Julia R.
 
 

Denise et Lily se trouvaient assises depuis une bonne demi heure. La jeune femme se sentait bien avec elle. Elle avait l’impression de la connaître depuis des années. D’avoir retrouvé pour une soirée une amie de longue date.

-Voici mon idée : nous sommes plusieurs épouses dont leurs hommes se trouvent en Irak. Je sais que vous vous débrouillée pour tout ce qui est, travail manuel. J’ai pensé parler de vous. Elles seront ravies d’avoir un peu d’aide et une présence féminine qui n’est pas une femme de soldat. Ca vous fera un peu d’argent par la même occasion.

-Après ce qu’il s’est passé aujourd’hui ? Vous ne croyez pas que les personnes de la base doivent redouter de me rencontrer ?

-Oh non, croyez moi ils oublient vite certaines choses.

-Et Katy ?

-Je peux m’en occuper. Lorsque je ne suis pas de garde je serai ravie de passer du temps avec elle. Et puis au fur et à mesure vous serez sans doute amener à ne plus travailler le soir.

-Oui, c’est vrai que c’est très fatiguant.

-Alors s’est entendu ?

-Je ne veux pas vous déranger.

-Lily maintenant ça suffit. Si je vous le propose c’est que ça ne me dérange pas. Vous ne pouvez pas savoir à quel point votre petite fille éblouie mon quotidien.

-A ce point ? Demanda la jeune femme en souriant.

-Oui, vraiment . Et je sais que pour Claudia Joy c’est la même chose. Donc, disons que vous êtes d’accord, Katy irait chez Claudia Joy quand vous travaillez au Hump Bar et moi je la garde lorsque vous avez des réparations à faire. Dans le même temps, nous regardons pour vous trouver un emploi définitif et stable, qui vous permet de gagner assez d’argent pour l’opération de votre fille.

-Pourquoi faites vous tout ça ? Nous nous connaissons à peine depuis un mois.

-Parce que votre histoire me touche. L’amour que vous portez à cette fillette me touche ainsi que l’amour qu’elle vous porte. Et puis…je sais ce que c’est de devoir se débrouiller seule, si je n’avais pas eu d’aide je ne m’en serai sans doute pas sortie.

-Comment ça ?

-J’étais seule avec mon jeune fils quand mon mari est partit au combat pour la première fois. J’ai connu Claudia Joy à ce moment là. On parlait beaucoup de nos angoisses, nos enfants avaient le même âge. J’ai envie de vous aider Lily, acceptez.

Elles se regardaient sans rien dire. La jeune femme n’en revenait pas, on voulait vraiment l’aider, elle comptait pour quelqu’un. Des années qu’elle ne se sentait pas aussi bien.

-Très bien.

Denise sourit et elles terminèrent de boire.

Ce soir là, Lily dormirait sur le canapé. Denise lui apporta une couverture et un oreiller. Elles se souhaitèrent une bonne nuit et l’hôte regagna sa chambre. Elle se coucha en repensant à tout ça. A Lily et Katy. A son impression de déjà dans le regard de la jeune femme. A la dernière phrase de la fillette avant de dormir, à son sourire. Elle pensa à Frank ainsi qu’à Jeremy. Denise s’endormie enfin.

‘ Elle se trouvait dans une grande pièce sombre.

-Frank ? Frank ?

Denise criait. Dehors elle entendait des coups de feu, des cris, des explosions. La panique l’avait totalement envahie. Un bébé pleura à chaudes larmes. Elle faisait le tour de la pièce pour essayer d’en sortir mais il n’y avait aucune brèche dans le mur par où elle pouvait passer. Les sanglots lui déchiraient le cœur. Jeremy avança vers elle, il était en sang. Elle vit son regard vide lorsqu’il s’écroula devant elle.

-Jeremy !

Incapable de bouger, Denise s’affaissa sur place. Elle sanglotait recroquevillée sur elle-même. Elle essayait de sortir de sa tête les bruits des armes et des cris de douleurs. Les pleurs du jeune enfant n’avaient cessés.

-Denise ?

Celle-ci leva la tête. La pièce avait changé. Elle voyait le ciel bleu parsemé de nuages à travers une grande verrière. Lily se tenait devant elle, tenant Katy par la main. Elle leur sourit mais leur image disparut déjà. Elle essaya de les retenir mais elles glissèrent entre ses doigts.

-Non ! Non !’

Elle se réveilla en sursaut. Elle se trouvait assise dans son lit en sueur et haletante. Denise regarda l’heure. 03 :20. Elle retomba sur son oreiller. Cela faisait quelques jours qu’elle faisait le même rêve. Cet enfant qui pleurait, elle ne le voyait jamais, seuls ses cris résonnaient dans sa tête. Etait ce Jeremy ? Elle n’en était pas totalement sûre. De nombreuses fois par le passé elle avait entendu ces petits pleurs suppliants. Elle avait mal au ventre, une boule dans sa gorge s’était formée. Les larmes coulèrent sur ses joues. Elle se tourna et continua de sangloter de longues minutes. Elle n’en pouvait plus alors elle se leva et se dirigea vers son armoire. Elle chercha un carton au fond de celle-ci. Elle le fouilla, de petits objets y reposaient depuis des années. Elle regarda une photo d’elle et de Frank plus jeunes alors qu’ils n’étaient pas encore mariés. Des tickets de cinéma, des bracelets, des mots. Elle le vit enfin. Agenouillé sur le sol elle prit délicatement l’objet entre ses doigts. C’était un petit lapin rose. Une petite peluche qui tenait dans le creux de ses mains. Elle le regarda un moment, le visage toujours envahi par la tristesse. Elle se leva enfin et se regagna son lit. Encore de longues minutes passèrent avant qu’elle ne finisse par s’endormir d’épuisement serrant le lapin doux contre elle.

Denise s’éveillait doucement. La nuit avait été longue. Ses cauchemars la hantaient comme jamais depuis ces dernières semaines. Si seulement elle pouvait avoir des nouvelles de Frank. Il l’avait appelé quelques jours plus tôt mais elle était toujours inquiète. Elle pensa à son fils. Où se trouvait Jeremy à cet instant ?

Il fallait qu’elle chasse ses idées noires, qu’elle pense à autre chose. Elle s’étira de tout son long dans le grand lit vide. Elle ouvrit les yeux et vit une petite tête brune dans l’encadrement de la porte. Un large sourire était né instantanément sur son visage.

-Bonjour Mademoiselle, dit Denise en s’asseyant.

La fillette entra en souriant et s’assit sur le lit à coté de la jeune femme.

-Mais vous êtes matinale Mademoiselle Roberts.

-C’est quoi matinal ?

-C’est quand les personnes aiment se lever tôt le matin.

-Maman, elle est pas matinale alors. Elle fait dodo plus longtemps que moi.

- Et qu’est-ce que tu fais quand elle dort encore ?

-Je la regarde parce que je la trouve jolie comme ça. Et puis je me mets tout contre elle et je ferme les yeux, j’arrive à sentir son cœur qui fait boum boum.
Denise sourit et caressa les cheveux de la fillette.

-Qu’est-ce que c’est ? Demanda Katy en désignant le lapin rose du doigt.

-Ca, eh bien…mon doudou.

-Tu as un doudou ? Mais tu es grande. Dit-elle étonnée.

-Oui mais tu vois, des fois les grandes personnes ont aussi besoin de quelque chose qui leur fait un peu oublier leur tristesse.

-Tu es triste ? Si tu veux tiens. Elle lui posa son ourson sur les genoux. Hector est très gentil. C’est maman qui me l’a offert il y a très longtemps. Quand je suis triste ou que j’ai peur, je le serre fort et je pense à ma maman et après, ça va mieux.

Denise sourit une nouvelle fois devant l’attention de la fillette.

-Mais tiens prend-le !

-Non Katy, je ne peux pas.

-Pourquoi ?

-Simplement parce que Hector te protège toi. Si tu es triste et si tu as peur ?

-Ca n’arrivera plus maintenant. Maman et moi on va vivre ensembles dans une belle maison avec un jardin.

-Au fait puce, je viens de penser à quelque chose. Qu’est-ce qu’elle mange ta maman le matin ?

-Rien. C’est moi qui mange et elle me regarde juste. Elle dit toujours qu’elle a pas faim.

-Eh bien tu sais quoi ? On va lui préparer un super petit déjeuner. Elle ne pourra pas résister.

Katy sourit et la jeune femme se leva. Elle passa un kimono en soie sur sa nuisette bleu clair et prit la main de la petite fille. Elles arrivèrent dans le salon à pas feutrés pour ne pas réveiller la jeune femme endormie sur le canapé. Katy prépara la table avec grand soin et Denise s’occupa du petit déjeuner. Elle fit des pane cakes, sortit du miel, de la confiture, des fruits frais, du jus d’orange, du chocolat en poudre, du lait, du thé… La table de la cuisine fut envahie de nourriture. Les yeux de Denise se posèrent sur le PC qui se trouvait sur le petit meuble du salon. Elle s’y dirigea et l’alluma. Une grosse enveloppe clignotait. Frank. Une photo était jointe au document. Denise l’ouvrit avant de lire les lignes écrites par son époux. Celui-ci se trouvait avec deux autres hommes. Ils souriaient en regardant l’objectif. Elle ne quittait pas son mari des yeux, un large sourire aux lèvres. Il semblait fatigué mais il était en bonne santé et souriant.

