête qui cognait toujours. Mais plus de douleur dans le bas de son dos, elle arrivait à bouger doucement. Elle était encore un peu engourdie mais ce n’était en rien comparable à ce qu’elle avait ressentit quelques temps plutôt.

Elle ferma les yeux et respira profondément. Elle se sentait mieux. Elle avait l’impression de revivre. Etait-ce les médicaments, ou peut être un donneur ?

Elle rouvrit les yeux et continua de laisser son regard voyager dans la pièce.

A coté du lit, elle vit la tablette. Sur cette tablette…

C’était impossible. Hector, l’ourson de sa fille et ce petit lapin rose. Elle l’avait déjà vu: Denise. Denise était venue c’était évident. Qui d’autre aurait pu amener tout ça ?

Elle l’avait retrouvé. Mais elle ne l’avait pas voulu.

Lily bougea un peu plus. Aaron se réveilla et se leva d’un bond. Il se pencha sur elle et la jeune femme tourna la tête vers lui.

Il lui sourit. Elle le fit en retour, bien malgré elle. Mais la lumière du jour venait derrière son dos et elle se remémora sa première rencontre avec le jeune homme. Elle avait cru voir un ange, comme aujourd’hui.

-Lily, vous êtes réveillée.

-Apparemment.

-Comment allez-vous ?

-Euh, difficile à dire.

-Restez couchée, je vais chercher un médecin.

-Aaron…

-Quoi ?

-Elle est venue ? Demanda-t-elle en laissant l’angoisse l’envahir doucement

-Lily, calmez vous, répondit le jeune homme en caressant tendrement son front.

-Denise ? Est-elle venue ?

-Oui, répondit Aaron en murmurant.

-Nooon, gémit la jeune femme en se débattant.

-Lily, Lily, vous êtes sauvée, elle a subit l’intervention.

-Qu…quoi ?

-Elle s’est fait opérer, elle vous a donné un rein, votre mère…

Il se figea sur place en voyant les larmes couler sur les joues de la jeune femme.

-Je ne voulais pas, murmura celle-ci.

-Pourquoi ?

-Elle, elle était heureuse avant que j’arrive et je ne veux pas vivre loin de ma fille, j’aurai préférer mourir que la savoir grandir loin de moi.

-Lily, elle ne grandira pas loin de vous.

-Si, je refuse de revoir Denise.

-Co…comment ça ?

-Parce que, je n’ai pas ma place auprès d’elle.

-Lily…

-N’insistez pas, c’est clair ?

-Vous croyez faire le bon choix en refusant de revoir votre famille ?

-Laissez tomber et laissez moi tranquille, répondit la jeune femme sur un ton brusque et en se tournant avec difficulté.

-Je ne vous comprends pas, murmura Aaron en s’éloignant.

-Il n’y a rien à comprendre.

Il s’éloigna et se retourna avant de franchir le pas de la porte.

-Elle vous a laissé une lettre.

-Et alors ?

-Lisez la.

-Je me contrefiche de ce qu’elle a bien pu écrire d’accord ? Pendant des années j’ai relu et relu celle qu’elle m’avait écrite avant de m’abandonner, ça n’a rien changé, elle n’était pas là, j’avais besoin d’elle, pas de quelques mots sur un papier.

-Elle aurait voulu être là aujourd’hui.

-Elle ne l’est pas.

-Vous savez Lily, elle m’a dit que ça se passerait de cette manière.

Elle ne répondit pas et Aron sortit.

La jeune femme regarda les peluches posées à coté d’elle et elle ne put s’empêcher d’éclater en sanglots. Elle se sentait seule, si seule. Elle aurait peut être voulu la voir en se réveillant. Mais peut être que c’était mieux ainsi finalement. Denise n’avait jamais fait partie de sa vie, elle avait fait ce choix et Lily en souffrait, encore des années plus tard. Elle n’avait voulu qu’une seule chose de sa part. De l’amour. De l’amour d’une mère à sa fille. Mais maintenant, s’était trop tard.

Il s’adossa contre la porte et respira profondément. Lily était sortie du coma. Mais elle n’allait pas bien pour autant. Il y avait une chose qui la faisait souffrir. Elle ne pardonnait pas à Denise ce qu’elle avait fait. Pourquoi ? Cette femme regrettait ses actes, elle était venue lui permettre de continuer sa vie, elle s’occupait du mieux qu’elle pouvait de sa fille. Alors pourquoi réagir de cette manière avec elle ?

Oui, Aaron ne comprenait pas, il n’arrivait pas à comprendre Lily, depuis le début. Mais il se disait que coûte que coûte il apprendrait à la connaître, parce qu’elle avait besoin de ça. Elle avait besoin qu’on s’intéresse à elle et qu’on l’écoute. Qu’on lui prouve qu’elle pouvait compter pour quelqu’un. Qu’elle pouvait être aimée.

Il respira profondément et avança dans le couloir. Il trouva son ami et l’informa de l’état de Lily. Eric alla directement la voir et faire tout les tests nécessaires. Aaron se dirigea vers son casier, il y prit le numéro de Denise. Il hésita encore quelques minutes, puis, il composa son numéro…

 

Il faisait nuit déjà. Lily tournait en rond dans son lit. Elle n’arrivait pas à dormir. Pourtant elle le pouvait avec tout ce qu’on lui donnait depuis des jours. Mais son corps se réveillait enfin d’un long sommeil. Elle soupira et retira le drap qui la recouvrait. Elle regarda la perfusion qui se trouvait à coté de son lit. Doucement elle se mit sur le coté et laissa tomber les pieds du lit. Elle s’assit sur son bord et glissa doucement un peu plus. Elle s’appuya sur ses pieds et souffla. La douleur en bas de son dos était encore un peu présente dans cette position. Cela lui importait, elle savait gérer la douleur depuis longtemps déjà. Encore un effort et elle se trouva sur ses pieds. Elle avança avec difficulté et fit le tour de son lit. La perfusion ne suivait pas. Lily regarda le tube transparent. Elle ne supportait plus d’être relié, attaché à ce semblant de vie. D’un geste bref et rapide, elle l’arracha. Non, sans avoir étouffé un cri de douleur.

