Lily et sa fille marchaient tranquillement. Une fois dans le parc, elles s’assirent sur un banc en face d’une grande fontaine. Il faisait beau et le soleil donnait de l’éclat aux couleurs de l’automne. La jeune femme avait le teint pâle et semblait très amaigrie. Elle posa sur ses genoux un carnet de croquis et un crayon. Katy jouait tranquillement à coté d’elle avec sa poupée.
Cela faisait plusieurs jours qu’elles arpentaient la ville toutes les deux. Lily cherchait des endroits qu’elle pouvait dessiner et peindre.
Deux jeunes femmes avec des poussettes vinrent s’asseoir sur le banc à coté duquel se trouvaient Lily et Katy.
-Qui ? Sherwood ?
-Oui, tu sais le gamin.
-Oui, oui…
-Il est partit ce matin pour Bassora.
-Oh mon Dieu, et comment elle va ?
-Comment tu irais toi si ton mari et ton fils se trouvaient au front ?
-Mmh.
-J’ai entendu dire qu’elle était en pleine dépression.
-Vraiment ?
-A ce qu’il parait. Enfin d’un coté elle l’a bien cherché.
-Comment peux tu dire ça ?
-Tu ne trouves pas que ses malheurs ont commencés quand elle a connu cette fille ?
-Je ne vois pas ce que tu veux dire. Pourquoi cette fille serait elle responsable de ce qui lui arrive ?
-Eh bien à ce qu’il parait s’était une stripteaseuse de New York. Elle a eu un enfant jeune d’un homme qui la battait et avec qui elle se droguait. Elle est arrivée à Charleston pour le fuir, c’est là qu’elle l’a rencontré et que les ennuis ont commencés pour elle.
-Tu racontes n’importe quoi. Son mari était déjà en Irak.
-Oui mais pas son fils. Le mec qui la battait est dans l’armé et il a retrouvé sa trace. Tu trouves ça normal que cette fille a disparue quand le gamin est envoyé en Irak ?
-…
-Si tu veux mon avis elle est repartie à New York avec lui. Ils sont en train de boire et de se piquer pendant que cette pauvre Denise se retrouve seule et au bord de la dépression. Tout ça, parce qu’elle a voulu aider une traînée qui ne le méritait pas.
Lily avait le souffle coupé. Elle avait entendu toute la conversation et ne supportait plus d’en entendre un mot de plus. Comment ces femmes pouvaient-elles dirent toutes ses choses ? Etait-ce la vérité ? Denise était-elle mal à cause d’elle, de la réputation qu’elle s’était faite en la côtoyant ?
Une violente douleur la prit au ventre. Son cœur s’accélérait à une vitesse fulgurante. Elle avait beaucoup de mal à respirer.
-Madame vous allez bien ?
L’une des deux femmes s’était avancé vers elle. Katy la regardait, elle aussi inquiète.
-Ca va aller, merci, bredouilla la jeune femme.
-Vous êtes sûre, on peut aller chercher des secours si…
-Non merci, ça va.
-Très bien.
Elles s’éloignèrent toutes les deux en lui jetant des coups d’œil craintifs. Une fois calmée, elle se leva et tendit la main à sa fille.
-Viens Katy.
-On va où ?
-On s’en va…loin.
Elles regagnèrent le motel. Lily ouvrit deux valises, elle prit des vêtements qui se trouvaient dans l’armoire et les jeta dedans.
-Maman qu’est ce que tu fais ?
-Les valises Katy ! Range tes jouets dans un carton.
-Pourquoi ?
-Nous partons, nous quittons cette ville.
-NON !
-Si et tu ne discute pas !
-Tu m’avais promis, tu m’avais dis que c’était la dernière fois. Tu m’as dis qu’on vivrait dans une belle maison avec un beau jardin.
-Les grandes personnes ne tiennent pas toujours leurs promesses Katy, il faudra que tu comprennes ça un jour.
-Je veux pas ! Je veux rester ici avec Denise et Claudia Joy !
-C’est hors de question nous partons que tu le veuilles ou non.
-Je te déteste, dit-elle en courant dans la salle de bains et en claquant la porte derrière elle.