-C’est ton amoureux ?

-Oui Katy, lui ; elle désigna Frank du doigt ; c’est Frank mon mari.

-Il est beau.

-Oui, c’est vrai je trouve aussi.

-Et tu l’aimes ?

-Bien sûr ; très très fort.

-Maman a pas d’amoureux. Elle dit qu’elle a pas le temps, qu’elle a moi. Mais moi, j’aimerai bien qu’elle en ait un qui lui fasse des câlins et des bisous. Tu crois que si maman a un amoureux, il sera mon papa ?

La jeune femme la regardait dans les yeux. Elle la trouvait très intelligente pour son âge.

-Je pense que si l’amoureux de ta maman l’aime très fort et qu’elle l’aime aussi très fort, il pourrait devenir comme ton papa.

-J’aimerai bien avoir un papa.

-Ca viendra ma puce.

Denise lui caressa la joue.

-Va réveiller ta maman, je dois écrire à mon amoureux et je ne veux pas que tu lises. Dit-elle en souriant.

-Mais Denise je sais pas encore lire.

Elle sourit et se dirigea doucement vers sa mère qui dormait encore d’un lourd sommeil.

Le mail de Frank avait été envoyé deux heures plus tôt. Physiquement il allait bien mais il avait un peu le mal du pays. Tout se passait sans incident majeur. Il voyait souvent Trevor qui était placé sous le commandement d’un de ses amis.

Frank écrivait de longues lignes emplies d’amour et de tendresse. Elle lui manquait terriblement et il avait hâte de rentrer au pays pour la serrer à nouveau dans ses bras. Il ne savait pas quand son déploiement prendrait fin.

Denise lui répondit. Elle y mit également tout son amour pour lui. Elle lui parla un peu de son quotidien. Elle raconta qu’elle avait rencontré une jeune femme et sa petite fille. Elle lui parla de l’hôpital, de Claudia Joy. Lily venait de se lever après avoir passé quelques minutes à faire des chatouillis à sa fille. Denise termina sa lettre avec de doux mots d’amour et elle l’envoya. Le message avait été remit. Elle avait hâte qu’il le lise et lui réponde. Elle se tourna vers Lily qui avait poussé un soupir de surprise à la vue de la table si bien garnie.

-Denise c’est beaucoup trop.

-Mais non voyons nous sommes trois. Répondit-elle en souriant.

-Vous ne devriez pas vous donner tant de mal.

-Alors, qu’est-ce que vous aimez qui se trouve sur cette table, dit-elle en se levant et sans tenir compte de la remarque de la jeune femme.

-A vrai dire, un large sourire illumina son visage, tout !

-Vraiment ? Oooh alors je comprends mieux pourquoi Katy est si gourmande. Elle ressemble à sa maman cette demoiselle.

-Ca fait une éternité que je n’ai plus eu l’occasion de manger tout ça.

-Je le sais, vous vous privez pour qu’elle puisse avoir ce dont elle a besoin. Dit-elle sur un ton plus grave.

La jeune femme ne répondit pas mais Denise avait comprit dès l’instant où elle avait abordé le sujet avec la fillette. Elle se tourna vers celle-ci qui se tenait près de sa mère.

-Vas te laver les mains puce.

Katy se dirigea vers l’évier.

-Moi aussi ? Demanda Lily en souriant.

-Bien sûr ! Répondit-elle de la même manière.

Une fois les mains propres toutes deux se mirent à table. Elles mangeait avec autant d’appétit et de gourmandise l’une que l’autre. Denise était ravie de les voir ainsi.

-Je voulais vous demander quelque chose Denise, vous travailler à l’hôpital n’est-ce pas ?

-Oui.

-Je, elle respira profondément. J’ai réfléchi hier au soir. J’aimerai que Katy subisse cette intervention.

-Vraiment ?

-Je pense que c’est le moment, oui.

Denise sourit d’une oreille à l’autre.

-Vous avez fait le bon choix, dit-elle en lui prenant la main.

-Je l’espère…

-Oui, croyez-moi. Je me renseigne pour vous.

-Merci.

-Je vais avoir de nouvelles oreilles maman ? Je vais t’entendre chanter ?

-Peut être ma puce. D’abord Denise va voir si quelqu’un peu faire quelque chose et après, si on peut, maman essayera de faire tout ce qu’il faut. Je te le promets.

-C’est trop bien.

Les deux femmes rirent et terminèrent leur petit déjeuner. Une fois fait, la fillette aida Denise à débarrasser pendant que Lily prit une douche. Elle remit les vêtements qu’elle avait portés la veille et retourna dans le salon. Elle regarda Denise et Katy rirent et gigoter sur le canapé. L’hôte alla prendre sa douche pendant que la jeune femme habilla la fillette dans la chambre de Jeremy.

-Est-ce que vous pourriez nous déposer en ville s’il vous plait ? Demanda Lily qui revint habillée.

-Oui bien sûr, je dois aller faire des courses.

-Merci, nous devons nous changer, j’irai chercher ma voiture plus tard.

-Très bien allons y alors.

Denise prit ses clés de voiture et toutes les trois quittèrent la maison. Elle déposa Lily et Katy au motel et partit acheter ses provisions. Elles passèrent d’autres vêtements.

-Katy ma puce, ou est Hector ?

-Je l’ai laissé chez Denise.

-Oh tu l’as oublié ? Je vais lui dire pour qu’on puisse aller le chercher.

-Non maman, je lui ai donné parce qu’elle était triste.

-Qu’est-ce que tu dis ?

-Denise à un doudou tu sais. Elle a dit que les grandes personnes en avaient quand elles étaient tristes. Alors, quand on est partit et qu’elle a pas regardé, j’ai mis Hector sur son lit. Comme ça, quand elle est triste, il pourra être avec elle.

Lily sourit et caressa la joue de la fillette.

-C’est très gentil ce que tu as fais.

Elle la prit dans ses bras, réalisant une fois de plus que sa petite fille était une fillette merveilleuse et qu’elle avait énormément de chance de l’avoir.

-Bon alors Mademoiselle, dit Lily après cette étreinte, aujourd’hui j’ai beaucoup de choses à faire. Je dois aller quelque part en ville voir un monsieur, je dois passer au Hump Bar pour chercher mon argent du mois, je dois chercher notre voiture et voir si je peux la réparer. Alors, qu’est-ce que je vais faire de toi ?

-Je peux rester avec toi, s’il te plait.

-Mmh je ne sais pas…

-Maman !

Lily la regardait, elle ne pouvait pas résister à la moue qui s’affichait sur le visage de sa fille. Elle rit.

-Mais bien sûr que tu viens avec moi.

Katy sourit et la jeune femme poursuivit.

-On va commencer par chercher mon argent comme ça je pourrai peut être t’acheter une bonne glace, tu veux ?

-Oui.

Toutes deux quittèrent la chambre et marchèrent quelques minutes. Il fallait prendre le bus jusque là où la jeune femme travaillait. Une fois arrivées, Roxy les salua avec joie. Les deux femmes discutèrent quelques minutes des événements de la veille. Lily parla de son projet de chercher un autre emploi pour pouvoir payer l’intervention de Katy. Roxy était ravie pour elles, même si elle avoua que se serait dur pour elle de retrouver une serveuse aussi assidu que la jeune femme. Celle-ci quitta enfin le bar avec sa fille. Elles rejoignirent le centre ville. Une fois leur glaces englouties, Lily entraîna Katy dans un magasin de jouets. En sortant la fillette serrait contre elle la poupée qu’elle avait vu depuis son arrivée à Charleston. Un large sourire illuminait son visage.

-Merci maman.

-Tu es gentille, c’est normal. Eh puis Hector n’est plus avec toi, moi je veux que quelqu’un veilles sur toi tout le temps, répondit-elle en souriant.

-Tu as vu comme elle ressemble à Denise ?

-Oui c’est vrai.

Elles reprirent leur chemin. Lily s’arrêta devant un haut bâtiment à la façade en briques. La fillette sentit une petite pression sur sa main et leva les yeux vers sa mère. Celle-ci soupira profondément et elles pénétrèrent dans le bâtiment.

-Bonjour.

-Bonjour Madame, bonjour Mademoiselle, répondit la secrétaire souriante derrière son comptoir.

-Je viens pour des analyses.

-Oui, vous avez un rendez-vous ?

-Oui, Lily Roberts.

La secrétaire vérifia sur son PC et leva les yeux vers la jeune femme.

-Vous pouvez prendre place dans la salle d’attente.

-Merci, viens Katy.

Elles se dirigèrent vers l’arrière du bâtiment et s’assirent dans une petite salle remplie de dessins abstraits et colorés. Lily ne put s’empêcher de les regarder avec amusement. Katy fonça sur un aquarium qui occupait toute la surface du mur. Après quelques minutes d’attente, un homme apparut en blouse blanche.

-Madame Roberts ?

Lily se leva et lui serra la main qu’il lui tendait.

