Julia R.
 
 

 

Les deux femmes étaient assises à la table de la cuisine. Elles avaient ouverts plusieurs cartons qui appartenaient à Lily. Denise tenta de faire du tri dans tous les papiers qui se trouvaient devant elle pendant que Claudia Joy cherchait des informations de son coté. Le téléphone sonna et Denise se leva d’un bond. Elle l’attrapa et décrocha.

-Madame Sherwood ?

-Hey, bonjour madame Sherwood, fit une voix grave à l’autre bout du fil.

-Frank ! Dit Denise dans un souffle.

-Ca fait du bien d’entendre ta voix mon amour.

-Moi aussi.

-Désolé, je n’ai pas répondu à tes mails, j’avais beaucoup d’exercices ces derniers temps.

-Ce n’est pas grave, comment ça va ?

-Ca va, tu me manques et j’aimerai rentrer chez nous mais, pour moi tout va bien, ne t’inquiète pas.

Denise ferma les yeux un court instant. Elle était rassurée de l’entendre à l’autre bout du fil.

-Tu me manques aussi, chaque jour, si tu savais.

-Je rentrerai bientôt.

-Quand ?

-Je n’ai pas encore de date mais je rentrerai chérie.

-Je l’espère.

-Fais moi confiance, alors que se passe t-il à Fort Marshall ?

-Oh eh bien, rien de très différent tu sais.

-Tu t’occupes d’une petite fille à ce que j’ai appris ?

-Une petite fille ? Demanda Denise le plus naturellement du monde en espérant que son époux ne sache pas ce qui était en train de se passer.

-Oui, une fillette, te connaissant tu la garde pour une amie, n’est ce pas ? Dit-il en riant.

-Oui, euh, elle travaille alors je lui rends ce petit service.

-C’est tout toi, tu es un ange mon cœur.

Elle sourit et jeta un œil en direction de son amie.

-Dis-lui, murmura celle-ci.

Denise fit non de la tête.

-Chérie je vais devoir te laisser. Denise ?

-Oui je suis encore là.

-La liaison est mauvaise et d’autres attendent.

-D’accord.

-Je suis désolé, je t’aime mon amour.

-Moi aussi je t’aime.

-Passe le bonjour à Claudia Joy et Michael.

-Oui ce sera fait.

-A bientôt.

-A bientôt, je t’aime.

-Je t’aime.

Il raccrocha et la jeune femme en fit de même.

-Denise, pourquoi tu ne lui as rien dit ? Tu veux qu’il l’apprenne par une autre personne ?

-Personne n’est au courant à part toi, dit son amie en reprenant place à table, je ne veux pas qu’il le sache alors qu’il se trouve là-bas, tu le sais, deux secondes d’inattention et il risque de mourir. Je lui dirais à son retour et c’est à moi de le faire et à personne d’autre. Il te passe le bonjour.

Claudia Joy soupira.

-On se remet au travail s’il te plait, reprit Denise.

-Oui, mais sache que plus tu attends, plus se sera dur pour toi et pour lui aussi.

-Je le sais, mais pour le moment Frank n’est pas là et tout ce que je peux faire c’est retrouver Elizabeth.

Elles restèrent un moment silencieuses. Claudia Joy pouvait comprendre la réaction de son amie, mais elle connaissait également l’époux de celle-ci. Elle était angoissée à l’idée de la tournure que pouvait prendre les événements.

Denise se replongea dans l’étude des papiers. Après plusieurs minutes qui se transformèrent en heures, elles avaient trouvé quelques indices qui leur seraient peut être utiles afin de retrouver la jeune femme.

Elles disposaient de numéros de téléphone et de quelques adresses. Elles firent une pause dans leurs recherches, préparant ainsi, le déjeuner pour elles et Katy. Une fois le repas avalé, Denise prit les numéros qu’elle avait trouvés et composa l’un d’entre eux.

-Madame Polin ?

-Bonjour madame, permettez moi de vous déranger, je me présente, Denise Sherwood, je vous appelle concernant une jeune femme : Lily Roberts.

-Lily ?

-Connaissez-vous Lily ?

-Oui, enfin pas tant que ça, mais je l’ai rencontré en effet, il y a quelque temps, que lui arrive t-il ?

-Elle a disparu, depuis quelques jours et nous tentons de la retrouver.

-Oh mon Dieu, et Katy ?

-Katy n’est pas avec elle.

-Je comprends votre inquiétude dans ce cas, si Katy n’est pas avec elle. Mais je ne vois pas en quoi je pourrais vous aider, je n’ai plus de nouvelles de Lily depuis plusieurs mois.

-Vous ne savez pas si elle a de la famille ou des amis que nous pourrions joindre ?

-Non elle ne m’a rien dit, Lily restait très discrète sur sa vie privée, je sais qu’elle vivait à San Diego depuis cinq ans mais rien de plus.

-Eh bien merci Madame Polin. Si vous vous rappelez de quelque chose qui pourrait nous aider pouvez-vous m’appeler s’il vous plait ?

-Oui, bien sûr.

Denise laissa son numéro. Elles discutèrent encore quelques instants. Lily avait raconté une toute autre histoire à cette femme qu’à ses amis et elle-même. Elle apprit qu’elle avait vécue à peine un mois à Chicago avec Katy. Elle avait rencontré Diane Polin et c’était contenté de faire ses recherches. Après les résultats, elle s’était éclipsée rapidement ne laissant aucune trace et aucun nom.

Denise raccrocha enfin et s’affala sur le canapé. Son amie la rejoignit et laissa jouer la fillette plus loin.

-Alors ? Demanda Claudia Joy en s’asseyant à coté d’elle.

-Tu as entendu, elle ne sait rien et Lily a prétendu venir de San Diego, d’après elle, elle aurait quitté ses parents à dix-sept ans pour élever sa fille avec son copain, elle n’a pas fait d’étude mais travaillait comme caissière dans un supermarché, bref elle n’a pas arrêté de mentir.

-Toi tu sais la vérité.

-Mmh.

-J’en suis persuadée. Tu as l’acte d’adoption, tu as vu la ressemblance avec son père, tu connais l’existence du médaillon.

-Oui mais, si elle m’avait raconté des histoires à moi aussi ? Lily est Elizabeth je le sais mais je ne sais rien de son passé, de sa vie.

-Denise, tu as vu l’album photo non ? Crois tu qu’elle t’ait menti ? Je suis persuadée que tu es la seule à qui elle ai dit la vérité.

-Pourquoi ? Elle aurait très bien pu nous mentir comme à toutes les autres.

-Non, et tu sais pourquoi ? Parce que Katy t’a aimé dès le premier instant où elle t’a rencontré. Lily l’a vu, elle a remarqué ce qui vous liait toutes les trois. Sa fille compte plus que tout pour elle. Ta fille t’a reconnu Denise. Tu te souviens de sa réaction ? Une serveuse exemplaire qui casse un verre pour la première fois lorsqu’elle se trouva devant toi.

-Peut être, murmura son amie en regardant la fillette jouer plus loin.

-Allez, au boulot. On doit s’y remettre et ne pas perdre espoir.

-Ok, allons y.

Denise reprit le combiné de téléphone et appela d’autres femmes. Deux d’entre elles, n’avaient jamais entendu parler de la jeune femme et de sa fillette et une autre refusa d’en aborder le sujet, traitant Lily de voleuse, traînée et menteuse. Denise ne put s’empêcher de réagir violement devant de tels propos, elle la défendit avec vigueur, et raccrocha au nez de son interlocutrice. Elle avait sentit un profond bien être en lui disant ce qu’elle pensait et se remémora la scène entre Lily et Lenore au pique-nique. Denise sourit. Elle n’avait jamais pensé que dire ce qu’elle éprouvait vraiment pouvait lui faire un tel bien.

L’heure approcha pour Claudia Joy de partir. Denise se leva pour la raccompagner jusqu’à la porte, mais une chose attira son regard dans un carton ouvert sur le sol, un carton qu’elles n’avaient pas encore eu le temps de fouiller. Elle se pencha et se saisit de la petite boite en bois sombre. Elle l’ouvrit délicatement, consciente qu’elle s’apprêtait à trouver un fabuleux trésor, et un secret bien gardé. Une photo se trouvait soigneusement posée. Elle y reconnu immédiatement sa fille à peine âgée de dix-sept ans. Elle était habillée d’une sublime robe noire, une fois de plus elle souriait. Le jeune homme à qui elle tenait le bras souriait également à l’objectif. Ils semblaient heureux. Denise sourit. Ce garçon ne pouvait être que le père de Katy, ils se ressemblaient en tout point, à l’exception des profonds yeux bleus que la fillette avait hérités de sa mère. Denise sortit la photo qu’elle posa sur la table et regarda une nouvelle fois dans la boite, elle y trouva une rose séchée, quelques mots, des photos prisent dans un photomaton, ainsi qu’une adresse écrite à la va-vite.

Thomas Bryant, Université de New York, section sport.

Les yeux de la jeune femme se posèrent une nouvelle fois sur la photo. Lily semblait si heureuse dessus. Ce garçon le semblait lui aussi, ils formaient un couple de rêve. Elle sourit timidement.

-Thomas, murmura-t-elle.

-Pardon, intervint Claudia Joy.

Denise lui tendit la photo.

-Thomas Bryant, Lily doit avoir dix-sept ans je pense.

-Le père de Katy ? Murmura son amie.

-Oui, il y a une ressemblance.

-En dehors des yeux.

-Tu crois que Katy connaît cette photo ? Demanda Denise en regardant plus loin la fillette jouer avec sa poupée qu’elle ne lâchait jamais.

-Je ne sais pas, elle lui a peut être parlé de son père, peut être qu’elle n’en a rien fait, elle a bien dit qu’elle avait été abandonnée par sa mère.

-Je ne l’ai pas abandonné, fit plus fort Denise en se tournant vers elle, on me l’a prise.

-Nous le savons, mais pas Lily.

Denise baissa les yeux et regarda l’adresse qu’elle tenait toujours.

-Elle sait où il vit. Je vais le voir.

-Quoi ?

-On ne sait jamais.

-Non, Denise il ne saura rien. Je ne pense pas que ta fille veuille que tu fasses ça.

Elle soupira.

-Oh Claudia Joy, je ne sais plus quoi faire. Rien n’avance. J’ai l’impression d’apprendre des choses sur Lily mais j’ai peur qu’elles ne sont pas le reflet de la vérité. J’ai besoin de savoir ce qu’elle a fait pendant vingt et un ans, j’ai besoin de rencontrer des personnes qui l’ont connue et aimée.

-Denise, murmura son amie en s’approchant, je comprends mais…

-Je pars demain, la coupa-t-elle.

-Ecoute…

-Je pars, fin de la discussion. Je te confie Katy, je reviendrai avant son intervention.

-Quand aura-t-elle lieu ?

-Dans deux jours, c’est juste le temps dont j’ai besoin.

Elle prit une nouvelle fois le téléphone et chercha le numéro de l’aéroport dans quelques papiers. Claudia Joy ne disait rien et l’observait avec attention. Elle savait depuis longtemps à quel point sa famille comptait pour son amie, elle en avait la preuve une nouvelle fois. Sa fille était réapparue des années plus tard et elle l’avait accueillie, avec elle cette petite fille sourde, à qui elle accordait toutes ses attentions et pour qui elle se battait chaque heure, chaque jour, tout comme Lily s’était battue.

Denise trouva enfin le numéro et réserva un vol pour le lendemain. Des voyageurs s’étaient décommandés et elle trouva une place facilement. Elle décollait à dix heures seize minutes heures locale de Charleston pour arriver une heure trente plus tard à l’aéroport de JFK à New York. Une fois le téléphone reposé, elle se dirigea vers sa chambre pour préparer son sac et son amie l’accompagna.

-Claudia Joy, qu’est ce qu’elle à Mia ? Demanda la petite fille qui avait quitté ses jeux, remarquant que quelque chose d’important se passait.

-Katy, Denise va partir quelque temps, tu resteras avec moi, Michael et Emmalin en attendant.

-Elle va où ?

-Elle doit aller à New York pour, pour…

Elle ne savait pas quoi lui dire. Denise remarqua la présence de la fillette et leur échange. Elle approcha et se mit à genoux.

-Je dois partir à New York pour trouver un monsieur qui me dira peut être où se trouve ta maman.

-NON ! Ne dis pas Mia, faut pas.

-Pourquoi Katy ?

-Le monsieur, il est méchant. Il a fait mal à maman, faut pas, il a dit que s’il nous trouvait il nous ferai encore plus mal.

Les deux femmes échangèrent un regard et Denise porta à nouveau son attention sur la petite fille

-Ma puce, comment il était ce monsieur ? Tu te souviens de son visage ?

-Oui

-Si on te montre une photo tu pourrais le reconnaître ?

-Oui

Claudia Joy fila dans la cuisine et se saisit de la photo de Lily et Thomas Elle revint dans la chambre et la tendit à son amie.

-Ma puce, est ce que c’est ce monsieur ?

Katy regarda attentivement la photo et fit non de la tête.

-Tu es sûre, ce n’est pas lui ?

-Non Mia c’est pas ce monsieur. J’ai jamais vu ce monsieur, il est avec maman ?

-Oui, c’est ta maman sur cette photo.

-Et c’est qui lui ?

-Quelqu’un que ta maman a connu avant que tu sois là.

-Ah, répondit simplement la fillette.

-Katy, je dois aller à New York voir le monsieur sur la photo, ne crains rien d’accord ? Je reviendrai vite et ensuite nous irons toutes les deux chez le docteur pour tes oreilles.