Elle reprit sa respiration et marcha encore un peu. Elle ne s’appuya plus sur son lit, elle marcha sans appuis, avançant ainsi très doucement. Une fois au milieu de la pièce, une douleur la cloua sur place, ses jambes ne supportèrent plus son poids et elle s’affaissa.

A présent, la jeune femme se trouvait au sol, recroquevillée sur elle-même en pleurant.

Elle pleura quelques temps, puis elle se redressa et vit l’ourson de sa fille un peu plus loin. Elle se redressa avec difficulté et atteignit la tablette du mieux qu’elle le pût. Elle se saisit de la peluche et se laissa glisser contre le mur. Assise au sol, elle tenait serré contre elle l’ourson blanc, pleurant en silence comme une petite fille meurtrie. Ses yeux se posèrent sur la petite enveloppe blanche. Elle était tombée lorsqu’elle avait prit le jouet de sa fille. Lily la regarda un moment sans bouger. Tout se bousculait dans sa tête. Ses souvenirs, ceux de son enfance, de son adolescence, de toutes les épreuves qu’elle avait dû surmonter pour se trouver face à elle, des moments de joie passés dans la petite maison de la famille Sherwood, de se que lui avait dit Aaron.

Elle tendit la main et attrapa la lettre. Elle la fit glisser entre ses doigts un moment. Elle voulait l’ouvrir et la lire, elle en mourait d’envie. Mais elle ne savait pas si c’était une bonne idée, lire ce qu’avait écrit Denise pourrait la faire souffrir encore davantage. Elle ferma les yeux un instant. Elle vit Katy. Sa seule raison de vivre depuis longtemps. Et vit le sourire de Aaron. Ce jeune homme la hantait à chaque instant. Il la mettait hors d’elle en un temps que personne ne pu faire plus court avant lui. Et pourtant, elle avait besoin de lui. Elle se sentait bien quand il lui parlait et quand il lui souriait tendrement. Elle ne voulait pas se l’avouer mais, il arrivait à la cerner, à toucher la où ça faisait mal, et la où ça faisait du bien.

Il avait raison, elle devait lire cette lettre. Elle ne pourrait pas vivre sans savoir ce que Denise lui a écrit, sans savoir la manière dont elle avait apprit son retour.

La curiosité fut un peu plus forte. Lily ouvrit les yeux et caressa l’encre avec laquelle son nom était inscrit. Elle souffla et retourna l’enveloppe. Ses longs et fins doigts virent facilement à bout du papier.

Elle ouvrit. Elle y vit l’écriture qu’elle connaissait déjà. Malgré les années, elle restait inchangée. Lily sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Denise avait écrit ces lignes. Ainsi qu’une autre, une lettre qui datait de vingt et un ans, une lettre écrite le jour de sa naissance. Denise était sa véritable mère. Une larme perla sur la joue de la jeune femme. Elle avait réussit finalement. Elle l’avait retrouvé. Elle l’avait aimé, bien malgré elle, bien malgré le fait qu’elle s’était jurée de ne jamais rien éprouver pour elle, pour cette femme qui l’avait abandonné.

Elle sortit les feuillets de l’enveloppe, il y en avait deux. Denise avait écrit beaucoup. Elle s’était déchargée de sa peine dans cette lettre.

Lily la déplia. Elle essuya les larmes qui coulaient sur ses joues et commença à lire.

« Elizabeth.

 

Quand tu liras cette lettre, cela voudra dire que je ne serais plus auprès de toi. Mais cela voudra surtout dire que tu as gagné ton combat. Et de ça, tu peux en être fière. Tout comme de Katy. Elle s’est fait opérer pendant ton absence, comme tu le voulais. Elle va bien, tout s’est bien passé. Elle t’attends avec impatience et te réserve une surprise….

Elle a besoin de toi Elizabeth. Ta fille t’aime plus que tout et elle a besoin de sa mère.

J’ai besoin de toi moi aussi.

J’ai compris que tu étais partie et que tu ne m’avais rien dis sur cette greffe pour ne pas me faire de mal, parce que tu pensais que tu ne faisais pas partie de ma vie. Mais tu as tout faux. Tu fais partie de ma vie, depuis le jour où j’ai sus que tu étais en moi. Je t’ai aimé dès cet instant et je t’aime encore aujourd’hui, je n’ai jamais cessé de t’aimer et de penser à toi. Je sais que tu m’en veux, pour tout ce que je t’ai fais, pour tout ce que tu as dû endurer pour me retrouver. Je suis désolée, j’aurai tellement voulu que tout ceci se passe autrement ! J’aurai voulu ne jamais te perdre, j’aurai voulu être là pour toi comme tu es là pour Katy. J’aurai voulu te serrer dans mes bras, encore et encore, te couvrir de baisers et d’amour, t’entendre m’appeler Maman, te voir marcher et arriver dans mes bras…J’aurai tellement voulu tout ça. Mais la vie nous a séparé, tu restes ma fille et je t’aime, qu’importe l’endroit où tu te trouves. Tu as ta place dans mon cœur Elizabeth et personne ne la prendra. Jamais. Je t’écris ces lignes alors que tu te trouves encore endormie à coté de moi. Je regrette tout ce qu’il s’est passé, te voir ici, aujourd’hui me fais mal au cœur. Je souffre parce que ma fille souffre. Parce que tu fais partie de ma chair et de mon sang. Je n’ai pas fais cette greffe par pitié ou compassion ou encore parce que je voulais que tu revienne rechercher ta fille et que tu sorte de ma vie. Non, Elizabeth, je suis venue parce que je n’ai pas arrêté de te chercher depuis ton départ, depuis que j’ai sus. Parce que je voulais que tu vives, parce que je voulais que tu découvres encore toutes les belles choses de notre monde, parce que je veux que tu sois heureuse, que tu laisses le passé pour aller de l’avant. Peut être avec moi, si tu acceptes que je fasse partie de ta vie. Tu pourras faire ton choix, Katy est avec moi, je souffrirais de la voir s’éloigner, tout comme toi, mais si c’est ce que tu as décidé, je n’interviendrais pas. Je sais que je t’ai fais du mal, j’ai le droit d’en payer le prix. Mais ne fais pas les mêmes erreurs que moi. On t’aime, et tu n’y changeras rien, même si tu pars loin et que tu tentes tout pour oublier. Tu n’oublieras jamais, crois moi, tu auras cette petite voix dans ta tête qui te répétera toujours la même chose.