-Bonjour Monsieur.

-Bonjour.

-Katy tu ne peux pas venir avec moi, tu restes ici. Elle se tourna vers une femme elle aussi en blouse blanche. Vous pourriez me la surveiller quelques temps s’il vous plait ?

-Bien sûr pas de problème.

-Merci.

Lily suivit le médecin dans son bureau. C’était une pièce accueillante et claire. Elle prit place sur la chaise qu’il lui désignait. Elle était un peu nerveuse.

-Alors, commença l’homme, vous êtes ici pour des analyses.

-Oui, j’ai ici un élément à comparer avec le sang.

Elle sortit de sa poche un mouchoir dans lequel était soigneusement emballé un cheveu sombre comme ceux de Katy.

-Je vois que vous connaissez la procédure.

Lily acquiesça. Il prit le mouchoir qu’elle lui tendit. Avec une pince qu’il sortit de sa blouse, il prit délicatement le cheveu et le fit glisser dans un petit plastique transparent.

-Bien, suivez moi.

Tous deux se levèrent et la jeune femme prit place sur une chaise capitonnée. Elle remonta la manche de sa chemise et posa son bras sur l’accoudoir. Pendant ce temps, le praticien ouvrit des plastiques et en sortit des tubes et une seringue. Il chercha une veine sur le bras de la patiente et y enfonça l’aiguille. Lily se raidit un court instant, puis elle regarda le sang envahir le petit tube. Ceci étant fait, il plaça un coton sur l’orifice d’entrée et colla des étiquettes avec le nom de Lily sur les tubes qui contenaient son sang.

-Quand seront prêts les résultats ? Demanda la jeune femme en se levant.

-Tout dépend si vous souhaitez les avoir rapidement.

-Oui, s’il vous plaît c’est important.

-Comptez deux semaines. Vous repasserez et je vous les donnerais.

-Très bien, merci Monsieur.

-Je vous en prie.

-Au revoir.

-Au revoir.

Ils se serrèrent la main et Lily quitta le bureau. Elle retrouva Katy qui n’avait pas bougé, caressant doucement les cheveux sombres de sa poupée.

-On y va ma grande, dit la jeune femme en tendant la main à la fillette.

Celle-ci se leva et elles quittèrent le bâtiment main dans la main.

-Maman.

-Oui, qu’est-ce qu’il y a ?

-Tu crois que Denise voudra que j’appelle ma poupée comme elle ?

-Je ne sais pas, il faudra lui demander.

-On la voit quand Denise ?

-Je ne sais pas. Je dois aller chercher la voiture maintenant et puis tu sais Denise travaille ce soir.

La petite fille sembla soudain triste, elle regardait les yeux noisette de sa poupée qu’elle tenait contre elle. Lily lui leva doucement le menton.

-Tu l’aime beaucoup Denise, n’est ce pas ?

Katy fit ‘oui’ de la tête et Lily sourit.

-Tu n’es pas fâché ?

-Fâché ? Mais pourquoi ma puce ?

-Parce que j’aime bien Denise. Je t’aime aussi tu sais.

Lily rit.

-Non Katy je ne suis pas fâché  et je sais que tu m’aimes. Tu sais on peut aimer plusieurs personnes.

-Mais moi j’ai toujours aimé que toi.

-Eh bien tu vois tu deviens une grande fille.

-C’est vrai ?

Lily acquiesça.

-Et toi maman, qui tu aimes encore ?

-Je t’aime toi, très très fort.

-C’est tout ?

-Mais c’est déjà beaucoup.

-Tu n’aimes pas Denise ?

-Si bien sûr mais c’est différent.

-Eh tu savais que Denise avait un amoureux ? Elle l’aime aussi.

-Alors ça c’est encore différent mon cœur. Tu comprendras quand tu seras plus grande.

-Mais tu as dis que j’étais grande.

-Oui, mais pas encore assez ma puce.

Lily rit et Katy fit la moue, déçue que sa mère ne lui dise pas en quoi il y avait une différence. Elle chatouilla son petit nez et y déposa un baiser dessus. La fillette rit et Lily se redressa.

-Allez, miss Roberts, on doit y aller.

Elles rejoignirent un arrêt de bus et descendirent non loin de là où la fête avait eu lieu le jour précédent.

Lorsqu’elles arrivèrent dans la rue, la jeune femme eut un pincement au cœur. Les souvenirs de la veille envahirent son esprit. Elle sentit la petite main se refermer sur la sienne. Lily regarda Katy. Elle lui souriait comme pour l’encourager à avancer. C’est ce qu’elle fit. Les tables étaient défaites et les rubans qui habillaient les arbres étaient enlevés par plusieurs personnes. Lily voulut continuer son chemin sans s’arrêter. Elle voyait sa voiture garée plus loin. Mais Katy lui lâcha brusquement la main. Elle la vit courir en direction de Claudia Joy. Celle-ci fut étonnée de sentir les petites mains agripper son pantalon.

-Hey Katy.

Ni une, ni deux, la fillette se jeta dans ses bras. Lily arriva enfin.

-Bonjour Claudia Joy .

-Bonjour Lily, comment allez vous ?

-Bien merci.

La fillette se sépara enfin de Claudia Joy.

-Regarde Claudia Joy, elle est belle.

-Oui, elle est très jolie ta poupée.

-C’est maman qui me l’a acheté. Elle ressemble à Denise.

-Oui, c’est vrai qu’elle lui ressemble.

-Tu crois qu’elle voudra que je l’appelle comme elle ?

-Tu lui demanderas, mais je suis sûre qu’elle sera contente que tu l’appelles comme elle.

-Super !

Les deux femmes sourirent et Claudia Joy s’adressa à la jeune femme.

-Vous allez mieux à ce que je vois.

-Oui, grâce à Madame Sherwood.

-J’en suis ravie, répondit sincèrement la plus âgée des femmes.

-Et vous ? Je ne vous ai pas trop causé d’ennuis j’espère ?

-Non, j’ai dû affronter mon époux mais en dehors de cela ça a été.

-Votre époux ?

-Il a un peu de mal à comprendre que je vous défende.

-Je suis désolée.

-Ne vous tracassez pas pour ça, ça passera.

Flash-back

Claudia Joy entra enfin chez elle. Le soleil disparaissait à l’horizon dans des tons orangés. Elle n’en revenait pas. Comment et surtout pourquoi, Lenore avait-elle agit de la sorte avec cette fillette ? Et Lily, l’avoir vu dans cet état lui avait brisé le cœur. Elles ne méritaient pas se qui leur arrivait. Heureusement son amie avait comprit la détresse de la jeune femme et avait pus réagir à tant. « Son travail d’infirmière sans doute »Pensa Claudia Joy.

Elle ouvrit doucement la porte de la maison qu’elle pensait encore vide et se glissa à l’intérieur. Toujours perdue dans ses pensées, elle vit au dernier moment son époux assis dans un fauteuil du salon.

-Michael ? Qu’est-ce que tu fais ici ? Demanda-t-elle étonnée.

-J’ai entendu parlé de ce qu’il s’est passé aujourd’hui. Dit-il sur une voix grave. Il poursuivit avant que son épouse est eu le temps de dire quoique se soit. Cette fille, c’est celle que tu disais être ton amie, celle à qui tu rendais un petit service en gardant sa fillette le soir ?

-Oui.

-Tu la connais bien ?

-Quoi ?

-Je te demande si tu la connais bien. Tu sais d’où elle vient, qui elle est vraiment et surtout, ce qui l’a amené ici, à Charleston ?

-Michael mais qu’est-ce qu’il te prend ?

Il se leva et s’approcha d’elle.

-Il me prend que l’épouse du Commandant de la base côtoie une jeune femme peu fréquentable.

-Quoi ? Attends un peu là. Lily est une jeune femme très gentille et sa fille est adorable. Pourquoi réagis tu de cette manière Michael ?

-Parce que tu te dois d’être exemplaire et tes fréquentations…

-Tu fais alors d’avantage confiance à Lenore Baker plutôt qu’à ta propre femme, coupa Claudia Joy.

-Je n’ai pas dis ça.

-Non, tu n’as pas eu à le faire.

Elle se retourna, furieuse de ce qu’elle avait pût entendre de la bouche de son époux.

-ATTENDS, arrêtes-toi.

Elle se tourna violement.
-Je ne suis pas sous ton commandement Michael et je choisis moi-même les personnes que je veux fréquenter.

Sur cette phrase elle partit à l’étage et claqua la porte de leur chambre. Michael rejoignit son bureau et se versa un verre de Whisky qu’il bu en pensant à la discussion mouvementé qu’ils avaient eu.

Fin du Flash-back.

-Je suis vraiment désolée que vous vous soyez disputé avec votre époux à cause de moi.

-Ca passera. Mais au fait, que faites vous ici ?

-Ma voiture, dit Lily en la désignant du regard. Je l’ai laissé ici hier et elle a besoin de quelques réparations.

-Vous voulez que je vous indique un bon garage où vous pouvez la mettre ?

-Non merci, je fais les réparations moi-même.

-Ah oui vraiment ?

Lily acquiesça.

-Il vous faut un endroit et des outils tout de même. Passez chez moi, j’ai tout ce qu’il faut.