-Je reste avec Claudia Joy ?

-Oui.

-Super, dit elle en souriant et en ce tournant vers son amie.

Elles s’étreignirent un instant et Denise se releva.

-Heureusement que ce n’était pas son père qui était violent avec elles, murmura Claudia Joy.

-Oui, c’est déjà ça.

Claudia Joy partit enfin quelques minutes plus tard. Denise déposerait Katy chez elle le lendemain matin. Elle la fit manger et lui fit prendre un bain. Toutes deux en pyjama, elle rejoignit la fillette dans la chambre de son fils. Denise resta un long moment couchée avec Katy. Celle-ci lui avait posé une tonne de question sur l’intervention qu’elle allait devoir subir. Denise lui expliqua tout et lui assura qu’elle serait présente à chaque instant, qu’elle ne devait pas avoir peur. Denise lui raconta également une histoire de princesse et de château pour qu’elle s’endorme. Katy finit par s’endormir d’épuisement dans ses bras. Denise la garda encore un moment contre sa poitrine puis elle regagna sa chambre elle aussi.

Une fois dans son lit elle repensa à cette journée. Lily avait été bien mystérieuse. Elle avait gardé une multitude de petites choses auxquelles elle tenait et qui restaient encore des énigmes pour Denise. Elle se retourna et regarda l’heure sur son radio réveil. Bientôt elle partira pour New York. Elle ne savait pas ce qu’elle y trouverait mais elle devait y aller, elle était résolue.

Denise se réveilla et fit couler du café. Il était encore tôt mais elle n’arrivait plus à dormir. Elle se dirigea vers la table basse de son salon, sa tasse à la main. Elle regarda l’album photo une nouvelle fois. La vie de sa fille défilait devant ses yeux. Elle ne put s’empêcher de sourire en voyant son énorme sourire couvert de chocolat qui remontait sur ses joues potelées.

Après avoir feuilleté l’album dans sa totalité, elle s’arrêtât sur la dernière photo. Lily était accroupie et tenait Katy par la taille. Toutes deux souriaient en regardant l’objectif. Elle détacha délicatement la photo et referma l’album. Denise se leva et se dirigea vers l’étagère. Elle se saisit d’un épais volume en cuir et rejoignit une nouvelle fois le canapé. Elle le posa sur ses genoux et l’ouvrit délicatement. Encore une fois, elle laissa son regard voyager sur les photos.

Elle rit plusieurs fois en ce souvenant des occasions auxquelles elles furent prises.

Frank et Jeremy étaient sa famille, celle qu’elle avait construite avec amour. Mais Lily était sa fille également, elle ne pouvait pas l’oublier, elle l’aimait, elle aussi, même si elle ne partageait aucun souvenir avec elle avant ses vingt et un ans. Denise leva les yeux qui se chargeaient doucement de larmes. Elle regarda le PC posé plus loin. Elle pensait à eux, elle priait pour qu’il ne leur arrive rien. Denise se leva et s’assit devant l’ordinateur. Elle regarda la photo de son époux et de ses compagnons qu’il lui avait envoyés quelques semaines plus tôt. Elle ouvrit un mail pour lui écrire. Ses longs et fins doigts se trouvaient à quelques centimètres du clavier. Elle ne savait pas quoi écrire. Elle aurait tellement voulu lui dire pour Lily, pour cette fille qu’elle avait mise au monde bien des années plus tôt. Elle voulait lui dire que cette fille, quelle avait aimé en secret, était à nouveau entrée dans sa vie et qu’elle apportait avec elle une fillette. Elle devait lui avouer que Lily était malade, que seule elle pouvait la sauver et qu’elle avait besoin d’elle, de cet amour qu’elle n’avait pu lui donner plus tôt.

C’était impossible, elle ne pouvait pas dire tout ça à Frank. Elle avait peur de sa réaction. Qu’allait –il penser et surtout que ferait-il ? Il avait agit si violement en apprenant ce que Jeremy lui avait fait. Il avait rejeté son propre fils alors qu’en adviendrait-il de Lily et Katy ?

A elle aussi il en avait voulue énormément en apprenant qu’elle lui avait caché ce qu’il s’était passé. Il lui en voudrait encore davantage. Frank se sentirait trahi, trahi par sa propre femme.

Denise ferma les yeux un court instant. Elle ne lui dirait rien, pas tant qu’il serait là-bas. Et puis, elle avait encore besoin de temps. Elle le ferait à son retour.

Elle se pencha sur le PC et écrivit son mail. Elle y mit tout son amour mais omis de parler de sa fille et de Katy. Après de tendres mots d’amour et de longs au-revoir, elle l’envoya et s’assit une nouvelle fois sur le canapé. Elle regarda l’heure. Elle pouvait encore laisser dormir Katy quelques temps. Elle reprit la photo de sa fille et de sa petite fille et ferma les yeux un instant. Sans le vouloir, elle s’endormie une nouvelle fois, épuisée par la nuit qu’elle avait passé ainsi que par les derniers jours éprouvants qu’elle avait subit.

Après quelques minutes de repos, Denise se réveilla une nouvelle fois par un cauchemar qui la hantait depuis plusieurs nuits. Toujours le même. Elle prépara le petit déjeuner ainsi que les affaires de la fillette. Elle alla la réveiller et elles mangèrent un peu toutes les deux. Aucune d’elle n’avait vraiment faim. Denise ne préféra pas forcer Katy, elle pouvait parfaitement imaginer dans quel état se trouvait la petite fille.

Le repas terminé et les affaires sous le bras, elles quittèrent la maison pour se rendre chez Claudia Joy. Celle-ci les attendait depuis un moment déjà. Elle était angoissée sans doute tout autant que son amie. Elle avait parlé de Lily à Michael mais elle n’était pas entrée dans les détails. Elle ne lui avait pas dit qu’elle était la fille de Denise. Elle savait que les explications ne devaient pas tarder, Michael savait qu’elle lui cachait quelque chose, il voudrait savoir. Elle respira profondément pour se calmer et sortit sur le perron. La voiture arriva à cet instant dans l’allée. Elle s’avança vers elle et Denise en sortit. Elle en fit le tour et détacha Katy. Elle prit la fillette dans ses bras et le sac qu’elle avait apporté et se dirigea vers Claudia Joy.

-Ne t’inquiète pas ma puce, je reviendrais très vite.

La fillette fit ‘oui’ de la tête et Denise la serra un peu plus contre elle. Elle sourit à son amie.

-Bonjour.

-Bonjour, hey, salut petite puce.

-Salut Claudia Joy.

-Je te la laisse, je dois me dépêcher pour ne pas rater l’avion.

-Ok.

Elle posa la petite fille sur le sol et donna les affaires à Claudia Joy.

-Je serai de retour demain soir, d’accord ?

-Oui Mia.

-Sois sage.

-Promis.

-Allez, au revoir mademoiselle.

-Au revoir Mia, dit-elle avant de tendre les bras pour une nouvelle étreinte.

Denise la prit contre elle et leva les yeux vers son amie.

-Merci, murmura-t-elle à son attention.

Claudia Joy sourit et Denise se sépara de Katy.

-Je t’aime Mia.

-Moi aussi je t’aime, répondit –elle en lui caressant tendrement la joue.

Elle déposa un baiser sur sa tête et se leva. Elle salua Claudia Joy et remonta en voiture. Claudia Joy tenait Katy contre elle, par les épaules.

Elles adressèrent quelques mouvements de mains et Denise redémarra.

Elle arriva rapidement à l’aéroport. Elle trouva une place, se gara, prit son sac et pénétra dans le bâtiment. Elle prit son billet et se dirigea vers la porte d’embarquement. Elle n’avait emporté avec elle que le strict minimum, aucun bagage superflus, juste de quoi se changer.

L’avion décolla. Le cœur de la jeune femme se serra dans sa poitrine. Elle allait enfin apprendre quelque chose sur sa fille. Entendre parler d’elle, de son passé.

Claudia Joy était assise en face de la fillette. Emmalin et Michael à ses cotés. Ce fut la première fois depuis longtemps qu’ils mangeaient en famille.

Ils parlaient de choses et d’autres. Claudia Joy n’écoutait pas. Elle était distraite et ne détachait pas son regard de la fillette. Celle-ci ne mangeait pas et regardait d’un air absent le contenu de son assiette.

-Katy, murmura Claudia Joy en lui effleurant la main pour qu’elle la regarde.

Elle leva les yeux vers elle. Des yeux emplis de tristesse.

-Katy, il faut manger, tu aimes ça d’habitude.

-J’ai pas envie.

-Il faut que tu manges, continua la femme d’une voix plus douce.

-Non ! J’ai dis je veux pas.

-Qu’est ce qu’elle a ? Demanda Michael à son épouse.

-Elle refuse de manger.

-Pourquoi ?

-Je ne sais pas.

Michael tourna son regard vers Katy.

-Allez mange. Dans cette maison on ne sort pas de table avant d’avoir fini son assiette, dit-il sur un ton plus dur.

-Michael, murmura Claudia Joy.

-Laisse Claudia Joy. Elle doit apprendre cette gamine. Ne fais pas ta mauvaise tête Katy et finis ton assiette.

-NON !

La fillette se leva et Michael la rattrapa par le bras avant qu’elle ne s’éloigne.

-Michael non, dit Claudia Joy en se levant.

Mais le mal était fait. Katy lui lança un regard noir et grogna aussi fort qu’elle le put. Elle se débattit violement et glissa entre les doigts de l’officier. A peine avait –elle sentit qu’il ne la tenait plus, qu’elle fila hors de la pièce en courant.

-Sa mère aurait dû être plus ferme avec elle, dit Michael en se tournant vers son épouse.

-Sa mère s’est très bien occupée de cette fillette Michael.

-Ah oui ?

-Oui, je t’assure, elle a fait tout ce qu’elle a pu.

-En tout cas il faudra que tu m’en parles Claudia Joy.

Elle acquiesça.

-Emmalin, débarrasse.

Elle quitta la pièce et arriva dans le salon.

-Katy ? Katy.

« Tu es stupide, Claudia Joy Holden, elle ne t’entends pas. » Pensa-t-elle.

Elle arriva dans l’entrée et vit que la porte était ouverte. Elle se précipita hors de la maison. Elle n’y avait aucune trace de la fillette. Elle regarda un instant dans la rue puis fit le tour de la battisse. Elle crut entendre un craquement de branches dans les buissons. Elle se pencha au dessus et y trouva Katy assise, les jambes repliées sur sa poitrine.

-Katy, lève toi.

Elle fit non et sanglota doucement.

-Tu ne veux pas venir ?

-Non.

-Très bien, alors c’est moi qui viens.

La fillette haussa les épaules et la jeune femme se glissa parmi la végétation. Elle s’agenouilla en face d’elle.

-Qu’est ce qui se passe Katy ?

-Laisse moi.

-Non, hors de question, je veux savoir ce que tu as, c’est à cause de Denise ? Parce qu’elle est partie ?

La fillette ne répondit pas et Claudia Joy poursuivit.

-Tu sais, elle reviendra très vite. Elle sera là quand le docteur te fera l’opération.

-Maman, maman est partie à cause de moi.

-Pourquoi tu dis ça ma puce ? Demanda la jeune femme étonnée.

-Je lui ai dis que je la détestais parce qu’elle voulait partir et que moi, je voulais pas. Alors elle s’est fâchée, elle a criée, je l’ai vu, et je lui ai dis que je l’aimais plus. Après, elle est partie, sans moi. Mais Claudia Joy, j’aime ma maman, c’est ma faute.

-Non Katy, ce n’est pas ta faute, ta maman t’aime aussi. Elle est partie pour te protéger. Tu te souviens on te l’a dis, elle est malade, c’est la seule raison.

-Tu crois ? C’est pas ma faute alors ?

-Non ma chérie, ce n’est pas ta faute, répondit Claudia Joy en caressant sa joue.

-Elle me manque maman.

-Moi aussi.

-C’est vrai ?

La jeune femme acquiesça et la fillette reprit.

-J’espère qu’elle guérira vite, comme ça elle reviendra. Et puis comme ça Mia sera contente. Elle pleurera plus. Elle est triste, elle pleure beaucoup tu sais. Mais je sais pas si c’est à cause de ma maman, de son chéri ou de son garçon.

-C’est un peu des trois Katy. Parce qu’elle les aime, c’est pour ça qu’elle est triste. Ils ne sont pas avec elle alors ça lui fait mal au cœur. Comme pour toi et ta maman.

-Mais ils reviendront hein ? Pour qu’elle ne soit plus triste, j’aime pas la voir pleurer.

-Je l’espère, tu sais Jeremy et Frank sont loin et on ne sait pas tout ce qui peut se passer. Il y a des papas, des mamans et de grands enfants qui partent aussi très loin de chez eux pour faire ce que font Jeremy et Frank. Mais certains ne rentrent jamais chez eux.

-Pourquoi ?

-Parce qu’ils font leur devoir et qu’il peut leur arriver des choses terribles qui font qu’ils, qu’ils s’en aillent.

-Ils vont au ciel ? Comme Mamy et Papy ?

Claudia Joy sourit.

-Oui, ils vont au ciel.

-Maman dit que même s’ils sont au ciel, ils restent dans son cœur et que des fois elle aime penser très très fort à eux. Pour les gens c’est pareil ?

-Bien sûr Katy. Quand on aime quelqu’un très fort, même le jour où il part au ciel il reste dans notre cœur, on ne l’oublie jamais et on pense encore à lui de temps en temps.