 

Si tu te demandes pourquoi il se trouve deux petites peluches à coté de toi à ton réveil, je vais t’en donner une explication. Hector m’a été donné par Katy, qui attend qu’il revienne avec sa maman, mais elle voulait surtout qu’il veille sur elle. Tout comme ce petit lapin. Il a été acheté un jour ou il pleuvait des cordes. J’étais partie en rage de chez mes parents, personne n’avait pu me retenir, pas même mon frère. Je suis arrivée au centre commercial après avoir marché des minutes sous la pluie. Je me suis assise et je t’ai parlé comme je le faisais souvent. En face de moi se trouvait une boutique de cadeaux. J’ai vu ce petit lapin, je l’ai acheté avec le peu d’argent que j’avais dans ma poche. Je me suis jurée que quoiqu’il arrivait tu l’aurai, il serait ton ange gardien. Mais tout c’est passé très vite, l’accouchement et notre séparation, je n’ai jamais pu te donner cette peluche. Je l’ai gardé jusqu’à maintenant, elle m’a suivit dans chaque nouvelle ville, sur chaque base, dans chaque autre maison ou j’ai habité. Il est temps qu’il te revienne.

Tu as besoin de quelqu’un qui veille sur toi, moi je n’ai pas sus le faire. Je sais que depuis que tu trouves ici, une personne en particulier est près de toi. Une personne que tu touches en plein cœur. Ecoute ce jeune homme, il est droit et honnête. Il sait tenir tête mais aussi se courber quand on lui demande d’être souple. Je sais qu’il saura t’écouter et t’épauler, qu’importe la décision que tu prendras, il saura te diriger dans le droit chemin. Il m’a raconté votre rencontre et vos échanges, quelque chose me dit qu’il cet un ange gardien dont tu as besoin, c’est d’ailleurs grâce à lui que je suis là.

Je sais que tu ne sais pas faire confiance et je ne te blâmerais pas, avec ce qui t’est arrivé je le comprends parfaitement. Mais, crois-moi Aaron est digne de confiance. Et tu dois le laisser entrer dans ton cœur, laisse le soigner tes blessures, et laisse moi panser les plaies mal cicatrisées dont je suis la cause. Laisse nous t’aider et surtout, laisse nous t’aimer Elizabeth.

Tu ne changeras jamais ça, que tu le veuilles ou nous, ta fille et ta mère, t’aiment, d’un amour que tu ne peux même pas imaginer, tant il est grand. N’oublie jamais que je t’aime ma fille, et ce jusqu’à mon dernier souffle.

Tendrement

Denise. »

Les larmes coulaient en cascade sur les joues de la jeune femme. Elle venait de finir la deuxième page de la lettre. Cela faisait un moment qu’elle pleurait mais qu’elle refusait de s’arrêter de lire. Denise l’aimait et elle regrettait. Katy avait été opérée et n’attendait plus qu’elle. Elle avait des personnes qui l’aimaient, elle comptait, elle avait une famille. Du moins, elle en aurait une, si elle décidait de retourner à Charleston.

Elle ne pouvait pas faire ça. Il n’y avait pas seulement Denise et Katy, il y avait son passé et le mal qu’elle pouvait faire à ces deux personnes ainsi qu’à celles de l’entourage de Denise, son fils, son époux. Denise n’en avait pas parlé dans sa lettre. Qu’est-ce que cela pouvait signifier ? Leur avait-elle déjà parlé de son existence ? Leur avait-elle dit qu’elle avait eu une fille ? Allaient-ils l’accepter ?

Tellement de questions traversaient l’esprit de la jeune femme, elle ne savait plus quoi penser. Elle se laissa aller aux larmes une fois de plus. Elle était épuisée.

On entra dans la chambre. Aaron la vit, assise contre le mur en pleurant, serrant contre elle la lettre, l’ourson se trouvant à ses cotés. Il n’hésita pas une seule seconde et se mit à genoux à coté d’elle. Il posa délicatement sa main sur son épaule. La jeune femme leva les yeux. Elle plongea son regard dans le sien.

Denise lui avait dit d’ouvrir son cœur, et puis, c’était le moment, elle ne pouvait plus lutter. Elle éclata en sanglots et se blottit contre le jeune homme. Celui-ci l’accueillit contre son torse et referma ses bras puissants autour de sa taille. Il enfouit la tête dans les cheveux de Lily qui blottit son visage au creux de son cou. Elle continuait de pleurer et Aaron caressa tendrement ses cheveux en lui murmurant de se calmer, que tout irait bien. Qu’il était là…

 

Ils étaient enlacés depuis plusieurs minutes déjà. Lily s’était calmée, mais elle refusait de briser cette étreinte. Aaron l’avait comprit et ne s’était pas éloigné un seul instant. Ils n’avaient pas parlé, ils restaient simplement assis sur le sol, en silence. La jeune femme leva doucement la tête et Aaron s’éloigna un peu pour la regarder. Les marques humides étaient toujours présentes sur les joues de Lily. Aaron les essuya du bout des doigts et Lily lui sourit timidement. Il glissa sa main sur son visage pour une douce caresse. Lily ferma les yeux. Aaron la regarda un moment, toujours sa main sur sa peau.

-Lily, murmura le jeune homme, Lily, il faudrait que vous retourniez dans votre lit.

La jeune femme ouvrit à nouveau les yeux et plongea son regard dans le sien.

-Je préfère rester ici, répondit-elle en souriant.

-Lily, soupira Aaron.

-J’ai été dans ce lit des jours entiers, s’il vous plait Aaron, j’aimerai rester encore un peu là.

-Très bien, murmura le jeune homme, mais que quelques minutes encore, je dois vous remettre votre perfusion et vous devez vous reposer.

Elle acquiesça en souriant et il lui rendit son sourire. La jeune femme s’éloigna d’Aaron, quittant ses bras protecteurs, mais restant toujours à proximité de lui. Elle regarda ses mains qui avaient pris place sur ses genoux.

-J’ai lu la lettre, commença Lily dans un murmure. Elle…elle me dit que Katy s’est fait opérée.

-Opérée, pourquoi ?

-Katy est, enfin était sourde, je n’ai jamais pu payer l’intervention, la rééducation et les appareils dont elle a besoin. Quand je suis partie, Denise s’est occupée d’elle et a fait ce que je n’ai jamais pu faire. Je savais que je faisais bien de la lui confier, avec elle, elle sera heureuse.