Lily s’effondra sur le lit. Elle prit son sac et ouvrit la petite boite blanche qui s’y trouvait. Elle la renversa dans sa main mais rien n’en sortit. Elle soupira et la jeta dans un coin de la pièce. Ses yeux balayèrent l’espace qui l’entourait et se posèrent sur un carton parfaitement rangé. Un carton qu’elle n’ouvrait que très rarement lorsque Katy dormait déjà paisiblement. Elle se dirigea vers celui-ci et l’ouvrit délicatement. Ses trouvaient des papiers de toutes formes et de toutes les couleurs, des documents officiels, des mots écris de la main de la jeune femme…Lily prit délicatement le dessin que lui avait donné Denise un jour. Elle le regarda un instant en souriant et poursuivit son exploration. Elle la trouva enfin, cette petite enveloppe blanche. Elle sortit la petite feuille en papier rose et lu une fois de plus ces lignes. Elles avaient été écrites d’une main tremblante.
‘Elizabeth.
Oui parce que tu t’appelles ainsi, tes parents m’ont dit qu’ils garderaient le nom que je t’ai donné. Ce sont des personnes formidables qui t’aimeront comme leur propre enfant. Je sais que tu liras cette lettre un jour mon bébé. Je te souhaite d’être heureuse, je suis sûre que ta vie sera merveilleuse même si je n’en fais pas partie. Sache que tu me manqueras et que je penserais chaque jour à toi. J’espère que tu pourras me pardonner.
Ta maman qui t’aimera toujours.’
La jeune femme pleurait doucement en silence. Elle porta sa main à son cou et caressa du bout des doigts le métal de son médaillon. De son autre main elle saisit une photo abîmée. Sur celle-ci se trouvaient une jeune femme et un nourrisson. Un magnifique sourire illuminait son visage, ses yeux couleur noisette étaient pleins de vie, elle semblait heureuse. L’enfant qu’elle tenait conte elle devait être âgé d’à peine deux ou trois jours, un petit médaillon en or reposait sur sa poitrine. Lily laissa tomber la photo dans le carton et rejoignit le fauteuil. Elle y prit place, la tête entre les mains. C’était fini. Elle sentait la vie s’échapper de son corps. Elle n’avait pas eu assez de temps. Elle ne l’avait pas retrouvée. Elle s’était battue depuis des années et à présent tout était fini, si près. Qu’allait devenir sa fille ? Elle allait encore souffrir davantage…
Lily était résolue, la réponse s’affichait comme une évidence dans son esprit. Elle ne voulait pas que Katy voit s’éteindre sa mère à petit feu. Même si s’était dur, elle devait le faire. Pour elle, comme elle l’avait toujours fait. Lily ferma les yeux, elle sentait la fatigue gagner du terrain. Après quelques minutes, elle entendit la porte de la salle de bains s’ouvrir et Katy monter sur le lit. Elle regarda sa fille s’endormir doucement tenant sa poupée contre elle. Une fois celle-ci au pays des rêves, elle se leva et prépara son petit sac. Elle y fourra des cahiers de dessins et quelques habits. Lily prit les clés de sa voiture et mis le petit sac rose sur son épaule. Elle s’approcha de la fillette et déposa une couverture chaude sur son petit corps. Délicatement elle l’enveloppa dedans. Katy bougea mais ne se réveilla pas. Elle veilla à prendre la poupée et marcha doucement jusqu'à la voiture. Etant faible et amaigrie, porter sa fille s’avérait être une véritable épreuve de force. Elle l’installa à l’arrière et s’assit au volant. Elle traversa la ville en un temps record.
Il faisait nuit à présent. Elle arriva à la maison de Denise en quelques minutes. La lumière était allumée et elle s’arrêta à proximité de là où elle pouvait voir la porte s’ouvrir. Lily prit une feuille et un crayon et écrivit quelques lignes comme l’avait fait cette jeune femme vingt et un ans plus tôt. Elle plia soigneusement la feuille et regarda sa fille dormir quelques instants. Elle se décida enfin à faire le tour de la voiture. Elle ouvrit la portière et caressa le front de Katy. Elle la prit dans ses bras et se dirigea vers la maison. Sans bruit elle déposa délicatement la fillette toujours enveloppée pour qu’elle n’ait pas froid sur le sol. Elle mit son sac par terre et posa sa tête dessus, Lily plaça la poupée dans ses bras et lui caressa tendrement la joue. Elle sortit le mot qu’elle avait écrit plus tôt et le mit à coté du corps de sa fille.
-Adieu mon cœur, je t’aime, murmura-t-elle avant de déposer un doux baiser sur son front.