La fillette ne répondit pas. Elle semblait être perdue dans ses pensées. Claudia Joy lui prit tendrement la main et lui sourit.

-Tu viens demoiselle, on rentre, sinon tu risques de tomber malade.

Elle acquiesça et elles se relevèrent. Elles regagnèrent ainsi la maison, main dans la main.

Denise se trouvait assise à l’arrière du taxi. Celui-ci avait démarré devant la porte principale de l’aéroport quelques minutes plus tôt. Il roulait au plein centre ville de New York. Ils se trouvaient dans les bouchons, la voiture avançait à peine. Denise fouilla dans son sac à main. Elle sortit son portefeuille et regarda avec tendresse les photos qui se trouvaient dedans. Elle sourit en caressant doucement le visage de son époux.

-Pardonne moi Frank, murmura-t-elle, je suis désolée.

Après quelques temps à fixer son regard doux et serein, elle regarda les autres personnes. A présent la photo de Lily et Katy se trouvait elle aussi dans ce portefeuille, aux cotés de Frank et Jeremy. Une folle idée lui traversa l’esprit : et si un jour elle avait dans ce portefeuille une photo où chacun aurait sa place? Une photo où tous les cinq se trouvaient ensembles, riant au photographe, heureux d’être réunis comme une vraie famille ?

Elle le ferma et le remis dans son sac. C’était une idée stupide.

La jeune femme reposa sa tête contre la vitre. Son regard se perdit dans les nuages blancs qu’elle voyait défiler entre les hauts buildings.

Elle pensait à eux, à Frank, à Jeremy, à Lily…

Denise respira profondément. Elle avait l’impression que son cœur se trouvait sous des tonnes de gravas, écrasé dans sa poitrine. Pourquoi avait-elle tellement mal ? Pourquoi avait-elle l’impression de manquer d’air ? Pourquoi avait-elle le sentiment de ne rien pouvoir faire pour ramener les personnes qu’elle aimait auprès d’elle ? Peut être parce que c’était le cas. Ce sentiment la rongeait de l’intérieur. Elle ne pouvait pas faire plus. Tout tenter pour retrouver Lily, s’occuper du mieux qu’elle pouvait de Katy, envoyer des mails à Frank et prier pour Jeremy. Elle ne pouvait pas faire plus que ce qu’elle faisait déjà chaque jour. Et pourtant elle se sentait mal, si mal.

Elle n’avait pas la moindre idée dans quel état physique et psychologique se trouvaient ses enfants. Ses deux enfants qu’elle avait portés pendant plusieurs mois en elle, ces enfants à qui elle avait donné la vie. Ses enfants qu’elle aimait plus que tout malgré tout ce qui s’était passé entre eux. Denise sentit une larme couler le long de sa joue. Elle n’avait plus eu aucune nouvelle depuis le départ de Jeremy pour Bassora. Rien, pas une lettre, pas un mail, pas un coup de téléphone. Elle essayait de se persuader que, d’un coté, il en était mieux ainsi. Cela était peut être plus facile à gérer pour son fils, il ne penserait pas au pays, du moins pas pendant ses missions. Il resterait concentré sur son travail et ainsi aurait encore des jours de répit. Même si pour elle tout ceci était extrêmement éprouvant, elle essayait de se convaincre que son fils allait bien, si tel ne fut pas été le cas elle l’aurait déjà su, on lui aurait dit, des soldats seraient venus sonner à sa porte.

-Madame, nous sommes arrivés.

Denise reprit ses esprits. Elle se redressa et prit ses affaires. Elle fouilla dans son sac et paya le chauffeur.

-Merci, bonne journée.

-Ouais, grommela-t-il, en regardant les billets qu’elle lui avait tendus.

Elle sortit ses affaires et le taxi redémarra. Elle se trouvait devant un grand escalier en pierre claire. Denise regarda le bloc de béton placé tout à coté.

« Université John Kennedy »

« C’est ici » Pensa la jeune femme. Elle monta les quelques marches et passa sous l’arc en fer qui les surplombait. Elle croisa quelques étudiants. Denise se dirigea vers un grand panneau. Le plan de l’université. Elle repéra rapidement les différentes sections. La partie réservée aux sports de haut niveau ne se trouvait pas loin de l’entrée principale.

Après avoir enregistré le chemin à parcourir, elle se mit en route. Il lui fallut une quinzaine de minutes à pieds pour rejoindre cette partie de l’université.

-Il me reste à trouver la section Base-ball.

Elle se renseigna auprès de plusieurs étudiants qu’elle croisa et se dirigea vers le stade où s’entraînait l’équipe à cet instant.

Elle s’appuya à la rambarde en métal et regarda l’entraînement. Très rapidement, un jeune homme attira son attention. L’entraîneur ordonna une pause et il se dirigea vers Denise.

-Bonjour.

-Bonjour Monsieur.

-En quoi puis-je vous aider ma petite dame ?

-Madame Sherwood, dit-elle en lui tendant la main.

Il la lui serra et Denise poursuivit.

-Je souhaiterais voir Thomas, Thomas Bryant.

-Tomi ? Mais qu’est-ce que vous lui voulez ?

-Je dois le voir pour une affaire personnelle, il connaît ma fille.

-Tomi connaît beaucoup de filles, répondit-il en riant.

-S’il vous plait, c’est important, insista la jeune femme.

-Ok très bien, il se retourna, TOMI, cria t-il, VIENS.

Il accompagna sa parole en lui faisant signe de le rejoindre. Le jeune homme se leva et les rejoignit au pas de course.

-Oui Coach ?

-Cette femme veut te voir, tu connais sa fille.

-Lily Roberts, dit Denise alors que les deux hommes se tournaient vers elle.

-Lily ? Demanda-t-il étonné.

-Tu connais ?

-Euh…oui.

-Ok, alors je te laisse dix minutes, pas une de plus, ensuite tu es de retour sur le terrain.

-Oui Coach.

Il s’éloigna et Thomas se tourna vers Denise.

-Ca ne vous gêne pas que l’on assoit dans les gradins, j’ai fais un voyage éprouvant.

-Non bien sûr, attendez, je prends vos affaires.

-Merci.

Ils se dirigèrent vers la tribune et y prirent place.

-Vous n’êtes pas Madame Roberts.

-Non, je suis Denise Sherwood, je suis la mère biologique de Lily.

-Elle vous a retrouvé ?

-Oui. Lily vous a parlé de moi ?

-Oui un peu. Mais pourquoi êtes-vous ici ?

-Lily a disparu depuis plusieurs jours et pour la retrouver j’ai besoin de la connaître un peu mieux.

-Qui me dit que ce que vous dites est vrai ?

-Rien en effet, je vous demande de me faire confiance. Je suis venue de Caroline du Sud ce matin même pour vous rencontrer.

-Vous avez fait tout ce voyage ? Woaw, vous êtes déterminée.

-Peut être autant que ma fille, ça vous donne un indice de mon honnêteté. Ecoutez, j’ai vraiment besoin que vous me parliez d’Elizabeth, aidez moi s’il vous plait.

-Et qu’est-ce que vous voulez que je fasse moi ?

-Parlez-moi simplement d’elle, en toute franchise, je ne vous demande rien de plus.

Il hésita un moment et commença son récit.

-On s’est rencontrés, on avait tous les deux seize ans. Dans une bibliothèque. Je ne fréquentais pas du tout ce genre d’endroit à vrai dire, Lily, c’était comme sa deuxième maison ; elle y était tout le temps fourrée. J’avais besoin d’améliorer mes notes pour intégrer l’université que je souhaitais et ainsi faire du base-ball. J’étais en échec scolaire, elle était brillante. Vous connaissez le cliché de l’ado sportif stupide amoureux de la première de la classe ?  Il sourit. Ben c’était nous, Lily et moi. Elle donnait des cours d’aide et comme je n’ai pas eu le choix, j’ai dû m’y inscrire.

-Et vous êtes tombé amoureux d’elle, murmura Denise.

-Oh pas tout de suite. Lily a un caractère de cochon. Elle veut toujours avoir raison, elle est têtue, bornée, méfiante avec tout et tout le monde. Il y avait toujours des dizaines de garçons qui lui couraient après mais elle ne les voyait même pas, tout ce qui l’intéressait c’était ses foutus bouquins et ses dessins. Elle disait toujours qu’il n’y avait pas assez de place dans sa vie pour ses rêves et pour l’amour, il fallait choisir. C’était ses rêves. Et puis après quelques temps, nous nous sommes rapprochés, on est sortis ensembles quelques mois, j’étais fou d’elle mais…

-Elle est tombée enceinte, intervint une seconde fois la jeune femme.

-Ouais, soupira Thomas, et là elle m’a demandé de l’aider, elle voulait garder cet enfant seulement, moi je ne pouvais pas m’occuper d’eux. Je voulais faire du base-ball plus que tout, passer pro et y faire ma vie. On a fini par se séparer, la fin de l’année scolaire approchait. Je suis venu ici et Lily a intégré la fac d’art. Je l’ai revu une fois après l’accouchement. Elle était venue me dire qu’elle avait eu une fille et que je n’avais plus à entrer dans leur vie à toutes les deux. C’était sa fille et non la mienne. Après, je n’ai plus eu aucune nouvelle.

Ils restèrent silencieux un moment et Denise reprit la parole.

-Thomas, vous m’avez dit que Lily vous a parlez de moi ? De sa mère biologique ?

-Oui, il lui arrivait d’en parler. Elle m’avait dit qu’à ses dix ans elle avait apprit son adoption. Ses parents lui avaient alors montrés la photo de sa mère et la lettre qu’elle lui avait laissée. Elle avait voulu la retrouver pour savoir qui elle était et surtout pourquoi elle l’avait abandonnée. Elle ne l’a jamais compris vous savez, elle pensait qu’elle n’avait pas été assez bien, que sans doute elle avait été un accident, souvent elle s’emportait sur ce sujet. Je suis désolé de vous le dire madame mais, Lily vous en voulait énormément.

Il lui lança un regard et noir et Denise avala difficilement la salive qui s’était formée dans sa bouche.

-Elle savait qu’un jour elle vous rencontrerait parce qu’elle voulait savoir à tout prix pourquoi, c’était sa seule idée ; savoir pourquoi elle avait fait ça.

Ils restèrent une nouvelle fois silencieux et Denise prit son courage à deux mains pour parler à nouveau.

-Est-ce que Lily était malade quand vous l’avez connue ? Demanda-t-elle d’une voix tremblante.

-Elle prenait souvent des médicaments mais je n’ai aucune idée de quoi il s’agissait, j’ai osé lui demander une fois, je ne m’y suis pas aventurer à le refaire, dit-il en souriant.

-Merci Thomas.

-Madame Sherwood, pourquoi ne pas demander toutes ces choses à monsieur et madame Roberts ?

-Ils sont décédés il y a de cela deux ans.

-Oh, je ne savais pas. Lily a dû être vraiment mal, elle les aimait beaucoup.

-C’est ce que j’ai pu comprendre en effet mais, elle avait sa fille.

Thomas ne répondit pas et regarda au loin ses amis chahuter sur le terrain. Denise fourra la main dans son sac et sortit la photo de Lily et Katy de son portefeuille.

-Regardez, dit-elle en la lui tendant, les voici toutes les deux.

-Elle n’a pas changé, murmura-t-il en souriant tout en regardant le visage de la jeune femme souriante.

-TOMI ! Cria l’entraîneur plus loin. ON REPREND, TU VIENS OUI ?

-J’ARRIVE ! Désolé, je dois y retourner, j’espère que Lily va bien et que vous la retrouverez.

Il se leva et Denise en fit de même.

-Je vous souhaite bonne chance Thomas.

-Merci.

Il s’apprêta à partir mais se retourna une dernière fois.

-Madame Sherwood ?

-Oui.

-Comment s’appelle-t-elle ?

-Votre fille ?

Il acquiesça.

-Katy.

-Merci, répondit-il avant de rejoindre le terrain au pas de course.

 

Katy avait enfin consenti à manger quelque chose. Claudia Joy était restée à coté d’elle pour y veiller. Une fois son repas avalé, elles débarrassèrent et Michael entra dans la cuisine.

-Claudia Joy je peux te parler ? Sans Katy.

Son épouse acquiesça et se tourna vers la fillette.

-Katy, tu peux nous laisser s’il te plait ? Je dois discuter avec Michael, rejoins Emmalin dans sa chambre.

-D’accord, Claudia Joy? Tu peux dire à Michael que je suis désolée d’avoir été méchante ?

Elle sourit et se tourna vers le Colonel.

-Katy te demande pardon pour tout à l’heure.

Michael la regarda et sourit doucement.

-J’accepte tes excuses jeune fille, et je m’excuse moi aussi d’avoir agi comme je l’ai fait, mais il faut que tu comprennes qu’il y a des règles ici et que tant que tu es sous ce toit tu te dois de les respecter, qu’elles te plaisent ou non.

-Oui, répondit timidement la fillette.

Michael sourit une nouvelle fois et lui caressa tendrement la joue.

-C’est oublié. Allez, file chez Emmalin.

La petite fille sourit et quitta la pièce. Ils la regardèrent partir tous les deux et Michael se tourna vers son épouse.

-On lui pardonne vite à cette gamine, murmura-t-il en souriant.

-Apparemment toi aussi tu es tombé sous son charme.

-Moi aussi ?

-Quiconque apprend à connaître Katy Roberts tombe sous son charme, répondit Claudia Joy en riant.

-Justement, j’aimerai en savoir plus sur elle, et surtout j’aimerai savoir ce que tu me cache Claudia Joy.