-Vous ne comptez pas la laisser chez elle. C’est votre fille et elle a besoin de sa mère, qui, mieux que vous pourrai dire le contraire ?

Lily releva le visage et le regarda étonnée.

-Comment savez-vous que Katy est ma fille ?

-Votre mère me l’a dit.

Elle soupira et baissa les yeux une nouvelle fois. Aaron passa sa main sous son menton et le leva doucement.

-Lily, j’ai beaucoup parlé avec Denise, je sais beaucoup de choses sur vous et je vous demande de m’excuser pour tout ce que je vous ai dit.

-Vous savez beaucoup de choses ? Et vous n’êtes pas parti en courant ?

Ils rirent doucement tout les deux et Aaron reprit.

-Non, vous voyez, je suis bien là, je sais que Denise ne m’a pas tout dit.

-Elle ne sait sans doute pas tout, non plus. Soupira Lily.

-Vous voulez peut être me dire ce qu’elle ne m’a pas dit ?

-Non, je crois que je ne pourrais pas en parler, pas pour le moment en tout cas.

-Très bien, mais vous ne resterez sans doute plus très longtemps ici, alors, si jamais vous voulez en parler, il faudra vous décider assez vite.

Ils se sourirent et Lily reprit la parole.

-Je sortirais dans combien de temps ?

-Trois, quatre, cinq jours, à vous de décider.

-Il faudrait déjà que je sache où aller.

-Lily, on vous attend à Charleston.

-Je, je ne sais pas si je veux y retourner.

-De quoi avez-vous peur ?

-De la vérité.

-J’aimerai vous posez une question, ne vous fâchez pas s’il vous plait.

-Oh, déjà je n’aime pas ça.

-Qu’avez-vous fait de si infâme pour que vous puissiez avoir peur de la vérité ?

-C’est personnel Aaron. Je suis désolée mais je vous l’ai dis, je ne peux pas en parler.

-Ok, mais croyez-vous que cette vérité pourra changer l’amour qu’on vous porte ?

-Je ne sais pas, mais en tout cas elle pourrait changer la réaction que les gens ont à mon égard.

-Même Denise ?

-Même Denise, répéta Lily en baissant une nouvelle fois les yeux.

Elle sentit la douleur réapparaître doucement. Elle avait mal, elle n’était plus sous perfusion et le produit ne faisait plus effet dans son corps. Elle ferma les yeux un court instant et respira profondément. Aaron remarqua que quelque chose n’allait pas. Il lui prit délicatement ses mains dans les siennes et la jeune femme ouvrit les yeux.

-Venez, je vais vous reconduire jusqu’à votre lit et je vais vous remettre cette perfusion.

Lily acquiesça et Aaron se leva. Il lui lâcha les mains et l’aida à se remettre sur ses pieds. Une fois debout, la jeune femme chancela et il la rattrapa avant qu’elle ne s’écroule une nouvelle fois. Il la tenait contre lui, par la taille. Leurs corps étaient appuyés l’un contre l’autre. Ils pouvaient sentir un frisson qui les traversa tout les deux à cet instant. Les deux jeunes gens se regardaient dans les yeux, sans rien dire. Cette proximité les mettait tous les deux mal à l’aise, mais ils se sentaient si bien.

-Aaron, est-ce que vous êtes de garde ce soir ?

-Non.

-On vous attend quelque part ?

-Non.

-Est-ce, est-ce que vous pourriez rester ici avec moi ? Je crois que je vais avoir besoin de mon ange gardien, répondit timidement la jeune femme.

-Votre ange gardien ? Je ne sais pas si je vais vous vexer en disant cela mais, votre mère me disait la même chose, que j’étais votre ange gardien.

-Eh bien, la modestie ne vous étouffe pas, lança Lily.

-Je savais que j’allais vous vexer, dit-il en s’éloignant un peu.

-Non, non, je ne suis pas vexée. Denise avait sans doute raison.

Ils se sourirent et Aaron l’attira un peu plus contre lui.

Leurs visages s’approchèrent doucement l’un de l’autre. Ils ne se trouvaient qu’à quelques millimètres. Ils se sourirent et Aaron déposa un chaste baiser sur les lèvres de Lily. Une seconde, juste une seconde leurs lèvres se touchèrent. La jeune femme sentit son cœur s’accélérer dans sa poitrine. Aaron s’éloigna et se pencha pour la prendre dans ses bras. Il la porta jusque sur le lit et elle s’y coucha. Elle tendit son bras et il lui remit la perfusion. Une fois fait, il reposa l’ourson et la lettre sur la tablette à coté du lit. Lily les regarda un instant. Elle sourit. Il y a longtemps qu’elle ne se sentait pas aussi bien. Mais elle ne savait toujours pas quoi faire. Elle mourrait d’envie de serrer sa fille dans ses bras, mais elle avait peur de ce que son retour auprès d’elle pourrait avoir pour conséquences. Aaron s’assit sur le fauteuil à coté d’elle et la regarda.

A présent, elle fixait le plafond, perdue dans ses pensées.

-A quoi songez-vous ? Demanda le jeune homme.

-A ma vie, répondit la jeune femme sans le regarder, il s’est passé tellement de choses et je me retrouve ici avec vous, elle tourna la tête vers lui et lui sourit, je n’aurai jamais pensé encore il y a quoi, cinq ans, que ma vie serait celle que j’ai aujourd’hui.

-On ne peut jamais savoir comment sera notre futur.

-Vous ne vous voyez pas déjà un grand chirurgien ?

-Oh, peut être maintenant, mais ça n’a pas toujours été le cas.

-Vous savez presque tout de moi, je ne sais rien de vous.

-Ce serait long de tout dire.

-Allez à l’essentiel, j’ai trois jours, répondit Lily en souriant.