-Merci mais, pour votre époux ?

-Il travaille et puis, il n’a rien à dire.

Toutes deux rirent et Lily accepta l’offre de Claudia Joy. Elle la suivit avec la voiture et la mit dans son garage. Katy alla jouer avec son amie pendant que la jeune femme préparait ce dont elle avait besoin.

-Lily vous voulez manger quelque chose ? Demanda Claudia Joy en entrant.

-Non merci, j’ai mangé un bon petit déjeuner ce matin chez Denise.

-Vous êtes sûre ?

-Oui merci.

-Très bien, je vais donner à manger à Katy, cette fillette est un vrai glouton.

-Oui ça je sais.

Elles rirent et Claudia Joy quitta le garage.

Lily travailla toute l’après midi. Katy venait la voir de temps à autre et repartait aussitôt. Lily croisa Emmalin, la fille cadette de Claudia Joy. Elles discutèrent quelques minutes et Lily se remit au travail. La soirée approcha. La jeune femme avait fini ses réparations et prenait un verre avec Claudia Joy sur la terrasse en bois.

-Vous, vous débrouillez plutôt bien.

-Merci, répondit Lily en rougissant.

-Est-ce que je pourrai vous demander un petit service ?

-Bien sûr.

-Ma voiture à un peu de mal à démarrer depuis quelques temps. J’en ai parlé à Michael mais il n’a pas le temps de s’en occuper, vous pourriez jeter un coup d’œil ?

-Pas de problème.

Elles restèrent encore assises quelques minutes et Lily rejoignit à nouveau le garage. Il ne fallut que peu de temps pour que la jeune femme retrouve et règle la panne. C’était un simple petit problème de batterie qu’elle régla en la mettant en charge.

Michael entra.

-Bonsoir Monsieur Holden.

-Bonsoir, vous êtes ?

-Lily Roberts, dit la jeune femme en lui tendant sa main un peu sale.

-Ah oui, murmura-t-il en la serrant.

-Je crois qu’on vous a parlé de moi.

-Euh…

-Eh bien sachez Monsieur, que je ne vais pas chercher des excuses pour me défendre. J’ai l’habitude que les gens parlent dans mon dos ou ne m’insultent. J’ai souvent eu affaire à des femmes comme Madame Baker. Mais sachez également que je suis ce que je suis. Katy est ma fille et je l’aime plus que ma propre vie. Elle est tout pour moi. Vous pensez que je suis une personne peu fréquentable pour votre épouse ? Eh bien croyez ce que vous voulez, mais vous vous trompez sans doute. En tout cas ma fille et moi apprécions votre épouse ainsi que Madame Sherwood. Elles nous ont tendu la main. Maintenant si vous ne voulez pas m’écouter et tenir compte de ce que je vous dis, c’est votre problème. Mais je pense que vous êtes un homme assez intelligent pour savoir par vous-même si votre épouse a raison ou non.

Michael était sans voix. Il ne savait pas quoi répondre. Cette jeune femme avait un franc parlé certain qui lui imposa le respect. Peut être qu’il s’était trompé, peut être que Claudia Joy avait raison finalement ?

-Je crois que je vous dois des excuses Mademoiselle. Pour les préjugés que j’avais à votre égard.

-J’accepte vos excuses mais faites en également à votre épouse. Je pense que ce sera une excellente idée, dit la jeune femme en souriant.

Michael sourit également. Katy entra, surprise de voir un homme avec sa mère, elle se cacha derrière ses jambes.

-Votre fille ?

-Oui, Katy.

Il se pencha doucement et lui sourit.

-Bonjour Katy, moi c’est Michael, dit-il en lui tendant la main.

-Allons ma puce, dis bonjour à Monsieur Holden.

-Monsieur Holden ? C’est l’amoureux de Claudia Joy?

-Oui, c’est son mari.

-Il est gentil ?

-Oui.

La fillette avança et lui serra timidement la main.

-Bonjour Michael.

Celui-ci la regarda étonné sans rien dire.

-Elle vous dit, bonjour, précisa Lily en voyant son air interrogateur. Eh oui, ma fille est sourde.

-Je ne savais pas.

Claudia Joy entra à cet instant. Lily se tourna vers elle.

-Viens Katy, Michael et Claudia Joy doivent parler entre eux.

-Mais…

-Non ma puce, on y va.

Elle lui prit la main et sortit en souriant. Claudia Joy et Michael restèrent l’un en face de l’autre.

-Excuse-moi, murmura Michael, je n’aurais pas dû réagir de cette façon. Lily semble être une jeune femme très gentille et responsable. Je ne savais pas que sa fille était sourde.

-Parce que si tu l’avais su ça aurai changé quelque chose ? Demanda-t-elle sur un ton amer.

-Non, bien sûr que non …Je sais que j’ai fais une erreur.

Ils restèrent un moment silencieux, sans savoir quoi dire.

-Elle s’est occupée de la voiture.

-Oui c’est ce que je vois.

-Oh Michael, soupira Claudia Joy.

Elle avança vers lui et se blottit dans ses bras. Il resserra son étreinte pour la sentir encore plus près de lui. Après quelques instants, ils se séparèrent doucement.

-Je t’aime, murmura Claudia Joy. Malgré ton sale caractère qui m’exaspère de temps en temps.

-Moi aussi je t’aime, et merci de me supporter.

Ils se sourirent et s’embrassèrent tendrement. A la fin de ce long baiser, elle reprit la parole.

-Dommage qu’il y ait quelqu’un à la maison parce que j’en ai très envie.

-Mmh vraiment ? Eh bien on pourrait remettre ça à ce soir quand nos invitées seront parties.

-Avec joie, dit-elle avant de goûter à nouveau à sa langue.

 

Deux semaines plus tard.

 

Lily entra au motel, épuisée. Elle avait passé une nouvelle après midi en compagnie de Denise et Katy. Toutes les trois s’entendaient plutôt bien. L’infirmière s’était renseignée pour l’opération de la fillette. Il manquait encore beaucoup d’argent mais la jeune femme refusa que Denise lui aide financièrement.

Chaque jour elle rencontrait d’autres femmes à qui elle rendait quelques services contre un peu d’argent. Mais cela ne suffisait largement pas, elle se trouvait encore très loin du compte.

Katy dormait profondément. Lily la coucha délicatement et lui mit près d’elle sa poupée qui ressemblait tant à la femme qui l’avait trouvé un soir dans les toilettes du Hump Bar.

La jeune femme déposa un baiser sur le front de la petite fille et se redressa. Elle vacilla en se relevant et se rattrapa de justesse à la table de nuit. Sans hésitation, elle se précipita dans la salle de bains et referma la porte derrière elle. A genoux devant la cuvette des toilettes, son corps se débarrassa du repas qu’elle avait préparé avec son amie. Elle avait de fortes douleurs au ventre et se sentait plus fragile qu’une plume ballottée à tout vent. Lorsqu’elle ne vomissait pas, elle étouffait des cris et des gémissements de douleur. Sa torture dura de longues minutes. Lorsque son estomac ne contenait plus rien, elle se traîna dans la chambre et se coucha à côté de Katy. La douleur la tenaillait toujours. Elle caressa doucement les cheveux de la fillette en pleurant. Lily repensa à sa journée. Roland était venu chez Denise pour lui parler de son futur enfant. Il avait été effondré face à la position de sa femme qui refusait toujours de lui pardonner et d’envisager de garder cet être qui grandissait en elle.

 

 

 

Flash-back

Lily, Denise et Katy se trouvaient dans le salon. Elles avaient pris place autour de la petite table, toutes les trois étaient assises en tailleur. La fillette coloriait son cahier et avait demandé aux deux femmes de dessiner avec elle. Denise se débrouillait comme elle pouvait. Elle faisait des fleurs, des oiseaux, des papillons de toutes les couleurs. Lily quant à elle était concentré sur un portrait de la femme qui se trouvait face à elle.

-Mais comment faites vous pour dessiner si vite et si bien ? Demanda celle-ci en regardant son dessin.

Lily rit.

-Je ne sais pas, c’est venu comme ça. J’ai toujours aimé dessiner, après de longues années et de nombreux ratés, je commence doucement à m’en sortir.

-Je peux vous demander une faveur ?

-Oui, bien sûr.

-Je pourrai le garder quand vous l’aurez fini ?

-Oui si vous le voulez mais à une condition. Que vous me donniez le votre.

Toutes les deux rirent.

-Très bien, dit Denise.

On sonna à la porte et elle se leva pour aller ouvrir.

-Roland ? Dit-elle étonnée.

-Salut.

-Salut, viens entre. Dit –elle en le laissant passer. Dis moi tu n’as pas l’air bien.

-Je crois que pour une fois c’est moi qui ai besoin de parler avec quelqu’un.

-Viens, elle l’entraîna dans le salon.

-Bonjour Roland, dit Lily en souriant.

-Bonjour.

Il s’approcha et elle se leva pour lui faire les bises. Elle eu un violent vertige et se rattrapa au bras de l’homme.

-Ca va Lily ?

-Oui oui ça va merci, dit-elle en lâchant prise.