-Michael, je ne peux pas, j’ai promis de garder le secret.

-Je suis ton mari.

-Je sais, soupira-t-elle, seulement si Denise…

-Denise ? C’est en lien direct avec elle ?

Ils restèrent silencieux un moment à se fixer du regard, puis Claudia Joy se décida enfin. Elle s’assit et respira profondément. Il était temps, elle devait, et elle voulait lui dire. Elle le connaissait, elle savait qu’elle pouvait lui faire confiance.

-Tu te rappelles que lorsque Katy et Lily sont arrivées en ville, elles ne connaissaient personne. Elles venaient de New York et avait quitté leur vie d’avant pour que Katy se sente mieux. Pour ce qui est de la réputation de Lily tu sais ce qu’on en dit.

-Oui, et j’ai pu constater par moi-même qu’elle n’était pas fondée, en partie du moins. Mais je sais tout ça, j’aimerai savoir ce qu’il s’est passé pour qu’elle quitte la ville et laisse cette gamine derrière elle. Et pourquoi passe tu tant d’heures avec Denise ces derniers jours ?

-Lily n’avait plus donné aucunes nouvelles d’elle depuis plusieurs jours, le soir où nous étions tous chez Denise, elle avait déposé Katy devant sa porte avec un mot.

-Claudia Joy…

-Attends laisse moi continuer. Je t’ai dis ce qu’il s’est passé ce soir là mais, ce que tu ne sais pas. Denise m’a avoué un secret, son plus grand secret. Nous sommes allées toutes les deux au motel trouver des indices sur la fuite de Lily, nous avons appris qu’elle était malade, gravement malade, ses jours sont comptés. Elle a besoin d’une greffe de rein de toute urgence. Elle n’a plus aucune famille, aucun donneur compatible connu. Mais nous avons aussi appris qu’elle avait été adoptée à sa naissance. En réalité Lily s’appelle Elizabeth, sa mère biologique l’a mise au monde alors qu’elle avait à peine dix sept ans, elle a été contraint de l’abandonner contre sa volonté, sous l’autorité de ses parents.

-Et quel est le lien avec Denise ? Lui demanda Michael.

-Si Lily est venue à Charleston s’était dans un but précis, pour retrouver sa véritable mère. La seule personne susceptible d’être compatible pour la greffe. Et elle l’a trouvée, vivant ici. Denise est la mère biologique de Lily.

-Quoi ?

Il se laissa tomber sur la chaise à coté de celle de son épouse et se remettait difficilement les idées en place.

-Denise ? Elle, elle a une fille ? Qu’elle a eu à dix-sept ans ?

-Oui.

Il resta un moment silencieux et plongea son regard dans celui de son épouse.

-Et Frank il…

-Frank n’est pas son père, et il ne connaît pas l’existence de cet enfant.

-Mais je croyais…

-Elle a menti à tout le monde et elle a enfoui ce secret au plus profond d’elle-même. Elle aime sa fille crois moi, seulement elle n’a jamais pu avouer son existence à qui que se soit.

-Si Frank savait qu’elle a eu un enfant avant de le connaître.

-Ce sera dur quand il l’apprendra.

-Je veux bien te croire, pendant toutes ces années…

Il secoua la tête et soupira profondément.

-Je t’avoue, je ne m’attendais pas un truc pareil.

-Je crois que personne ne le peut.

-Et en ce moment où se trouve Denise ?

-A New York, elle essaie de trouver des infos pour savoir où Lily a pu aller. Son état est critique d’après elle et elle doit se faire opérer au plus vite. On a trouvé le père de Katy, il vit toujours là-bas. Denise espère en savoir un peu plus en allant le voir.

-Et si jamais Denise la retrouve à temps ? Elle se fera opérer sans hésitation ?

-Sans hésitation, répéta la jeune femme, elle est compatible et déterminée à réparer ses erreurs. De plus, Katy se fera également opérer à ses frais.

-Claudia Joy, je ne sais pas si tu t’en rends compte, si tout ça s’apprend.

-Je m’en rends parfaitement compte et Denise aussi, seulement, c’est sa fille Michael, elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour qu’elle vive et je crois qu’on peut la comprendre.

-Oui c’est tout à fait compréhensible, murmura-t-il en détachant enfin son regard d’elle.

-La seule chose dont j’ai peur est la réaction des autres quand ça va se savoir et Frank.

-Je crois en effet que nous pouvons redouter la réaction de Frank lorsqu’il va apprendre ça.

-Quand est-ce que Denise veut-elle le lui dire ?

-Quand il rentrera, elle ne veut surtout pas qu’il l’apprenne alors qu’il se trouve en Irak.

-Mmh.

-Espérons seulement qu’il ne l’apprenne pas par une autre bouche que celle de Denise.

-Espérons répéta Michael, le regard perdu dans le vide.

Ils étaient encore restés quelques minutes ensembles dans la cuisine. Le Colonel assimilait doucement tout ce que son épouse lui disait. Il n’en revenait pas, il connaissait l’amie de Claudia Joy depuis plus de neuf ans. Comment une femme comme Denise, apparemment si fragile, pouvait-elle porter sur ses épaules un secret aussi lourd ? Comment pouvait-elle cacher l’existence d’une fille comme elle semblait le faire depuis si longtemps à ses proches ?

Le téléphone sonna et Claudia Joy se leva pour le prendre.

-Résidence du Colonel Holden ?

-Claudia Joy c’est moi, Denise.

-Denise, comment vas-tu ? Le voyage s’est bien passé ?

-Oui, ça va, j’ai rencontré Thomas, murmura-t-elle.

-Et alors ?

-Rien en ce qui concerne la disparition de Lily, il ne l’a plus revu depuis la naissance de Katy.

-Et pour le reste ?

Denise soupira et ferma les yeux un court instant.

-Tu avais raison, elle m’a raconté la vérité, tout ce qu’elle a dit sur son passé semble exact.

-Je te l’avais dis. A présent tu peux être soulagée, Lily est bien la personne qu’elle prétend être.

-Oui, murmura Denise, il semblerait.

-Que compte tu faire maintenant ?

-Je ne sais pas trop à vrai dire. Tu te rappelles du flacon que nous avons trouvé au motel ? Il y avait une adresse dessus.

-Oui euh, attends je me rappelle c’était un établissement avec un Saint quelque chose…

-A New York ça ne m’avance pas vraiment Claudia Joy, répondit Denise en riant doucement.

-Saint Patrick ! S’écria la jeune femme.

-Tu es sûre ? Demanda son amie, surprise qu’elle s’en souvienne si vite et si parfaitement.

-Oui, c’est ça, sans aucun doute. C’est une fête que j’aime beaucoup.

Elles rirent toutes les deux et Denise regarda dans l’annuaire qu’elle avait sous les yeux.

-Eh bien j’ai deux hôpitaux Saint Patrick à New York, un hôpital civil et une clinique.

-Comment savoir lequel est le bon ?

-Je ne pense pas que ce soit la clinique, attends j’ai un plan.

Il y eu un moment de silence où la jeune femme localisa les adresses sur le plan.

-Eh bien la clinique semble correspondre tout compte fait, elle se trouve près d’un quartier résidentiel et sur le chemin de l’université. Ca pourrait être ça.

-Une clinique ? Si Lily à été soignée à cet endroit c’est qu’elle ne devait manquer de rien

-Non en effet, surtout pour le type de traitement qu’elle devait suivre, un établissement privé, voulait dire que ses parents adoptifs avaient les moyens.

-Tu vois que tu as sans doute fait le bon choix en la laissant à ces gens.

-Le meilleur des choix aurait été qu’une fille grandisse auprès de sa mère. Je le vois avec Katy.

-Denise. Tu comptes aller à cette clinique ?

-Oui, je dois trouver le médecin qui l’a soigné.

-Pourquoi ?

-Elle a sans doute un dossier avec peut être une adresse.

-Crois tu encore qu’elle soit partie chez une personne qu’elle connaissait ?

-J’en doute de plus en plus, mais j’ai l’intuition que je dois me rendre là-bas.

-Comment compte tu t’y prendre pour trouver la personne qui l’a prise en charge ?

-Je n’en ai pas la moindre idée, je trouverai.

-Très bien, mais fais attention à toi Denise, et n’oublie pas que demain une petite fille t’attends pour son opération. Elle a vraiment besoin que tu sois là.

-Je serais là, comment va-t-elle ?

-Vu les circonstances ça va ne t’inquiète pas, elle a eu un petit accrochage avec Michael tout à l’heure mais tout est arrangé.

-Très bien, dis lui que je reviendrai bientôt et que je l’embrasse fort.

-Je lui dirais, promis.

-Merci Claudia Joy, soupira Denise.

-Ne t’inquiète pas, je t’ai dis que tu pouvais toujours compter sur moi.

-Bon, je te laisse, je vais manger rapidement quelque chose et je vais aller à la clinique.

-Ok, tiens moi au courant.

-Oui, pas de problème, à plus tard.

-A plus tard, répondit Claudia Joy avant d’entendre la tonalité du téléphone qui lui indiquait que son amie avait raccroché.

Denise rendit l’annuaire à la réceptionniste de l’hôtel où elle avait réservé une chambre pour une nuit. Après avoir laissé son sac dans la chambre, elle redescendit et alla manger un rapide repas dans le restaurant qui se trouvait dans la rue en face. Elle avait trouvé un plan de la ville, lui indiquant le chemin pour la clinique. Elle n’était pas très loin. Elle pourrait prendre le taxi sans que cela lui revienne trop cher. Elle mangea en pensant à la manière dont elle allait pouvoir trouver le médecin qui avait soigné Lily. La clinique était sans doute grande, accueillant de nombreux médecins et de nombreux patients dans ses locaux. L’un d’entre eux se souvenait-il de la jeune femme ?

Denise ne savait pas si elle apprendrait quelque chose, mais une chose était sûre ; elle devait y aller. Elle se trouvait à New York de toute manière, alors elle devait tenter sa chance.

Elle paya et prit un taxi jusqu'à la clinique St Patrick. Elle y entra et respira profondément.

-Et maintenant, je fais quoi ? Murmura-t-elle.

« L’annonce » Pensa la jeune femme.

Elle se dirigea vers le bureau principal et s’adressa à la secrétaire médicale.

-Excusez-moi.

-Oui, répondit-elle en relevant la tête.

-Je travaille dans un hôpital de Caroline du Sud, je suis infirmière…

-Pour les recrutements c’est pas ici, grogna la jeune femme en baissant la tête.

-Attendez non, je viens parce qu’une jeune femme a disparu, elle sortit la photo de Lily et la lui montra, elle a été soigné dans cette clinique pour une insuffisance rénale.

-Le nom du médecin, répondit la secrétaire d’une voix monocorde.

-Je ne le connais pas, soupira Denise.

-Alors, je ne peux pas vous aider.

Elle baissa la tête une nouvelle fois pour se replonger dans les dossiers qu’elle lisait.

-S’il vous plait, je dois trouver son dossier.

-Si vous êtes infirmière vous devez savoir qu’il nous est impossible de fournir des dossiers des patients.

-Je le sais mais, écoutez-moi ! Fit plus fort Denise, captant enfin l’attention de la personne qui se trouvait en face d’elle. Cette jeune femme a disparu depuis plusieurs jours, elle a besoin d’une greffe, je suis sa mère et je dois la retrouver.

-Ca ne change rien Madame.

-S’il vous plait, ça ne vous coûte que quelques minutes pour regarder. Elle s’appelle Roberts, Elizabeth.

-Madame.

-Elle a une fille de quatre ans qui a besoin d’elle.

-Ecoutez Madame, je ne peux rien pour vous aider.

Denise ne quittait pas la jeune femme des yeux. De toute évidence celle-ci ne lui dirait rien.

A présent elle n’avait plus qu’une chose à faire ; rentrer à Charleston et expliquer à Katy que sa mère ne reviendrait jamais. Elle devait rester auprès d’elle, l’accompagner à son opération et lui offrir une vie heureuse.

-Très bien, merci, soupira-t-elle en se retournant.

Un homme d’une quarantaine d’années, en blouse blanche, s’avança doucement.

-Excusez moi Madame, je vous ai entendu. Vous parlez d’une jeune femme en attente d’une greffe de rein ? Avec une fillette ? Lily et Katy ?

-Oui, répondit Denise en sentant en elle une nouvelle vague d’espoir l’envahir.

-Vous vivez à Charleston ?

-Oui, pourquoi cette question ?

-Alors elle a réussit, murmura-t-il pour lui-même.

Denise le regarda avec de grands yeux ronds et il lui sourit en lui tendant la main.

-Alberto Sanchez, je connais Lily. Elle a été ma patiente pendant des années et mon amie également.

Denise lui serra la main et elle prit la parole.

-Denise Sherwood, dit-elle encore surprise par ce qui se passait.

-Venez, nous seront plus tranquilles dehors.

Elle acquiesça et tout deux quittèrent le bâtiment. Ils rejoignirent un banc en bois, un peu à l’écart, et y prirent place.

-Vous êtes la mère biologique de Lily ?

-Oui.

-Que faites-vous ici ?

-Lily a disparu depuis quatre jours, il faut que je la retrouve, pour cette greffe.

-Vous êtes compatibles ?

-Oui, elle a fait des analyses à mon insu et je les ai trouvés.

-Elle m’avait dit qu’il y avait encore un espoir mais je ne l’ai pas cru. Plus d’une fois je lui ai dis d’abandonner tout ça mais elle a toujours refusé. Pour elle ce n’était pas seulement retrouver la personne qui pouvait lui sauver la vie, c’était aussi retrouver sa mère ; celle qui l’a mise au monde. Vous savez Lily est plutôt têtue quand elle veut. Finit-il en riant.