Il sourit lui aussi et lui prit la main. Il commença son récit. Il avait une multitude de choses à dire. Lily lutta, de longues minutes, elle voulait savoir, tout savoir sur la vie du jeune homme, mais elle s’endormit d’épuisement. Apaisée et entourée. Aaron ne quitta pas son chevet de la nuit. Il tenait sa main, sans la lâcher une seule seconde. Sans la quitter du regard, en pensant à ce qu’il s’était passé ce soir là dans cette chambre. Une étreinte, un baiser. Il n’avait pu lutter contre ce qu’il s’était passé au plus profond de lui-même lorsque Lily s’était trouvée dans ses bras. Il n’avait pu s’empêcher de lui déposer un doux baiser sur ses lèvres. Sur ces lèvres sucrées qu’il désirait caresser depuis longtemps déjà. Mais il s’était rapidement éloigné d’elle. Il ne voulait pas s’attacher encore plus à la jeune femme.

Bientôt elle repartira, elle le laissera seul et il ne voulait pas souffrir davantage.

 

Denise et Katy se trouvaient sous la véranda de la maison de la jeune femme. Elles étaient assises l’une en face de l’autre. La petite fille venait de finir son petit déjeuner et Denise l’avait regardé manger en silence.

Voilà déjà quatre jours que Lily était sortie du coma. Denise l’avait apprit par Aaron qui l’avait appelé. Mais depuis, rien, aucune nouvelle. Elle ne savait pas si sa fille allait revenir, si elle était déjà repartie pour une autre ville.

Elle soupira. Au moins elle était en vie. C’était déjà une bonne nouvelle. Elle savait qu’elle avait lu sa lettre. Aaron lui avait dit. Peut être allait –elle lui pardonner ?

Elle l’espérait de tout cœur. Elle avait besoin d’elle dans sa vie, plus que jamais. Elle s’était imaginée la rencontrer un jour. Elle avait élaborée différents scénarii, elle avait même faillit entamer des recherches une fois. Mais rien n’avait pu la préparer à ce qu’il s’était passé. Absolument rien ne pouvait laisser entendre la vie qu’avait pu avoir la jeune femme.

Denise sortit de ses pensées. Elle entendit des roues de voitures dans la rue. Elle tourna machinalement la tête, comme elle le faisait depuis des années déjà. La voiture ne s’arrêta pas et continua sa route.

Il se passa encore quelques minutes. Denise se perdit une nouvelle fois dans les recoins de sa tête entre souvenirs et espoirs. Katy leva les yeux vers elle.

-Mia, ça va pas ?

-Si, si ma puce, répondit Denise en souriant doucement, alors, tu es prête pour qu’on reprenne là où on s’était arrêté hier ?

-J’y arrive pas, fit-elle en faisant la moue.

-Katy, je t’ai dis que ça prendrait du temps, tu te débrouille déjà très bien.

La fillette ne répondit pas et regarda la surface lisse de la table. Une nouvelle voiture passa dans la rue, mais elle ralentit et s’arrêta devant la maison de la famille Sherwood. Denise sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Qui était-ce ? Lily ? Frank ? Jeremy ? Venait-on lui dire qu’elle allait retrouver sa fille ou allait-on lui annoncer qu’elle avait perdu son mari ou son fils ?

Elle se leva et sortit. Elle vit la voiture qui était arrêtée. Elle respira profondément. Dieu merci, aucune mauvaise nouvelle.

Un jeune homme avança vers elle. Il portait une casquette grise ainsi qu’une combinaison de la même couleur. Il avança vers elle en souriant, tenant un immense bouquet de roses.

-Madame Sherwood ?

-Oui.

-Voilà, c’est pour vous.

Elle prit le bouquet et regarda la petite carte qui s’y trouvait.

-Vous avez juste à signer ici, lui dit le jeune homme en lui présentant la feuille.

Denise signa et leva les yeux vers lui.

-Merci, répondit-elle en souriant.

-Je vous en prie, bonne journée madame.

-Bonne journée à vous aussi, répondit la jeune femme avant qu’il ne parte et ne remonte en voiture.

Denise retourna vers la maison en souriant. Elle savait de qui venait ce bouquet. Il le faisait souvent lorsqu’il ne pouvait pas être là. Lorsqu’il ne pouvait pas lui offrir ce bouquet lui-même le jour de son anniversaire.

Elle huma les fleurs. Des roses rouges, et des roses. Elle arriva sous la véranda et reprit sa place à table. Elle ouvrit le mot et lu avec attention.

 

 

 

« A la femme de ma vie.

Je te souhaite un joyeux anniversaire mon amour, j’aimerai pouvoir être auprès de toi pour t’offrir ces quelques roses…une rouge pour chaque année de ta vie, un rose pour chaque année que j’ai eu le bonheur de passer à tes cotés.

Je t’aime

Frank. »

Un sourire illumina le visage de la jeune femme. La petite fille se leva et se tint à coté d’elle.

-Tu vois Katy, c’est de Frank.

-Il t’offre de belles fleurs ton amoureux.

-Oui, elles sont superbes.

-Pourquoi il te donne ça ?

-Parce que aujourd’hui.., c’est mon anniversaire.

-C’est vrai ?

Denise acquiesça et la petite fille poursuivit.

-Tu as quel âge ?

-Oh, eh bien beaucoup plus que toi, dit-elle en riant.

-Tu veux pas me dire ?

Elle rit et se pencha à son oreille. Lorsqu’elle se redressa la fillette souriait.

-Mais tu ne le dis à personne, d’accord ?

-Pourquoi ?

-Comme ça tout le monde croit que je suis plus jeune.

-Et ça fait quoi ?

-Ca fait que, ça fait plaisir.

Elles rirent toutes les deux et Katy fit ‘oui’ de la tête.

-Promis Mia je dirais pas.

Elle sourit et rentra pour mettre le bouquet dans un vase qu’elle posa sur la table de la salle à manger. La fillette la regarda un moment sans bouger. Denise remarqua son attitude inhabituelle et revint à sa hauteur où elle se mit à croupis.

-Ca ne va pas Katy ?

-J’ai pas de cadeau pour toi.

-Ce n’est pas grave ma puce, tu ne savais pas que c’était mon anniversaire.

Elle fit une moue et Denise la serra dans ses bras. Après cette tendre étreinte, elle se sépara un peu d’elle.

-Tu es là Katy, c’est déjà un très beau cadeau.

-Et si j’arrivais à dire « je t’aime », ça te fera plaisir ?

-ah oui, tu as raison, ce serait encore un plus joli cadeau.

-Alors viens, on recommence.

Elle la prit par la main et elles sortirent toutes les deux une nouvelle fois. Denise s’assit en souriant. Katy prit place en face d’elle.