-Vous avez souvent des vertiges ces derniers temps je trouve, intervint l’infirmière, ce n’est pas normal.

-La fatigue sans doute ne vous inquiétez pas.

Cette réponse ne convainc pas Denise mais elle ne dit rien.

-Salut Katy. Dit Roland à la fillette qui le regardait.

Elle lui accorda un mouvement de main et un sourire et se concentra à nouveau sur son dessin.

-Roland tu voulais me parler ?

-On y va y aller comme ça vous pourrez discuter tranquillement.

-Restez Lily, ça ne me dérange pas j’ai besoin de compagnie.

Elle sourit, ravi de constater qu’elle comptait assez pour pouvoir rester avec eux. Ils prirent donc place sur le canapé.

-C’est Joan, soupira Roland. Je ne sais plus quoi faire. Nous n’arrivons même plus à avoir une discussion normale ensembles. Elle me jette ma trahison à la figure à chaque fois qu’elle le peut. Je sais que j’ai fais une erreur mais je l’aime sincèrement. C’est elle la femme de ma vie.

-Dites le lui, intervint Lily.

-Elle le sait, elle ne veut rien entendre. Elle se vexe pour un rien, elle est froide et distante.

-Pour ça tu ne peux pas lui en vouloir Roland.

-Oui je sais, seulement je crois vraiment que cette fois c’est terminé. On a envisagé le divorce et je crois que c’est la meilleure chose à faire.

-Et pour l’enfant ?

-Elle veut avorter.

-QUOI ? Lily fit un bond. Attendez, vous aimez votre femme, apparemment vous avez eu une aventure avec une autre c’est bien ça ? Il acquiesça. Elle est enceinte et voudrait divorcer et avorter ? Vous vous rendez compte que cet enfant est une chance ? Si votre épouse est en colère contre vous et si elle se sent profondément trahie c’est qu’elle vous aime encore. Vous ne pouvez pas renoncer à ce bonheur. Tentez encore de lui parler. Résonnez la et prouvez lui que vous l’aimez.

-Ca se voit que vous ne connaissez pas le Lieutenant Colonel Joan Burton.

-Le Lieutenant Colonel Joan Burton est avant tout une femme. Qui plus est profondément blessée jusqu’au plus profond d’elle-même et qui a besoin de reprendre confiance, en elle et en l’homme dont elle est amoureuse. Laissez-moi lui parler.

-Vous ? Demanda –t-il étonné.

-On ne dirai peut être pas en me voyant mais j’ai un don pour remettre en question les gens. Mes parents voulaient que je fasse avocate, dit-elle en souriant.

-Je ne sais pas…

-Ecoute-la Roland. Après tout qu’est ce que ça te coûte si tu estimes déjà que tout est perdu ?

Il réfléchi un instant.

« Après tout, pourquoi pas ? Cette jeune femme pourrait la faire changer d’avis. De tout manière moi elle refuse de me parler elle ne voudra sans doute pas parler à Lily non plus… »

-D’accord, soupira-t-il.

Les deux femmes sourirent, satisfaites d’avoir pu le convaincre.

L’après midi se termina ainsi. Elles firent tout leur possible pour remonter le moral du médecin. La soirée approcha et il décida de rentrer chez lui pour tenter de parler à son épouse. Denise invita Lily et Katy à rester pour le dîner comme elle le faisait souvent. Les deux femmes le préparèrent ensembles. La nuit déjà bien avancée, la jeune femme et sa fille regagnèrent le motel pour y dormir.

 

Fin du Flash-back

Lily avait fini par s’endormir d’épuisement. De longues traces étaient encore visibles sur ses joues. Elle se trouvait en position fœtale, couchée sur le coté et recroquevillée sur elle-même. Katy la secoua à plusieurs reprises. Elle sentait les petites mains dans son dos mais ne voulait pas sortir de cet état de demi sommeil. Les mains la secouèrent plus rapidement et la jeune femme consentit enfin à ouvrir les yeux et à se retourner.

-Maman qu’est ce qui va pas ?

Elle s’assit et regarda la petite fille.

-Ca va mon cœur.

-Tu as mal ?

-Non ma puce, ça va.

Elle regarda l’heure inscrite sur le petit réveil. « Quoi déjà ? » 

-Chérie, il faut s’habiller vite, maman à un rendez-vous.

Elle se leva d’un bond oubliant son état fragile. Lily s’écroula sur le sol de douleur. Katy se jeta sur elle.

-Maman qu’est ce que tu as ?

Celle-ci eu le souffle coupé et ne pu répondre tout de suite.

-Ma grande…regarde dans le sac bleu, il y a une petite boite blanche, dit-elle entre deux gémissements.

-J’ai pas le droit de la prendre.

-S’il te plait Katy. Cette fois, si. Apporte-la moi.

Elle acquiesça et alla chercher ce que lui demanda sa mère. Lily avala deux cachets avec un peu d’eau. Elle s’adossa contre le lit et attendit que la douleur s’atténue un peu. Katy posa sa tête sur son ventre. Elle la regarda tristement, ne supportant pas de voir sa mère dans un tel état.

-Ca va ma grande, murmura Lily en caressant ses cheveux, ça va passer ne t’inquiète pas.

Après quelques minutes dans cette position, la jeune femme sentit les cachets faire effet.

-Katy, il faut s’habiller je dois aller voir un monsieur ce matin.

La fillette fit ‘non’ de la tête et la reposa sur le ventre de sa mère.

-S’il te plait, lève toi.

-Je veux pas que tu pars.

-Tu viens avec moi. Tu sais on va là ou il y a les beaux poissons ?

-Je veux pas !

-Je dois y aller ma puce c’est important. Tu sais le monsieur va faire que maman aille mieux.

-C’est vrai ?

-Mmh.

Elle se leva enfin et Lily se dirigea dans la salle de bains. Elle prit une rapide douche pendant que la fillette regardait ses dessins animés favoris. Celle-ci pensait à sa mère. Qu’est ce qu’il s’était passé ? Pourquoi était-elle tombée ? Cela faisait quelques jours qu’elle n’allait pas bien, même âgée de quatre ans, la fillette remarquait que quelque chose n’allait pas. Elle avait eu mal et elle l’avait ressentit. Et puis son regard, ses yeux étaient remplis d’une immense tristesse ce matin là.

Lily revint habillée et s’occupa de sa fille. Toutes deux prêtes, elles montèrent en voiture et se dirigèrent vers le centre ville.

Elles marchaient main dans la main au milieu de la rue pavée. Il faisait beau et beaucoup de personnes se promenaient. Lily acheta un gâteau à sa fille qui n’avait pas mangé ce matin là. Ensuite, elles se dirigèrent vers le haut bâtiment à la façade en brique dans lequel elles étaient entrées deux semaines plus tôt. Lily hésita plus longtemps que la dernière fois. Une fois dans la salle d’attente, la fillette ne se rua pas sur l’aquarium, elle refusait de lâcher la main de sa mère. Lorsque le médecin arriva pour la faire entrer dans son bureau, elle ne put le faire qu’avec Katy.

-J’ai vos résultats Madame Roberts, dit-il en s’asseyant.

Il lui tendit la feuille. La main de Lily trembla. Elle la parcourut rapidement du regard. Son cœur ne fit qu’un bond dans sa poitrine. Elle leva les yeux vers l’homme qui se trouvait en face d’elle. Celui-ci acquiesça en réponse à la question muette de la jeune femme. Il regarda tour à tour la fillette et la jeune femme.

-Vous avez la confirmation.

Lily sourit en regardant son enfant.

-Mais Madame Roberts je me dois de vous informer que les analyses de sang révèlent encore quelque chose de plus.

-Je sais ce que vous avez trouvé, dit-elle en portant à nouveau son attention sur le praticien.

-Comment ça vous êtes au courant et vous êtes ici je…

-Ce n’était pas le but de ma visite Monsieur. Je n’étais venu que pour une seule chose et j’ai ma réponse. Ce que vous avez pu trouver d’autre ne m’intéresse pas parce que je le sais déjà.

-Mais, vous êtes sûre de savoir ce que vous faites ?

-Je le crois. Merci Monsieur, dit-elle en se levant.

-Très bien, si vous m’affirmez que vous connaissez les risques encourus.

-C’est le cas.

-Eh bien au revoir Madame, dit-il en lui serrant la main.

-Au revoir.

Elle sortit du bureau avec Katy, puis elles regagnèrent la rue bruyante et animée.

Lily ferma les yeux au souffle léger du vent d’automne. Elle sentit la petite main de sa fille lui tirer doucement le bras.

-Maman tu es plus malade ?

-Viens ma puce, je dois te parler.

Elle l’entraîna dans un petit parc et elles prirent place sur un banc.

-Chérie, je suis fatiguée en ce moment parce que je travaille beaucoup mais ça va passer. Le Monsieur qu’on est allées voir tout à l’heure m’a donné un papier sur lequel est écrit que tout va s’arranger.

-C’est vrai ? Mais il t’a rien fait.

La jeune femme sourit et lui caressa le front.

-Non c’est vrai. Je sais que tu voudrais savoir ce qu’il se passe mais tu sais c’est très compliqué pour une petite fille comme toi.