-Pardonne moi, comme moi j’ai pardonné.
Elle essuya ses larmes et regagna sa voiture. Lily redémarra et klaxonna plusieurs fois.
-Vous n’entendez pas quelqu’un qui klaxonne ? Demanda Roxy à l’intérieur.
-Si en effet, on dirait, poursuivit Claudia Joy.
Denise se leva et ouvrit la porte d’entrée. Elle se précipita sur le petit corps étendu sur le sol. Lily démarra sur les chapeaux de roues, le visage toujours envahi par la tristesse.
Les amis la regardèrent entrer dans la maison tenant la petite fille contre elle.
-Katy ?
Denise la déposa délicatement sur le canapé. Ils étaient tous sous le choc.
Comment se faisait-il que la fillette se trouve seule, endormie devant sa porte ?
Denise la réveilla tendrement. Elle regarda étonnée les personnes qui se trouvaient autour d’elle et se jeta sans hésiter au cou de la jeune femme.
-Il y a une lettre, murmura Pamela en la lui tendant.
Elle relâcha son étreinte et la prit. Elle lut à voix haute pour qu’ils puissent tous entendre.
-‘Denise je vous confie Katy. Je suis condamnée et je ne veux pas que ma fille voit sa mère mourir. Je suis partie et je ne reviendrais pas. Je sais que vous prendrez soin d’elle, elle vous aime à un point que vous n’imaginez même pas et je crois que je peux la comprendre. Adieu. Lily.’
-Oh mon Dieu, soupira Claudia Joy en se laissant tomber sur le fauteuil.
Denise quitta enfin le papier des yeux et regarda la fillette. Elle pleurait, elle avait tout compris.
-Maman va mourir ?
-Katy…
-Elle est partie, hein ?
-Oui ma puce, ta maman est partie.
-Je veux pas qu’elle meure, je veux pas.
Denise la prit dans ses bras et la consola comme elle le put. Elle s’assit sur le canapé et ne lâcha pas une seule seconde la fillette qu’elle serrait toujours contre elle.
-Tu sais ce qu’elle a ? Demanda Roland.
-Non je n’en sais rien, plusieurs fois j’ai remarqué que quelque chose n’allait pas chez Lily, expliqua Denise, mais elle n’a rien voulu me dire.
-Tu crois qu’elle veut mettre fin à ses jours ou qu’elle est partie parce qu’elle est vraiment malade ? Demanda Pamela.
-Elle est malade j’en suis sûre. Katy est tout pour elle, si vous les auriez vu s’amuser ensembles toutes les deux. Vous auriez compris à quel point elle aime cette gamine, elle ne peut pas vouloir quitter ce monde si elle ne se sait pas condamnée.
-Tu penses qu’elle dit la vérité alors ?
-Oui, oui je pense et puis il y a des signes qui ne trompent pas. J’ai vu sa santé se détériorer et je n’ai rien fais.
-Ce n’est pas de ta faute Denise, moi aussi je l’ai vu souvent et je n’ai pas fais attention.
-Je suis infirmière Claudia Joy, j’aurai dû le voir, j’aurai du réagir quand il le fallait, maintenant Katy va perdre tout ce qu’elle possède.
-Tu penses aux services sociaux ? Demanda Roxy.
-Ils ne m’accorderont pas sa garde simplement parce que sa mère me la laissée. Elle ne sera jamais heureuse.
-Alors il faut retrouver Lily. Déclara Claudia Joy en se levant d’un bond, tu es allée au motel où elles vivaient non ?
Denise acquiesça et son amie poursuivit.
-Nous allons dans leur chambre pour trouver un indice sur l’endroit où elle a put partir.
-Je ne sais pas, murmura Denise.
-Eh bien moi je prends la décision, continua Claudia Joy, Nous y allons tout de suite toutes les deux.
-Et Katy ? Je ne vais pas la laisser toute seule, elle a besoin de quelqu’un.
-Je reste ici jusqu'à votre retour, proposa Roxy.
-Ca ne te dérange pas ?
-Pas le moins du monde.
Denise sourit timidement et leva la tête de la fillette qui pleurait toujours contre sa poitrine. Elle essuya ses larmes du bout des doigts et lui parla doucement.
-Katy je vais aller avec Claudia Joy au motel où tu vivais avec ta maman.
-Pourquoi ?
-Nous allons chercher quelque chose pour savoir où elle est partie.
-Je veux venir avec.