Denise resta silencieuse un moment et Alberto reprit la parole. Il voyait que la femme assise à coté de lui se sentait mal à l’aise et se trouvait totalement perdu.

-Comment vous a-t-elle annoncé qu’elle était votre fille ?

-Elle ne l’a pas fait, elle a disparu avant de m’en parler, j’ai découverts qui elle était par moi-même. J’ai retrouvé des recherches qu’elle avait faites sur moi et sur d’autres femmes, l’acte d’adoption, la lettre que je lui avais écrite et une photo de nous deux.

-Elle n’a pas cessé de vous chercher pendant deux ans. C’était son obsession, jour et nuit. Avant déjà, lorsque Katy et Jo vivaient encore, elle en parlait. Elle savait que cette greffe était inévitable si elle voulait vivre, et elle devait trouver une personne compatible. A la mort de ses parents adoptifs c’était devenu beaucoup plus que cela. Elle voulait savoir d’où elle venait, qui étaient ses vrais parents, s’ils s’étaient aimés. Je pense qu’elle songeait avant tout à Katy, au cas où il lui arriverait quelque chose. Elle voulait pouvoir la confier à une personne digne de confiance, quelqu’un qui saurait savoir ce qui est bon pour elle.

-Vous saviez qu’elle voyageait dans tout le pays avec sa fille ?

-Oui, tous ces changements n’étaient pas bons pour une fillette mais elle refusait de l’abandonner. Katy est tout pour elle. Elle est son trésor, sa raison de vivre, son oxygène. Malgré tout l’amour qu’elle lui porte, elle l’a mis en danger, plus d’une fois, sans le vouloir certes, mais Katy a beaucoup souffert par le passé et Lily s’en est voulu et s’en voudra toujours. Je pense qu’elle vous a laissé sa fille lorsqu’elle est partie ?

-Oui, elle m’a écrit une lettre où elle me dit de m’en occuper.

-Vous voyez, je la connais cette gamine.

-J’aimerai savoir une chose, qu’est ce que Lily a fait pour que Katy puisse être en danger ? Je n’imagine pas une seule seconde que cela puisse être possible.

-Ecoutez Madame Sherwood, je pense que vous n’avez pas à savoir cela, Lily ne voudrait pas et, après tout le passé est le passé.

-S’il vous plait, j’ai besoin de savoir, j’ai besoin de connaître ma fille.

Il soupira et plongea son regard dans celui de Denise. Elle avait le droit de savoir, si elle était sa mère, elle avait le droit de connaître ce que fut la vie de Lily avant de la rencontrer. Et si, effectivement elle était sa véritable mère, celle qui l’avait mise au monde et la seule qui pouvait la sauver, alors elle avait le droit de connaître la vérité, toute la vérité.

-Très bien, murmura-t-il. J’ai connu Lily lorsqu’elle avait seize ans. C’est à ce moment là que la maladie fut détectée. Mais elle ne se manifesta pas pendant plusieurs mois. Elle venait régulièrement faire des analyses et renouveler son traitement. A dix sept ans, elle est tombée enceinte. Katy est arrivée, cette gamine a poussé Lily à vouloir se battre. Elle voulait vivre pour elle, l’élever, voir toutes ses premières fois. Même si elle savait que Katy était sourde elle s’en contre fichait, sa fille était parfaite et elle l’aimait plus que tout au monde. Seulement Lily savait également qu’elle devrait se faire opérer tôt ou tard. Personne n’était compatible, ni famille, ni amis. Il fallait qu’elle retrouve ses parents biologiques, les seuls qui pouvaient la sauver. Ses parents adoptifs étaient morts dans un accident de voiture alors qu’elle n’avait que dix neuf ans. Elle s’est occupée seule de Katy et a abandonnée ses études, enchaînant les petits boulots minables. C’est à cet instant que les recherches ont commencé. Il lui était impossible de vous retrouver par la voie légale si j’ose dire. Elle a trouvé l’endroit où vivait son père, mais trop tard. Il était déjà décédé depuis trois ans. Il n’avait laissé aucune famille derrière lui, donc aucune personne susceptible de lui venir en aide. Alors, elle a tenté le tout pour le tout. Sa mère.

-Mais, comment se fait-il qu’elle n’a pas trouvé des informations sur moi ? Je n’ai pas accouché sous X, il lui aurait été facile de me retrouver.

-Apparemment on l’en a empêché, elle n’a jamais trouvé votre dossier.

-Mais alors, comment ?

-Elle a menti, triché, elle a fréquenté des gens peu recommandables et elle…

-Elle quoi, s’impatienta Denise, qui comprit qu’il allait enfin lui dire ce qu’elle n’aurait jamais pu savoir sur Lily.

-Il lui est arrivée de donner son corps en échange d’informations, elle a couché avec des hommes plus ou moins influents pour obtenir ce qu’elle voulait.

Denise resta silencieuse. Elle n’arrivait pas à croire ce que ce médecin lui disait. Comment Lily pouvait-elle cacher un tel secret ? Mais après tout elle aussi avait su ne pas parler de sa jeunesse.

-Ne la jugez pas trop vite Madame Sherwood, Lily a beaucoup souffert et elle en souffre toujours Elle a détesté ce qu’elle a fait mais elle l’a fait.

-Et Katy ? Demanda la jeune femme une boule dans le ventre.

-Katy vivait avec elle. Elle s’arrangeait pour la faire garder. Moi-même de temps à autre je lui rendais ce service. Katy ne savait rien pour sa mère, pour elle : maman allait travailler. Et puis un jour, elle a réussit à masser assez d’informations sur plusieurs femmes susceptibles d’être sa mère. Elle voulait quitter la ville et commencer ses recherches dans tout le pays. Elle s’arrangeait pour les rencontrer et faire les tests. A chaque fois, c’était une nouvelle déception quand elle revenait ici, au point de départ. Et puis, à force de manipuler les autres et de ne pas trouver la vérité, Lily avait changé. Son état s’aggravait, elle était plus fragile, tant sur le plan physique que moral. Elle n’avait plus un sous en poche et refusait l’aide que je voulais lui apporter. Il y a quelques mois, elle a rencontré un homme avec qui elle a vécu quelques temps, il était violent. Toujours avec elle, il ne touchait pas à Katy, sauf une fois, une fois de trop. Lily a compris jusqu’où elle était tombée. Elle avait recueilli de nouvelles informations et elle voulait croire que cette fois-ci tout changerait. Elle a quitté cet homme du jour au lendemain. Elle prit le strict minimum qu’elle fourra dans sa voiture. Elle est passée ici pour prendre des médicaments pour plusieurs semaines. Elle quittait définitivement New York. Elle devait protéger sa fille. Elle ne voulait pas me dire où elle allait. Et puis elle est partie. Je n’ai plus eu de nouvelles pendants des semaines entières. Une après-midi, j’ai eu un coup de téléphone. Lily m’appelait pour me dire qu’il restait encore un espoir, elle avait trouvé quelque chose. Son était s’était détérioré et je lui ai conseillé de rentrer au plus vite mais elle a refusé ; un espoir, elle ne faisait que me répéter ça ; un espoir. C’est là qu’elle m’a dit qu’elle se trouvait à Charleston en Caroline du Sud. Et quand j’ai voulu la persuader de revenir pour se faire hospitalisé, elle m’a raccroché au nez, depuis je n’ai plus aucune nouvelle d’elle.

Ils restèrent silencieux un moment. Denise avait besoin d’assimiler tout ce que cet homme venait de lui dire. Lily avait tellement souffert pour elle, à cause d’elle. Si elle ne l’avait pas abandonné, si elle s’était battue pour sa fille, celle-ci n’aurait pas eu une vie aussi malsaine et dangereuse que celle qu’elle eu avec Katy depuis la mort de Katy et Jo Roberts.

« Tout ça est arrivé à cause de moi. » Pensa Denise.

-C’est à cause de moi.

-Ne dites pas ça, intervint Alberto qui avait entendu ce faible murmure, ce qui est arrivé à Lily n’est pas votre faute.

-Elle a bien mené cette vie pour me retrouver non ? C’est bien moi qui l’ai mise au monde et qui n’ai pas su me battre pour la garder auprès de moi. Si…

-Ecoutez-moi. L’important c’est Katy à présent. Je ne pense pas que vous retrouveriez Lily en vie. Si elle a laissé sa fille c’est qu’elle a renoncé à poursuivre ce combat.

Croyez-moi je la connais. Elle est solide comme un roc mais le roc s’est ébranlé. Si Katy n’est plus auprès d’elle, c’est signe qu’elle dépose les armes. Et si elle laisse sa fille à vous, c’est pour une bonne raison, elle veut que vous preniez soin d’elle, vous et personne d’autre.

Denise ferma les yeux un instant. Il devait avoir raison. Lily devait être décédée à l‘heure qu’il est. Elle devait l’être depuis longtemps déjà. Pourtant, elle aurait tellement voulu y croire encore, mais elle aurait fait fausse route. L’état de santé de sa fille était critique, même si elle n’avait pas tenté de mettre fin à ses jours, sans soutient de quiconque, elle devait s’être éteinte à présent.

Un bruit strident la fit reprendre pieds dans la réalité. Le bippeur du médecin sonnait. Il l’arrêta et se tourna vers elle.

-Je suis désolé on m’attends, je dois y retourner, vous rentrez à Charleston ?

-Tôt demain matin, Katy se fait opérer, je lui ai promis d’être là.

-Au moins une bonne nouvelle, répondit-il en souriant.

-Oui, répondit Denise, c’est une très bonne nouvelle.

-Je vois en effet que Lily a eu raison de vous confier sa fillette, je sais qu’elle ne l’aurait pas fait si vous n’étiez pas une personne merveilleuse.

-Vous croyez que je suis une personne merveilleuse ? Je ne peux plus rien faire pour elle, je n’ai jamais rien fait.

-Apparemment si.

Il se leva.

-Faites attention à vous Madame Sherwood et prenez soin de Katy, c’est une fillette fantastique.

Denise acquiesça et le médecin s’engouffra dans le bâtiment. La jeune femme regarda le ciel bleu au-dessus d’elle.

-Faites qu’elle soit toujours en vie, je vous en prie, ma petite fille doit être en vie.

Après quelques minutes encore, assise là à ruminer tout ce qu’elle venait d’apprendre, elle se leva enfin et rejoignit l’hôtel. Elle allait se reposer, une courte nuit avant de rentrer le lendemain à Charleston là où une petite fille l’attendait impatiemment.

Le soleil disparaissait doucement derrière les collines boisées. La jeune femme le regardait en respirant doucement. Le moniteur, derrière son lit, indiquait que son cœur battait faiblement. Elle ne bougeait plus. Tout son corps semblait endormi, seule sa poitrine se soulevait dans un faible souffle.

On entra.Lily bougea avec difficulté la tête. Aaron se dirigea vers elle et lui sourit tendrement. Il s’assit sur la chaise, à coté du lit et lui parla doucement.

-Lily, je vous en prie, dites-moi quelque chose.

-C’est fini, n’est-ce pas ? Dit-elle dans un souffle.

-Lily…

-Répondez-moi.

Il avala difficilement la salive qui s’était formée dans sa bouche et acquiesça.

-Nous ne pouvons plus rien faire pour vous, à moins, à moins qu’un donneur compatible se présente sous soixante douze heures, maximum.

Elle ferma les yeux et respira profondément. Aaron lui prit tendrement la main et emprisonna celle de Lily dans les siennes. Elle tourna à nouveau la tête vers lui et plongea son regard dans le sien.

-Merci, murmura-t-elle, merci d’être resté avec moi jusqu’au bout.

Il s’approcha doucement et ne pu s’empêcher de caresser son front.

-Je vous l’ai promis, non ?

Elle fit un signe de tête et ferma les yeux à nouveau.

-Je n’ai pas voulu briser sa vie mais…Katy.

-Katy ? Qui est-ce ?

-Katy, répéta la jeune femme à bout de force.

Elle se laissa tomber dans un profond sommeil, alors qu’elle entendait au loin la voix de Aaron. Elle desserra la pression qu’elle avait exercée sur sa main. Le jeune homme la regarda un moment et leva les yeux vers le moniteur. Le cœur de Lily s’était arrêté de battre et elle ne respirait plus. Avant qu’il puisse faire quoique se soit, une vague de monde déferla dans la pièce. En tête se trouvait son mentor.

-Aaron, qu’est-ce que tu fais là ? Dit-il avec colère.

-Je…je.

-Pousse toi, elle est en arrêt.

Le jeune homme lâcha la main de Lily et se trouva au fond de la pièce. Il se sentait tellement mal, jamais auparavant il n’avait sentit cette boule dans son ventre, jamais auparavant ses mains sûres avaient tremblé comme à cet instant. Toutes les personnes s’afféraient autour de la jeune femme mais lui, ne bougeait pas. Il se contentait de regarder son visage si paisible, ce visage si doux sur lequel il avait vu plus d’une fois de tendres sourires. Il regardait ces paupières restées closes, ces paupières derrières lesquelles se cachaient deux profonds yeux bleus dans lesquels il décelait souvent des pointes de tristesses et des étincelles malines.

Après quelques minutes qui lui parurent interminables, les personnes présentes s’écartèrent du corps de la jeune femme. Son cœur était repartit, un long et épais tuyau avalait une partie de son visage. Son ami se tourna vers lui, il posa sa main sur son épaule.