-Tu veux pas me le dire, dit-elle en boudant.

-Je voudrais pouvoir le faire mais c’est compliqué pour le moment. Il faut attendre un peu.

-Combien de temps ?

-Eh bien je ne sais pas. Mais je te promets que se sera très très vite.

-Promis ?

-Promis !

Elle se sourirent et s’étreignirent un long moment. Lily vit une cabine téléphonique tout à coté.

-Ma puce tu restes là avec Denise ? Dit-elle en caressant les cheveux de la poupée. Regardes je suis juste là je dois appeler quelqu’un.

-D’accord.

Elle lui chatouilla le nez et se leva en direction du téléphone. Elle parcourut les trois mètres qui la séparait de celui-ci en fouillant dans sa poche pour y trouver quelques pièces. Elle les introduit dans l’appareil et composa le numéro. Sans quitter des yeux Katy qui jouait tranquillement sur le banc, elle écoutait les sonneries. « Allez, décroche ! » La quatrième sonnerie retentie et une voix à l’autre bout du fil se fit entendre.

‘-Docteur Campbell ?

-Al ?

-Euh…

-C’est Lily.

-Lily ?

-Roberts.

-Oui je ne connais qu’une seule Lily.

-Salut ça…

-Ou es tu ?

-Pourquoi tu…

-Lily c’est super important. Il faut que tu viennes me voir tout de suite.

-Ecoute Al, j’ai quitté New York.

-QUOI ? Tu es folle ma parole. Tu es où?

-A Charleston.

-Charleston ?

-En Caroline du Sud.

-Mais qu’est ce que tu fous là bas ?

-Je…j’ai trouvé quelque chose.

-NON Lily ça suffit !

-Al je…

- Arrêtes tes conneries tout de suite. C’est fini tout ça. C’est du sérieux cette fois.

-Comment ça ?

-Ne fais pas comme si tu ne savais pas, les douleurs sont toujours plus fortes et plus fréquentes, tu es de plus en plus faible.

Elle soupira et il en profita pour poursuivre.

-Lily, tu dois rentrer à l’hôpital, si quelqu’un se présente tu pourras…

-Hors de question ! Que deviendra Katy si je ne suis pas là ?

-Demande toi plutôt ce que deviendra ta fille si elle perd sa mère.

-Je vais bien, les cachets font leurs effets. J’ai encore du temps pour…

-Du temps ? Tu n’en as plus beaucoup.

-Mais Al j’ai…

-Il n’y a pas de ‘mais’ ! Si tu ne te fais pas hospitaliser tout de suite c’est fini. On ne pourra plus rien pour toi.

Pendant qu’il parlait, la jeune femme regardait sa fille souriante avec sa poupée dans les mains. Les larmes coulèrent sur son visage.

-Lily ?

-Je…je ne peux pas Al. Je suis désolée.

-Lily je t’en prie ne fais pas ça, tu fais une erreur.

-L’erreur serait de tout abandonner maintenant.

-Abandonner ? Mais abandonner quoi ?

-Tu le sais.

-Quoi ? Tu as…

-Ecoute je dois te laisser.

-Non ne raccroche pas.

-Je suis vraiment navrée Al, j’ai pris ma décision.

-Lily !

-Je restes à Charleston le temps…le temps qu’il me restera.

-Tu ne peux pas, je t’en prie c’est du suicide.

-Non il me reste un espoir.

-Lily…

Sa voix se faisait suppliante.

-Au revoir Al et merci pour tout.’

Elle raccrocha sans attendre sa réponse et fondit en larmes. Katy courut vers elle et se lova dans ses bras. Elles restèrent enlacées quelques minutes sans se parler. Quelques personnes observaient la scène tout en continuant leur chemin. Lily était rassurée de sentir sa petite fille contre elle. Elle se calma doucement et se sépara d’elle.

-Merci ma puce, murmura la jeune femme, tu es la plus merveilleuse des petites filles qu’il soit.

Celle-ci sourit et lui déposa un baiser sur la joue.

-Tu as faim ?

-Oui.

-Allons manger quelque chose et ensuite nous irons voir Joan.

-C’est qui ?

-La femme de Roland tu sais ?

Elle acquiesça. Elle lui tendit sa petite main que la jeune femme prit en se relevant. Après un rapide repas prit sur une terrasse, elles montèrent à nouveau en voiture pour arriver à l’endroit où Joan travaillait.

Roland avait assuré à la jeune femme que c’était le seul endroit où il était certain de la trouver. Il ne se trompa pas, Lily la vit s’afférer à son bureau et elle se dirigea dans sa direction.

-Lily ?

Michael la vit et l’interpella avec le sourire.

-Hey, bonjour Katy.

-Bonjour, répondit poliment Lily.

La fillette lui accorda un sourire pour toute réponse.

-Qu’est ce que vous venez faire ici ? Demanda-t-il à la jeune femme.

-Je suis venue voir un de vos officier, il la regarda étonné et elle poursuivit, le Lieutenant-colonel Joan Burton.

-Pour quel motif ?

-C’est personnel, je sais que selon vos codes bien rodés et définis que ce que je vous demande semble inapproprié mais j’ai vraiment besoin de lui parler, c’est important.

Il la regarda un moment ne sachant quoi répondre.

-Très bien, allez y.

-Merci Monsieur.

-Lieutenant-colonel Burton ?

-Monsieur ? Dit-elle en s’avançant vers lui.

-Cette personne souhaite vous parler en privé, allez dans mon bureau vous y serez tranquille.

Joan les regardaient ne sachant pas se qui était en train de se passer devant elle.

-Bien Monsieur, bredouilla-t-elle.

Lily la suivit avec Katy et ferma la porte derrière elle. Elle amena la fillette à une chaise et lui parla doucement.

-Restes là ma puce je dois parler avec la dame.

Elle acquiesça et Lily lui donna un baiser sur le nez. Joan les observait sans rien dire, se demandant qui elles étaient et pourquoi cette jeune femme qu’elle ne connaissait pas voulait lui parler. Celle-ci se leva et se dirigea vers l’officier.

-Madame Burton je me présente, Lily Roberts, dit-elle en lui tendant sa main.

Elle acquiesça en la lui serrant.

-Excusez-moi mais, je ne vous connais pas, votre époux serait-il sous mes ordres ?

-Non, je voulais vous parler parce que, un de mes amis me l’a demandé, enfin plutôt qu’il a accepté l’aide que je lui proposais.

Joan la regardait sans rien dire et Lily poursuivit.

-Votre époux.

-Roland ?

-Oui, il m’a parlé de votre situation.

-Ah oui vraiment ?

Le ton montait doucement.

-Moi je n’ai rien à vous dire Madame.

-S’il vous plait, écoutez moi.

-Pourquoi ?

- Parce que je sais que vous aimez votre mari et qu’au fond de vous-même vous voulez garder cet enfant.

-Comment pouvez vous savoir ce que je veux et ce que je ne veux pas ?

-Je ne le sais pas, je le vois.

-Oh vraiment ? Et que voyez vous d’autre ?

-Une femme perdue qui a beaucoup souffert. Une femme qui s’est sentit trahie par l’homme qu’elle aime.

-J’ai été trahie !

-Oui et vous l’aimez. Lui aussi vous aime. Cet enfant est une chance pour tout les deux.

-Qu’est-ce que vous en savez, soupira-t-elle.

-J’ai eu la chance d’avoir été élevée par deux personnes formidables, ma fille non. Elle n’a pas connu son père. Votre enfant a besoin de ses deux parents.

-Je ne vais pas garder cet enfant.

-Vous le regretterez toute votre vie.

Les deux femmes se faisaient face en silence, se défiant du regard. Lily vit les larmes naître dans les yeux de la jeune femme. Celle-ci détourna le regard et ses yeux se posèrent sur la fillette.

-Comment s’appelle-t-elle ?

-Katy.

Elle les regarda en souriant, tout en faisant sauter sa poupée sur ses genoux.

-Elle est ma plus grande réussite. Je ne regrette pas une seule seconde de l’avoir gardé. Mon copain a fuit devant la réalité de ma grossesse je me suis retrouvée devant le même choix que vous seulement j’avais dix-sept ans, des études à terminer et une vie à construire. J’ai fais le choix de garder cet enfant qui grandissait en moi. Mes parents l’ont accepté. Vous avez la chance d’avoir un époux aimant, qui sera à vos cotés, vous avez un logement et une bonne situation. Mettez de coté votre carrière pour un temps et construisez cette famille qui s’offre à vous.

Joan avait quitté la fillette des yeux et s’était à nouveau tourné vers la jeune femme. Les larmes avaient coulées sur ses joues.

-Vous avez peut être raison mais, Roland…je ne lui pardonnerai pas.

-Pourquoi ? Pourquoi ne pas lui pardonner ? Je ne dis pas qu’il faut oublier ce qu’il a fait, seulement nous faisons tous des erreurs. Il regrette la sienne croyez moi. Joan j’aimerai vous poser une question. Aimez vous Roland tu fond du cœur ?

Elle réfléchit pendant un temps en silence.

-Oui, je l’aime.