-Non puce, tu restes ici avec Roxy.
-Mais…
-S’il te plait Katy, c’est important tu ne peux pas venir avec nous.
-Tu vas aussi partir et me laisser.
-Non Katy, je ne te laisserai pas, je reviendrais fais moi confiance.
-D’accord mais, tu reviens après promis hein ?
-Oui je reviens tout de suite après je te le promets.
Elle sourit et l’embrassa tendrement. Les deux femmes prirent leurs affaires et après une dernière étreinte elles quittèrent la maison pour rejoindre le motel.
-Je crois que c’est ici, dit Denise devant la porte close.
Elle porta la main à la poignée et la tourna doucement, la porte s’ouvrit.
-Elle n’a pas fermé, elle a dû partir précipitamment.
Elles pénétrèrent dans la pièce. Denise alluma la lumière et Claudia Joy ferma la porte derrière elle. Elles balayèrent la pièce du regard. Les deux valises se trouvaient ouvertes sur le sol. Quelques vêtements y étaient jetés à la va-vite et la porte de l’armoire était ouverte. Pour le reste de la pièce, tout semblai en ordre. Le lit était à peine défait et le mobilier se trouvait à sa place. Quelques cartons de différentes tailles se trouvaient parfaitement entassés et fermés par du scotch épais.
-Qu’est ce qu’on cherche ? Demanda Claudia Joy.
-N’importe quoi, une adresse où Lily à pu aller, elle doit bien connaître quelqu’un.
-A New York ?
-Si elle vient bien de New York. Elle a bien pu nous mentir.
-Tu crois vraiment ce que tu dis ? Son geste ne s’explique pas, c’est une jeune femme bien mystérieuse mais, elle est honnête.
Denise se laissa tomber sur le bord du lit et soupira.
-Je n’en sais rien Claudia Joy, après tout on ne la connaissait pas.
-Tu étais la plus proche d’elle. Crois tu pouvoir te tromper à ce point sur son compte ?
-Je n’en sais vraiment rien.
-Il faut trouver quelque chose. Katy a besoin de nous et elle a besoin de sa mère.
-Oui, tu as sans doute raison.
Elle se leva et rejoignit la salle de bains pour fouiller dans quelques affaires. Après quelques minutes, elle revint dans la chambre sans avoir trouvé quoique se soit de concluant.
-J’ai quelque chose, dit Claudia Joy en s’avançant vers elle.
Elle tenait une petite boite de médicaments vide et un papier qui se trouvait sur la table de nuit. Denise le prit et lu à toute vitesse.
-Oh mon Dieu, murmura celle-ci.
-Qu’est ce que c’est ?
-Des anti-inflammatoires. Ils sont prescris pour atténuer la douleur des malades atteints de déficience rénale.
Elle regarda son amie qui ne semblait pas comprendre ce qui pour elle était une évidence.
-Lily est sans doute atteinte d’une insuffisance rénale chronique, son organisme est déséquilibré, ses reins ne font plus leur travail, la maladie peut progresser rapidement comme durer des années. Elle peut être dans le corps sans qu’aucun symptôme n’apparaisse.
-C’est ce qui lui ai arrivé ?
-Je pense qu’elle se savait malade depuis longtemps mais que les symptômes sont apparus récemment.
-Mais elle ne peut pas suivre un traitement ?
-Ce médicament provient d’un hôpital de New York, je pense qu’elle n’a plus eu accès aux soins depuis son départ de là-bas. Ce genre de maladie nécessite un suivit constant et régulier. Le patient doit suivre un régime spécial, son poids est très important, il doit faire des dialyses régulièrement et donc aller à l’hôpital de manière quotidienne. Il est surveillé pour d’éventuels troubles osseux, il est sujet aux infections, à l’anémie…
La voix de Denise n’était plus qu’un murmure. Mettre en mots la douleur qu’avait subit Lily la rendait de plus en plus mal à l’aise.
-Mais pourquoi être venue ici si elle devait suivre un traitement pareil ?
-Je n’en ai pas la moindre idée, mais ce qui est sûr, si on ne la retrouve pas au plus vite Lily décèdera. Ce n’est qu’une question de temps parce que trouver un donneur compatible si vite est quasi impossible.
-Quelqu’un de compatible ?