-Allez Mia.

-D’accord, alors, regarde bien mes lèvres et écoute bien.

-Oui.

-Je t’aime, articula la jeune femme. Je refais : je t’aime. Allez essaie.

-E’…aim.

-Presque Katy, encore une fois, comme on a dit. Concentre toi. Je…

-Jjj… e

-T’aime.

-T’… m.

Il se passa de longues minutes où Katy répétait ce que Denise lui disait. La fillette hachait les mots, mais la progression était nette.

-Super. Allez encore une fois en entier. Je t’aime.

-Jjj… e… t’… aim.

-Bravo. Tu as réussi, ma puce, lança Denise en souriant, il faudra encore t’entraîner mais c’est déjà génial.

Elle se leva et la prit dans ses bras.

-Tu m’a fais un très beau cadeau, Katy, merci.

La fillette rougit doucement et baissa les yeux.

-Ne sois pas gênée, je te dis la vérité.

-Mia, est ce que je peux essayer de dire, « Mia je t’aime » ? Comme on fait hier ?

-Oui, vas y.

La fillette respira profondément et ne quitta pas le regard chocolat de la jeune femme en face d’elle, comme pour y puisez tout le courage dont elle avait besoin. Denise articula en silence pour l’aider encore un peu.

-Mi… a… e… t’… aim.

-Moi aussi je t’aime très fort mademoiselle, répondit Denise en lui caressant tendrement le nez.

-Maintenant maman peut revenir, je peux lui dire.

Elles se sourirent et Denise la prit dans ses bras. Elle ferma les yeux un court instant.

-Je suis fière de toi Katy, murmura Denise en caressant ses cheveux, et ta maman le serai aussi.

Il se passa quelques minutes avant qu’elle ne décide d’arrêter leurs exercices. Katy devait encore apprendre beaucoup de choses et surtout les bases. Mais Denise ne préféra pas aller trop vite avec elle. Elle la laissa donc jouer et lui promis qu’elles reprendraient les exercices le lendemain.

La jeune femme reçut plusieurs appels ce matin là. Ses amis lui souhaitèrent un joyeux anniversaire. Claudia Joy appela pour lui dire qu’elle viendrait en début d’après midi l’aider à tout préparer pour la petite fête qu’elle avait prévue pour son amie. Peu de personnes y étaient conviées, les amis les plus proches du couple Sherwood, ainsi que quelques collègue à la jeune femme. La petite fête aurait lieu dans le jardin de celle-ci. Il faisait encore beau et chaud pour la saison en Caroline du Sud. Et ils avaient tous besoin d’une après-midi de détente entre amis. Surtout Denise…

 

La jeune femme était assise sur ce banc depuis de longues minutes déjà. Elle avait les yeux fermés, savourant la douce caresse du vent, et s’abandonnant à la chaleur du soleil sur sa peau. La matinée était déjà presque terminée, elle avait pu quitter l’hôpital le matin même. Mais elle avait voulu l’attendre, le voir une dernière fois. Il fallait qu’elle lui dise avant de partir.

Lily portait un jeans et un T-shirt noir. Denise lui avait apporté lorsqu’elle était venue. Elle tenait également un petit sac dans lequel avaient prit place, les deux peluches et ses papiers d’identité. Elle serrait fermement dans ses mains la lettre écrite de la main de sa mère. Elle la regarda une dernière fois et la replia. Elle avait prit sa décision.

Aaron se gara sur le parking, il descendit de sa voiture de sport et se dirigea vers l’hôpital pour commencer sa garde. Avant, il voulait passer un peu de temps avec Lily, juste quelques minutes. Il savait qu’elle devait repartir d’un jour à l’autre, et il voulait la voir le plus souvent possible avant son départ.

Lorsqu’il approcha du bâtiment, il vit cette silhouette familière assise sur un banc. Il s’avança vers elle la regarda un instant. Lily était perdue dans ses pensées, comme à son habitude.

Elle pensait à lui. A ce jeune homme qui l’avait sortit de l’eau et avec qui elle avait passé des heures à parler de choses et d’autres. Elle avait enfin appris un peu plus sur lui.

Aaron était un peu plus âgé qu’elle. Il était issu d’une riche famille vivant à San Diego. Sa mère était une grande avocate et son père, était PDG d’une importante firme automobile. Il n’avait jamais manqué de rien, sauf d’amour et d’affection, qu’il cherchait depuis son adolescence auprès des femmes. Lily et lui-même estimèrent qu’ils n’avaient rien en communs. Absolument rien, mais pourtant, ils se sentaient si bien ensembles. Aaron avait quitté sa famille très tôt pour vivre sur la côte Est. Et puis, il voulait devenir médecin, sauver des vies, en améliorer d’autres, faire le bien tout simplement. Sans penser à l’argent qui était un moteur important dans sa famille depuis toujours et que lui ne cherchait guère.

-Bonjour.

Lily sortit de ses pensées par la voix du jeune homme. Elle tourna la tête vers lui et lui sourit. Il en fit de même et s’assit à ces cotés.

-Bonjour, qui vous a permis de vous asseoir, j’attends peut être quelqu’un, dit-elle en riant.

-Oui, bien sûr, nous attendons tous quelqu’un, répondit Aaron.

Ils se regardèrent un moment en souriant et le jeune homme reprit.

-Vous partez ?

-Oui, on me libère, alors je m’en vais, j’en profite, pas qu’ils changent d’avis.

Ils rirent tous les deux et c’est Aaron qui reprit son sérieux en premier.

-Vous êtes sortie depuis longtemps ?

-Une heure et quarante-cinq minutes.

-Vous attendez vraiment quelqu’un ?

Elle rit.

-Je vous attendais vous, je voulais vous voir avant de repartir.

-Pour Charleston ?

-Oui, répondit Lily dans un murmure, je rentre à Charleston, je vais retrouver ma fille.

-Et pour votre mère ?

-Je ne sais pas encore.

-Lily…

-Je pense qu’une discussion sera inévitable, mais pour le moment je ne me pose pas trop la question, je veux revoir ma fille. Je resterai là-bas quelques temps pour décider de ce que je ferai.

-Vous faites le bon choix.

-J’espère que vous avez raison.

-Oui, j’ai raison.

Il lui prit les mains dans les siennes et les caressa tendrement.