-Alors tout est encore possible, dit-elle en souriant. Je sais que ça va s’arranger. Parlez lui, dites lui ce que vous avez réellement sur le cœur. C’est un homme je vous l’accord, ils ne comprennent pas toujours tout mais je sais qu’il vous écoutera.

Elles rirent toute les deux et Joan essuya ses larmes.

-Merci Mademoiselle.

-Appelez moi Lily. Et surtout si il y a quoique se soit je suis là. Le Général Holden ainsi que Denise Sherwood savent où me trouver.

-Merci.

-Je vous en prie.

Elle se tourna vers la fillette et lui dit de la rejoindre. Celle-ci qui la regardait, lu sur ses lèvres et se dirigea vers elle en souriant.

-Maman on va voir Denise ?

-Oui ma puce, on y va tout à l’heure.

-Super !

Elles s’apprêtèrent à partir mais Joan les regarda étonné.

-Votre fille est muette ?

-Non elle est sourde, répondit Lily en souriant.

Elle la regarda sans comprendre en quoi se fut une bonne nouvelle.

-Eh bien étant sourde ma fille peut espérer parler un jour, à condition qu’elle subisse une intervention chirurgicale et qu’elle porte un appareil.

-Je comprends mieux, dit Joan en souriant.

Elles sortirent toutes les trois du bureau et l’officier se remit au travail.

-Au revoir Monsieur, dit Lily en serrant la main de Michael.

-Au revoir Lily, ça s’est arrangé ?

-Oui, merci pour votre accord et votre bureau.

-De rien, dit-il en souriant.

-A bientôt.

-A bientôt, au revoir Katy.

Elle fit un mouvement de main et elles montèrent en voiture pour regagner le domicile de Denise.

-Hey, bonjour Mademoiselle Roberts, dit Denise en serrant la fillette contre elle.

-Bonjour Denise, dit Lily en lui faisant la bise.

-Comment ça va ?

-Bien merci.

-Ne mentez pas vous allez l’air fatiguée.

-Ca va ne vous inquiétez pas.

-Un jour je ne me satisferais plus de cette réponse.

Lily sourit timidement et se tourna vers sa fille pour éviter de nouvelles questions.

-Je vais vous laisser, je dois aller à l’hôpital.

-Vous êtes de garde ?

-C’est exceptionnel, je remplace une collègue cette après-midi, c’est dommage j’aurai voulu rester avec vous plutôt…

-Nous allons y aller dans ce cas.

-Non restez.

-Mais vous venez de dire que…

-Ca ne me dérange pas que vous restiez ici, c’est plus intéressant que de passer toute sa journée dans la chambre du motel et puis, vous pourrez vous reposer.

-A quelle heure vous rentrez ?

-Après sept heures, faites comme chez vous.

-Merci, je vous préparerai le dîner dans ce cas.

-Mmh oui ça c’est une bonne idée ! Répondit-elle en souriant. Elle se pencha sur Katy et lui parla doucement. A ce soir petite puce, je vais travailler.

-Tu reviens quand ?

-Dans pas longtemps, tu restes ici avec maman jusqu’à mon retour.

-Super !

Les deux femmes rirent et Denise quitta la maison en les saluant de la main.

Lorsqu’elles refermèrent la porte, la jeune femme s’adressa à la petite fille.

-Tu fais attention Katy nous ne sommes pas chez nous, Denise nous fais confiance. Et puis d’ailleurs ne serait-ce pas l’heure de la sieste demoiselle ?

-Nooon !

-Si. Allez hop viens.

Elles entrèrent dans la chambre de Jeremy. Lily ferma les rideaux pendant que la fillette se coucha. Elle l’embrassa et quitta la pièce. La jeune femme voyagea dans la maison. Elle n’avait jamais pu voir toutes les pièces. Elle entra dans la grande chambre. Sur le lit fait se trouvaient deux petites peluches. La jeune femme s’assit un instant et caressa du bout des doigts l’ours que sa fille avait donné à Denise. Elle prit dans ses mains le petit lapin rose que la jeune femme avait tenu contre elle une nuit. Elle resta quelques minutes dans cette pièce, elle regarda les photos accrochées au mur, les vêtements présents dans l’armoire puis elle regagna enfin le salon et s’allongea sur le canapé. Son ventre lui fit mal à nouveau. Elle se releva et prit des cachets qui se trouvaient dans son sac. Elle ne pourrait plus cacher ça trop longtemps. L’infirmière qu’était Denise se doutait de quelque chose. Al lui avait dit que ça s’aggravait. Mais que pouvait-elle faire ? Comment pouvait-elle le dire ? Sa fille avait besoin d’elle. Elle n’avait pas suffisamment d’argent pour payer son opération. La jeune femme se leva et se dirigea vers le petit meuble sur lequel était posé le PC portable. Elle l’alluma et tomba directement sur la boîte mail. Elle savait qu’elle ne devait pas, c’était indiscret mais la curiosité l’emporta sur la raison. Tous les messages venaient de Frank. Elle en ouvrit un au hasard et lu avec attention.

‘Denise

Bonjour mon amour. Je n’ai pas beaucoup de temps devant moi mais je tenais à t’écrire. Tu me manques à un point que tu n’imagines même pas. J’aimerai tant pouvoir te serrer dans mes bras, caresser ta peau, embrasser tes lèvres et sentir l’odeur de tes cheveux.

Je ne sais toujours pas pour quand est prévu mon retour. Tout est poussière et brûlure ici. Nous avons perdus trois hommes hier. J’ai dû annoncer leur décès à leurs familles. J’en ai horreur, je ne savais même pas par où commencer. Si tu savais ils étaient jeunes, beaucoup trop jeunes.

Je me répète mais je pense à toi sans cesse. Je regarde ta photo souvent, tu te souviens celle que tu ne supportes pas, celle où tu portes la robe bleue ?! Je suis sûr que tu sais de laquelle je parle ! Moi je l’aime beaucoup !!

J’aimerai tant entendre le son de ta voix. Tu vas trouver ça idiot mais il m’arrive de m’imaginer que le souffle chaud du vent du désert est une de tes caresses….

Je dois y aller. Ne t’inquiète pas je pars sur le terrain mais ce ne sont que des exercices. Il ne m’arrivera rien, le plus merveilleux des anges veille sur moi. Je t’enverrai un mail à mon retour pour te rassurer.

Je t’aime mon Ange…Je t’embrasse

Frank.’

La jeune femme en avait les larmes aux yeux. Denise avait un époux qui l’aimait de tout son cœur. Elle avait sentit à travers ces lignes tout l’amour qu’il éprouvait pour elle, à quel point elle lui manquait et à quel point elle était importante pour lui.

-Maman.

Elle se tourna vers la fillette qui se trouvait à coté d’elle.

-Tu es triste ?

-Oui un peu mais ça va passer.

-Pourquoi tu es triste maman ?

Elle caressa son front, lui enlevant quelques mèches brunes.

-Tu es la personne qui compte le plus mon cœur. Sache que je t’aimerai toujours, quoiqu’il arrive.

-Mais qu’est ce qu’il va arriver ?

-Rien ma puce, seulement je voulais que tu saches que ta maman t’aimera toujours.

-C’est pour ça que tu pleures ?

-Je pleure parce que j’ai vu à quel point Frank aime Denise.

-Je comprends pas !

-Tu sais Denise à un garçon et Frank est le papa de ce garçon.

-Oui.

-Leur enfant est grand mais son papa et sa maman s’aiment encore très très fort.

-Et mon papa lui il nous aime plus.

-Non mon cœur, ton papa….

Lily ne put finir sa phrase, baissant les yeux devant le regard de sa fille.

-Denise m’a dit que si un jour un monsieur t’aime très fort et que tu l’aime aussi très fort, il deviendra peut être mon papa, c’est vrai ?

-Oui, ça peut arriver.

-Alors tu verras maman, un monsieur deviendra mon papa et il va nous aimer aussi fort que l’amoureux de Denise l’aime et qu’il aime son garçon.

Lily sourit timidement. Elle regarda l’heure, l’après midi était passée à une vitesse inouïe.

-Eh ma puce, ça te dit de regarder les dessins animés pendant que je prépare le repas pour notre amie ?

-Oui !

Elle se leva et alluma la télévision. Une fois la fillette installée, elle regagna la cuisine et l’observa de loin un instant. Elle avait besoin de penser à autre chose. Elle fouilla dans les placards et chercha des provisions et des idées de repas. Une fois le menu établi elle se mit au travail en musique. Elle connaissait cette chanson sur les bouts des doigts. La jeune femme ne pu s’empêcher de chanter doucement.

I will remember you
Will you remember me?
Don t let your life pass you by
Weep not for the memories

but I will remember you
will you remember me?
don't let your life pass you by
weep not for the memories

 

I will remember you
will you remember me?
don't let your life pass you by
weep not for the memories

 

Denise entra sans faire de bruit. Son remplacement était terminé et elle avait enfin pu rentrer chez elle. Elle avait hâte de regagner sa maison où l’attendait ses deux amies et un bon repas. En approchant de la porte d’entré elle avait entendu la musique et l’avait ainsi poussée délicatement.