-Le seul moyen de la sauver est une transplantation rénale. Mais les donneurs sont rares et si peu souvent compatibles. On fait appel à la famille dans un premier temps, les parents sont souvent des donneurs privilégiés, il y a aussi les frères et les sœurs et ensuite on élargie le champ des recherches.
-Lily n’a plus de famille à ce qu’elle m’a dit.
-Je n’arrive pas à croire qu’elle ne compte pas pour quelqu’un. Dit-elle en tombant sur le fauteuil. Je n’arrive pas à imaginer qu’il n’y ait personne qui se soucie d’elle et de sa fille.
-Nous on s’en souci. Si on cherche encore peut être qu’on trouvera quelque chose.
-Je doute que…
-Si tu veux baisser les bras c’est ton problème, Denise. Moi je n’abandonne pas cette gamine et je pense à chaque seconde à la petite fille qui se trouve chez toi à attendre le retour de sa mère.
Elle n’eu pas le temps de répondre que son amie ouvrit un carton et fouilla à l’intérieur. Elle aurait voulu se lever et l’aider mais elle n’y parvint pas. Ses jambes n’étaient pas assez fortes pour la maintenir debout. Après de longues et interminables minutes, Claudia Joy sortit la tête d’un carton. Elle le prit et vida son contenu sur le lit. Elle se mit à genoux sur celui-ci et prit une feuille dans les mains.
-Denise ? Denise !
Celle-ci sortit de ses pensées et la regarda.
-J’ai quelque chose viens voir.
Elle se leva et s’assit de l’autre coté. Claudia Joy lui tendit la feuille, ses yeux voyagèrent sur le document.
-Comment a-t-elle eu ça ? Murmura Claudia Joy.
-Je n’en sais rien, je ne comprends pas…
-Denise je pense avoir trouvé la raison de sa venue ici.
-Quoi ? Bredouilla Denise qui n’arrivait pas à défaire son regard du papier.
-Elle te cherchait. Comment explique-tu qu’elle ai ton acte de mariage et celui de naissance de Jeremy ? Regarde, elle lui montra d’autres papiers. Elle a la même chose sur une certaine Diane Polin vivant à Chicago, Beth Andrews de St Louis, Erica Knox de San Diego, Myndy Wyatt de Dallas…
-Arrêtes c’est bon j’ai compris.
-Je ne sais pas ce qu’elle te voulait mais il semble qu’elle te recherchait.
Denise regarda la pile de documents et en retira un qui attira son attention. C’était un résultat d’analyse fait le mois précédent dans un laboratoire du centre de Charleston. Elle trouva d’autre relevés fait dans les villes qu’avait cité son amie. A chaque fois, une donnée revenait mais pas la deuxième. Elle reportait son attention sur celle faites là où elle vivait. Les deux échantillons analysés étaient quasiment identiques, ils ne variaient que très peu à la différence des autres. Ca ne pouvait pas être possible. Elle fouilla avec énergie, son cœur battait si vite.
-Denise qu’est ce qu’il y a ?
Celle-ci ne prit pas la peine de lui répondre. Elle trouva l’acte d’adoption. La famille d’accueil n’avait pas eu d’autre enfant. Katy et Jo Roberts avaient adoptés la petite Elizabeth tout juste âgée de trois jours dans un hôpital du Maryland.
-Elizabeth, murmura Denise.
Les larmes envahirent ses yeux si doux.
-Lily est Elizabeth, c’est Elizabeth, répéta inlassablement la jeune femme.
Claudia Joy la regardait, ne sachant ce qu’il se passait. Qui était Elizabeth ? Qu’est-ce que tout cela signifiait ?
Denise prit la petite enveloppe blanche entre ses doigts. Elle l’ouvrit et reconnut son écriture, l’écriture d’une jeune maman de tout juste dix sept ans contrainte d’abandonner sa petite fille de trois jours. Elle éclata en sanglots. Claudia Joy vit la photo. Cette jeune femme ressemblait tant à son amie. Doucement elle s’approcha d’elle et la prit dans ses bras.
-Denise que ce passe t-il ? Parle moi s’il te plait.
Elles se séparèrent doucement et Denise chercha tout le courage qui se trouvait en elle.
-Lily est….elle est…ma fille….c’est ma fille.
-Ta fille ?
-Elle s’appelle Elizabeth.
-Cette photo…
-Elle a été prise le jour de sa naissance par les parents qui avaient l’intention de l’adopter, ils m’ont demandé si ils pouvaient garder une photo de nous deux pour qu’un jour elle puisse la voir…me voir. Je leur ai dis oui, c’étaient des personnes merveilleuses.