-Viens, murmura t-il.

-Mais…

-Aaron, viens ! Ca ne sert à rien que tu restes ici, il faut que je te parle au calme.

Ils quittèrent la pièce et rejoignirent une petite salle d’examen vide.

-Aaron écoute.

-Elle est dans le coma ?

-Profond, arrêt cardiaque et respiratoire, on a pu la faire repartir rapidement mais je ne sais pas pour combien de temps.

Le jeune homme soupira et passa sa main sur son visage.

-Aaron, tu as fais beaucoup pour cette fille mais maintenant je te retire ce patient.

-Quoi ?

-Tu t’es attaché à elle et en tant que médecin tu n’as pas à le faire. Dès maintenant tu ne t’occupes plus de Lily.

-Ne fais pas ça.

-J’ai le droit de te l’interdire alors je le fais, tu auras l’autorisation de la voir après ta garde si tu le veux mais, lorsque tu porteras cette blouse, je ne veux pas te voir près d’elle.

-Attends tu…

-Je ne veux pas te voir près de sa chambre pendant ta garde, c’est clair ? Dit-il sur un ton plus dur. Tu es un médecin, tu n’es pas là pour tissé un quelconque lien affectif avec les patients. Tu es là pour leur apporter des soins et rien d’autre. Souviens-toi que c’est moi qui te note pour ton examen final.

-C’est dégelasse, murmura le jeune homme.

-Peut être, mais c’est comme ça, répondit-il avant de sortir.

Aaron se sentit bouillonner intérieurement. Il frappa de toutes ses forces dans un plateau qui se trouvait à proximité. Son contenu vola en éclat et se répandit sur le sol blanc.

Aaron quitta l’hôpital furieux. Une fois chez lui, il se changea et sortit. Il alla dans un bar. Après avoir commandé plusieurs bières, il essaya de penser à autre chose. Plusieurs femmes entamèrent la conversation avec lui mais une seule occupait son esprit bien qu’il aurait voulu l’oublier pour un soir ; Lily.

L’avion se posa sur la piste d’atterrissage. Il était près de dix heures. La matinée était déjà bien avancée lorsque Denise arriva à Charleston. Elle était épuisée, elle le sentait. Elle ne tiendra plus longtemps à ce rythme là ; les courtes nuits, les émotions des derniers jours, le voyage. Tout ce qu’elle avait apprit sur Lily tournait en boucle dans sa tête. Il fallait que tout se termine au plus vite, son moral et son corps ne supporteraient pas plus.

Elle regarda par le hublot. L’avion roulait doucement sur la piste. Aujourd’hui, Katy allait se faire opérer. Elle avait rendez-vous à l’hôpital de la base à quinze heures quinze. Elle sentait qu’elle pourrait enfin faire quelque chose de concret. Elle était résolue, sa priorité était la petite fille. Elle avait besoin d’elle, et elle répondrait présente.

L’avion s’arrêta enfin et le pilote souhaita une bonne journée aux passagers. Ils sortirent un à un. Denise traversa l’aéroport et la foule qui l’animait et rejoignit sa voiture. Elle démarra et prit le chemin du domicile de Claudia Joy.

On sonna et la maîtresse de maison alla ouvrir.

-Hey, salut.

-Salut Claudia Joy, répondit timidement Denise.

Elle entra et posa ses affaires. Son amie lui indiqua le salon et Denise y pénétra. Katy était assise sur le canapé et jouait tranquillement avec sa poupée. La jeune femme s’approcha doucement et lorsque la fillette la vit, elle se jeta dans ses bras pour une tendre étreinte.

-Comment ça va mademoiselle ? Demanda Denise à la fin du doux câlin.

-Tu m’as manqué.

-Toi aussi tu m’as manqué, petite puce, répondit-elle en caressant le bout de son nez.

Elles se sourirent et Claudia Joy intervint.

-Tu veux boire quelque chose ? Un café ?

-Oui, je crois qu’il sera nécessaire pour que je ne m’écroule pas, murmura Denise.

Claudia Joy acquiesça et regagna la cuisine.

-Katy, tu peux rester ici ? Je dois parler avec Claudia Joy.

-Je peux pas venir ?

-Non, c’est une discussion de grandes personnes.

Elle fit une moue et Denise lui caressa tendrement la joue.

-Tu sais, j’ai des secrets avec toi, j’en ai aussi avec Claudia Joy. Tu aimerais que je parle de tes secrets quand une autre personne est là ?

-Non.

-Eh bien, c’est pareil.

-D’accord.

Elle lui sourit et déposa un baiser sur sa joue.

-Tu es une très gentille petite fille.

Elle se redressa et rejoignit Claudia Joy dans la cuisine. Elle prit place sur un tabouret et son amie se tourna vers elle.

-Alors ?

-J’ai retrouvé le médecin qui s’est occupé de Lily.

-Et tu as appris quelque chose ?

Denise hésita un moment avant de répondre.

-Non rien.

-Tu es sûre que tu ne me caches pas quelque chose ?

-Non, je ne sais pas plus que ce que Thomas m’a apprit, répondit Denise en baissant les yeux.

-Denise, insista la jeune femme, s’il y a quelque chose, s’il te plait, dis le moi.

-Je n’ai pas envie d’en parler et, je ne peux pas te le dire. Elizabeth ; elle s’arrêta un instant ; elle n’aurait pas voulu que tu le saches, et moi non plus d’ailleurs.

-Pourquoi, c’est si grave ? Demanda-t-elle avec inquiétude.

-Non, enfin c’est dur d’en parler, même à toi, je suis désolée.

-Que s’est-il passé ?

-S’il te plait Claudia Joy, je ne peux pas t’en parler, pas pour le moment.

-Ok, comme tu veux, se résigna la jeune femme.

Elles burent leur café en silence. Denise repensa aux paroles de Claudia Joy lorsqu’elle se trouvait à New York. Elle voulait parler d’autre chose que du sombre passé de sa fille.

-Que s’est –il passé entre Katy et Michael ?

-Rien de grave, ne t’inquiète pas, répondit Claudia Joy en souriant.

Elle lui raconta le petit incident de la veille ainsi que la discussion qu’elle avait eu avec la fillette dans le jardin. Leur conversation touchant à sa fin, la jeune femme lui proposa de rester pour le déjeuner, avant de partir pour l’opération de la fillette.

Il faisait bon pour manger dehors à cette période de l’année. Après avoir préparé le repas, toutes les deux, elles mangèrent en compagnie de Katy. Celle-ci posait encore tout un tas de question à Denise sur son intervention. Elle la rassura du mieux qu’elle pouvait, sous le regard attendrit de Claudia Joy. Le lien qu’il y avait entre elles ne s’était que renforcé depuis que Lily avait disparu. Elle avait l’impression qu’elles se connaissaient depuis toujours, que Katy avait grandie auprès de sa grand-mère depuis des années.

Vint enfin l’heure de partir pour l’hôpital. Claudia Joy avait proposé de les emmener mais Denise préféra conduire. Elle avait besoin de rester seule avec la fillette, mais elle avait aussi besoin de reprendre les choses en mains. De reprendre ce contrôle qu’elle avait perdu sur sa vie depuis plusieurs jours.

Arrivée à l’hôpital, Denise salua quelques collègues et Katy rencontra le médecin qui devait l’opérer quelques minutes plus tard. Ils la préparèrent. Denise la rassura une dernière fois, puis, toutes deux rejoignirent le bloc opératoire.

L’infirmière tenait la main de la petite fille au creux de la sienne. De l’autre, elle caressa tendrement son front.

-Ca va aller ma puce, je resterai là tout le temps. Et à ton réveil tu auras des oreilles toutes neuves.

La fillette sourit et Denise croisa le regard de son collègue. Il acquiesça et approcha l’aiguille de son bras. Denise se pencha sur Katy et l’embrassa. Celle-ci sentit le liquide couler dans ses veines. Elle regarda Denise lui sourire jusqu’au moment où elle s’endormit profondément.

L’opération se passa bien. Denise n’avait pas quitté la fillette un seul instant. Elle avait besoin d’être auprès d’elle et savoir de quelle manière se déroulait l’opération. Celle-ci se termina une heure trente plus tard, sans aucune complication.

A présent, Katy se trouvait en salle de réveil. Denise avait prit place à coté d’elle et la regardait dormir. Elle ne se lassait jamais de le faire. Elle s’imagina avoir connu Lily à cet âge là. Elle avait dû lui ressembler, à part cette chevelure sombre qu’elle avait héritée de son père. Denise pensa à Thomas, il lui avait semblé être un jeune homme charmant, mais bien trop irresponsable pour assurer l’éducation d’une enfant comme elle. Katy s’émerveillait de tout et voulait tout apprendre. A présent qu’elle pouvait entendre, elle ne deviendrait que plus gourmande et curieuse de la vie. Il était évident qu’avec ou sans Lily, elle aurait besoin d’une présence masculine. Il lui faudrait un homme qui assure la figure de père. Denise pensa à Frank. Si sa fille était décédée, il assurerait cette place auprès de Katy, après, bien sûr, qu’elle ait dû batailler dur pour la faire accepter. Denise sourit. Il faudrait sans doute du temps à son époux pour le faire, mais elle le connaissait, il lui apportera tout l’amour dont elle aurait besoin. Comme lui avait rappelé Claudia Joy à propos de Michael, personne ne peut résister au charme de Katy Roberts. Ce qui inquiétait davantage la jeune femme était la réaction de Frank à son égard. Le secret, le mensonge, ce sentiment de trahison. Elle savait que tout cela pèserait lourd pour le Major. Denise espérait simplement, qu’il l’aimait assez pour le lui pardonner.

La fillette remua doucement et Denise se pencha au-dessus d’elle. Elle lui adressa son plus beau sourire et Katy répondit de la même manière.

-Tu es là Mia.

-Oui ma puce, comment ça va ?

-J’ai mal à la tête et il y a un drôle de truc.

-Quoi ?

-Je sais pas ce que c’est.

-Attends chérie, je vais chercher le docteur, d’accord ?

La fillette acquiesça et Denise quitta la pièce. Elle trouva son ami deux couloirs plus loin.

-Léo ?

-Oui Denise, ça va ?

-Oui, Katy s’est réveillée.

-Ok, j’arrive.

Ils avancèrent tous les deux vers la chambre de la petite fille.

-Tout est bon ? Demanda le médecin.

-Oui, tout est ok, mais, elle a un peu mal à la tête et autre chose.

-Quoi comme autre chose ?

-Je ne sais pas, et elle non plus.

-Mmh.

-C’est grave ?

-Ne t’inquiète pas, je vais voir.

Ils entrèrent dans la pièce et Katy tourna la tête vers eux.

-Salut Katy !

-Salut.

-Alors, comment ça va ? Denise m’a dit que tu avais mal à la tête ?

-Oui, un peu.

-Il y a autre chose ?

Elle regarda Denise qui acquiesça.

-Dis lui Katy.

-Un truc que j’ai jamais eu.

-Ce ‘truc’ ça te fait mal ?

-Non.

-Tu me laisse regarder tes oreilles ?

Il s’approcha et sortit son matériel de sa poche. Il se pencha sur la fillette et l’examina attentivement. Après quelques temps, passés à regarder ses oreilles, il se redressa en souriant.

-Tout va bien Katy, ce ‘truc’ bizarre comme tu dis, est en fait un petit sifflement dans ton oreille. Ca veut dire que l’opération a marché et que tu vas bientôt pouvoir entendre.

Un sourire illumina le visage de Katy ainsi que celui de Denise.

-Quand je peux ?

-Oh, pas encore, ce soir tu restes ici, nous allons te faire des petits tests et nous allons adapter les appareils que tu devras porter, tu pourras repartir demain avec Denise.

-Super !

-Mais fais attention mademoiselle, tu dois toujours porter ces appareils, sinon ça ne servira à rien. Tu verras ça ne fait pas mal, mais c’est très important que tu les aie toujours sur toi.

-D’accord.

Denise lui sourit. Elle était soulagée, elle avait enfin pu agir pour quelqu’un. Enfin elle se sentait utile au bien être de sa famille, en vie, simplement. Cette fillette avait été guérie grâce à elle et grâce à elle, elle pourrait communiquer plus facilement avec les autres enfants.

-Denise ?

-Euh…oui.

-Tu viens une minute ? Je dois te parler.

-Oui, elle se retourna vers la fillette, je reviens Katy.

-D’accord Mia.

Une fois dans le couloir, son collègue se tourna vers elle.

-Tu as retrouvé la mère de cette gamine ?

-Non, toujours pas. Ecoute, je t’ai demandé une faveur, je te revaudrai ça, mais je ne peux vraiment pas t’en dire plus sur elle ou sur sa mère.

-Je n’aime pas cette réponse Denise. Jure moi que tu as pleinement le droit de te porter garant pour Katy, jure moi que sa mère est d’accord avec ce que tu fais.

-Je t’assure que c’est le cas. Mais je ne peux vraiment pas t’en dire plus, je suis désolée.

-Ok, je te fais confiance, mais je n’aimerai pas avoir tord, et surtout je ne veux pas perdre mon boulot pour ça.

-Tu ne le perdras pas.

Ils se regardèrent un moment dans les yeux, puis Léo acquiesça.

-Ok, bon alors, pour Katy, elle reste jusqu’à demain, je la laisse reprendre ses esprits quelques temps, ensuite on fera les tests nécessaires pour adapter l’appareil à son oreille. Mais demain il faudra y aller doucement, lui éviter le bruit le plus possible, lui parler doucement. Tout ceci est nouveau pour elle, elle doit s’y habituer.