-Je vais y aller Aaron, je dois prendre le bus, j’arriverai en fin d’après-midi là bas.

-Je peux vous conduire à l’arrêt si vous le voulez.

-Ce n’est qu’à deux rues d’ici, je peux parfaitement marcher vous savez, je suis totalement guérie, enfin en dehors du fait que j’ai le droit de prendre des médicaments à vie.

-Eh bien, je marche avec vous. Et vous savez prendre des médicaments, finalement c’est peu de choses si on veut vivre auprès des personnes qu’on aime.

-Oui, sans doute, murmura la jeune femme.

-Laissez moi vous accompagner jusqu’à l’arrêt.

-Vous n’êtes pas de garde ?

-Si, mais je suis en avance. Eh puis, je suis votre ange gardien vous avez oublié ? Je ne voudrais pas qu’il vous arrive quelque chose.

-Ok, très bien, alors, allons-y monsieur l’ange, répondit la jeune femme en souriant.

Ils se levèrent et Lily prit ses affaires sur le dos. Elle refusait qu’Aaron les lui porte. Il n’avait pas insisté, il commençait à connaître la fierté et l’indépendance de la jeune femme.

Ils marchèrent en silence jusqu’à la gare routière. Lily prit son ticket pour Charleston et attendit. Le bus arrivait déjà. Elle se tourna vers le jeune homme.

-Au revoir Aaron et merci pour tout.

-Au revoir Elizabeth, prenez soin de vous.

-Promis, je ferai attention.

-N’oubliez pas que vous avez une petite fille, j’ai vu sa photo et cette adorable petite puce a besoin de sa mère. Je sais que vous lui manquez et qu’elle vous aime infiniment, Denise m’en a beaucoup parlé. Ne laissez pas tomber cette petite fille, elle a vraiment besoin de vous.

Lily était émue par les paroles que venait de dire le jeune homme. Elle sourit timidement et sentit les larmes naître dans ses yeux et couler doucement sur ses joues.

-Merci, murmura-t-elle avant de se blottir contre le torse d’Aaron.

Il sourit et resserra ses bras autour d’elle. Tous deux apprécièrent cette étreinte pendant quelques minutes.

-Faites attention, et ne m’oubliez pas, dit-il dans un souffle.

La jeune femme se redressa et ancra son regard dans celui d’Aaron.

-Je ne pourrai jamais vous oublier, murmura-t-elle, mais vous, ne m’oubliez pas non plus.

Ils se sourirent. Et la jeune femme s’approcha un peu plus. Elle ferma les yeux et déposa un doux baiser sur les lèvres du futur médecin. Ils restèrent enlacés, leurs lèvres se caressant tendrement avant de se goûter, une seconde, encore juste une seconde.

Lily sentit un frisson parcourir tout son corps. Aucun homme n’avait sût la faire frissonner comme Aaron le faisait de temps en temps en s’approchant d’elle. Pourtant il ne faisait que la frôler, rien de plus.

-Au revoir, dit-elle une nouvelle fois sur ses lèvres avant de partir.

Elle rejoignit le bus sans se retourner, les larmes toujours bien présentes sur ses joues. Au moment de monter dans le véhicule elle ne put s’empêcher de s’arrêter un instant. Il fallait qu’elle le regarde une dernière fois. Aaron la regardait en souriant et lui fit un bref mouvement de main. Lily y répondit et elle entendit un faible « Bonne chance » avant de monter les marches et de prendre place dans le bus.

Elle s’assit et ne quitta pas des yeux le jeune homme encore dehors. D’autres personnes montèrent à leur tour. Aaron ne bougea pas jusqu’à ce que le bus démarre.

Lily se retourna pour le voir jusqu’au dernier moment. Elle voulait se souvenir de lui, se souvenir de son sourire, de la sensation de ses bras protecteurs autour de sa taille, de la chaleur de son étreinte, de sa voix…

La journée touchait à sa fin. Denise se trouvait dans son jardin. Elle était entourée de tous ses amis. Katy jouait avec les enfants de Pamela et Roxy depuis de longues minutes déjà. La journée s’était parfaitement bien passée. Elle avait eu de nombreux appels et de nombreux cadeaux. Claudia Joy avait tout préparé d’une main de maître pour que la fête soit au rendez-vous. Pour que la jeune femme se détende un peu après tout ce qu’il s’était passé. Mais il resta quelques instants où elle remarqua que Denise n’était pas tout à fait présente avec eux. Elle semblait ailleurs et regardait régulièrement la rue, espérant peut être y voir un de ses enfant ou peut être une autre personne.

-Denise ?

-Mmh, oui ?

-Tu penses que Frank pourrait venir ?

-Pourquoi dis-tu ça ? Il est en Irak Claudia Joy.

-C’est juste que tu n’arrêtes pas de regarder en direction de la rue, comme si tu t’attendais à une visite, je pensais…

-Non, je ne m’attends pas à ce que Frank vienne, dit-elle en soupirant.

-Lily ?

-Peut être oui, murmura-t-elle en regardant une nouvelle fois dans la direction de la rue, c’est stupide, je sais, dit-elle avait de rejoindre d’autres personnes et sans attendre la réponse de son amie.

Celle-ci resta encore un instant seule à regarder les enfants jouer et en particulier Katy.

Elle espérait sincèrement que la mère de celle-ci allait revenir, pour Katy, et pour Denise aussi. Elle savait à quel point son amie souffrait de cette situation, comme elle devait en souffrir depuis des années sans doute. Mais à présent, c’était beaucoup plus douloureux. Elle avait eu le bonheur de la rencontrer, mais elle n’avait su à aucun moment qu’elle était sa fille. Lorsqu’elle avait apprit la nouvelle, elle avait également appris qu’elle était malade et qu’elle avait eu un passé difficile. Elle avait quitté l’hôpital avant de pouvoir lui parler et lui dire ce qu’elle avait sur le cœur, et maintenant, elle attendait avec angoisse de savoir si elle la reverrait un jour. Claudia Joy soupira et rejoignit elle aussi les autres invités pour que la petite fête continue. Elle ne pouvait rien faire de plus de toute manière. Il fallait espérer, ne jamais cesser d’espérer.