-Mais, et Frank je croyais que….
-J’ai connu Frank quand j’avais dix-huit ans, Lily est née avant, d’un autre homme. J’ai toujours affirmé que Frank était le premier pour cacher le fait que je suis une mauvaise mère. J’ai abandonné ma fille à des inconnus alors qu’elle n’avait que quelques jours ! Frank ne connaît pas son existence, il ne sait pas que j’entends ces pleurs dans mes cauchemars, il ne sait pas que je pense, chaque année depuis vingt et un ans, au jour de son anniversaire, que je me demande où elle se trouve et si elle est en sécurité. Je l’ai aimé dès que j’ai sus son existence en moi.
-Pourquoi l’avoir fait adopté?
-Parce que les femmes de la famille se doivent d’être exemplaires. Ma mère m’a forcée à faire ce choix. A dix-sept ans, que voulais tu que je fasses ? Mais Elizabeth a trouvé des parents merveilleux. Ils se sont parfaitement occupé d’elle, elle est devenu une jeune femme extraordinaire.
-Et… son père ?
-Il a eu ce qu’il voulait et il m’a quitté. Voilà pourquoi j’ai préféré oublier tout ça, mais je n’ai jamais pu le faire.
Elle pleura à chaudes larmes une nouvelle fois. Elle arrivait difficilement à rassembler ses mots, l’émotion était trop forte mais elle avait besoin de se confier. Pendant des années elle ne l’avait pas fait et s’était le moment de laisser parler son cœur.
-Il m’a fait un merveilleux cadeau, celui d’être mère. Elizabeth a ses yeux, dit-elle en souriant timidement. Mais je n’ai pas su la protéger et la garder près de moi…
- Ton impression de déjà vu lorsque tu as vu Lily au bar, n’est ce pas ?
-Je n’avais plus revu ma fille depuis sa naissance mais son regard…
Denise ne pu finir sa phrase et fondit en larmes. Et son amie l’attira contre elle. La tête posée sur son épaule elle continua son récit.
-Je ne l’ai pas oublié, j’ai pensé à elle chaque jour de ma vie mais, je l’ai abandonné, deux fois. Elle m’a recherché pour vivre et pour sa fille et moi je l’ai abandonné. Elle a su être forte pour Katy et je n’ai pu l’être pour elle.
-Calme-toi, murmura Claudia Joy en caressant ses cheveux.
-J’ai perdu ma fille une seconde fois, je l’ai perdu et je ne me le pardonnerai jamais.
-On va la retrouver.
-C’est trop tard.
-On le fera à temps, je te le promets.
-Comment peux tu en être sûre ? Je n’ai fait que tout rater. Ceux que j’aime s’éloignent de moi.
-Arrêtes, je t’interdis de dire ça, tu m’entends ?
-Frank est loin, il me manque, notre couple est basé sur un mensonge, je risque de perdre mon fils dans cette guerre, j’ai retrouvée une fille sur le point de mourir…
-Et tu as une petite fille ! Tu oublies Katy ? Cette fillette a besoin de toi Denise. Tu comptes beaucoup pour elle et même si tu n’as pas su te battre pour garder ta fille fais le pour elle. Pour offrir une vie pleine de joie et de rire à ta petite fille.
La jeune femme ne dit plus rien, elle continuait de sangloter contre son amie. Son cœur s’était déchiré en deux. Comment pouvait-on souffrir à ce point ? Elle avait sentit une pareille douleur vingt et un ans plus tôt. Jamais elle ne cru avoir autant mal et pourtant ce jour là fut aussi douloureux.
Après quelques minutes ainsi enlacées, elles décidèrent de rentrer. Claudia Joy rassembla les documents et les mis dans sa voiture. Elles viendraient chercher les autres affaires plus tard. Le voyage du retour se fit dans un silence des plus total. Denise se dirigea d’un pas lourd jusqu'à la porte d’entrée. Elle sentit une main se refermer sur son épaule. Claudia Joy lui accorda un sourire amical et toutes deux pénétrèrent dans la demeure. Katy courut vers les deux femmes et Denise l’accueillit contre sa poitrine.
-Tu es revenue !
-Je te l’avais promis.
Elle la prit dans ses bras et rejoignit le salon.
-Katy n’a pas voulu dormir, elle n’arrêtait pas de pleurer.