-Oui je comprends, ne t’inquiète pas.

-Je ne m’inquiète pas, je t’ai vu avec elle, on a l’impression qu’elle est ta propre fille.

Il sourit et la laissa seule. Denise retourna dans la chambre de Katy et reprit sa place à coté d’elle.

-Mia, je vais parler comme maman et toi ?

-Oui, tu vas apprendre à parler comme nous.

-Tu sais ce que je voudrais dire à maman quand elle reviendra ?

-Quoi ma puce ?

-Je t’aime. Tu crois que je pourrais dire ça ? Maman je t’aime.

-Bien sûr que tu pourras Katy, je t’apprendrais à le dire.

-Super, merci Mia.

-De rien Mistinguette, dit-elle en lui caressant tendrement le nez.

La fillette rit et Denise en fit de même.

Il se passa environ une heure avant qu’on vienne la chercher pour des tests. Denise la laissa enfin seule et en profita pour appeler son amie. Elle se trouvait au téléphone à l’entrée de l’hôpital. Elle la rassura, tout allait bien. Claudia Joy s’en réjouit, elle lui proposa de fêter cette nouvelle au Hump Bar avec leurs amis, mais se doutant que Denise aurait sans doute du mal à laisser la fillette seule. Elle eut raison, la jeune femme déclina l’offre et resta au chevet de Katy toute la nuit.

 

Ils avaient prit une table au fond du bar, celle qu’ils occupaient souvent. Cela faisait tout juste six jours que Lily avait disparu, pourtant le temps leur avait semblé beaucoup plus long.

Roxy avait prit sa pause et se trouvait assise en face de Claudia Joy, entre Roland et Pamela.

-Ce soir, nous avons une bonne nouvelle à fêter les amis, lança Claudia Joy en levant son verre ; la petite Katy a été opérée, tout s’est bien passé, elle rentre demain avec Denise, finit-elle en souriant.

-Super ça, intervint Pamela en levant son verre elle aussi.

-Au moins une bonne nouvelle, murmura Roxy.

-Ouais, au moins une, répondit Roland sur le même ton.

Ils burent tous une gorgée de leur verre et restèrent silencieux un moment avant que Roxy reprenne la parole.

-On a une chance de retrouver Lily en vie ?

Ils échangèrent un regard et tous convergèrent vers Claudia Joy qui semblait la mieux placée pour répondre à cette question.

-Très peu d’après Denise, soupira-t-elle.

-J’ai eu de nombreux appels de soutient à la radio, reprit Pamela, Lily était très appréciée.

-Ne la mets pas au passé, s’il te plait, murmura Roxy.

-Désolée.

Ils restèrent encore un moment silencieux, la tension était plus que palpable et personne ne savait vraiment quoi faire, ou quoi dire pour la faire retomber.

-Comment va Trevor? Lança Claudia Joy sans trop savoir pourquoi.

-Ca va, il va bien, il se sent utile et il ne semble pas avoir envie de rentrer plus que cela. Il se sent bien dans sa compagnie, le Major Sherwood lui inspire le plus grand respect et il aime servir sous ses ordres, finit Roxy en murmurant.

-Il a envie de rentrer, crois-moi, intervint Pamela, seulement il ne peut pas et surtout ne veut pas te le dire.

-Tu crois ? Demanda la jeune femme avec scepticisme.

-Oh oui ! J’en suis sûre. Il aime ce qu’il fait, l’armée, ok, c’est tout pour eux et s’avouer à soi même et aux autres qu’ils ont envie de revoir leur famille et passer du temps avec elle, ça colle pas avec ça. Ils doivent jouer les gros durs.

-Et d’un coté c’est mieux, ajouta Claudia Joy, ils doivent être totalement présent au combat s’ils veulent rentrer vivants.

-Mmh.

-En plus, c’est sa première mission sur le terrain, tu verras ça changera, dit Claudia Joy en souriant.

-Heureusement TJ et Finn sont là, et vous aussi, dit-elle en riant.

-Ne t’inquiète pas, on sera toujours là, dit Pamela en lui prenant la main.

-Dans les meilleurs moments, comme les pires, ajouta Claudia Joy.

-Espérons qu’il y a davantage de bons moments que de mauvais, soupira Roxy.

-Mais oui, intervint Roland.

Ils se sourirent et levèrent leur verre au nom de leur amitié.

A quelques kilomètres de là, alors que le bar fermait, que le soleil se levait déjà, une femme veillait sur une petite fille. Celle-ci dormait profondément à coté d’elle. Elle lui tenait tendrement la main, comme pour veiller un peu plus sur elle, comme pour éloigner les mauvais rêves.

Denise n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Elle était épuisée. Mais, elle estimait que tout était fini. A présent, Katy était guérie et contre toute vraisemblance, Lily devait être décédée à cette heure là.

Elle ferma les yeux, sentant le sommeil l’envahir doucement.

Denise sursauta lorsque la porte s’ouvrit et regarda la personne qui était entrée.

-Denise, je peux te parler ? Murmura le jeune homme.

-Qu’est-ce qu’il y a ?

-Viens, s’il te plait.

Elle se leva et rejoignit son ami dans le couloir.

-Il y a un problème avec Katy ? Demanda-t-elle inquiète.

-Non mais, j’ai eu une réponse de la jeune femme qui a disparu.

Il lui tendit un papier que Denise s’empressa de prendre.

-Quoi ?

Elle lut à toute vitesse et Léo poursuivit.

-Est-ce que le signalement correspond ?

-Oui c’est elle, articula difficilement l’infirmière, où est-elle ?

-Hôpital civil, Goldsboro.

-Depuis quand ?

-Nous avons son signalement depuis trois jours mais à priori elle y serait depuis six.

-Quoi ? Depuis six jours ? Pourquoi n’avons-nous pas eu ça plus tôt ?

-Je n’en sais rien.

-Elle est en vie alors, murmura Denise.

-Qui est-elle ?

-La mère de Katy, écoute Léo, je dois appeler quelqu’un et je dois me rendre à Goldsboro.

-Maintenant ?

-Le plus vite possible.

Elle s’apprêta à partir mais il la retint par le bras. Denise se retourna et ancra son regard dans le sien.

-Qui est-elle pour que tu y attaches autant d’importance ?

-Une amie à qui je tiens énormément, répondit-elle avec assurance.

-Cette amie a beaucoup de chance d’avoir quelqu’un qui se soucie autant d’elle.

-Elle ne l’a pas toujours eu, crois-moi. Merci pour l’info Léo.

Elle avança dans le couloir pour arriver jusqu’au bureau des infirmières. Elle prit le téléphone et composa le numéro de sa meilleure amie. Après quelques sonneries, celle-ci décrocha.

-Résidence Holden.

-Claudia Joy, c’est Denise.

-Denise ? Qu’est-ce qui se passe ? Katy va bien ?

-Oui, tout va bien chez elle je, j’ai des nouvelles de Lily, elle est dans un hôpital de Caroline du Nord, depuis le jour où elle est partie.

-Quoi ? Et comment va-t-elle ?

-Je n’en ai pas la moindre idée, mais elle est en vie Claudia Joy. Elizabeth est en vie et je dois aller la voir.

-Denise attends, il est quatre heures du matin, tu ne peux pas y aller maintenant, pense à Katy, elle rentre aujourd’hui c’est bien ça ?

-Oui.

-Attends qu’elle sorte de l’hôpital, repose toi et ensuite nous pourrons aller trouver Lily.

-Non Claudia Joy, c’est à moi d’y aller. Mais tu as raison, j’attendrai que Katy sorte de l’hôpital. Je vais les appeler pour connaître l’état de Lily et je partirai après l’avoir dit à Katy.

-C’est ce qu’il y a de mieux à faire, répondit Claudia Joy.

-Merci Claudia Joy et excuse-moi de t’avoir réveillé à cette heure, j’avais besoin de le dire à quelqu’un.

-Ce n’est rien, à plus tard et fais attention à toi.

-A plus tard, murmura Denise avant de raccrocher.

Claudia Joy en fit de même et soupira. Michael s’assit et la regarda avec inquiétude

-C’était Denise, elle a retrouvé Lily, elle est en vie dans un hôpital en Caroline du Nord. Lorsque Katy sortira, elle ira la retrouver pour se faire opérer.

Michael sourit et caressa tendrement la joue de son épouse.

-Tout s’arrange, murmura t-il.

-J’espère en effet, pour le moment on ne sait pas dans quel état de santé se trouve Lily, elle peut être déjà décédée sans qu’on le sache.

-Elle est hospitalisée depuis combien de temps ?

-Depuis qu’elle nous a quitté.

-Elle a eu des soins depuis une semaine. Chérie, elle a tenu jusqu’à maintenant, elle peut encore le faire jusqu’à ce soir, jusqu’à l’arrivée de Denise, j’en suis sûr.

-Espérons le Michael, Denise s’en voudra toute sa vie si elle n’a rien pu faire pour elle.

-Elle fera tout ce qu’il faut, c’est de Denise dont on parle.

-Je sais.

Ils se sourirent et s’embrassèrent tendrement.

-Tu as encore envie de dormir ? Murmura Michael.

-Maintenant que je suis réveillée, plus trop.

Ils basculèrent doucement et s’embrassèrent une nouvelle fois. Claudia Joy se blottit dans les bras de son époux et tout deux passèrent un moment magique à se prouver leur amour réciproque.

Il faisait jour depuis quelques heures lorsque Denise et Katy quittèrent l’hôpital. Denise ne tenait pas en place. Elle avait passé un coup de fil à l’hôpital où Lily était hospitalisée. Elle se trouvait dans le coma. Un état stationnaire mais préoccupant. Denise pria de toutes ses forces pour qu’elle tienne le coup jusqu’à son arrivée. Elle devait se battre encore quelques heures, juste le temps qu’elle arrive et qu’elle se fasse opérer. Que quelques heures, pour elle, pour Katy.

Après avoir eu les dernières recommandations, la petite fille avait quitté l’hôpital. Elle ne portait pas l’appareil qu’elle devait mettre dans les oreilles. Les bruits de la rue pouvaient être trop agressifs pour elle. Il fallait y aller doucement, commencer dans un cadre relativement calme.

Denise lui avait expliqué la situation dans laquelle se trouvait Lily. La fillette avait demandé à venir avec elle mais la jeune femme lui avait dit qu’elle ne pouvait pas l’emmener. Katy avait eu beaucoup de mal à comprendre, mais avait fini par accepter la situation tant bien que mal. Denise avait appelé Claudia Joy. Elle lui avait donné rendez-vous chez elle. Son amie s’avérait être, une fois de plus, d’une précieuse aide. Elle ne la remercierait jamais assez pour tout ce qu’elle faisait pour elle et Katy.

Denise préparait quelques affaires qu’elle jeta rapidement dans la valise ouverte sur son lit. La fillette se trouvait assise à coté d’elle et la regardait.

-Je reviendrai ma puce, murmura Denise en lui caressant tendrement la joue.

-Avec maman ?

-Je ne sais pas Katy.

-S’il te plait Mia, reviens avec maman.

-Je ferai tout ce que je peux pour qu’elle revienne avec moi, je te le promets Katy.

La fillette se retourna et prit l’ourson en peluche qui se trouvait sur le lit. Elle le lui tendit et Denise le prit.

-Donne Hector à maman, comme ça il veillera sur elle et maman reviendra.

-Je lui donnerai, et regarde, elle se dirigea vers la tête de lit et prit le petit lapin rose, je lui donnerai aussi ce petit lapin, comme ça à deux, ils seront plus fort pour veiller sur elle.

Katy sourit timidement et Denise ferma la valise. La fillette sauta du lit. Denise prit sa valise d’une main et Katy glissa sa petite main dans celle de la jeune femme. Elles sortirent de la chambre. La fillette tira doucement sur la main de Denise qui se retourna.

-Je peux mettre mes nouvelles oreilles ? Comme ça je peux entendre comment tu parles avant que tu pars.

Denise sourit et chercha ce que la petite fille lui avait demandé.

-C’est tout nouveau pour toi, alors il va falloir que tu t’y habitue, je parlerai doucement au début. Ca te paraîtra un peu bizarre, mais ça ira mieux après quelques temps. Il faudra que tu sois patiente, d’accord ?

Katy acquiesça en souriant et Denise se pencha sur elle. Elle lui mit les petits embouts et s’éloigna doucement.

-Dis quelque chose ! S’impatienta la fillette.

Denise sourit.

-Je suis très fière de vous, mademoiselle Roberts, murmura Denise.

Katy sourit, elle n’avait pu s’empêcher de livre sur les lèvres, mais le doux son de la voix de la jeune femme la rendait encore plus heureuse.

-Mia, c’est trop bien. Dis autre chose.

-Je t’aime très fort Katy, répondit –elle en la regardant dans les yeux.

-Alors c’est comme ça « je t’aime » ?

-Oui, c’est ça, je t’aime, répéta la jeune femme avec lenteur.

-Tu m’apprendras, hein ?

-Je te l’ai promis, dit-elle en faisant un clin d’œil.

Elles se sourirent.

On frappa à la porte et Katy leva la tête.

-C’est quoi ?

-C’est Claudia Joy qui frappe à la porte.

Elle se dirigea vers celle-ci et alla ouvrir. Son amie la prit sans hésitation dans les bras.

-Denise, soupira Claudia Joy.

-Je vais bien Claudia Joy, répondit Denise en souriant, toujours dans les bras de la jeune femme.

Elles se séparèrent doucement.

-Je te laisse Katy en attendant mon retour.