Remember the good times that we had?
I let them slip away from us when things got bad
how clearly I first saw you smilin' in the sun
wanna feel your warmth upon me, I wanna be the one

Elle observa la jeune femme avec le sourire. Celle-ci ne l’avait pas vu venir. Elle continuait de chanter d’une douce et agréable voix et Denise appréciait l’écouter.

-Denise!

Katy lui courra dans les bras. La jeune femme mit son index devant sa bouche en signe qu’elle ne pouvait pas lui parler.

-Maman chante ?

Elle acquiesça en souriant et prit la fillette dans les bras.


I'm so tired but I can't sleep
standin' on the edge of something much too deep
it's funny how we feel so much but we cannot say a word
we are screaming inside, but we can't be heard

Elles regardaient Lily qui leur tournait le dos. Denise écoutait avec attention les paroles que prononçait la jeune femme. Ces paroles lui touchaient droit au cœur. La manière dont Lily chantait lui prouva que c’était aussi son cas. Elle ne la quitta pas des yeux, sentant les larmes faire leur apparition.

Comment pouvait-elle oublier tout ça? Elle ne le pourrait jamais, jamais c’est impossible…

I'm so afraid to love you, but more afraid to lose
clinging to a past that doesn't let me choose
once there was a darkness, deep and endless night
you gave me everything you had, oh you gave me light
 

Lily et Katy lui avait apporté cette lumière après le départ de son mari. Sans trop savoir pourquoi elle s’était rapidement attachée à elles. Elle en avait parlé de nombreuses fois avec Claudia Joy et celle-ci était du même avis. Lily était une jeune femme avec lourd passé mais qui restait néanmoins droite et fière et d’une extrême gentillesse. Elle apportait la joie et la bonne humeur dans la vie des gens qu’elle rencontrait.

 

And I will remember you
will you remember me?
don't let your life pass you by
weep not for the memories

( I Will Remember You- Sarah MCLachlan)

Denise déposa Katy sur le sol. La chanson se terminait doucement. Lily chantonna encore quelques instants. Lorsqu’elle entendit la voix du présentateur, Denise décida de faire connaître sa présence.

 

-Bonsoir.

Lily fit volte face, étonné de voir qui se trouvait une personne de plus dans la pièce.

-De…Denise vous êtes déjà rentrée je…

-Vous chantez très bien.

La jeune femme rougit et baissa la radio.

-C’est vrai je vous assure vous avez une voix vraiment magnifique.

-Merci. J’ai fais le dîner ça vous dit ?

-Oui, avec joie. Je vais prendre une douche et me changer et j’arrive.

-Ok.

Pendant que Denise prit sa douche, Lily prépara la table pour trois. C’est à l’instant où elle servit le repas dans les assiettes que Denise revint changée. Elle jeta un coup d’œil au PC et rejoignit Katy.

-Allez on va se laver les mains demoiselle.

Toutes deux se dirigèrent vers l’évier. Lily eu un violent vertige. Elle tenta de le cacher faisant tout son possible pour que Denise ne remarque rien, mais la douleur était trop forte, elle chancela et elle la rattrapa par le bras. Elle vit l’inquiétude naître dans ses doux yeux noisette.

-Qu’est ce qu’il vous arrive ? Murmura Denise.

-Rien laissez.

-Je m’inquiète pour vous.

-Tu as encore mal maman ?

-Non Katy ça va.

-Qu’est ce qu’elle veut dire ? Vous avez souvent des douleurs ?

-J’apprécie ce que vous faites Denise mais s’il vous plait ne vous mêler pas de ça.

-Mais…

-S’il vous plait, je ne veux pas en parler.

-Je n’aime vraiment pas ça Lily.

Celle-ci ne répondit pas et elles passèrent à table dans le silence. Denise remarqua que la jeune femme était plus distante qu’à l’habitude. Elles ne se parlaient pas. Lily fuyait le regard de son amie, elle se concentrait sur la table et ses mains. Elle tentait de capter son regard tant bien que mal mais la jeune femme s’était refermée sur elle-même. Elle ne savait pas ce qu’il s’était passé et pourquoi elle agissait de cette manière brusquement. Elles avaient été plus proches que jamais et à présent elles s’éloignaient doucement.

Le dîner se passa dans un silence quasi-total.

-Je vais faire la vaisselle avant de partir, dit Lily en se levant.

-Non laissez je vais le faire.

Elles débarrassèrent. Denise estima qu’il était tant. Elle voulait des explications. Elle prit la main de Lily et leva les yeux vers elle.

-Votre main est glacée.

-J’ai un peu froid.

-Vous tremblez Lily.

Elle prit sa main dans les siennes et la regarda un moment.

-Je…je devrai y aller.

-Parlez moi.

-Je…je ne peux pas, murmura-t-elle en retirant sa main.

-Pourquoi ?

-C’est…trop dur. Vous en avez assez fait pour moi Denise et je vous en remercie mais à présent nous devons partir.

Elle se tourna vers Katy et la prit par la main.

-On doit y aller ma puce.

-On ne reste pas avec Denise ?

-Non, pas aujourd’hui.

-Pourquoi ?

-Parce que je l’ai décidé Katy ! Maintenant tu prends tes affaires, tu dis au revoir à Denise et nous partons.

Son ton s’était durcit. Denise ne l’avait jamais entendue parler comme ça avec la fillette. Katy se lova dans ses bras quelques secondes. Elle lui déposa un doux baiser sur la joue et rejoignit sa mère qui leur tournait le dos. Lily la regarda une dernière fois, ses yeux étaient tristes.

-Au revoir Denise, merci pour tout.

-Au revoir Lily, murmura-t-elle lorsqu’elles quittèrent la pièce.

 

 

Une semaine plus tard.

Denise n’avait plus eu de nouvelle de Lily et de Katy depuis maintenant une semaine. Elle avait fait part de son inquiétude à Claudia Joy qui, elle non plus, n’avait eu de signes de vie de la jeune femme. Elle avait l’intention de passer au motel pour voir si tout allait bien mais il y avait beaucoup de travail à l’hôpital et elle ne comptait plus les heures de garde qu’elle devait faire chaque jour. Quelque chose avait changé chez la jeune femme ce qui l’inquiétait davantage.

Elle rentrait une nouvelle fois tard. Elle se gara devant la maison et sortit de la voiture. Denise se figea sur place. Un jeune homme se trouvait assit devant la porte d’entrée contre le mur en briques.

-Jeremy ?

Celui-ci se leva et Denise le prit dans ses bras.

-Maman.

Elle n’en revenait pas. Son fils était là. Son petit garçon était dans ses bras. Des larmes de joie coulèrent sur ses joues. Ils restèrent un moment enlacés puis Denise se sépara doucement de lui. Elle lui caressa tendrement la joue et lui accorda un timide sourire.

-Viens, rentrons.

Elle lui prit la main et tout deux entrèrent dans la maison. Elle le lâcha enfin lorsqu’ils furent dans le salon.

-Tu as faim ?

-Oui un peu.

-Un sandwich au Bacon avec de la mayonnaise et une demi tomate ? Dit-elle en souriant.

-Oui ça m’ira très bien.

Elle s’afféra à la cuisine et Jeremy prit place à table. Il regardait ses mains, ne sachant par où commencer. Il se décida enfin lorsque sa mère lui apporta son repas.

-Papa est repartit ?

-Oui, elle s’assit en face de lui, depuis plusieurs mois déjà.

-Il…il va bien ?

-Il est sain et sauf si c’est ta question. Mais il a le mal du pays.

Il ne répondit pas et mordit à pleine bouche dans son sandwich. Denise ne le quittait pas des yeux. Elle était heureuse de le voir assit à sa table. Il semblait être en forme.

Après quelques minutes à nouveau passées dans le silence, il prit la parole.

-Maman je suis venu parce que, j’ai terminé mon entraînement.

Il baissa les yeux devant cet aveu. Elle savait autant que lui ce que ça voulait dire et son cœur se serra dans sa poitrine.

-Quoi ? C’est impossible tu…

-La période est raccourcie, ils ont besoin de monde là-bas.

-Jeremy, murmura-t-elle, quand ?

-Je pars la semaine prochaine.

Elle avala difficilement la salive qui s’était formée dans sa bouche. Les larmes envahirent à nouveau son visage et c’est avec difficulté qu’elle articula.

-Tu seras basé où ?

-A Bassora.

-Bassora ?

Denise se leva d’un bond.

-Maman…

Jeremy se dirigea doucement vers elle. Il la prit dans ses bras et elle continua de sangloter contre lui.

-Reviens Jeremy, reviens vivant je t’en prie, ton père est aussi là-bas et je veux que vous rentriez tout les deux tu m’entends ?

-Je te le promets, murmura le jeune homme.

Après de longues minutes dans cette position ils se séparèrent. Jeremy regagna sa chambre. Il resterait avec sa mère quelques jours avant son départ pour l’Irak.

Denise ne dormit pas cette nuit la. Le monde s’était écroulé autour d’elle. Son fils allait partir pour le combat. Elle se sentait seule comme jamais. Ses yeux se posèrent sur l’ours blanc qu’avait laissé Katy bien des semaines plus tôt. Elle le prit contre elle et y enfouit son visage ravagé par les larmes.

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