-Merci pour tout Roxy, tu peux rentrer.
-Vous avez trouvé quelque chose ?
Claudia Joy lança un regard à Denise et répondit.
-Non, rien.
-Oh mince, j’espère qu’il y aura du nouveau.
Claudia Joy acquiesça. Après les avoir salué une dernière fois elle les quitta.
-Tu devrais rentrer Claudia Joy.
-Je reste avec toi.
-Ca ira.
- Hors de question que tu reste seule avec Katy. J’appelle Michael pour lui dire que je reste ici.
-Claudia Joy…
-J’ai pris ma décision, répliqua Claudia Joy sur un ton catégorique.
Elle prit son portable et appela son époux. Elle l’informa de la situation sans entrer dans les détails. Denise s’occupa de mettre la fillette en pyjama et la coucha dans son lit.
-J’arrive ma puce d’accord ?
Elle acquiesça et Denise sortit de la chambre.
-Merci.
-C’est normal, dit Claudia Joy en l’attirant contre elle, ça va aller Denise.
-…
-Allez, vas te coucher, une demoiselle doit t’attendre avec impatience, je doute quelle ne s’endorme avant que tu ne vienne.
Elles se séparèrent doucement.
-Je doute que je ne dorme moi aussi, soupira Denise.
-Essaie au moins, tu as besoin de te reposer après tout ça.
-Oui, je me demandais juste, où crois tu qu’elle se trouve en ce moment ?
Son amie ne répondit pas. Denise regagna sa chambre. Elle ne prit pas la peine de se changer et se coucha à coté de la fillette. Celle-ci se tourna vers elle et se blottit dans ses bras. Elle l’embrassa tendrement sur le front et posa sa tête contre la sienne. Il fallut de longues minutes à la jeune femme avant de s’endormir d’épuisement.
Claudia Joy les regarda dormir un instant puis elle regagna le salon et se coucha sur le canapé pour quelques heures.
Elle avait passé la nuit à rouler. Lily ne savait pas où elle allait mais elle devait partir le plus loin possible. Son visage était toujours ravagé par la tristesse. Mais elle avait fait le bon choix, elle le savait. Avec qui d’autre Katy pouvait-elle être heureuse ? Avec qui mieux que sa grand-mère, pouvait-elle connaître la joie d’une famille et lui apporter tout ce dont elle avait besoin ? Elle avait mis des années pour la retrouver, tout ça dans l’unique but de pouvoir faire cette greffe. Les médecins n’étaient pas certains qu’elles puissent être compatibles mais elles l’étaient. Les analyses avaient été formelles. Elle était sa mère biologique, celle qui lui donna la vie. Un espoir c’était dessiné mais elle n’avait pas voulu briser ce qu’elle avait fait. Elle avait construit une famille où elle n’avait pas sa place. Elle était aimée de ses proches et respectée par les autres. Lily avait faillit tout gâcher. Elle n’a même pas pu lui avouer sa véritable identité. Elle avait préféré fuir, pour la première fois de sa vie elle avait choisit la facilité et avait refusé de se battre. Katy serait heureuse, elle le savait et c’est tout ce qui comptait. Denise en obtiendrait la garde sans aucun problème, elles étaient parentes et sa seule famille.
Lily se gara enfin. Elle était morte de fatigue. Le jour se levait doucement dans la campagne. Elle sortit de la voiture et marcha quelques mètres. A présent elle se trouvait sur le pont en bois au dessus du fleuve. Elle regarda la surface lisse et calme. Avec le peu de force qui lui restait, elle franchit la balustrade. Elle se tenu encore quelques instants. Le soleil fit son apparition. Le ciel perdait doucement ses couleurs rosâtres pour devenir bleu. Lily regarda le soleil se lever. Elle trouvait les couleurs magnifiques. Elle ferma les yeux, sentant la douce caresse du vent d’automne sur son visage. Puis ses doigts s’écartèrent. Elle ne sentit plus le contact de l’acier sous sa peau. Lily sentit son corps basculer. En une fraction de seconde elle entra dans l’eau glacée. Elle se laissa tomber sans se débattre. Elle ouvrit les yeux un court instant et vit le ciel bleu, loin très loin puis elle s’abandonna enfin. Le froid pénétra dans tout son corps. Elle ne pensait plus à rien. Son corps ne lui faisait plus mal, sa tête ne pensait plus. Elle se sentait bien…si bien.