-Pas de problème, comment va-t-elle ?

Denise n’eu pas le temps de répondre que la fillette arriva dans l’entrée.

-Coucou demoiselle, ça va ?

-Oui.

-Tu vas rester quelques temps avec moi.

-Je sais, répondit Katy en faisant la moue.

-Regarde Claudia Joy, ce que porte Katy, intervint Denise.

La jeune femme regarda son amie écarter quelques mèches de cheveux de la fillette pour lui montrer son appareil auditif.

-Elle peut nous entendre et bientôt, elle pourra parler comme nous, dit-elle en souriant.

-Mais c’est super ça, petite puce.

Katy sourit et Claudia Joy se tourna une nouvelle fois vers Denise.

- Pour le moment l’appareil est adapté de telle sorte que les bruits ne soient pas trop agressifs pour elle, on augmentera l’intensité au fur et à mesure.

-Ca prendra beaucoup de temps ?

-Tout dépends, ça durera quelques mois, mais combien ? Ce sera à Katy de le décider.

-Je vais aussi dire « je t’aime maman  » Mia m’a promis de m’apprendre.

-Oui, mais ça prendra un peu de temps Katy.

-Mais quand maman reviendra guérie, je saurais.

Les deux femmes échangèrent un regard et Claudia Joy prit la parole.

-Tu devrais y aller Denise, je m’occupe de Katy ne t’inquiète pas, toi, ramène nous Lily.

-Oui, soupira Denise.

Elle se baissa, mettant sur les genoux pour être à la même hauteur que la fillette. Elle la prit par la taille et lui parla doucement.

-Je vais partir maintenant Katy, tu feras très attention à toi, tu obéiras à Claudia Joy et à Michael, moi je vais faire tout ce que je peux pour te ramener ta maman, d’accord ?

Elle acquiesça et s’étreignirent un moment. Une fois cet instant de douceur brisé, Denise prit sa valise et se dirigea vers la porte. Elle allait sortir lorsque Claudia Joy l’interpella.

-Denise, attends .je dois te dire quelque chose.

-Quoi ?

-J’ai parlé de Lily à Michael, je lui ai tout dis.

-Tout quoi ? Demanda Denise, une boule dans la gorge.

-Tout Denise, je lui ai dis qu’elle était ta fille.

-Pourquoi tu as fais ça ?

-Parce que j’avais besoin d’en parler et que je sais que Michael ne trahira jamais ce secret.

-Je le pensais également pour toi Claudia Joy.

-Denise, c’est Michael, mon époux, je peux lui faire confiance.

-Confiance ? Murmura Denise.

Elles restèrent silencieuses un moment à se fixer du regard, puis Denise acquiesça.

-Très bien, si tu penses qu’il ne dira rien.

-Je suis désolée Denise.

-Moi aussi.

Denise se retourna pour partir. Elle la regarda une dernière fois avant de quitter la maison.

-Merci de me l’avoir dit, répondit –elle en souriant timidement avant de monter en voiture.

Elle roula plusieurs heures avant d’arriver à la petite ville de Goldsboro. Denise ne faisait pas attention aux limitations de vitesses, elle devait arriver vite. Elle avait déjà perdu beaucoup trop de temps. Elle arriva enfin sur le parking de l’hôpital, qu’elle avait trouvé facilement bien que n’étant pas du coin. Elle se gara et prit son sac à main. Elle avançait en direction du bâtiment, les jambes tremblantes, une boule au creux de la gorge et un nœud à l’estomac. Elle sentait son cœur s’accélérer à une vitesse fulgurante dans sa poitrine.

-Faites que je n’arrive pas trop tard, murmura-t-elle, pas trop tard.

Elle pénétra dans le bâtiment et se dirigea comme un automate vers le bureau des renseignements. Une jeune femme y était assise et leva les yeux vers elle.

-Je peux vous aider Madame ?

-Je …je suis à la recherche d’une jeune femme, Lily Roberts, c’est ma fille…elle…elle est ici depuis environ une semaine, c’est la jeune femme qui avait disparu, on m’a dit qu’elle se trouvait là.

-Oui, on ne connaissait que son prénom.

Denise eu une boule aux creux de son ventre, cette jeune femme avait parlé au passé. Etait-ce déjà fini ?

Elle tapota sur son clavier

-Ils se sont demandés si quelqu’un allait venir pour elle, qui elle était, poursuivit la jeune femme. Tout le monde la connaît ici, elle se trouve à l’étage trois, chambre 314, les ascenseurs se trouvent à l’entrée.

-Merci, répondit poliment Denise avant de se diriger au pas de course vers les ascenseurs.

La montée lui parut interminable, tout comme le trajet jusqu’à la chambre. Elle posa sa main tremblante sur la poignée et respira profondément. Lily était derrière cette porte, dans cette pièce, allongée dans ce lit, attendant simplement que le temps passe, que le temps l’emmène avec lui. Denise sentit les larmes lui monter aux yeux mais elle se ressaisit, elle devait rester forte, encore quelques temps. Elle ouvrit la porte et pénétra dans la pièce claire. La porte se referma derrière elle et elle se dirigea vers le lit. Son regard se posa sur le visage si calme et si paisible de Lily. Elle ne pouvait pas détacher les yeux d’elle. Denise laissa tomber son sac au sol et se pencha sur la jeune femme.

-Oh mon Dieu, Elizabeth, murmura-t-elle en lui caressant tendrement le front, Elizabeth…

Ses yeux se chargèrent de larmes qui coulèrent sur ses joues. Elle s’assit sur le lit et prit délicatement sa main dans les siennes.

-Je t’en prie, ne pars pas, pas maintenant, je suis là, je ne te laisserai pas, une petite fille à besoin de toi et j’ai besoin de toi, finit-elle dans un souffle.

Elle resta un moment, silencieuse à écouter le moniteur indiquant que son cœur battait toujours mais faiblement. Denise n’arrivait pas à bouger, elle ne voulait pas la quitter un seul instant. Etre une seule seconde de plus loin d’elle. Elle savait qu’elle devait aller chercher le médecin pour lui dire qu’elle était là et qu’elle voulait se faire opérer, mais c’était impossible, elle ne pouvait pas bouger.

-J’ai promis à Katy qu’elle reverrait sa maman, tu ne peux pas l’abandonner, ne fais pas la même erreurs que moi, tu t’es battue si longtemps, alors, n’abandonne pas maintenant, s’il te plait.

Elle soupira et ferma les yeux un instant. Lily ne réagissait pas, pas un signe qui pouvait lui indiquer qu’elle l’entendait.

-Accroche toi Elizabeth, dit-elle plus fort.

-Madame ? Fit une voix au fond de la pièce.

Denise sursauta et regarda l’homme qui avait parlé. C’était un jeune médecin, encore étudiant.

Aaron la dévisagea un moment avant de regarder la jeune femme couchée sur le lit. Il s’approcha d’elle et regarda Denise avec insistance.

-Vous connaissez Lily ?

-Euh…oui.

-Vous êtes Katy ? Demanda Aaron en se tournant vers elle.

-Katy ? Non, je …je suis sa mère.

-Pardon ? Dit-il, étonné.

-Denise Sherwood, répondit Denise en lui tendant la main.

Aaron la serra.

-Lily vous a parlé d’elle ? De Katy ? L’interrogea la jeune femme.

-Très peu, mais pourquoi êtes-vous venu ici, maintenant ?

-Pour me faire opérer, elle est dans le coma depuis combien de temps ?

-Assez longtemps pour que je puisse vous dire qu’elle doit subir l’intervention au plus vite, dit-il d’un ton sec.

-Alors, prévenez votre titulaire. Dites lui qu’un donneur compatible s’est manifesté.

-Attendez…

-Vous m’avez dit qu’il fallait aller vite. Prévenez-le, je suis compatible et elle n’a que moi pour l’aider.

-Nous devons vérifier ce que vous dites.

-Eh bien dépêchez –vous alors, ma fille est en train de mourir.

Le jeune homme acquiesça devant l’empressement que manifestait Denise. Celle-ci se pencha une dernière fois sur le corps de Lily et caressa tendrement son front.

-Je reviens très vite Elizabeth. Je t’en prie tiens le coup, tu te souviens de ce que je t’ai dis ; on a besoin de toi, tu ne peux pas nous laisser.

Elle déposa un doux baiser sur sa joue et s’éloigna une nouvelle fois.

Elle rejoignit Aaron près de la porte et tous deux quittèrent la pièce. Le jeune homme présenta Denise à son supérieur. Celui-ci lui fit passer les tests. Il s’étonna de voir que la jeune femme connaissait parfaitement tous les rouages de l’hôpital ; les différentes analyses qu’ils devaient effectuer et la manière dont l’infirmière prenait sa prise de sang.

Denise ne tarda pas à leur expliquer qu’elle-même était infirmière et qu’il était tout à fait normal qu’elle connaisse toutes les étapes par lesquelles elle devait passer.

Cependant, jamais elle n’avait eu le sentiment avant que le temps défilait aussi doucement. Elle n’avait qu’une hâte, qu’ils l’opèrent le plus vite possible avant que ce ne soit trop tard.

Son sang partit au laboratoire pour des analyses de compatibilité lymphocytaire. Le corps de Lily devait accepter le rein que lui offrait Denise, il fallait vérifier tout dans le moindre détail, plusieurs fois, pour veiller à ce que cela se passe le mieux possible.

A présent, Denise devait attendre. Le médecin passa le cas de Lily en urgence mais il fallait néanmoins patienter encore un peu. Elle voulut retourner dans la chambre de la jeune femme mais Aaron l’interpella avant.

-Madame.

Elle se retourna.

-Oui ?

-J’aimerai vous poser une question, pourquoi avez-vous mis tellement de temps avant de venir ? Vous vouliez la faire payer une erreur qu’elle avait commise ? Lily a besoin d’une greffe depuis longtemps déjà et vous le savez, alors pourquoi la laisser souffrir comme vous le faites ?

-Excusez-moi mais, ce qui se passe entre ma fille et moi ne vous regarde pas.

-Vous croyez ? Non mais pour qui vous prenez-vous ?

-Je vous demande pardon ? Je pourrais vous dire la même chose, jeune homme.

-Quelle genre de mère êtes vous pour faire ça ? Qu’a-t-elle fait pour que vous soyez aussi indifférente à ce qui se passe ? Si elle est réellement votre fille vous auriez dû vous soucier d’elle bien avant aujourd’hui. Vous n’êtes pas digne d’être sa mère, Madame.

-Aaron !

Denise n’avait pas eut le temps de réagir. Ces mots transperçaient son cœur, le déchirant de part en part. Le supérieur du jeune homme était arrivé à cet instant et avait tout entendu de ce qu’il avait dit à Denise.

-Tu dépasses les bornes. Vas t’occuper d’autres patients, je t’ai déjà dis de ne plus approcher cette jeune femme.

- Attends elle...

-La ferme Aaron .Je ne veux pas t’entendre te justifier, c’est clair ? Excuse toi auprès de Madame Sherwood, tout de suite, dit-il sur un ton plus calme.

Il sera les mâchoires et lança un regard noir au médecin. Il se tourna vers Denise qui n’avait toujours pas bougé.

-Excusez-moi madame, murmura t-il.

Denise acquiesça.

-J’accepte vos excuses, répondit-elle, mais je vous donne un conseil, ne vous mêlez plus de la vie privée de vos patients, vous ne les connaissez pas.

Aaron ne répondit pas et fit demi-tour avant de passer l’angle du couloir.

-Je suis désolé, ce gamin s’emporte rapidement, il est jeune.

-Oui, ça doit être l’âge, ne vous inquiétez pas, dit-elle en souriant. Vous avez du nouveau ?

-Il faudra encore un peu attendre pour les résultats, s’ils se trouvent concluants, nous pourrons vous préparer pour l’opération, d’ici quatre à cinq heures.

-Très bien, je vais rester avec ma fille en attendant.

-Je vous en prie, je viendrai pour vous avertir des résultats.

-Je ne me fais pas de soucis, je les connais déjà.

Elle lui adressa un tendre sourire auquel il répondit de la même manière. Puis, Denise entra dans la chambre de Lily. Elle s’approcha du lit et s’assit sur le bord. Elle prit une main de la jeune femme entre les siennes et sourit doucement.

-Je suis là, tout va bien se passer maintenant, même si je crois que tu as un ange gardien dans cet hôpital, cet Aaron à l’air de bien t’apprécier.

Elle caressa tendrement sa joue et reprit.

-Elizabeth, il faut que tu te battes encore, bientôt tout sera terminé, tu auras un nouveau rein, tu pourras rentrer avec moi et retrouver ta fille. Elle t’attend avec impatience tu sais. En ce moment elle se trouve avec Claudia Joy. Elle prend bien soin d’elle. Et puis, tu sais Katy à été opérée, elle a été très courageuse, elle n’a pas pleuré et n’a pas eu peur une seule minute. Tout s’est très bien passé, seulement maintenant elle attend sa maman pour lui montrer qu’elle peut l’entendre et bientôt parler comme elle. La rééducation ne peut pas se passer sans toi, s’il te plait, pense à elle.

Denise se pencha une nouvelle fois sur le corps inanimé de Lily et déposa un baiser sur sa tempe. La jeune femme ne réagissait pas. Denise soupira et s’éloigna doucement d’elle.

Elle était épuisée et tombait de fatigue. Sans lâcher la main de sa fille, elle se leva et prit place sur le fauteuil à coté du lit. Elle la regarda encore quelques instants et ne lutta plus. Elle tomba dans un sommeil profond mais agité.
 

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