Le bus s’était arrêté à coté de la base. Des personnes en étaient descendues. Lily en fit de même. Elle regarda les autres voyageurs être accueillit par des amis, ou des personnes de la famille. Elle, n’avait personne. Elle reconnut une jeune femme à qui elle avait aidé à déménager. Celle-ci la vit immédiatement et fut heureuse de savoir qu’elle était revenue. Elle avait beaucoup en tendu parlé d’elle à la radio de la base.

Lily lui demanda si elle pouvait lui rendre un service en échange de celui qu’elle lui avait rendu quelques mois plus tôt, la faire entrer dans la base. Elle n’avait aucune autorisation nécessaire pour le faire toute seule. Et elle devait voir Denise et Katy.

La jeune femme accepta et elle la déposa, quelques minutes plus tard, au bout de la rue de la maison de la famille Sherwood. Lily la remercia et elles se quittèrent. Elle resta encore un moment debout, ne sachant pas quoi faire. Bien sûr, elle savait qu’elle devait y aller. Elle sentait son cœur se serrer dans sa poitrine rien qu’en pensant que sa fille se trouvait si près d’elle. Qu’elle pourrait bientôt la prendre dans ses bras à nouveau.

Elle respira profondément et avança en direction de la petite maison en briques rouges. Qu’allait-elle pouvoir dire ? Qu’allait –elle faire en se retrouvant devant Denise ? Quelle serait sa réaction ?

Tant de questions traversèrent son esprit. Lily continua d’avancer doucement sans quitter la maison des yeux.

-Allez Lily, ne recules pas, murmura-t-elle pour elle-même, ne fais pas marche arrière, tu veux revoir ta fille, c’est le seul moyen, alors courage.

A présent, elle se trouvait en face de la maison. Elle voyait des personnes dans le jardin derrière le petit bâtiment, plusieurs voitures arrêtées. Elle entendait les enfants crier et rire. Elle sourit. Elle venait de voir la chevelure sombre de sa fille passer derrière la véranda.

Katy s’arrêta nette. Elle avait cru voir sa mère. Elle se retourna et regarda une deuxième fois. C’était bien elle, elle se tenait sur le trottoir et la regardait en souriant.

Katy sourit jusqu’aux oreilles et couru dans sa direction. Lily lâcha le sac qu’elle tenait et se mit à genoux sur le sol. La fillette arriva comme un boulet de canon et se lova dans ses bras. Lily l’accueillit contre elle et referma ses bras autour de sa taille.

–Mon bébé, murmura la jeune femme en fermant les yeux, je suis tellement désolée mon cœur, Katy…

Elle caressait tendrement ses cheveux et elle sentit les larmes couler une nouvelle fois sur ses joues. Elle enfouit le visage dans les cheveux défaits de Katy et continua de pleurer en silence.

-Denise, Denise, lança Claudia Joy qui avait assisté à la scène de loin.

Celle-ci arriva à la hauteur de son amie et la regarda étonnée.

-Lily, murmura Claudia Joy.

Denise regarda une fois de plus vers la rue. Elle y vit Katy et Lily enlacées, pleurant dans les bras l’une de l’autre

-Co…comment, articula difficilement la jeune femme, comment a-t-elle pu venir sur la base ?

-Denise, c’est Lily, ta fille, elle a enduré beaucoup plus de choses que de simplement pouvoir entrer sur une base militaire.

-Oui, c’est vrai, murmura Denise sans bouger.

La fillette se sépara un peu de sa mère. Elles se sourirent et Lily caressa tendrement le bout du nez de la fillette. Celle-ci la regarda en souriant et se concentra.

-M’ man…e…t’….aim, articula difficilement Katy.

-Oh mon Dieu, Katy, tu parle, tu parle ma puce.

Lily sourit largement.

-Mon cœur, oh chérie, je t’aime moi aussi, pardonne moi d’être partie, je t’aime tellement, dit-elle avant de la prendre dans ses bras une nouvelle fois.

Katy se laissa faire et enfouit son visage dans le creux du cou de Lily. Elle l’embrassa tendrement sur la tête et leva les yeux vers la personne qui se tenait un peu plus loin. Denise s’était approchée, mais se tenait toujours à une distance respectable pour ne pas les déranger.

Lily lui sourit et lui murmura un timide « merci ».

Denise acquiesça. Lily regarda une fois encore sa fille qui se trouvait toujours contre elle. Puis elle leva les yeux à nouveau vers sa mère. Elle lui tendit doucement sa main et la laissa ouverte. Denise sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Lily lui indiquait qu’elle la voulait près d’elle. Alors, elle avança doucement jusqu’à elles. Ses jambes tremblaient et elle retenait difficilement les larmes d’émotion qui naissaient dans ses yeux chocolat. Elle glissa sa main dans celle de la jeune femme et se mit elle aussi à genoux. Les doigts de Lily se resserrèrent sur les siens. Denise éclata en sanglot et Lily l’attira contre elle pour qu’elle partage leur étreinte. Denise passa une main sur la joue de la jeune femme.

-Elizabeth, murmura-t-elle d’une voix en proie à l’émotion.

Lily lui sourit et elle posa son front contre le sien.

Katy leva la tête et regarda la plus âgée des deux femmes.

-Elle est revenue Mia, je te l’avais dis.

-Oui, Katy, elle est revenue, répondit-elle.

Elles se sourirent et s’étreignirent toutes les trois. Lily enfouit son visage dans le cou de Denise et celle-ci ferma les yeux.

Lily était revenue. Elle était en vie. Elle se trouvait dans ses bras. Tout portait à croire qu’à présent tout irait mieux pour elles. Même si Frank ne savait toujours rien, et si elle avait peur de sa réaction, elle était heureuse. Heureuse de pouvoir serrer dans ses bras sa fille et sa petite fille.

Plus loin, tous les invités avaient remarqué qu’il se passait quelque chose d’inhabituel. Ils se trouvaient tous regroupés autour de Claudia Joy qui souriait largement.

Aucun n’avait parlé. Aucun d’eux ne savait ce qu’il se passait réellement. Denise était plus proche que jamais avec la jeune femme ce qui en intrigua plus d’un, mais personne ne dit rien.

Claudia Joy savait, elle était la seule, et pour le moment elle n’en parla pas, elle se contentai de regarder ces trois personnes ; deux filles, deux mères, mais un seul et unique amour…

 

 

Fin de la deuxième partie


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